Recensions

Emmanuelle Tourme-Jouannet, Le droit international, le capitalisme et la terre : histoire des accaparements de terres d’hier à aujourd’hui, Paris, Bruylant, 2021[Notice]

  • Julien-Manuel Després

Étudiant au baccalauréat en relations internationales et droit international à l’UQAM, collaborateur à la Revue québécoise de droit international et chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale et les droits fondamentaux.

Le droit international est avant tout, selon Carl Schmitt, « un ordre juridique spatial concret » qui a pris forme par « la prise de terres ». En effet, avant même sa relation avec la guerre, la paix ou le commerce, l’appropriation des terres a été à l’origine du système juridique interétatique européen. Toutefois, accepter la définition du droit international relatif à la terre, signifierait être « complices de la légitimation de la colonisation des terres non européenne et aujourd’hui de toutes les terres de la planète par les acteurs privés ». Il adviendrait alors, selon Joan W Scott, de repenser la construction juridico-historique de ce droit fait « d’une série de possibilités dont certaines se sont concrétisées par l’élimination des autres ». L’ouvrage Le droit international, le capitalisme et la terre : histoire des accaparements de terres d’hier à aujourd’hui a pour objet d’étude les liens historiques qui se sont tissés et scellés « entre le droit international et le capitalisme à travers le statut conféré à la terre ». Il s’agit d’une monographie de la juriste et philosophe Emmanuelle Tourme-Jouannet, actuellement professeure de droit international à l’École de droit de Sciences Po Paris. Autrice de nombreux ouvrages portant notamment sur l’analyse critique du rapport entre l’économie et le droit international, elle est également membre depuis 2010 de l’Academic Council du Harvard Institute for Global Law and Policy et de l’Institute for International Law and the Humanities de la Melbourne Law School. Cet ouvrage a comme objectif de revenir sur l’histoire du capitalisme, dans le but d’offrir une meilleure compréhension du rôle historique du droit international. À travers une approche critique inspirée de Joan W Scott, l’autrice montre que d’hier à aujourd’hui, le droit international a été utilisé par les États et les acteurs économiques dominants comme un « instrument indispensable de l’existence, de la viabilité et de la durabilité » des diverses formes d’accaparement et d’exploitation des terres. Rejetant l’approche positiviste tant au niveau juridique, historique que sociologique, l’autrice oppose les grands récits dominants du droit international européen relatifs à la terre aux pratiques et croyances des peuples non-occidentaux. Face à ce constat, elle divise son argumentaire en trois chapitres pour illustrer de quelle façon le droit international, à travers l’histoire, s’est « noué » à la terre et l’économie capitaliste sous différentes formes. Le premier chapitre aborde les origines et les fondements conceptuels de la pensée juridique européenne relatifs à l’appropriation des terres sous la conduite du droit des gens modernes. Le deuxième chapitre correspond à l’époque de la plus importante période d’expansion coloniale européenne des terres au XIXe siècle au moyen du droit international des « Nations civilisées ». Finalement, le troisième chapitre traite du marché mondial des terres caractérisé par le développement du droit international de la société globale. Le premier chapitre intitulé « Origines conceptuelles du discours juridique européen sur l’appropriation et l’exploitation de la terre » permet à l’autrice d’aborder la naissance du droit des gens modernes au XVIIIe siècle en Europe, à titre de première formulation du droit des États souverains en plus de se pencher sur la théorie argumentée de la relation entre l’être humain et la terre. Pour ce faire, elle revient brièvement sur le contexte historique européen au XVIIIe siècle. Elle montre que les famines européennes liées à l’augmentation rapide de la population du vieux continent ainsi que le « tournant économique » des Lumières conduit à voir la puissance de l’État non plus uniquement comme militaire mais aussi économique et commerciale. Elle soutient que ces profonds changements en Europe au XVIII …

Parties annexes