En 1950, le juriste autrichien Josef Kunz publie un article dans le American Journal of International Law intitulé en partie « The Swing of the Pendulum », où il parle de l’optimisme idéaliste quant au droit international dans la période de l’entre-deux-guerres, suivi par un basculement du pendule métaphorique vers un pessimisme extrême à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dzovinar Kévonian, historienne française d’origine arménienne et autrice de Réfugiés et diplomatie humanitaire : Les acteurs européens et la scène proche-orientale pendant l’entre-deux-guerres, reprend essentiellement dans La danse du pendule: les juristes et l’internationalisation des droits de l’homme, 1920-1939 (La danse du pendule) cette métaphore et tente de comprendre l’internationalisation des droits humains pendant l’entre-deux-guerres en vue particulièrement des questions de migrations forcées, d’apatridie et de protection des minorités à l’échelle internationale. Bon nombre de travaux dans la littérature abordent la question de l’internationalisation des droits de l’homme, mais avec plus d’attention accordée à la période entourant l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) en 1948. Par exemple, un article de Mark Mazower publié en 2004 intitulé The Strange Triumph of Human Rights, 1933-1950 dont se nourrit la réflexion de Kévonian, aborde plus directement la question des droits de l’homme internationaux, mais avec un regard posé sur le consentement surprenant de la communauté internationale à un régime protecteur des droits humains à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’inclusion de tels articles dans la bibliographie de La danse du pendule, accompagnés par des travaux sur l’histoire du droit international, sur l’impérialisme libéral européen, sur le rôle des différentes organisations juridiques de l’époque, ainsi que des biographies de grands juristes et diplomates, fait état néanmoins d’un grand travail d’intégration d’analyses diverses. Cela dit, la méthodologie de Kévonian ne se limite pas à faire une synthèse des autres auteurs. En effet, La danse du pendule puise dans une diversité de sources primaires, dont les archives de la Société des Nations (SDN), celles de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, celles de l’Institut de droit international (IDI), ainsi que des correspondances de l’époque. Ces documents sont ensuite mobilisés à travers le livre pour l’élaboration de tableaux de données illustrant, entre autres, le déroulement séquentiel de l’histoire et les caractéristiques des institutions juridiques. La démarche de Kévonian consiste à engager le particulier aussi bien que le général, les parcours individuels et la culture juridique organisationnelle, les correspondances personnelles et le portrait global socioculturel des différentes organisations, et ainsi de suite. Bien que La danse du pendule s’inscrive dans une nouvelle génération d’historiographie plus syncrétique dans son intégration d’approches théoriques diverses comme le réalisme et les études critiques, elle se démarque à travers son approche dite multiscalaire, associant des espaces sociaux, par exemple l’IDI et la SDN, et des espaces spatiaux, dont New York et Genève. En combinant cette approche multidimensionnelle avec l’analyse des hommes, des idées et des institutions, Kévonian présente, en ses propres mots, une « histoire sociale globale » des discours abordant la question de l’internationalisation des droits de l’homme durant l’entre-deux-guerres. L’ouvrage, divisé en sept chapitres, est introduit avec une sociographie de l’Institut de droit international. Cette association juridique, créée en 1873, devient l’espace social où prend forme la Déclaration des droits internationaux de l’homme de 1929 (Déclaration de 1929), un des antécédents à la fameuse Déclarationuniverselle de 1948. Dans ce premier chapitre, Kévonian mobilise particulièrement les Annuaires de l’IDI à travers des tableaux de données afin d’illustrer le membre typique de l’IDI en 1929. Le juriste idéal serait donc une personne manifestant la civilité, la …
Dzovinar Kévonian, La danse du pendule : les juristes et l’internationalisation des droits de l’homme, 1920-1939, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021[Notice]
Étudiant en maîtrise en droit international et politique internationale à l’Université du Québec à Montréal.