Recensions

Ivan Tchotourian et Alexis Langenfeld, Forum non conveniens : Une impasse pour la responsabilité sociale des entreprises ?, Laval, Presses de l’Université Laval, 2020[Notice]

  • Valérie Sordzi

Étudiante au baccalauréat en relations internationales et en droit international, Université du Québec à Montréal.

La multiplication de violations des droits de la personne commises dans les pays en voie de développement est imputable, notamment, à l’augmentation du nombre d’entreprises multinationales. Celles-ci, n’étant point dotées d’une personnalité juridique reconnue, disposent d’une flexibilité leur permettant d’échapper à toute mise en cause de leur responsabilité. Ayant émergé en Écosse entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, le forum non conveniens est une doctrine provenant de pays de la common law par laquelle la cour peut renvoyer des affaires devant une cour plus appropriée pour les statuer, lorsqu’elle est en désaccord avec le choix de juridiction du demandeur. De ce fondement découle le forum shopping, enjeu selon lequel sont mobilisées les juridictions les plus favorables à l’accomplissement de ses projets respectifs. Les auteurs Ivan Tchotourian, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, et Alexis Langenfeld, chercheur en responsabilité sociale des entreprises, proposent dans leur livre intitulé « Forum non conveniens : Une impasse pour la responsabilité des entreprises ? », une mise de l’avant des concepts fondamentaux en lien avec l’impunité des entreprises au sein de la dynamique actuelle de la mondialisation. Sur le plan méthodologique, les juristes proposent une analyse jurisprudentielle du forum non conveniens au sein des pays issus de la common law, pour démontrer les failles interprétatives et législatives associées à cette doctrine. Pour ce faire, les auteurs ont séparé l’ouvrage en trois titres subdivisés en deux chapitres. Le premier titre, intitulé « État des lieux de la responsabilité des entreprises », aborde d’une part la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et, d’autre part, la judiciarisation. On y comprend que la marge de manoeuvre que détiennent les entreprises multinationales se trouve dans l’angle mort du droit et de ses interprétations utopiques. L’impunité des grandes entreprises, due au manque d’empressement de l’État à adopter les moyens de responsabiliser les multinationales, engendre un nombre considérable d’abus. D’autre part, les auteurs comparent les évolutions récentes des droits états-uniens, anglais, français et canadien. La situation états-unienne remet en cause la responsabilisation des entreprises, mais on comprend que les possibilités d’introduire des poursuites extraterritoriales en matière des droits de la personne sont restreintes, par des limitations liées à la compétence matérielle et à la compétence personnelle. La France adopte, dès 2019, la Loi sur le devoir de vigilance pour faire peser un devoir de vigilance sur ses entreprises. L’application de celui-ci, dans l’affaire Chandler c Cape, en Angleterre, demeure actuellement la seule décision à avoir engendré la condamnation définitive d’une entreprise multinationale par défaut du respect du devoir de vigilance, ayant mené à une faute de négligence. Le Canada fait l’effort de revoir les poursuites effectuées contre ses entreprises en matière de violation des droits à l’étranger, mais de manière à ne pas trop préjudicier son image en matière de RSE. Le second titre, intitulé « Brève histoire et régime juridique de la doctrine du forum non conveniens », illustre d’abord la doctrine du forum non conveniens dans les pays de common law. Tchotourian et Langenfeld expriment les démarches menées pour améliorer le concept, dont le test en deux étapes du more appropriate forum et le développement d’un contentieux international cherchant à responsabiliser les entreprises anglaises. L’application de la doctrine sous ses formes diverses à l’époque découlait de motifs variés, qui ne sont désormais plus d’actualité. D’autre part, le régime québécois du forum non conveniens est étudié sous l’optique du contenu de la réforme du Code civil du Québec de 1994. Effectivement, le législateur québécois introduit cette doctrine dans son droit international privé. Bien que le terme ne soit pas explicité dans le …

Parties annexes