Introduction[Notice]

  • Richard Ouellet et
  • Stéphane Paquin

Directeurs du numéro.

La rénovation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et son remplacement par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) sont inusités à plusieurs égards. D’abord, cette renégociation était plus ou moins inattendue. En fait, mises à part quelques opinions de chercheurs et une phrase maladroite prononcée sous l’administration Obama, la renégociation de l’ALÉNA n’avait jamais été sérieusement envisagée avant l’arrivée aux affaires du Président Trump. Certes, l’ALÉNA avait besoin d’un coup de pinceau, certains de ces chapitres reflétaient mal l’état des marchés nord-américains, particulièrement dans les secteurs des services, du commerce électronique, des marchés publics et du commerce de certaines marchandises reliées aux ressources naturelles. Mais les Trois Amigos ne souhaitaient pas remettre en question les termes d’un accord de libre-échange qui servaient bien leurs intérêts. C’est la menace du Président Trump de retirer son pays de l’ALÉNA s’il n’était pas révisé qui aura convaincu le Canada et le Mexique d’amorcer la renégociation. La dépendance économique et commerciale de chacun de ces pays à l’égard du marché américain est immense. Chaque année, entre 70 % et 75 % des exportations mexicaines et canadiennes se destinent aux États-Unis. Pour ces deux pays, le risque de ne plus avoir un accès sûr et prévisible au marché américain était intenable. Ainsi, sous les pressions du président des États-Unis et de son Représentant au commerce, la renégociation de l’ALÉNA s’est amorcée le 17 août 2017. Les négociations qui ont mené à l’ACÉUM sont aussi remarquables par leur brièveté et leur intensité. Avant la fin de septembre 2017, trois cycles de négociation dans chacune des trois capitales nationales sont déjà tenus. Quatre autres cycles se tiennent sur les chapeaux de roue entre octobre 2017 et mars 2018. À partir de l’été 2018, le Canada se tient en retrait des négociations pour laisser le Mexique et les États-Unis discuter entre eux de leur contentieux bilatéral touchant notamment le secteur automobile. Le 27 août 2018, les présidents mexicain et étasunien annoncent en être arrivés à un accord bilatéral couvrant tous les thèmes à l’ordre du jour des négociations. Le choc au Canada est considérable. D’autant plus que les délais sont extraordinairement courts. Il faut en arriver à un accord de principe avant le 30 septembre pour déposer le texte convenu au Congrès des États-Unis et pour s’assurer que le président mexicain sortant dont le mandat se termine le 1er décembre puisse le signer alors qu’il est en poste. Le rythme des négociations entre le Canada et les États-Unis atteint une intensité rarement vue. Pendant cinq semaines, de multiples séances de négociations se tiennent au plus haut niveau politique à Washington. Le 30 septembre, une entente est annoncée. Le 30 novembre 2018, dans le cadre d’une réunion du G20 à Buenos Aires, le Canada, le Mexique et les États-Unis procèdent à une séance de signature de l’accord convenu. En 13 mois, on a entièrement réécrit ce qui avait été le plus important accord commercial régional des années 1990. Mais c’était compter sans la Chambre des Représentants du Congrès américain qui exigera des modifications à l’accord avant de l’approuver. Un costaud Protocole d’amendement - ajoutant entre autres des dispositions sur la propriété intellectuelle, la protection de l’environnement, les droits des travailleurs et les règles d’origine - est signé le 10 décembre 2019. Après les procédures de ratification propres à chaque Partie à l’accord, l’ACÉUM entre en vigueur le 1er juillet 2020, après moins de 3 ans de négociation. Si l’existence même des négociations de l’ACÉUM et leur rythme ont pu étonner, le ton et le niveau de tension …

Parties annexes