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La soumission de la présente contribution est en quelque sorte un jeu de miroirs et un passage de flambeau. En 2000, en tant qu’étudiante à la maîtrise, je faisais en effet partie de la petite équipe de l’UQÀM qui livrait le numéro spécial 13.1 de la Revue québécoise de droit international (RQDI)[1] consacré à la célébration du cinquantième anniversaire de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention)[2] sous la direction du professeur Olivier Delas. Vingt ans plus tard, je suis heureuse de contribuer comme professeure cette fois, mais en équipe toujours – avec l’un des étudiant-e-s que je supervise au doctorat à l’Université Laval –, au numéro spécial de cette même revue consacré au soixante-dixième anniversaire de cette même Convention, sous la houlette du même professeur, devenu depuis collègue et ami. Cette contribution à la RQDI en 2000, en tant qu’assistante de recherche[3] et auteure d’une recension[4], déboucherait un an plus tard sur la rédaction d’un mémoire de fin d’études consacré au droit international humanitaire (DIH) dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[5] (Cour) – clin d’oeil au passage à Laurence Burgorgue-Larsen qui en fut la directrice et qui signe une contribution dans le présent volume. L’intérêt pour cette relation entre la Cour et un corpus juridique à l’époque encore réservé à une certaine clique était né. Il s’agissait donc du point de départ d’une réflexion continue, entretenue au fil des années passées aux côtés de Marco Sassòli, à Genève mais après son passage à l’UQÀM, lui-même auteur d’une contribution portant sur le même thème[6]. Réflexion qui aboutirait vingt plus tard à l’obtention d’une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada relative à l’application extraterritoriale des droits humains en contexte d’opérations militaires extérieures[7], au coeur de laquelle se trouve le développement de 20 ans de jurisprudence de la Cour en matière de conflits armés, et qui associe Thomas Roos dont la thèse s’inscrit dans cette thématique[8]. Tout est dans tout en somme et coécrire la présente contribution fait oeuvre cathartique : elle permet à l’une de lâcher prise sur le sujet et à l’autre de prendre son envol en se l’appropriant définitivement.

À priori, rien ne prédestinait la Cour à faire application du DIH. Il n’était pas attendu qu’elle s’érige en juge de la bonne application d’obligations ne figurant pas dans le texte de la Convention dont elle est l’organe de contrôle. Et ce, d’autant moins sans doute, que le territoire européen ne devait plus voir resurgir de guerres puisque c’était là l’un des fondements de ce texte[9]. De surcroît, concomitamment à l’élaboration de textes régionaux et universels destinés à protéger les individus contre l’arbitraire des États dont ils relevaient de la juridiction, l’édifice d’un droit tout entier consacré à la protection des personnes affectées par les conflits armés voyait poser sa pierre angulaire avec l’adoption des quatre Conventions de Genève de 1949[10]. Si les domaines du DIH et du droit international des droits humains (DIDH) sont proches, et si ces deux corpus juridiques partagent une finalité commune, à savoir la protection de la personne humaine[11], ils se sont construits de façon indépendante et ont été conçus pour s’appliquer dans des situations bien différentes : à l’un la paix, à l’autre la guerre, existe-t-il plus opposable que ces deux notions? L'objectif du DIH est de limiter la souffrance inhérente aux conflits armés et de protéger celles et ceux qui ne participent pas ou plus aux hostilités, tout en cherchant constamment l’équilibre entre les nécessités militaires et les considérations d’humanité.

Or, un certain nombre d’éléments viendraient contrarier l’évidence post-Seconde guerre mondiale selon laquelle l’Europe ne devrait plus connaître de conflits. Des États membres du Conseil de l’Europe verraient tout d’abord naître des conflits à l’intérieur de leurs frontières, puis certains s’engageraient dans des opérations militaires en dehors du territoire du Conseil de l’Europe, pendant que le DIH échouerait à mettre sur pieds un organe de contrôle qui lui soit propre. Cette réalité amènerait la Cour à se pencher à de nombreuses occasions sur des violations alléguées de la Convention se produisant dans le cadre de conflits armés[12]. Cela constitue en soi un intérêt à se pencher sur l’appréhension qu’elle a donc été amenée à faire du DIH. S’y ajoute le fait qu’une ambiguïté demeure sur la manière de régler les conflits de normes lorsque sont applicables simultanément et parfois de manière contradictoire deux règles émanant chacune d’une branche distincte : DIH ou DIDH[13]. Dès lors, étudier la jurisprudence relative aux conflits armés de la plus ancienne et de la plus fertile des juridictions de droits humains ne peut être que source d’enseignements sur les interactions entre ces deux régimes.

La célébration des anniversaires est l’occasion de regarder le chemin parcouru. C’est ce que propose cette contribution qui retrace l’évolution de l’appréhension par la Cour de la protection des individus et des biens dans les conflits armés. Ce faisant c’est un regard – critique – provenant de la perspective du DIH qui est posé à travers les lignes qui suivent, et non une analyse depuis la perspective des droits humains. À l’heure où le DIH est toujours dépourvu de mécanisme de mise en oeuvre qui lui soit propre, cette précision est importante. Il ne s’agit pas en effet d’examiner in abstracto la manière dont la Cour se saisit, ou pas, du DIH à l’occasion des litiges qui lui sont soumis. Il s’agit de mettre en évidence ce qui l’a conduite à intégrer le DIH à son analyse, quelle a été l’évolution de cette intégration et quelle conséquence celle-ci produit dans le champ du DIH.

I. L’application implicite du droit international humanitaire dans les conflits armés surgissant à l’intérieur des frontières d’un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme

Par « application implicite », on entend ici les affaires dans lesquelles la Cour, confrontée à une situation de violence qui se qualifie de conflit armé au terme du DIH, développe un raisonnement qui s’apparente à un raisonnement de DIH, mais sans jamais nommer ce corpus juridique. Ces affaires ont concerné la Turquie d’abord, en raison de la situation relative aux Kurdes qui prévalait au sud-est de son territoire[14], et la Russie ensuite dans le cadre de la seconde guerre de Tchétchénie dans les années 2000[15].

A. Les affaires relatives à la Turquie

Parmi ces affaires dans lesquelles il est possible de trouver une forme d’application implicite du DIH figurent notamment les affaires Güleç[16], Ergi[17] ou encore Özkan[18]. La Cour a explicitement reconnu l’existence d’un conflit armé dans les régions turques dans lesquelles se situaient les faits de ces affaires[19], et la Commission avant elle, pour mener à bien son raisonnement au titre de l’article 2 de la Convention relatif au droit à la vie dans l’affaire Güleç, avait considéré que les armes employées étaient des « armes de guerre »[20]. Dans l’affaire Ergi, la Cour livre quant à elle une analyse qui emprunte très clairement au DIH, puisqu’elle mentionne sans les nommer les principes cardinaux de la conduite des hostilités[21]. Elle considère notamment que « des précautions suffisantes n’ont pas été prises pour épargner la vie de la population civile »[22]. Or, en statuant sur des destructions de biens et sur des atteintes à la propriété en utilisant le vocabulaire de la conduite des hostilités[23], la Cour va plus loin que ce que le DIH aurait pu offrir[24]. Elle a en effet, par exemple, considéré que des destructions de maisons civiles étaient imputables à la Turquie, alors même qu’elle n’était pas en mesure d’établir si ces destructions étaient le résultat d’opérations délibérées des forces armées turques ou de dommages incidents[25]. En DIH, les forces armées turques n’auraient pu être condamnées que si elles n’avaient pas respecté le principe de distinction, c’est-à-dire si elles avaient délibérément visé des objets à caractère civil ou si, tout en respectant le principe de distinction, c’est-à-dire en visant bel et bien un objectif militaire à proximité, elles avaient mal évalué la proportionnalité ou n’avaient pas pris les mesures de précaution nécessaires[26]. Par ailleurs, au-delà de cette utilisation implicite, il est intéressant de relever au détour que la Cour a pu arriver à la conclusion que l’État pouvait être condamné en vertu du droit à la vie, même s’il n’était pas établi que les victimes avaient été visées par des tirs de ses agents, dès le moment où il était établi que l’État n’avait pas suffisamment appliqué les principes susmentionnés[27]. En d’autres termes, un État pourrait être tenu pour responsable de victimes causées non pas par ses propres agissements, mais par ceux d’un groupe armé agissant sur son territoire, en vertu d’un manquement à son obligation de protection des droits et libertés reconnus dans la Convention.

B. Les affaires relatives à la Tchétchénie

Les affaires tchétchènes ont également été l’occasion pour la Cour d’approcher le DIH de manière implicite. À titre d’exemple, dans l’affaire Issaïeva, Youssoupova et Bazaïeva[28], les requérants, appuyés par l’ONG Human Rights Watch, invoquaient des bombardements indiscriminés effectués par l’armée russe sur le territoire tchétchène. Ces bombardements ont été à l’origine de nombreuses victimes au sein d’un « couloir humanitaire[29] », comprenant des convois civils, et notamment des véhicules de la Croix-Rouge[30]. À l’appui de son analyse, la Cour jongle à nouveau avec les principes de nécessité et de proportionnalité. Elle examine en effet si l’usage de la force est proportionné au but légitime poursuivi par les forces armées considérant qu’il devait y avoir un juste équilibre entre le but poursuivi et les moyens déployés pour l’atteindre, voire « absolument nécessaires[31] » pour atteindre les buts déclarés. Malgré le langage employé, elle ne fait toutefois toujours pas mention du DIH de manière explicite. Jamais l’arrêt ne fait référence à l’existence d’un conflit armé, et c’est afin d’interpréter les dispositions pertinentes de la Convention que la Cour mobilise les principes de la conduite des hostilités en DIH sans les nommer. Elle considère en effet à propos des bombardements qu’il existe une « nécessité de faire preuve d’une prudence extrême concernant le recours à la force meurtrière[32] » ou encore que « les autorités doivent prendre toutes les précautions utiles pour réduire au minimum les risques d’atteinte à la vie »[33]. Cela fait sensiblement écho à la formulation du principe de précaution selon lequel les parties au conflit doivent constamment veiller à « épargner la population civile, les personnes civiles, et les biens de caractère civil », en prenant « toutes les précautions pratiquement possibles »[34]. La Cour en conclut que même s’il est possible d’admettre un but légitime aux tirs de missiles en cause, les précautions nécessaires pour épargner la vie des civils n’ont pas été prises dans le cadre de ces opérations[35]. L’article 2 de la Convention[36] est donc violé. En outre, la Cour opère une analyse plutôt détaillée du type d’armement utilisé, qu’elle met en lien avec la concentration de personnes civiles dans la zone et l’étendue du territoire visé, ce qui lui permet de déduire que « toute personne se trouvant sur cette route à ce moment était en danger de mort »[37]. Dans le cadre de ce raisonnement, elle utilise également l’expression « disproportion apparente des armes utilisées »[38]. Tout cela fait tout aussi sensiblement écho à un autre des principes cardinaux de la conduite des hostilités, à savoir le principe de proportionnalité qui s’exprime comme suit :

Il est interdit de lancer des attaques dont on peut attendre qu’elles causent incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu[39].

Ainsi, on peut considérer là encore que la Cour soit d’une certaine manière plus stricte que le DIH, puisque celui-ci exige uniquement dans l’évaluation de la proportionnalité que les pertes et dommages civils attendus ne soient pas excessifs par rapport à l’avantage concret et direct attendu[40]. Ici, la Cour ne contredit pas le DIH, mais en dépasse la portée[41]. En outre, la Cour semble opérer à cette occasion une certaine (con)fusion entre le jus in bello (le droit applicable dans les conflits armés) et le jus ad bellum (le droit au recours à la force), puisqu’elle fait appel indistinctement à ces deux corpus juridiques afin d’évaluer la nécessité de l’opération militaire, en parlant notamment d’« attaque menée par des groupes armés illégaux »[42] ou de « violence illégale »[43] pouvant justifier les attaques russes. À cet égard, l’emploi des mots « poursuite d’un but légitime »[44] dans son raisonnement est ambigu. Avec ces termes, la Cour semble mettre en balance le but général poursuivi par les opérations militaires en cause – ici, donc, lutter contre les « terroristes » – et l’évaluation de la force employée. Or, ce serait totalement contraire à la distinction très nette qui doit être opérée entre le jus ad bellum et le jus in bello. On ne peut pas, en DIH, mesurer l’usage de la force à la lumière de la légitimité du but poursuivi : la violence ne peut pas être plus intense ou plus cruelle parce que la cause poursuivie est plus juste[45].

Un raisonnement analogue a été repris en 2011 dans l’affaire Esmukhambetov et autres[46], qui concernait aussi des bombardements effectués par l’armée russe sur le territoire tchétchène et qui avaient provoqué la mort de civils, dont des enfants, ainsi que la destruction quasi totale de leur village[47]. En plus de se questionner sur la nécessité de mener cette attaque en remettant en cause la réalité de la présence sur place de « combattants illégaux » recherchés par l’armée russe[48], la Cour estime que la Russie n’a pas pris les précautions suffisantes pour épargner les vies civiles[49]. Elle considère également que l’utilisation de bombardements aériens était manifestement disproportionnée compte tenu du but poursuivi[50]. Elle en conclut donc à une attaque « indiscriminée », violant elle aussi l’article 2 de la Convention, toujours en l’absence de toute référence au DIH au cours de son raisonnement.

C. Le glissement de l’implicite vers l’explicite

Au travers deux affaires de 2009 et 2014 qui concernaient à nouveau la Turquie, mais dans un contexte différent, la Cour a saisi l’occasion de toucher du doigt le DIH de manière explicite. Dans l’affaire Varnava[51] d’abord, qui concernait des opérations militaires effectuées par la Turquie dans le Nord de Chypre, la Cour a procédé à une analyse du droit à la vie au détour de laquelle elle évoque le DIH en tant que corpus juridique. Elle considère en effet que

[l]’article 2 doit être interprété dans la mesure du possible à la lumière des principes du droit international, notamment des règles du DIH, qui jouent un rôle indispensable et universellement reconnu dans l’atténuation de la sauvagerie et de l’inhumanité des conflits armés[52].

En l’occurrence, cette référence au DIH permet à la Cour d’étoffer les obligations découlant du respect du droit à la vie dans le cadre de conflits armés internationaux (CAI), à savoir l’obligation continue de rechercher les personnes disparues, et d’informer leurs familles et leurs proches de leur sort[53]. Il s’agit ici de la première véritable incursion du DIH dans le raisonnement de la Cour[54]. Dans l’affaire Benzer et autres[55] ensuite, et bien qu’elle ne se soit toujours pas servie explicitement du DIH pour manier les principes de nécessité, de précaution, et de proportionnalité dans le cadre d’un bombardement indiscriminé à l’encontre d’un village civil, la Cour liste l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève au titre des dispositions de droit international pertinentes[56]. En outre, elle conclut que les bombardements étaient non seulement contraires à l’article 2 de la Convention, mais également aux règles coutumières de DIH, sans toutefois citer lesquelles précisément[57]. Par ailleurs, dans la version anglaise du document – la version française n’étant pas disponible –, la Cour estime que ces bombardements étaient « indeed » (en effet) contraires aux règles de DIH coutumier. L’utilisation de l’adverbe « indeed », qui est censé précéder un raisonnement, laisse supposer que ces règles sont rentrées dans les débats à un moment ou à un autre du jugement, sans qu’une trace de leur mention n’ait ensuite été laissée dans la version écrite de l’arrêt. Il est par ailleurs étrange que ce soit l’article 3 commun aux Conventions de Genève qui soit cité dans les dispositions de droit international pertinentes, mais que la Cour fasse ensuite uniquement référence dans son développement aux règles de DIH coutumier, lesquelles – contrairement à l’article 3 commun – couvrent effectivement les règles relatives à la conduite des hostilités.

Une mention plus précise du DIH coutumier a été effectuée dans l’affaire Sargsyan c. Azerbaïdjan, dans laquelle la Cour examine la règle 132 de DIH coutumier[58] afin d’éclairer l’article 8 de la Convention en ce qui concerne son volet relatif au droit au respect de son domicile[59]. Si la Cour conclut que cette règle de DIH coutumier n’offre pas en l’espèce les précisions recherchées[60], cela témoigne tout du moins de sa connaissance du DIH coutumier qui pourrait même apporter une « réponse concluante »[61], lorsque les faits qui lui sont soumis se situent, comme c’était le cas dans cette affaire, dans le cadre d’un conflit armé.

Ces références au DIH constituent en quelque sorte les prémisses d’une véritable application de certaines dispositions du DIH qui verra le jour dans le cadre des affaires relatives au conflit en Irak[62].

II. L’application explicite du droit international humanitaire dans les conflits armés opposant deux États dont l’un n’est pas partie à la Convention européenne des droits de l’homme

Aujourd’hui, alors que le DIH n’est plus réservé à quelques aficionados et que le système de la Convention est bien connu des ressortissants des États membres du Conseil de l’Europe – aidés en cela par une société civile active dans le domaine des droits humains et des conflits armés – et que cependant le DIH n’est toujours pas doté de son propre système international de mise en oeuvre, la Cour de Strasbourg représente une formidable opportunité de faire valoir leurs droits pour les victimes des conflits armés dans lesquels des États membres du Conseil de l’Europe sont impliqués. Les arrêts rendus dans le contexte du conflit irakien depuis 2003 en attestent. Le développement de la jurisprudence qui y est attachée va graduellement intégrer le DIH, sinon de façon totalement explicite, de manière beaucoup plus articulée que cela n’avait été le cas jusqu’à présent, pour aboutir enfin à une application directe dans l’affaire Hassan rendue en 2014[63].

A. L’intégration du droit international humanitaire dans le raisonnement de la Cour

Le 20 mars 2003, une coalition internationale d’États dont faisait partie le Royaume-Uni se déployait en Irak dans l’objectif de faire tomber le régime baasiste alors au pouvoir[64]. Le 1er mai suivant, le Royaume-Uni et les États-Unis devenaient des puissances occupantes au sens de l’article 42 du Règlement de La Haye de 1907[65]. De cette situation se déroulant loin des frontières du Conseil de l’Europe, la Cour s’est néanmoins trouvée saisie, ce qui l’a amené jusqu’à présent à procéder à une analyse du comportement des troupes britanniques (et occasionnellement néerlandaises) durant ce conflit[66]. La compétence de la Cour dans ces affaires repose sur le fait que les requérants relevaient de la juridiction des États parties à la Convention, car ils avaient été placés sous le contrôle ou l’autorité de leurs agents, ou s’étaient trouvés sur une portion de territoire sur laquelle ces États exerçaient un contrôle effectif[67]. Cet aspect ne sera pas discuté dans les lignes qui suivent. Il le sera dans une contribution spécifique qui analysera les conséquences de la portée extraterritoriale de la Convention dans le contexte d’opérations militaires extérieures. Afin de s’en tenir à la place qu’a occupé le DIH dans la jurisprudence de la Cour occasionnée par ces affaires, on peut souligner les éléments suivants. Dans l’affaire Al-Jedda[68], la Cour fait directement référence à la qualité de Puissance occupante du Royaume-Uni en Irak et à la possibilité qui en découle de procéder à des internements[69]. Elle cite explicitement l’article 43 du Règlement de La Haye relatif à l’exercice du droit de l’occupation, puis se livre à une interprétation de la quatrième Convention de Genève, mais l’écarte néanmoins en tant que base légale pour statuer[70]. Dans l’affaire Al-Skeini[71], elle se prononce sur l’obligation procédurale d’enquête qui incombe aux États en cas d’atteinte au droit à la vie et considère que si cette obligation ne pouvait cesser du fait de l’existence d’un conflit armé, les circonstances particulières de la guerre et la prise en compte de la sécurité des enquêteurs pouvaient cependant justifier des mesures d’enquêtes moins efficaces ou plus longues[72]. Cette affaire concernait le décès de six ressortissants irakiens, causé directement ou incidemment par des soldats britanniques chargés d’assurer la sécurité dans la ville de Bassorah, au Sud-Est de l’Irak[73]. Les six requérants ne s’étaient basés que sur l’obligation d’enquête découlant de l’article 2[74], obligation pour laquelle Cour a reconnu une violation à l’égard de cinq des six requérants[75], malgré une appréciation plus souple des faits liée au contexte de conflit armé. La Cour a adopté un raisonnement similaire dans l’affaire Jaloud, qui concernait également le décès d’un ressortissant irakien causé par des soldats néerlandais cette fois, chargés de gérer un poste de contrôle[76]. La Cour est allée plus loin dans la prise en compte du contexte dans lequel pouvait s’inscrire l’obligation d’enquête liée au droit à la vie, en mentionnant également la différence de langue, de culture et la présence d’hostilités armées sur le territoire sur lequel devait se baser l’enquête[77]. Là aussi, la Cour estime malgré cela que l’État défendeur avait violé l’obligation procédurale liée à l’article 2[78].

De cette prise en compte explicite du DIH dans son raisonnement, la Cour allait aboutir à l’application directe du DIH.

B. La consécration de l’application de la Convention à la lumière du droit international humanitaire

Le 16 septembre 2014 marque un tournant dans l’appréhension par la Cour du DIH, puisque, pour la toute première fois, elle est amenée à se prononcer sur des faits relatifs à un conflit armé, après que l’État défendeur ait expressément demandé que l’application d’une disposition de la Convention soit écartée au profit des règles de DIH, ou qu’elle soit interprétée à la lumière de celles-ci[79]. Il n’était donc plus question de s’inspirer de manière implicite du DIH dans son analyse, ou de l’évoquer à l’appui de son interprétation. La Cour se trouvait face à l’opportunité d’en appliquer directement les dispositions; opportunité qu’elle a saisie.

Dans cette affaire, Tarek Hassan, frère d’un haut responsable politique et militaire du parti Baas[80], avait été arrêté par les forces armées britanniques au domicile de son frère, alors qu’il assurait la garde[81]. Emmené au Camp « Bucca »[82], administré pour partie par le Royaume-Uni, il fut relâché relativement rapidement[83], puis sa dépouille fut retrouvée quelques mois plus tard, dans une zone rurale proche du lieu de sa libération[84]. Saisie sur la base des articles 2, 3 et 5 de la Convention, la Cour écarte rapidement l’hypothèse d’une atteinte au droit à la vie ou à l’interdiction d’actes de torture et de mauvais traitements. En effet, en ce qui concerne le droit à la vie, le requérant ne relevait plus de la juridiction du Royaume-Uni au moment présumé de son décès, puisqu’il était établi qu’il était survenu en tout état de cause après qu’il ait été relâché[85]. Pour ce qui est de l’interdiction de torture ou de mauvais traitements, la Cour ne relève aucun élément à l’appui de cette prétention[86]. C’est donc en ce qui concerne l’article 5 relatif au droit à la liberté et à la sûreté, que les juges doivent trancher entre les allégations du requérant qui soutenait que son frère avait fait l’objet d’une détention arbitraire et irrégulière[87], et celles du gouvernement du Royaume-Uni qui considérait au contraire cette privation de liberté parfaitement licite aux termes du DIH, lequel serait applicable en tant que lex specialis et écarterait donc l’application de l’article 5 dans le contexte de cette affaire[88]. À titre subsidiaire, le gouvernement du Royaume-Uni soutenait que si la Cour retenait l’applicabilité de l’article 5, celui-ci devait être interprété à la lumière des dispositions pertinentes du DIH[89]. La majorité des juges relève trois raisons d’interpréter la Convention en harmonie avec le DIH. D’abord, les États parties à la Convention ont pour pratique de ne pas déroger à l’article 5 au moyen de l’article 15, lorsqu’ils procèdent à des internements prévus par les Conventions de Genève[90]. Il en résulte donc, deuxièmement, une application simultanée du DIDH et du DIH, dont les rapports ont été analysés à de nombreuses reprises par la Cour internationale de justice[91] et qui se trouve réaffirmée dans l’arrêt[92]. Enfin, l’article 31.3.c) de la Convention de Vienne sur le droit des traités[93] invite la Cour à tenir compte des autres règles de droit international pertinentes pour interpréter la Convention[94], ce dont témoigne sa propre jurisprudence antérieure[95]. Ainsi, mais sans elle-même se référer à la notion de lex specialis, la majorité applique-t-elle le DIH pour déterminer ce qui constitue une privation de liberté « régulière », aux termes de l’article 5 dans le contexte d’un CAI[96]. Ce faisant, l’approche retenue dans l’affaire Al-Jedda consistant à ne pas retenir les règles de DIH comme un moyen « [de] faire échec aux exigences de l’article 5§1 »[97] n’est pas remise en cause, puisque la majorité pose comme condition nécessaire à l’application du DIH une demande expresse de l’État défendeur, distinguant en cela l’affaire Hassan des cas jugés antérieurement[98]. À l’issue de son raisonnement, la Cour reconnaît que les motifs de détention prévus à l’article 5 ne correspondent pas aux règles relatives à l’internement prévues par les Conventions de Genève[99]. Afin d’adapter les règles de la Convention à la réalité des CAI, la Cour déduit alors de l’article 5 un motif de détention plus général, plus large, reflétant l’esprit des autres motifs : l’absence de détention arbitraire[100]. Or, pour qu’une détention ne soit pas arbitraire dans le cadre d’un CAI, la Cour estime qu’elle se doit de répondre aux exigences des Conventions de Genève[101]. Afin de vérifier que la détention cadrait effectivement avec les exigences des Conventions de Genève, la Cour a donc dû recourir à une application directe du DIH. Celle-ci ne s’est pas faite sans heurt. En effet, quatre juges ont exprimé une opinion dissidente, selon laquelle la seule façon d’écarter les motifs de justification d’un internement listés à l’article 5, aurait été de déroger à cet article conformément à l’article 15, afin de pouvoir appliquer le seuil moins élevé prévu par les Conventions de Genève[102]. Ces deux corpus juridiques étant prétendument « irréconciliables »[103], il serait impossible d’interpréter une disposition émanant de l’un à la lumière de l’autre, en l’absence d’une dérogation en bonne et due forme. Aux yeux des juges signataires de cette opinion dissidente, les différences fondamentales entre ces deux branches constitueraient « une raison particulièrement convaincante d’écarter l’assimilation automatique de ces branches distinctes du droit international, du moins lorsque la disposition en cause de la Convention ne se prête pas juridiquement à une telle méthode »[104]; en présence d’un tel conflit de normes, la Cour devrait donner priorité à la Convention[105].

Cette affaire, qui avait donné lieu à un amicus curiae produit par deux professeurs de l’Université d’Essex et que la Cour reprend dans son jugement[106], a fait l’objet de plusieurs commentaires en doctrine. Certains se prononcent sur l’articulation entre le DIH et la Convention et estiment que la Cour aurait volontairement ignoré la méthode de la lex specialis recommandée par la CIJ, en raison des « ambiguïtés de ce terme n’échappant à personne »[107]. D’autres se prononcent sur l’élaboration d’un nouveau motif au nombre de ceux contenus à l’article 5 et estiment que cela pourrait être interprété comme une « capitulation » de la Convention face au DIH[108]. Incidemment, il y est également vu une volonté d’apaisement des relations avec Londres, qui avait menacé de quitter le système de la Convention[109]. De l’analyse qui précède, un certain nombre de faits saillants qui portent à conséquence dans le champ du DIH peuvent également être mis en lumière.

C. À la recherche d’un paradigme dans l’utilisation des règles du droit des conflits armés par la Cour

Si prima facie l’appréhension du DIH par la Cour peut paraître disparate, il est toutefois possible d’en dégager une certaine logique. Cette logique n’est pas temporelle. L’affaire Varnava[110], dans laquelle la Cour mentionne le DIH pour la première fois, est par exemple antérieure aux affaires Esmukhambetov[111] et Benzer[112], dans lesquelles la Cour recourt à des principes de DIH sans s’y référer explicitement. La logique ne semble pas non plus reposer sur la nature des hostilités, actives ou non, puisque si la Cour manie des règles de DIH dans l’affaire Hassan qui se situe dans le cadre d’une phase de conflit actif, elle n’y a nullement fait référence dans les affaires kurdes et tchétchènes, qui concernaient également les phases actives des conflits qui avaient donné lieu aux faits analysés.

On peut en revanche déceler une certaine logique reposant sur la qualification juridique de la situation de violence analysée. C’est ironique dans la mesure où la Cour elle-même se garde bien de procéder à l’exercice de qualification. Il se peut que cela ne soit pas à dessein, mais il se trouve néanmoins que la Cour n’a fait explicitement référence au DIH que dans le cadre de CAI. En effet, la Tchétchénie étant une république constitutive de la Fédération de Russie, le conflit entre l’armée russe et les indépendantistes tchétchènes est un conflit armé non international (CANI). De même, le conflit opposant la Turquie aux Kurdes, et même si la Turquie s’est déployée sur une partie du territoire irakien, se qualifie de CANI[113]. Or, ces affaires relèvent de l’appréhension implicite du DIH par la Cour. À l’inverse, dans l’affaire Varnava et dans les affaires irakiennes – dont en particulier l’affaire Hassan – dans lesquelles la Cour a mentionné explicitement le DIH voire l’a appliqué directement, relèvent du CAI : Turquie contre Chypre dans un cas, Coalition internationale dont faisait partie le Royaume-Uni contre Irak dans l’autre. On peut d’ailleurs noter à cet égard que dans ces derniers cas, la Cour appuie sur le caractère international de ces conflits, tandis qu’elle ne mentionne même pas le caractère non international des autres conflits. Cela a d’ailleurs conduit le Comité directeur des droits de l’homme pour le Conseil de l’Europe (CDDH) à se questionner sur la suite à donner à ces jurisprudences dans le cadre des CANI[114]. Cette logique reposant sur la qualification de la situation le serait d’autant plus que reconnaître l’existence d’un CANI pourrait être interprété comme une ingérence dans les affaires intérieures des États parties à la Convention, alors qu’il est difficile de nier l’évidence dans le cadre de CAI lorsque des troupes se déploient sur le territoire d’un autre État. C’est in fine l’une des hypothèses du CDDH qui met en avant deux arguments à l’appui de son constat de la timidité de la Cour à recourir aux règles de DIH dans le cadre des CANI : l’un est politique et repose sur la réticence des États européens de qualifier une situation sur leur propre territoire de conflit armé, l’autre est juridique et renvoie au plus faible nombre de règles conventionnelles applicables aux CANI lorsque les États du Conseil de l’Europe déploient leurs troupes en dehors du territoire européen[115].

S’il s’agit effectivement de la logique adoptée par la Cour, une remarque pour l’avenir peut être formulée. Il existe un risque de confusion à employer le langage du droit des conflits armés sans avoir préalablement procédé à la qualification de la situation et déterminé le droit applicable aux faits de l’espèce. Des opérations de police peuvent avoir lieu dans le cadre de conflits armés et c’est alors le DIDH qui leur est applicable, mais lorsqu’il s’agit d’opérations militaires, c’est bel et bien le DIH qui s’applique. Ceux qui font usage de la force, et en particulier de la force létale, doivent être tout à fait au clair avec le droit applicable retranscrit au travers leurs règles d’engagement. S’ils sont amenés à contenir une manifestation qui se déroule en marge d’un conflit armé, ce sont les principes de DIDH relatifs au recours à la force et à l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois qui s’appliquent, alors que si cette même manifestation peut être interprétée comme une participation directe aux hostilités, ce sont les règles relatives à la conduite des hostilités telles qu’énoncées par le DIH qui s’appliquent. Dans le premier cas, les agents doivent chercher à disperser de tels rassemblements « sans recourir à la force et, lorsque cela n'est pas possible, limiter l'emploi de la force au minimum nécessaire »[116], alors que, dans le second, ils peuvent recourir à la force létale pendant tout le temps de cette participation directe aux hostilités[117]. La différence est suffisamment notable pour se prémunir contre tout risque de confusion, et d’autres exemples peuvent nourrir le même constat.

Une autre logique qui pourrait être celle qui se dessine dans la manière dont la Cour appréhende le DIH au moment de juger d’une affaire qui se situe dans le cadre d’un conflit armé pourrait reposer sur le contexte des faits à analyser : conduite des hostilités ou protection des individus aux mains de l’ennemi. On note en effet que jusqu’à présent, la Cour limite ses références au DIH lorsqu’elle a à analyser des faits relevant de la conduite des hostilités. Dans ces hypothèses, elle a bien manié les principes régissant la conduite des hostilités en DIH, mais sans faire référence directement aux dispositions pertinentes[118]. À l’inverse, dans les hypothèses dans lesquelles il s’agissait de la protection des personnes se trouvant aux mains d’un État partie à la Convention et qui appelaient donc l’application de droits tels que le droit à la liberté et à la sûreté ou les obligations procédurales d’enquêtes, par exemple, elle les a mis en lien avec les dispositions pertinentes du DIH. À cet égard, l’affaire Géorgie c. Russie (II) pourrait confirmer ou infirmer cette possibilité, puisqu’elle porte, entre autres, sur des atteintes potentielles au droit à la vie via des attaques indiscriminées et disproportionnées à l’encontre de personnes civiles et de biens civils, dans une situation de CAI[119]. Si cette affaire est encore pendante devant la Cour, la juridiction strasbourgeoise a néanmoins révélé dans sa décision sur la recevabilité que les relations entre les dispositions de la Convention et les règles de DIH pertinentes seraient analysées dans la décision sur le fond[120].

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Quoi qu’il en soit, il est souhaitable que la Cour continue de clarifier son approche. Appliquer ou pas le DIH, la Cour doit trancher et ne pas s’aligner sur une logique de « deux poids deux mesures » qui pourrait s’avérer préjudiciable aux justiciables ou irréaliste pour les États. On ne saurait toutefois être exagérément sévère avec les juges strasbourgeois qui au total gèrent un contentieux que les États eux-mêmes lui ont abandonné. En effet, ceux-ci continuent de refuser de s’entendre sur la mise sur pied d’un mécanisme de mise en oeuvre du DIH. Ce faisant, ils ne laissent d’autre choix aux justiciables que de se tourner vers d’autres alternatives et aux juges du DIDH d’appréhender des règles qui, si elles ont certaines finalités communes, s’en distinguent parfois drastiquement[121]. Lorsqu’ensuite ces mêmes États critiquent l’approche retenue par les organes de droits humains et en particulier celle de la Cour, allant jusqu’à menacer d’en quitter le système qui serait devenu trop intrusif, c’est en réalité à eux-mêmes qu’ils adressent ces critiques. En refusant tout organe de mise en oeuvre international propre au DIH[122], aussi politique et volontaire ait-t-il pu être, non seulement laissent-ils s’en saisir des juridictions qui doivent s’adapter à une branche du droit dont la logique ne leur est pas acquise, mais font-ils aussi courir le risque que se développent des interprétations restrictives, teintées de la philosophie du DIDH, de dispositions du DIH nécessairement mieux adaptées au contexte, puisque précisément conçues pour celui-ci. Ce faisant, les États font également courir le risque d’un développement anarchique de la compréhension du DIH. En effet, si au travers la construction de sa jurisprudence la Cour a contribué à resserrer les liens entre le DIH et le DIDH, concourant ainsi à ce que d’aucuns ont désigné comme un phénomène d’« humanitarisation » du DIDH[123] et d’« humanisation » du DIH[124], et si aux yeux de ceux qui sont en quête d’une cohérence et d’une harmonie au sein de l’ordre juridique international, et plus précisément au sein du sous-système relatif à la protection de la personne humaine[125], l’apparition de cette interdépendance juridictionnelle et normative pourrait être perçue comme positive, elle comporte cependant également son lot de risques. Cette mobilisation des règles du DIH fait non seulement peser sur les juges européens une exigence de bonne connaissance de ces règles, mais requiert également une harmonisation vis-à-vis de leurs homologues pénalistes[126], notamment afin que cette apparente harmonie ne se mue pas en chaos juridique. Il est d’ailleurs intéressant de relever à cet égard que si le Statut de Rome de la Cour pénale internationale prévoit que les juges oeuvrant au sein de la CPI doivent « avoir une compétence reconnue » en DIH[127], pareille mention ne se retrouve ni dans la Convention à son article 21, ni dans les lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les critères de sélection des juges de Strasbourg[128]. En cas d’utilisation controversée du DIH par les juges de Strasbourg, ou de contradictions avec les principes des conflits armés déjà existants, c’est toute la cohérence et l’équilibre de l’ordre juridique international qui s’en trouverait bouleversé. Les effets sur le terrain seraient loin d’être anodins, car comme le reconnaît le CDDH, les principaux acteurs des conflits armés pourraient se trouver dans un flou juridique susceptible de nuire à leurs missions, mais aussi aux personnes civiles, dans un domaine où des décisions potentiellement lourdes de conséquences doivent être prises rapidement[129].