Résumés
Résumé
Cette contribution décrit la situation juridique actuelle de l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique au sens du droit international public. Les principales étapes de la course à l’espace, ses utilisations à des fins militaires et les technologies militaires actuelles utilisées dans cet environnement singulier sont brièvement présentées. Les principales caractéristiques du droit de l’espace sont ensuite décrites succinctement. À travers un exercice d’interprétation critique des dispositions pertinentes de traités du droit de l’espace, du droit de la maîtrise des armements, de droit international général, mais également de droit international humanitaire, cette étude montre dans quelle mesure la militarisation de l’espace est bel et bien licite à ce jour. De plus, cet article démontre en quoi le déploiement d’armements dans l’espace ne contrevient pas, malgré quelques interdictions spécifiques, aux normes de droit international en vigueur. Actuellement, face à l’incapacité des institutions onusiennes à préciser la situation juridique et aux apports très limités des instruments non contraignants en la matière, seules des initiatives émanant de la société civile telles que le manuel de McGill et celui de Woomera, semblent être à même de clarifier, dans un futur proche, la lex lata en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique.
Abstract
This contribution outlines the current legal position of the military uses of outer space according to public international law. The major steps of the space race, its uses for military purposes, and the current military technologies used in this singular environment are first briefly presented. The main features of international space law are also succinctly depicted. Through a critical interpretive exercise of the relevant provisions of international space law, the law of arms control, general international law, and international humanitarian law treaties, this article demonstrates how the militarization of outer space is still lawful today. It also shows how the weaponization of space remains, in spite of some specific prohibitions, virtually licit. The UN bodies being currently deadlocked and unable to clarify the legal situation and regarding the very limited contributions of soft law instruments in this area, only initiatives emerging from the civil society, such as the McGill and the Woomera manuals, seem to be able to clarify the lex lata regarding military uses of outer space in the near future.
Resumen
Esta contribución describe la situación jurídica actual del uso militar del espacio exterior en el derecho internacional público. Las principales fases de la carrera espacial, sus usos con fines militares y las tecnologías militares que hoy en día son utilizadas en este espacio fīsico tan singular son presentadas de manera breve. A continuación, se describen las primordiales características del derecho internacional espacial. Mediante un ejercicio de interpretación crítica de las disposiciones pertinentes de los tratados de derecho espacial, el derecho de control de armas, derecho internacional general y derecho internacional humanitario, este artículo demuestra hasta qué punto la militarización del espacio exterior es legal en la actualidad. Además, este artículo muestra cómo el despliegue de armas en el espacio no contraviene, a pesar de algunas prohibiciones específicas, las normas de derecho internacional vigentes. Actualmente, ante la incapacidad de los organismos de las Naciones Unidas de aclarar la situación legal y las contribuciones muy limitadas de los instrumentos no vinculantes en esta materia, únicamente las iniciativas que emanan de la sociedad civil como los manuales de McGill y Woomera, parecen ser capaces de esclarecer el lex lata en cuanto a los usos militares del espacio exterior en el cercano futuro.
Corps de l’article
Le 27 mars 2019, le premier ministre indien Narendra Modi annonce que son pays a détruit un de ses engins spatiaux en orbite basse après le lancement réussi d’un missile antisatellite. La prouesse indienne a permis au pays de rejoindre le cercle très restreint des puissances spatiales dotées d’armements antisatellites dont les États-Unis, la Russie et la Chine étaient les seuls détenteurs jusqu’alors[1].
Dès l’aube de la conquête spatiale, l’homme n’a cessé d’exploiter l’espace extra-atmosphérique à des fins civiles et militaires, en faisant de cet environnement singulier une ressource indispensable, nécessaire, mais également disputée. Bien qu’aucun conflit basé exclusivement dans l’espace n’ait eu lieu, le développement de nouvelles puissances spatiales et de leur potentiel militaire dans l’espace extra-atmosphérique renforce la probabilité qu’un affrontement dans ce milieu survienne à l’avenir. Si le droit de l’espace a permis de réguler les activités humaines dans cet environnement, la question se pose de savoir dans quelle mesure cette branche du droit, à la lumière des autres régimes juridiques applicables, permet l’utilisation de l’espace à des fins militaires.
Cet article a ainsi pour objectif d’examiner dans quelle mesure l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique est licite en droit international. Après avoir éclairci quelques points terminologiques, nous commencerons par présenter les grandes étapes de la course à l’espace et ses utilisations à des fins militaires. Nous poursuivrons par une description succincte des technologies et capacités antisatellites utilisées et développées actuellement. Nous nous arrêterons brièvement sur l’avènement du droit de l’espace comme nouvelle branche de droit international. Nous effectuerons ensuite un travail d’interprétation des normes pertinentes de droit international quant à la question de la licéité de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires. Il est à préciser que cette analyse ne se voudra, à aucun moment, exhaustive; seules quelques conventions et normes pertinentes, notamment du droit de l’espace, mais également du droit de la maîtrise des armements, du droit international général et du droit international humanitaire, seront traitées. Finalement, nous évaluerons la possibilité qu’un nouvel accord soit conclu prochainement au sein des forums onusiens dédiés et verrons si certains instruments non contraignants permettent de clarifier la situation juridique actuelle en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique.
I. Militarisation ou arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique[2]?
Dans le but de mieux saisir les enjeux que représente l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique, il nous paraît utile d’expliquer préalablement la signification de quelques termes. Les définitions exposées ici n’ont aucune valeur juridique et font par ailleurs l’objet de nombreux débats[3].
Les activités militaires dans le contexte spatial se réfèrent principalement à l’utilisation d’engins spatiaux apportant un appui à des opérations militaires sur Terre[4]. Ainsi, l’utilisation de satellites par les armées, notamment dans un but de commandement et de contrôle de troupes, de communication, de surveillance et de reconnaissance de l’ennemi ou encore de détection de missiles, sera généralement comprise comme faisant partie de la militarisation de l’espace extra-atmosphérique[5].
L’arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique ou weaponization of outer space[6] peut être comprise, selon Fabio Tronchetti, comme l’envoi dans l’espace de dispositifs ayant une capacité de destruction dans l’espace ou sur Terre[7]. De façon similaire, David Cumin définit l’arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique comme « le déploiement permanent, dès le temps de paix, d’armes spatiales, capable de frapper dans l’espace extra-atmosphérique ou sur la Terre »[8]. Si l’on retrouve dans les différentes définitions existantes l’idée d’un déploiement d’armes spatiales ayant la capacité de destruction sur Terre ou dans l’espace, aucun consensus juridique ou doctrinal n’existe concernant le sens exact à donner aux termes d’armes spatiales[9].
Bien que plusieurs définitions pratiques existent, elles sont souvent trop générales et ne permettent pas de fournir une typologie claire et précise de ce que constituent les armes spatiales[10]. Sans cadre définitionnel précis, une majorité doctrinale tend à considérer comme armes spatiales les capacités antisatellites déployées directement dans l’espace à des fins défensives ou offensives (on retrouve notamment les armes antisatellites à énergie cinétique ou dirigée, à rayonnement électromagnétique, les soft kills weapons ou encore les mines spatiales)[11]. Selon plusieurs experts, devraient aussi être appelés armes spatiales les systèmes au sol conçus pour détruire des biens spatiaux (certains systèmes lançant des missiles antisatellites [ASAT] par exemple)[12], mais également tout moyen mis en orbite dirigé contre des objectifs sur Terre[13]. Sans trancher cette question définitionnelle, notre étude se concentrera principalement sur la question de licéité de la mise en orbite et de l’utilisation des capacités antisatellites lato sensu[14].
À des fins de simplification, nous comprendrons dans cet article l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique ou utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires incluant à la fois la militarisation de l’espace, mais également son arsenalisation. Cette distinction sera notamment pertinente pour l’analyse juridique effectuée au chapitre (IV) et suivants.
II. De la course à l’espace à sa constante militarisation[15]
Des premières fusées de divertissement en Chine au début du Xe siècle en passant par les vols en aérostat des frères Montgolfier et finalement, au début de l’aviation avec le Wright Flyer, la volonté de l’homme de dominer la pesanteur n’a jamais cessé[16]. Les travaux de Robert Goddard avec le développement de la première fusée à combustible suivis de ceux de Wernher von Braun avec la création du premier missile balistique V-2, lancèrent la course effrénée à l’espace entre Américains et Soviétiques[17]. Celle-ci fut notamment marquée par la mise en orbite du premier satellite Spoutnik 1 le 4 octobre 1957 par l’URSS. L’apogée de l’exploration spatiale fut atteint le 20 juillet 1969 lorsque Neil Armstrong marcha le premier sur la Lune dans le cadre des missions Apollo[18].
Le début de l’ère spatiale alla de pair avec son utilisation à des fins militaires. Les premières étapes de la militarisation de l’espace commencèrent notamment en juin 1959 avec l’envoi des premiers satellites de reconnaissance américains dans le cadre du programme CORONA[19]. Ils furent suivis de près par les Soviétiques qui mirent en orbite leur premier satellite de reconnaissance nommé Zenit 2[20]. Furent ensuite rapidement développés les premiers systèmes de détection de départ de missile (missile warning system) dans le cadre du programme MIDAS ainsi que divers satellites de communication, météorologiques ou de navigation[21]. La guerre du Golfe de 1991 marqua un tournant dans la militarisation de l’espace[22]. L’utilisation des systèmes satellitaires américains permit notamment la géolocalisation des troupes au sol, mais également l’amélioration du guidage et de la précision de nombreuses armes[23]. Dans des conflits ultérieurs tels que la guerre du Kosovo, d’Afghanistan et d’Iraq, la dépendance aux systèmes spatiaux n’a fait que s’accroître, passant d’une utilisation tactique à un rôle opérationnel[24].
Depuis 1976, la Force aérienne des États-Unis notamment, n’a cessé de développer et de tester divers armements antisatellites allant d’armes à énergie cinétique à celles utilisant l’énergie dirigée[25]. Il est reconnu aujourd’hui que plusieurs puissances spatiales détiennent des armes antisatellites et des armes antimissiles balistiques opérationnelles pouvant être déployées depuis des bases terrestres en cas de conflits armés[26]. Si la mise en orbite d’armes antisatellites ne semble pas encore avoir eu lieu, la recherche et le développement de nouvelles armes spatiales orbitales telles que les armes lasers, les armes à faisceaux de particules ou encore les armes électromagnétiques continuent d’être menés[27]. Face au développement technologique actuel en matière militaro-spatiale, l’espace extra-atmosphérique pourrait bien devenir, à terme, un nouveau champ de bataille.
Aujourd’hui, les puissances spatiales continuent d’affirmer leur prérogative en matière de sécurité dans l’espace extra-atmosphérique et se préparent à un éventuel conflit dans cet environnement. C’est ainsi que les États-Unis, souhaitant démontrer leur position dominante face aux « menaces russes et chinoises » notamment, ont établi la Force spatiale des États-Unis (United States Space Force) le 20 décembre 2019[28]. Le département de la Défense des États-Unis décrit d’ailleurs le nouveau rôle de la Space Force dans le Defense Space Strategy de juin 2020 :
Establishing the U.S. Space Force (USSF) as the newest branch of our Armed Forces and the U.S. Space Command (USSPACECOM) as a unified combatant command, as well as undertaking significant space acquisition reform across the DoD, has set a strategic path to expand spacepower for the Nation[29].
Reconnaissant également le rôle essentiel de l’espace en matière militaire, la France a mis en place, le 8 septembre 2019, son Commandement de l’espace (CDE)[30]. Comme l’a déclarée Florence Parly, ministre française des armées : « Aujourd’hui, nos alliés et nos adversaires militarisent l’espace. Et alors que le temps de la résilience se fait de plus en plus court, nous devons agir. Nous devons être prêts »[31].
III. L’actualité de l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique
Afin de mieux comprendre ce qu’implique l’utilisation de l’espace à des fins militaires de nos jours, il convient de faire un rapide tour d’horizon des différentes technologies militaires et spatiales qui ont été utilisées ou le sont encore aujourd’hui. Seront également brièvement présentées les armes spatiales au sens strict du terme, c’est-à-dire les dispositifs spatiaux ayant une capacité de destruction dans l’espace ou sur Terre.
A. Les satellites à usage militaire
Les satellites de reconnaissance, aussi appelés satellites de télédétection ou satellites-espions, ont été le type d’engins spatiaux militaires le plus développé depuis le début de l’ère spatiale. Équipés de radars imageurs et de capteurs optiques, ils prennent des photographies de la surface terrestre et permettent de récupérer des informations sur les installations civiles ou militaires[32]. Certains satellites-espions sont également capables de détecter des transmissions électroniques provenant de divers systèmes de communication et les lancements de missiles depuis la surface terrestre, grâce à des capteurs infrarouges[33]. Ces satellites militaires ont souvent un usage civil et scientifique également[34].
Les constellations de satellites de navigation et de ciblage militaire ont été développées initialement par les Russes et les Américains. Le système américain Global Positioning System (GPS) a été mis en place par le département de la Défense des États-Unis en 1973 et fait aujourd’hui partie intégrante de la US Air Force[35]. Ce système est composé de trois segments : le premier est spatial, le deuxième terrestre permet le contrôle des opérations et le troisième est le segment dit utilisateur[36]. Le segment spatial est composé de 24 satellites NAVSTAR[37]. Le système russe GLONASS et l’européen Galileo ont un fonctionnement similaire au GPS[38]. Bien que ces systèmes aient été créés à des fins militaires, ils servent aujourd’hui aussi à des usages civils[39].
Face aux avancées technologiques et aux besoins militaires croissants en matière d’échange et de traitement d’informations en situation de conflit, les puissances spatiales ont également développé des constellations de satellites de télécommunication. Les besoins militaires en matière de télécommunication étant toujours plus grands, de nombreux satellites commerciaux apportent aujourd’hui un appui aux armées quant au suivi des opérations militaires sur Terre[40].
Finalement, les satellites météorologiques fournissent aussi une aide considérable lors d’opérations militaires en permettant d’ajuster les plans opérationnels en fonction des données météorologiques recueillies[41]. La majorité des satellites météorologiques civils est utilisée à des fins militaires[42].
B. Typologie des capacités antisatellites[43]
Les armes à énergie cinétique (kinetic energy weapons) sont un type d’arme courant dans l’espace. Elles ne transportent pas d’explosifs, mais détruisent leurs cibles en les percutant, utilisant ainsi la vitesse extrêmement élevée à laquelle les objets placés en orbite basse se déplacent[44]. Les armes antisatellites à énergie cinétique (kinetic energy anti-satellite weapons)[45] peuvent être utilisées directement depuis l’espace, mais également depuis la Terre[46]. L’usage de ce type d’arme est néfaste pour la préservation de l’environnement spatial puisqu’il engendre des quantités énormes de débris et met en danger les autres objets spatiaux en orbite[47].
Les armes à énergie dirigée (directed energy weapons) peuvent comprendre plusieurs technologies telles que l’utilisation de faisceaux de particules ou de lasers[48]. Les lasers peuvent causer la destruction de satellites ou seulement leur neutralisation par « aveuglement » de leurs capteurs[49]. Ces technologies peuvent être utilisées comme armes antisatellites, mais également comme armes antimissiles[50].
Les armes à rayonnement électromagnétique (electromagnetic pulse and radiation weapons) utilisent l’énergie issue de la fission nucléaire pour endommager leurs cibles. Leur utilisation dans l’espace crée une impulsion électromagnétique qui permet de neutraliser voire de détruire les dispositifs électriques et électroniques des satellites[51].
Il existe encore une catégorie d’armes appelées soft kill weapons conçues non pour détruire des satellites, mais pour les rendre hors d’usage. Les attaques provenant de ces différentes techniques de neutralisation sont souvent difficiles à détecter puisqu’elles se confondent facilement avec des défaillances ordinaires[52]. Le brouillage électronique (electronic jamming) et les cyberattaques font partie des techniques les plus communes[53].
IV. De la création du droit de l’espace à ses premières normes contraignantes en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique
A. Les prémices d’un droit de l’espace extra-atmosphérique
À la suite du lancement du satellite soviétique Spoutnik le 4 octobre 1957 et face à l’inquiétude générale que celui-ci avait provoquée, l’Assemblée générale des Nations unies se saisit de la question spatiale et adopta la résolution (no 1148 [XII]) sur « la réglementation, la limitation et la réduction équilibrée de toutes les forces armées et de tous les armements »[54]. Elle demanda notamment aux États intéressés « d’étudier en commun un système d’inspection qui permettrait de s’assurer que l’envoi d’objet à travers l’espace extra-atmosphérique se ferait à des fins exclusivement pacifiques et scientifiques »[55].
Suite à cela, l’Union soviétique et les États-Unis soumirent au secrétariat général de l’Organisation, respectivement en mars et septembre 1958, diverses propositions dans le but de favoriser la coopération entre États dans l’espace extra-atmosphérique[56]. Le 18 septembre 1958, les États-Unis suggérèrent à l’Assemblée générale d’instituer un comité ad hoc qui favoriserait la coopération internationale[57]. Cette proposition fut adoptée, notamment grâce aux pays du bloc soviétique, avec cinquante-quatre voix contre neuf et dix-huit abstentions[58].
Ce comité ad hoc mis en place en 1958 et qui comprenait dix-huit membres avait pour objectif principal de répertorier les problèmes juridiques en lien avec la course à l’espace[59]. Malgré la rivalité croissante entre les blocs, il fut finalement transformé en organe permanent de l’Assemblée générale sous l’appellation de « Comité sur les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique » (CUPEEA), appelé Committee on the Peaceful Uses of Outer Space ou COPUOS en anglais[60]. Le Comité a été élargi à maintes reprises et compte en 2020 un total de quatre-vingt-quinze membres[61]. Il est divisé en deux sous-comités : le premier s’occupe des questions d’ordre juridique et le deuxième est axé sur les problèmes scientifiques et techniques[62].
Les années suivant la création du Comité, plusieurs démarches furent entreprises pour trouver une entente sur un régime juridique applicable à l’espace, mais en vain. L’accord passé entre les États-Unis et l’URSS qui aboutit au Traité de Moscou de 1963 limitant partiellement les essais d’armes nucléaires[63] permit à l’Assemblée générale d’adopter finalement le 13 décembre 1963 la « Déclaration de principes juridiques régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique »[64]. Cette Déclaration cristallisa les principes fondamentaux du droit de l’espace, que le Traité de 1967 reprit[65]. Faisant suite au Traité de Moscou et à la Déclaration de 1963, l’Assemblée générale concrétisa dans sa résolution acceptée à l’unanimité le 17 octobre 1963[66], l’interdiction pour les États de placer des armes nucléaires et de destruction massive dans l’espace extra-atmosphérique. L’article IV du Traité de l’espace reprendra d’ailleurs presque mot pour mot cette interdiction[67].
B. Le droit de l’espace extra-atmosphérique comme nouvelle branche de droit international
Faisant suite aux différentes résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU, le premier texte contraignant de droit de l’espace, considéré comme la charte fondamentale de l’espace extra-atmosphérique, sera signé le 27 janvier 1967. Il est intitulé Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes[68] (Traité de l’espace de 1967). Quatre autres conventions sont venues le compléter et forment ainsi le corpus juris spatialis : l’Accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique (1968)[69], la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux (1972)[70], la Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique (1975-1976)[71], l’Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes (1979-1984)[72].
Le droit de l’espace a été fondé grâce à la reconnaissance par les États de plusieurs principes dans diverses résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies[73], repris et codifiés dans les cinq traités de l’espace. On retrouve ainsi le principe de la liberté d’exploration[74], d’utilisation et de non-appropriation de l’espace extra-atmosphérique[75], le principe de la responsabilité internationale des États[76], ou encore celui de la coopération et du respect de l’intérêt commun[77]. Le principe d’usage pacifique figure dans plusieurs dispositions du Traité de l’espace de 1967 et de l’Accord sur la Lune[78]. Il sera traité spécifiquement dans ce chapitre puisqu’il est essentiel à la question de la licéité de l’utilisation militaire de l’espace.
Bien que les autres normes de droit de l’espace viennent de sources diverses, elles sont majoritairement conventionnelles. En plus des cinq traités fondateurs, plusieurs règles relatives aux activités spatiales se trouvent dans différents traités bilatéraux ou multilatéraux, mais également dans les législations nationales. La place accordée à la coutume dans ce domaine est d’ailleurs de moindre importance[79]. Le droit de l’espace est également caractérisé par l’absence de jurisprudence[80]. Dans les cas où des différends entre États se présentent, ils seront préférablement réglés par des tractations diplomatiques gardées secrètes[81].
C. Le droit de l’espace et ses apports en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique
Les dispositions régulant l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique se trouvant principalement dans le Traité de l’espace de 1967 et dans l’Accord sur la Lune de 1979[82], les autres conventions, qui n’ont que des implications indirectes sur cette question, ne seront pas étudiées ici.
1. Le Traité de l’espace de 1967
Si le Traité de l’espace énonce dans son préambule le principe de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, l’article IV va au-delà de cette déclaration de principe puisqu’il pose le fondement de la maîtrise des armements dans l’espace[83]. Deux régimes juridiques découlent ainsi de cette disposition quant à l’utilisation militaire de l’espace[84]. Le premier paragraphe cristallise le régime de démilitarisation partielle de l’espace et des corps célestes tandis que le deuxième énonce une démilitarisation totale de tous les corps célestes[85].
a) Paragraphe premier de l’article IV du Traité de l’espace[86]
Selon la première partie du paragraphe premier, les États ont choisi d’interdire le placement en orbite autour de la Terre d’objets porteurs d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive[87]. Si l’article IV interdit expressément la mise en orbite de ces deux types d’armes, il convient d’observer que leur utilisation per se dans l’espace n’est à aucun moment prohibée[88]. Selon certains auteurs, l’utilisation de l’expression « ou de tout autre type d’armes de destruction massive »[89] dans ce premier paragraphe, suggère que seules les armes nucléaires causant une destruction de masse[90] ne pourraient être mises en orbite autour de la Terre[91]. Ainsi serait rendu licite le stationnement d’armes nucléaires ne causant pas de destruction de masse telle que de petites mines spatiales ou d’autres armes à propulsion nucléaire[92]. Cependant, selon Fabio Tronchetti, il convient de rejeter une telle interprétation qui ne semble pas compatible avec la ratio legis du Traité et le contexte historique dans lequel celui-ci a été négocié[93]. La conclusion du Traité de Moscou de 1963[94], visant selon son article premier à interdire toute explosion nucléaire dans l’espace, soutient ainsi sa thèse[95]. On constatera que la mise en orbite et l’utilisation d’armes conventionnelles, ne faisant l’objet d’aucune restriction au sens de ce paragraphe, doivent également être considérées comme licites, dans la mesure où elles respectent les autres normes de droit international[96].
Selon ce paragraphe encore, de telles armes ne peuvent être mises en orbite autour de la Terre (place in orbit around the Earth). Il faut ainsi comprendre une interdiction du placement des armes prohibées sur toutes les orbites terrestres, qu’elles soient basses ou géostationnaires. Il n’est en revanche pas précisé si l’objet mis en orbite doit avoir effectué une révolution complète autour de la Terre. Le Traité ne définissant pas l’orbite, la disposition reste peu claire quant à la licéité de la mise en orbite d’une arme nucléaire ou de destruction massive sur une orbite incomplète, soit fractionnaire[97]. Sans controverse aucune cependant, les engins balistiques tels que les missiles balistiques intercontinentaux dotés d’ogives nucléaires (intercontinental ballistic missile ou ICBM) ne sont pas interdits au sens de l’article IV puisqu’ils ne sont pas mis en orbite autour de la Terre. Ces derniers suivent seulement une trajectoire balistique et ne font ainsi que transiter dans l’espace extra-atmosphérique avant de retomber sur Terre[98].
Selon la suite et fin du paragraphe premier, les États parties au Traité s’engagent à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas les placer, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique[99]. Ainsi, ne peuvent être placées à la surface d’aucun corps célestes du système solaire aucune arme nucléaire ou de destruction massive[100]. Bien que la Lune ne soit pas mentionnée expressément dans ce paragraphe, il semble qu’elle soit incluse dans le champ d’application de celui-ci puisqu’elle est un corps céleste au sens ordinaire que l’on donne à ce terme[101]. Quant aux termes « installer » et « placer » (respectivement install et station), plusieurs questions se posent quant au sens à leur donner dans cette disposition. Si les termes ne sont pas définis dans le Traité de l’espace, il semble que le verbe « installer » signifie plus que la simple présence d’une arme illicite sur un corps céleste[102]. Il conviendrait de comprendre le verbe « placer » comme désignant « le stationnement d’une arme sur une orbite relativement fixe par rapport à un corps céleste, de façon telle que ce dernier se meuve à une vitesse identique à celle de la rotation de celui-ci »[103]. En ce sens, l’installation et le stationnement des armes devraient viser une forme de permanence. Les travaux préparatoires ne donnant pas d’indications supplémentaires, il s’avère difficile de préciser ces termes davantage[104].
b) Deuxième paragraphe de l’article IV du Traité de l’espace[105]
Selon la première phrase du deuxième paragraphe : « les États parties au Traité utiliseront la Lune et les autres corps célestes exclusivement à des fins pacifiques »[106]. Se pose la question de l’interprétation à donner au principe d’utilisation à des fins pacifiques[107], premièrement à la lumière de l’ensemble du Traité, puis dans un second temps, au sens spécifique du deuxième paragraphe de l’article IV qui réserve un régime particulier à la Lune et aux corps célestes. L’interprétation de ce principe a non seulement divisé les États, mais également la doctrine[108]. Ainsi, deux écoles doctrinales s’opposent sur la portée de ce principe. Selon la première, l’usage pacifique doit être compris comme un usage « non-militaire » de l’espace, tandis que la seconde défend un usage « non agressif » de celui-ci[109].
Selon la première école, toute activité militaire est prohibée, qu’un caractère agressif soit présent ou non[110]. L’argument principal selon lequel une telle interprétation devrait être retenue a été exposé par Marko G Markoff. Selon lui, les activités militaires dans l’espace sont totalement illicites en vertu de l’article I du Traité de l’espace[111] selon lequel les activités spatiales doivent être conformes à l’intérêt de tous les pays[112]. En ce sens, l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique, ne servant que les intérêts particuliers des États en faisant usage, ne pourrait être licite[113]. Un deuxième argument défendant cette thèse consiste à comparer le Traité de l’espace à celui sur l’Antarctique de 1959[114]. Selon les termes précis de ce dernier, l’utilisation de ce continent ne peut aucunement se faire à des fins militaires[115].
Selon l’approche dite « non agressive », des activités militaires peuvent être entreprises dans l’espace pour autant qu’elles ne soient pas contraires aux utilisations expressément interdites par le Traité[116]. Ces utilisations doivent également être conformes aux règles générales de droit international et notamment au quatrième paragraphe du deuxième article de la Charte des Nations unies[117] (ci-après, la Charte), selon lequel est interdit tout recours à la menace et à la force[118]. Une écrasante majorité doctrinale défend une telle interprétation[119].
Il convient de retenir l’approche « non agressive » pour deux raisons principales. Premièrement, rien ne laisse apparaître dans les travaux préparatoires du Traité de l’espace la volonté des États de démilitariser entièrement l’espace extra-atmosphérique[120]. Deuxièmement, la pratique subséquente des puissances spatiales a joué un rôle décisif quant au sens à donner au principe d’utilisation à des fins pacifiques[121]. L’URSS, qui avait toujours défendu publiquement la première école doctrinale, s’est ralliée par sa pratique à la position américaine en envoyant ses premiers satellites d’observation militaires en 1962[122]. Depuis les années 1960, les États-Unis, la Russie et plus récemment la Chine et l’Inde n’ont cessé de contribuer au développement de la militarisation de l’espace, concrétisée par l’envoi de satellites de télécommunication, de navigation militaire, de reconnaissance photographique, électronique ou météorologique, mais également par le transit de missiles[123]. Il est connu qu’aujourd’hui, plus de 70% des lancements spatiaux dans le monde font partie de missions militaires[124]. De par cette pratique constante des puissances étatiques en matière de militarisation de l’espace extra-atmosphérique, il s’avérerait ainsi périlleux de comprendre le principe d’utilisation pacifique comme devant être strictement non militaire[125]. La question se pose cependant de savoir qu’elle est sa portée concernant la Lune et les corps célestes.
Au sens du deuxième paragraphe de l’article IV, les États ont choisi de soumettre la Lune et les autres corps célestes à une utilisation exclusivement à des fins pacifiques. De plus, sont spécifiquement interdits « l’aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manoeuvres militaires »[126]. Des exceptions sont toutefois prévues à la fin de la disposition : l’utilisation de personnel militaire à des fins de recherche scientifique ou à toute autre fin pacifique et l’utilisation de tout équipement ou installation nécessaire à l’exploration pacifique de la Lune et des autres corps célestes ne sont pas interdites. Pour certains auteurs[127], l’ajout du terme exclusivement dans cette disposition précise que la Lune et les corps célestes ne peuvent faire l’objet d’aucune utilisation militaire sous réserve des quelques exceptions strictes prévues par la disposition. Les interdictions mentionnées formeraient ainsi une liste exhaustive. Pour d’autres auteurs cependant[128], il convient d’interpréter l’utilisation exclusivement à des fins pacifiques comme signifiant une utilisation « non agressive », mais dont la portée serait plus restrictive que celle applicable au vide spatial. Les interdictions formulées ne seraient ainsi pas exhaustives et serviraient d’exemples; toutes actions militaires seraient donc licites pour autant qu’elles respectent les règles générales de droit international. Ces auteurs argumentent que la mention faite à la possibilité d’utiliser du matériel et du personnel militaire rend l’interprétation « non-militaire » dénuée de tout fondement. Si la distinction entre les deux interprétations diffère théoriquement, il n’y a en pratique pas de différence importante au vu du développement technologique actuel[129].
2. L’Accord sur la Lune de 1979[130]
L’Accord sur la Lune de 1979 est le dernier instrument juridiquement contraignant conclu sous l’initiative du CUPEEA[131]. Après le Traité de l’espace, cette convention est celle qui contient des dispositions essentielles quant au droit des États d’utiliser l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires[132].
Si le premier paragraphe de l’article III de l'Accord sur la Lune réitère la prescription d’un usage exclusivement pacifique de la Lune et des autres corps célestes[133], le deuxième paragraphe étend les interdictions formulées à l’article IV du Traité de l’espace. En effet, est également prohibé tout recours à la menace ou à l’emploi de la force ou à tout autre acte d’hostilité ou menace d’acte d’hostilité sur la Lune[134]. Il est pertinent de se demander si l’ajout de ce paragraphe permettrait d’apporter quelques clarifications concernant la portée du principe d’utilisation pacifique codifié précédemment dans le Traité de l’espace[135]. Cela ne semble pas être le cas[136]. Sans prendre la peine de définir les termes d’acte hostile, les rédacteurs de l’Accord sur la Lune n’ont fait que de rappeler le principe d’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force de l’article 2 (4) de la Charte[137], déjà applicable par l’intermédiaire de l’article II de l’Accord sur la Lune[138], sans préciser le sens à donner au principe d’utilisation pacifique applicable à la Lune et aux autres corps célestes.
Contrairement au deuxième paragraphe de l’article III de l’Accord sur la Lune, le troisième paragraphe du même article clarifie plusieurs limites imposées aux États parties à l’Accord puisqu’il interdit le placement et l’utilisation d’objets porteurs d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive sur et dans le sol lunaire, mais également leur mise en orbite autour de la Lune ou sur une autre trajectoire en direction ou autour de celle-ci[139]. L’article IV (1) du Traité de l’espace interdisant l’installation d’armes nucléaires et de destruction massive sur des corps célestes, une ambiguïté était présente quant à l’application de cette interdiction à la Lune et à ses orbites[140]. L’Accord sur la Lune étend explicitement cette interdiction[141]. On remarque également que de telles armes ne devront pas être placées sur la Lune et les corps célestes. L’article IV (1) du Traité de l’espace utilisant le verbe installer, une certaine permanence semblait être requise. Tel ne semble pas être le cas selon l’article III (3) de l’Accord sur la Lune[142]. Finalement, l’utilisation d’armes nucléaires et de destruction massive est interdite explicitement; au contraire du Traité de l’espace qui ne prohibait explicitement que leurs mises en orbite[143].
Si l’Accord sur la Lune propose des avancées considérables en matière de dénucléarisation de la Lune et des corps célestes, aucune percée majeure n’est faite concernant l’interprétation et la portée du principe d’utilisation pacifique de la Lune et des corps célestes[144]. Bien que le traité soit en vigueur, il n’a été ratifié que par dix-huit États (situation en 2020)[145] et aucune puissance spatiale majeure n’en fait partie.
V. Les apports du droit de la maîtrise des armements dans le domaine spatial
Le Traité de l’espace et l’Accord sur la Lune permettent ainsi de réguler, dans une certaine mesure, les activités militaires des États dans l’espace extra-atmosphérique. Il paraît cependant que les dispositions précédemment examinées ne fournissent pas un cadre légal complet quant à l’utilisation militaire de l’espace. Il conviendra dans cette section d’examiner de manière succincte quelques accords bilatéraux ou multilatéraux pertinents en matière de maîtrise des armements dans l’espace extra-atmosphérique.
A. Le Traité de Moscou de 1963[146]
Le Traité de Moscou de 1963 est un des premiers traités multilatéraux à limiter les armements et leur utilisation dans l’espace extra-atmosphérique[147]. Selon le premier paragraphe de l’article I :
[c]hacune des Parties au présent Traité s’engage à interdire, à empêcher et à s’abstenir d’effectuer toute explosion expérimentale d’arme nucléaire, ou toute autre explosion nucléaire, en tout lieu relevant de sa juridiction ou de son contrôle : a) Dans l’atmosphère, au-delà de ses limites, y compris l’espace extra-atmosphérique […][148].
Selon le deuxième paragraphe du même article :
[c]hacune des Parties au présent Traité s’engage en outre à s’abstenir de provoquer ou d’encourager l’exécution — ou de participer de quelque manière que ce soit à l’exécution — de toute explosion expérimentale d’arme nucléaire, ou de toute autre explosion nucléaire, qui aurait lieu où que ce soit dans l’un quelconque des milieux indiqués ci-dessus ou qui aurait les effets indiqués au paragraphe 1 du présent article[149].
Si ce Traité a inspiré l’élaboration de l’article IV du Traité de l’espace, il s’est limité à interdire les essais d’armes nucléaires dans des environnements physiques particuliers, mais n’a pas prohibé leur développement ou déploiement dans l’espace per se[150]. Bien que le Traité ait été prévu pour une durée illimitée, les États parties peuvent le dénoncer dans le cas d’événements extraordinaires en notifiant les autres Parties par préavis de trois mois[151]. Plusieurs puissances spatiales importantes possédant l’arme nucléaire telle que la Chine et la France n’y ont pas adhéré[152]. Pour ces raisons, ce Traité a souvent été perçu comme n’étant pas particulièrement significatif en matière de désarmement. Il est finalement notable de préciser qu’à la lumière du titre du Traité, l’intention des États parties est d’interdire les essais nucléaires en temps de paix et non de réguler leur utilisation en temps de guerre, cette convention ne serait ainsi pas applicable en cas de conflit armé[153].
B. La Convention ENMOD de 1976[154]
La Convention ENMOD a un rôle significatif quant à l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique puisque selon son article premier :
[l]es États parties à la Convention s’engagent à ne pas utiliser à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables, ou graves, en tant que moyens de causer des destructions, des dommages, ou des préjudices à tout autre État partie[155].
Les techniques de modification de l’environnement sont définies dans l’article 2, ils doivent « avoir pour objectif de modifier — grâce à une manipulation délibérée de processus naturels — la dynamique, la composition ou la structure de la Terre […] ou l’espace extra-atmosphérique »[156]. Il faut préciser que la Convention n’interdit pas l’utilisation de telles modifications si elles sont effectuées à des fins pacifiques et dans le respect du droit international applicable en la matière[157]. Cette Convention semble pertinente quant à la question de la licéité de l’utilisation d’armes antisatellites (ASAT). L’utilisation de ce type d’arme génère en effet une quantité considérable de débris spatiaux, « polluant » les orbites terrestres à long terme. Il est cependant délicat d’interpréter l’utilisation hostile de ces armes comme violant les normes de la Convention. En effet, l’usage d’armes antisatellites ne pourrait être compris comme modifiant grâce à une manipulation délibérée de processus naturels la dynamique, la composition ou la structure de l’espace extra-atmosphérique[158]. La Convention reste cependant importante à titre de précaution pour l’élaboration et l’utilisation de futures armes[159].
C. Le Traité ABM de 1972[160]
Le Traité ABM était également un accord bilatéral significatif en matière d’utilisation de l’espace à des fins militaires et de contrôle des armements. Faisant directement suite au Traité de l’espace de 1967, il renforça le régime de militarisation partielle de l’espace atmosphérique en interdisant la réalisation, l’essai et la mise en place de systèmes antimissiles ou d’éléments de ceux-ci basés en mer, dans l’air, dans l’espace ou sur des plates-formes terrestres mobiles[161]. Le Traité était important, car il limitait également l’usage d’armes antisatellites (ASAT)[162]. Les États-Unis s’en sont cependant retirés et celui-ci a officiellement pris fin en 2002[163].
D. Le Traité TICEN de 1996[164]
Le Traité TICEN de 1996 fait suite à celui de Moscou de 1963, mais élargit son champ d’application puisqu’il interdit les explosions nucléaires dans tous les environnements[165], qu’elles soient menées à des fins militaires ou civiles[166]. Ainsi, selon l’article premier du Traité TICEN : « [c]haque État partie s’engage à ne pas effectuer d’explosion expérimentale d’arme nucléaire ou d’autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle »[167]. Le Traité TICEN va plus loin puisqu’il établit la création de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires qui a pour objectif de vérifier le respect des dispositions du Traité par les États parties[168]. Bien que 168 États l’aient ratifié, le Traité n’est pas encore entré en vigueur[169].
VI. Opérations militaires spatiales et droit international humanitaire[170]
On comprend par droit international humanitaire (DIH) ou jus in bello le droit de Genève dont le but est principalement de protéger les personnes hors de combat et le droit de La Haye qui régit quant à lui, la conduite des hostilités[171]. La question se pose ainsi de savoir dans quelle mesure le DIH est applicable à des opérations militaires prenant place dans l’espace extra-atmosphérique et, si tel est le cas, quelles seraient les règles les plus pertinentes quant à d’éventuels conflits dans cet environnement.
Le DIH a été développé initialement pour réguler les conflits armés sur terre, en mer et dans l’air. Il convient donc de se demander si les normes conventionnelles de DIH seraient applicables à des opérations militaires spatiales. Le Protocole additionnel premier aux Conventions de Genève[172] (PA I), dans sa section traitant de la protection générale de la population civile contre les effets des hostilités, étend son champ d’application
à toute opération terrestre, aérienne ou navale pouvant affecter, sur terre, la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil. Elles s’appliquent en outre à toutes les attaques navales ou aériennes dirigées contre des objectifs sur terre, mais n’affectent pas autrement les règles du droit international applicable dans les conflits armés sur mer ou dans les airs[173].
Pour que les dispositions de cette section s’appliquent, une opération doit donc soit avoir des répercussions terrestres ou alors être directement menée contre un objectif situé sur terre[174]. Les opérations militaires spatiales n’étant pas mentionnées explicitement dans cette disposition, faudrait-il en conclure que celles-ci ne seraient ainsi pas régies par les règles conventionnelles du DIH? Selon une interprétation littérale et restrictive de cet article, tel serait le cas[175]. Cependant, comme le suggère une grande majorité d’auteurs[176], il convient de rejeter une telle interprétation et d’étendre le champ d’application de cette provision en incluant des opérations militaires prenant place dans l’espace. En effet, il ne ressort pas des travaux préparatoires la volonté des États parties d’exclure l’espace extra-atmosphérique de son champ d’application[177]. Ainsi, en cas d’application du PA I à titre conventionnel, l’interprétation la plus raisonnable serait d’inclure non seulement des opérations spatiales avec des attaques menées depuis l’espace contre un objectif au sol, mais également des attaques entre satellites affectant la population civile[178].
Si l’interprétation de la lex scripta est sujette à débat, il est reconnu que les principes de DIH tels que ceux de distinction, de proportionnalité, de précaution, de nécessité militaire ou d’humanité sont applicables, peu importe le milieu, en tant que règle coutumière de droit international[179]. La CIJ, dans son Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, précise à ce sujet que les principes de DIH « s’appliquent à toutes les formes de guerre et à toutes les armes, celles du passé, comme celles du présent et de l’avenir »[180].
Selon le premier paragraphe de l’article 49 du PA I, une attaque, soit « un acte de violence contre l’adversaire, qu’il soit offensif ou défensif[181] », doit être strictement dirigée contre un objectif militaire au sens du deuxième paragraphe de l’article 52 (PA I). Ceux-ci sont limités « aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un avantage militaire précis »[182]. Ainsi, si les satellites militaires sont des objectifs militaires par leur nature, des satellites civils utilisés dans le cadre d’opération militaire le seront par leur utilisation (double usage)[183]. Les critères de destination et d’emplacement seront cependant plus difficiles à appréhender dans le contexte spatial[184]. Si un objectif militaire peut être qualifié comme tel, une attaque à son encontre devra respecter les principes de précaution et de proportionnalité.
L’application du principe de distinction pose également la question du statut légal des astronautes en cas de conflits armés spatiaux[185]. Au sens du droit de l’espace, les astronautes, reconnus comme « envoyés de l’humanité »[186], bénéficient d’une protection particulière puisque les États parties au Traité de l’espace devront notamment leur prêter « toute l’assistance possible en cas d’accident, de détresse ou d’atterrissage forcé sur le territoire d’un autre État partie au Traité ou d’amerrissage en haute mer »[187]. Le statut spécial accordé aux astronautes va même plus loin puisque leur est également conférée, selon la formulation choisie, une protection quasi diplomatique[188]. Cependant, il paraît évident qu’en cas de conflit armé, un astronaute militaire, considéré comme belligérant au sens du DIH[189], n’exercerait plus de fonctions diplomatiques que lui conférait son titre d’envoyé de l’humanité et perdrait ainsi toute immunité particulière[190].
Selon le principe de précaution, la partie au conflit qui prépare une attaque contre un satellite doit notamment « prendre toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d’attaque »[191] en vue d’éviter et de minimiser les dommages collatéraux. Au sens de ce principe et afin d’éviter la création de débris avec la destruction d’un satellite[192], il faudrait, lors d’une attaque, favoriser l’utilisation d’armes non cinétiques telles que les softkill weapons (le brouillage électronique ou les cyberattaques par exemple). Si les dommages collatéraux entrainés sont moindres, voire inexistants, l’avantage militaire sera identique[193]. À titre de précaution également, l’État préparant une attaque contre un satellite devrait vérifier sa fonction auprès du Secrétariat général des Nations unies selon la Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique[194]. De plus,
[l]orsque le choix est possible entre plusieurs objectifs militaires pour obtenir un avantage militaire équivalent, ce choix doit porter sur l’objectif dont on peut penser que l’attaque présente le moins de danger pour les personnes civiles ou pour les biens de caractère civil[195].
Si un satellite peut être neutralisé grâce à la destruction de sa base de contrôle au sol (dans le respect des règles de DIH), la destruction du satellite par arme cinétique sera à prohiber[196].
Au sens du principe de proportionnalité sont interdites :
les attaques dont on peut attendre qu’elles causent incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu[197].
Ainsi, concernant l’attaque de satellites à double usage par exemple, il conviendrait de mettre en balance l’avantage militaire obtenu par leur destruction et les dommages collatéraux provoqués. Selon ce principe encore et rejoignant ce qui a été dit pour celui de la précaution, il faudrait également prendre en considération la création de débris pouvant endommager d’autres objets spatiaux en orbite lors de la prévision d’une attaque[198].
D’autres normes de DIH seraient applicables en cas de conflits dans l’espace extra-atmosphérique, notamment concernant les méthodes et les moyens de guerre utilisés[199]. Selon le protocole additionnel premier : « [i]l est interdit d’utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel »[200]. Comme l’explique Michel Bourbonnière, c’est bien l’environnement naturel qui est l’objet de protection au sens de cette disposition[201]. Les conditions énoncées dans cette disposition doivent ainsi être réalisées cumulativement afin qu’une méthode ou un moyen de guerre, par exemple certaines capacités antisatellites, soient considérés illicites. Par conséquent, l’utilisation de missiles antisatellites produisant des quantités importantes de débris se verrait interdite[202]. Complétant cette disposition, l’article 55 PA I interdit quant à lui les méthodes et moyens de guerre compromettant la santé et la survie de la population[203]. Cette disposition, dépendant de la définition donnée aux termes « d’environnement naturel »[204], trouve ainsi à s’appliquer à l’espace extra-atmosphérique dans la mesure où celui-ci est habité. Par conséquent, en appliquant au terme « population » un sens large, sans tenir compte du nombre d’astronautes présents dans une station ou un véhicule spatial, l’utilisation d’une arme antisatellite devrait être interdite si elle altérait l’orbite sur laquelle de tels engins habités se trouvent[205].
VII. L’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique à la lumière de la Charte des Nations unies
L’application des normes de la Charte des Nations unies[206] sur la question de la licéité de l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique soulève préalablement la question du rapport entre le droit international général et le droit de l’espace. Au sens de l’article III du Traité de l’espace, les activités des États parties doivent être effectuées conformément au droit international et à la Charte, notamment dans le but de maintenir la paix et la sécurité internationale[207]. Selon les termes de cette disposition, les règles générales de droit international, dont celles de la Charte font partie, sont applicables aux activités spatiales des États. Ainsi, toute norme de droit spatial devra être interprétée à la lumière du droit international[208]. Il faut cependant relever qu’en cas de conflit entre un traité de droit spatial et la Charte, le premier prévaudrait dans la mesure où les normes postérieures priment les normes plus anciennes[209]. Ce principe s’applique sous réserve de l’article 103 de la Charte selon lequel les obligations émanant de la Charte prévalent sur celles découlant d’autres accords internationaux[210]. L’adage latin lex specialis derogat legi general[211] serait également pertinent en cas de conflit entre plusieurs normes. Selon ce principe, les règles spécifiques de droit spatial devraient prévaloir sur celles de droit international général sauf si certaines règles de droit spatial ne sont pas suffisamment précises ou sont contestées[212].
Selon l’article II paragraphe 4 de la Charte : « [l] es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies »[213]. Si les États membres doivent régler leurs différends par des moyens pacifiques selon l’article II paragraphe 3 et 33 de la Charte[214], deux exceptions à l’interdiction du recours à la menace et à la force existent. Selon le chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité constate « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de celle-ci ou d’un acte d’agression »[215]. Il peut également faire des recommandations ou décider de prendre des mesures selon les articles 41 et 42 de la Charte pour maintenir et rétablir la paix et la sécurité internationale[216]. De plus, selon l’article 51 de la Charte, est reconnu un droit naturel de légitime défense individuelle ou collectif dans le cas où un membre de l’ONU serait visé par une agression armée[217].
Le Conseil de sécurité n’a encore jamais pris de mesures au sens du chapitre VII de la Charte autorisant par exemple l’utilisation de la force dans l’espace extra-atmosphérique bien que cela semble pratiquement possible, mais politiquement difficile au vu du droit de véto dont bénéficient les membres permanents[218]. Si un tel scénario devait se réaliser, des mesures prises selon l’article 42 de la Charte créeraient donc des obligations pour les États membres. Ainsi, un conflit entre une obligation émanant d’une norme de droit de l’espace, par exemple de l’article IV du Traité de l’espace, et d’une obligation d’utiliser la force armée selon des mesures prises par le Conseil de sécurité, s’avérerait possible. Dans la mesure où l’article IV du Traité de l’espace ne représente pas une norme de jus cogens, l’article 103 de la Charte s’appliquerait, et les mesures prises selon l’article 42 prévaudraient[219].
La question se pose de savoir dans quelle mesure les États pourraient agir en légitime défense dans l’espace extra-atmosphérique[220]. Si les États continuent d’affirmer leur droit d’agir en légitime défense dans l’espace extra-atmosphérique pour protéger leurs systèmes satellitaires[221], l’applicabilité du droit de légitime défense dans l’espace n’est toutefois pas aisée. Comme l’explique Fabio Tronchetti, plusieurs facteurs rendent l’applicabilité de ce droit pratiquement difficile. Premièrement, l’environnement spatial, comme discuté précédemment[222], est particulièrement sujet à la prolifération de débris spatiaux lors d’attaques cinétiques, mettant en péril nombre d’engins spatiaux d’États tiers[223]. En second lieu, le droit d’agir en légitime défense est un droit traditionnellement terrestre et son applicabilité dans l’espace demande une interprétation étendue de ces éléments constitutifs conformément à la nature singulière de cet environnement[224]. Finalement, l’usage de la force dans l’espace extra-atmosphérique n’ayant pas encore fait l’objet de procédure contentieuse devant la Cour internationale de justice, aucune indication jurisprudentielle ne soutient la licéité de l’usage de ce droit dans l’espace[225].
Si le droit d’agir en légitime défense sur la Lune et les corps célestes semble difficilement possible à cause de leur régime de démilitarisation totale[226], il est majoritairement reconnu comme applicable dans le vide spatial[227]. L’étendue de son application reste cependant débattue et pose certains problèmes[228]. Il est notamment question de savoir quelle interprétation donner à une agression armée[229] effectuée dans l’espace extra-atmosphérique par un État. Préalablement, une attaque menée contre un objet spatial d’un État devrait être comprise comme étant une attaque contre « son territoire », l’article VIII du Traité de l’espace donnant un statut quasi territorial aux objets spatiaux enregistrés[230]. Ainsi, sans grande controverse, la destruction d’un satellite par l’utilisation d’une arme cinétique par exemple, semblerait constituer une agression armée au sens de l’article 51 de la Charte[231]. Au contraire, la simple mise en orbite ou l’installation des armes interdites selon l’article IV du Traité de l’espace ne pourraient être reconnues comme l’emploi de la force armée contre l’intégrité territoriale[232]. La question de savoir si une cyberattaque menée contre un satellite, mais n’entraînant pas sa destruction constituerait une agression est plus difficile à appréhender[233]. Si tel était le cas, les actes entrepris par l’État lésé devraient respecter les conditions de proportionnalité et de nécessité de manière stricte, en tenant notamment compte de la fréquence de l’attaque et du lien de celle-ci avec d’autres opérations militaires effectuées sur terre[234].
De manière générale, les actes entrepris par l’État lésé devraient également prendre en considération la nature particulière de l’espace[235], en respectant les conditions de proportionnalité et de nécessité et en veillant à éviter autant que possible des dommages collatéraux[236]. À titre d’exemple, en cas d’attaque au sol, une riposte contre un satellite ennemi entreprise par l’État lésé ne serait pas proportionnelle au vu des conséquences néfastes pour les États tiers[237]. Dans le cas de la destruction d’un objet spatial par un assaillant, une contre-attaque menée contre un objectif militaire au sol ou l’utilisation d’approches alternatives telle qu’une cyberattaque, une attaque laser ou un brouillage radio contre un satellite ennemi sembleraient satisfaire de manière plus adéquate aux exigences posées par l’article 51 de la Charte[238]. Quant à la question du cadre temporel dans lequel s’insère une action en légitime défense effectuée par l’État lésé, une action en légitime défense anticipée dans l’environnement spatial pourrait être licite, à condition que l’imminence de l’attaque puisse être prouvée[239].
VIII. Blocages institutionnels et normes contraignantes trop générales : vers une mise en exergue du soft law face à une utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique grandissante?
Face à des normes contraignantes de droit international trop générales, parfois peu claires et grandement sujettes à débat en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique, la question se pose de savoir si de nouveaux instruments juridiques, négociés dans les forums onusiens, viendraient à être conclus prochainement afin de mieux réguler l’utilisation militaire de l’espace, non seulement en temps de paix, mais surtout en cas de conflits armés dans cet environnement. Il conviendra également de brièvement voir si des instruments non contraignants permettent de clarifier la situation juridique actuelle.
Le Comité du désarmement, créé en 1979 et renommé Conférence du désarmement en 1984 a permis de renforcer, dans le cadre d’une instance multilatérale de négociations, les efforts pour le contrôle des armements dans l’espace extra-atmosphérique[240]. En 1985, la Conférence a créé un comité ad hoc sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace (Prevention of an Arms Race in Outer Space ou PAROS) qui a encore aujourd’hui comme but d’entreprendre des négociations afin d’arriver à des accords sur le contrôle des armements dans l’espace[241]. Dans le cadre de la Conférence du désarmement et sous la supervision de ce Comité ont été proposées des ébauches de traités (Draft PPWT treaties) en 2002, 2008 et 2014 par la Chine et la Russie visant à interdire tout placement d’armes en orbite terrestre[242]. Face à une vive opposition des États-Unis et au manque de consensus quant au sens à donner aux termes utilisés dans les différentes ébauches, les négociations sont aujourd’hui au point mort[243]. Concernant le Comité sur les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, bien que son mandat reste d’actualité, aucune avancée n’a été faite concernant l’adoption d’un nouvel accord en matière d’utilisation militaire de l’espace depuis la conclusion de l’Accord sur la Lune en 1979[244].
Comme l’expliquent Ram S Jakhu, Cassandra Steer et Kuan-Wei Chen, si ces deux forums onusiens, de par leur évidente légitimité, sont les plus à même de produire un nouveau texte contraignant qui pourrait clarifier les règles applicables en matière d’utilisation militaire de l’espace et de maîtrise des armements, les décisions par consensus, les intérêts des États extrêmement divergents et la nature stratégique de l’environnement spatial, rendent la tâche quasiment impossible[245]. Cependant, face à ces blocages, plusieurs instruments non contraignants ont été adoptés par les États ces dernières années en matière d’utilisation militaire de l’espace[246]. Il convient d’en examiner deux principaux et d’évaluer leur portée[247].
En vertu de la résolution 65/68 de l’Assemblée générale[248], le Secrétariat général des Nations unies a créé en 2011 un Groupe d’experts gouvernementaux (GGE) venant de quinze pays afin de mener une étude sur des mesures de transparence et de confiance (TCBM) relative aux activités spatiales. Les experts ont remis un rapport[249] à l’Assemblée générale dans lequel ils se sont entendus sur un ensemble de mesures que les États peuvent suivre sur une base volontaire[250]. Ces mesures portent notamment sur l’échange d’informations en matière de politiques spatiales, sur la visite des experts dans les sites spatiaux nationaux ou encore sur la mise en place de notifications entre États dans le but de réduire les risques liés à leurs activités spatiales[251]. Bien qu’il soit reconnu que des mesures de transparence permettent généralement de réduire la défiance entre États et de favoriser une certaine stabilité dans les relations interétatiques[252], le bilan de ces mesures s’avère, pour l’instant, extrêmement peu concluant[253].
Une seconde initiative a été mise sur pieds par l’Union européenne en 2007. Celle-ci a appelé les États à « prendre toutes les mesures pour empêcher que l’espace ne devienne une zone de conflit »[254]. De telles mesures ont été formulées à travers un code de conduite (ICoC) élaboré en 2008 et publié en 2014 après révision[255]. Tout comme les TCBM, le code a pour objectif de renforcer la confiance entre États en matière spatiale et de proposer un moyen indirect pour prévenir l’arsenalisation de l’espace[256]. Durant la révision du code de conduite, sa portée s’est considérablement réduite et s’est finalement concentrée sur les aspects civils de l’utilisation de l’espace[257]. Le bilan de cette initiative reste également très mitigé[258].
***
L’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique est devenue depuis le début de l’ère spatiale une composante essentielle des actions étatiques en matière de sécurité nationale. Bien que cette question fut au centre de la création du droit de l’espace, cette branche de droit n’a pas réussi à réguler de manière adéquate une telle utilisation. Si la Lune et les corps célestes bénéficient, selon une majorité doctrinale, d’un régime de démilitarisation totale, le vide spatial reste quant à lui sujet au développement et à l’utilisation d’armements conventionnels toujours plus nuisibles à cet environnement singulier. Les accords de maîtrise des armements renforcent quant à eux certaines interdictions en matière d’envoi et de développement d’armes de destruction massive dans l’espace, mais ne traitent quasiment pas de la question de la licéité des armes conventionnelles. Face à un cadre juridique incomplet, le droit international général et le droit international humanitaire seraient les seuls freins juridiques à l’utilisation de certaines armes dans l’espace extra-atmosphérique. En somme, nous pouvons conclure que la militarisation de l’espace n’est en aucun point illicite en droit international. Quant au régime juridique applicable en matière de déploiement d’armements dans l’espace, il ne permet pas, pour l’instant, de faire face aux développements technologiques militaires en pleine expansion.
La probabilité de voir un nouvel accord conclu en matière d’utilisation militaire de l’espace atmosphérique reste très faible; les forums onusiens sont aujourd’hui encore à la merci de règles décisionnaires très contraignantes et d’un manque flagrant de volonté politique de la part des grandes puissances spatiales. Face à ces blocages, certains instruments non contraignants ont vu le jour, notamment depuis 2010. Leur incidence sur les régimes juridiques en vigueur ne semble cependant que très peu significative.
Face au besoin urgent de clarification juridique quant aux problématiques spatiomilitaires actuelles, plusieurs initiatives récentes de la société civile ont été mises en place. Depuis 2016, le Centre de droit aérien et spatial de l’Université McGill et l’Université d’Adélaïde, en collaboration avec d’autres institutions, ont lancé un projet de manuel sur le droit applicable aux utilisations militaires de l’espace extra-atmosphérique (Manual on International Law Applicable to Military Uses of Outer Space, Manuel de McGill ou MILAMOS)[259]. Ce manuel, qui s’inscrit dans la continuité d’autres manuels existants sur la conduite d’hostilités dans des milieux spécifiques[260], est notamment élaboré par des juristes, des experts techniques et des spécialistes militaires du monde entier[261]. L’objectif d’un tel ouvrage n’est pas de créer de nouvelles normes, mais bien de clarifier la lex lata applicable en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique. Poursuivant des objectifs similaires, soit de clarifier le cadre légal existant en matière d’opérations militaires dans l’espace, le projet Woomera (Woomera Manual on the International Law of Military Space Operations) a quant à lui été lancé en 2018[262]. Ces deux manuels devraient être publiés en 2020 et en 2021[263]. L’utilité de tels manuels ayant été reconnue par le passé[264], il semble que ces deux projets pourraient être, à ce jour, les seules initiatives capables d’apporter des clarifications quant aux règles applicables en matière d’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique dans un futur proche.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Se référer au site internet officiel du ministère des Affaires extérieures indien, « Frequently Asked Questions on Mission Shakti, India’s Anti-Satellite Missile test conducted on 27 March, 2019 » (27 mars 2019), en ligne : MEA <mea.gov.in/press-releases.htm?dtl/31179/Frequ> [MEA]. En 2007, la Chine a effectué une manoeuvre similaire en envoyant un missile antisatellite contre l’un de ses satellites météorologiques, provoquant un champ de débris composé de plus de deux millions de morceaux, voir Dale Stephens et Cassandra Steer, « Conflicts in Space : International Humanitarian Law and its Application to Space Warfare » (2015) 40:16-18 McGill Annals of Air and Space Law 71 à la p 75.
-
[2]
Pour une analyse des notions de militarisation et d’arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique aux regards des technologies militaro-spatiales actuelles, voir David Cumin, « Militarisation et arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique, perspectives stratégiques et ethico-juridiques » (2019) 291:3 RFDAS 321 aux pp 333-34. Docteur en droit et en science politique, David Cumin est enseignant et maître de conférences notamment à l'Université de Lyon 3. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages en relations internationales et est reconnu comme spécialiste du droit de la guerre.
-
[3]
Le sens à donner aux termes militarization of outer space ou weaponization of outer space et space weapons a notamment été débattus dans le cadre de la Conférence du désarmement, voir Setsuko Aoki, « Law and Military Uses of Outer Space » dans Ram S Jakhu et Paul Stephen Dempsey, dir, Routledge Handbook of Space Law, Londres, New York, Routledge, 2017 197 aux pp 207-08.
-
[4]
Fabio Tronchetti, « Legal Aspects of the Military Uses of Outer Space » dans Frans G Von der Dunk, dir, Handbook of Space Law, Cheltenham, Edward Elgar, 2015 331 à la p 333. Co-directeur de l'Institut de droit et de stratégie spatiale et professeur associé Zhuoyue à l'Université Beihang en Chine, Fabio Tronchetti est également professeur adjoint de droit spatial national comparé à la faculté de droit de l'Université du Mississippi. Il enseigne dans plusieurs autres universités et ses recherches sont axées sur les domaines du droit international de l'espace, du droit aérospatial, de la sécurité internationale et de la commercialisation des activités spatiales en Chine et en Asie du Sud-Est.
-
[5]
Ibid. Le Professeur Ivan A Vlasic, donne une définition plus générale du terme militarization et le définit comme suit : « the use of outer space by a significant number of spacecraft ». Ivan A Vlasic, « Space Law and the Military Applications of Space Technology » dans Nandasiri Jasentuliyana, dir, Perspectives on International Law, London, Kluwer Law International, 1995 385 à la p 386. Voir également Robert A Ramey, « Armed Conflict on the Final Frontier : the Law of War in Space » (2000) 48 AFL Rev 1 à la p 6. David Cumin propose plusieurs typologies des termes militarisation de l’espace. Selon la première, il décline la notion de militarisation en plusieurs degrés. Premièrement, on comprend par militarisation « basse » ou « passive », une utilisation de l’espace extra-atmosphérique et des satellites pour des « missions d’observation, information ou communication, au service de l’arms control, de la dissuasion nucléaire ou d’opérations armées sur Terre », cela en temps de paix ou de guerre. En second lieu, une utilisation de ses éléments en temps de guerre, soit de façon limitée dans le temps, au service de missions de combat, c’est-à-dire à des frappes sur Terre ou dans l’espace contre des engins spatiaux adverses, sera comprise comme une militarisation de l’espace « haute » ou « active ». Une telle utilisation militaire n’a pas encore eu lieu à ce jour. Voir David Cumin, supra note 2 à la p 333.
-
[6]
On peut comprendre le terme « weaponization of outer space » signifiant « arsenalisation de l’espace extra-atmosphérique » ou « déploiement d’armements dans l’espace extra-atmosphérique ». Bien que le terme « arsenalisation » reste encore peu courant en français, il sera tout de même utilisé dans cette étude; cela à des fins de simplification.
-
[7]
Fabio Tronchetti, supra note 4 aux pp 333-34.
-
[8]
David Cumin, supra note 2 à la p 333. Selon lui, l’arsenalisation constitue le dernier degré de la militarisation de l’espace. De nombreux auteurs donnent des définitions quasi identiques de l’arsenalisation de l’espace. Par exemple, Stesuko Aoki définit ce terme comme suit : « Weaponization of space has seldom been defined, but is generally thought to refer to deploy weapons in outer space to attack, destroy and otherwise damage objects in outer space, as well as human beings and objects on the Earth. » Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 208. Voir également Ivan A Vlasic, supra note 5 à la p 386, selon lequel : « [w]eaponization refers to the placing in outer space for any length of time any device designed to attack man-made targets in outer space and/or in the terrestrial environment. »
-
[9]
Pour des études traitant des armes spatiales et de la difficulté à les définir, voir notamment : Sa'id Mosteshar, « Space Law and Weapons in Space » (mai 2019), en ligne (pdf) : Oxford Research Encyclopedia of Planetary Science <oxfordre.com/planetaryscience/view/10.1093/acrefore/9780190647926.001.0001/acrefore-9780190647926-e-74?print=pdf>; Bill Boothby, « Space Weapons and the Law », (2017) 93 Intl L Stud 179; Elizabeth S Waldrop, « Weaponization of Outer Space : US National Policy » (2004) 29 Ann Air & Sp L 229; Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 130-34; Bhupendra Jasani, « Introduction » dans Bhupendra Jasani, dir, Peaceful and Non-peaceful Uses of Space : Problems of Definition for the Prevention of an Arms Race, New York, Taylor & Francis, 1991, 10; Paul B Stares, « The Problem of Non-Dedicated Space Weapon Systems », dans Bhupendra Jasani, Peaceful and Non-peaceful Uses of Space : Problems of Definition for the Prevention of an Arms Race, New York, Taylor & Francis, 1991, 147.
-
[10]
Par exemple : Bhupendra Jasani, supra note 9 à la p 13, selon lequel : « [s]pace weapon is a device stationed in outer space (including the moon and other celestial bodies) or in the earth environment designed to destroy, damage, or otherwise interfere with the normal functioning of an object or being in outer space, or a device stationed in outer space designed to destroy, damage, or otherwise interfere with the normal functioning of an object or being in the earth environment. Any other device with the inherent capability to be used as defined above will be considered as a space weapon. » Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 131-34, montre bien les faiblesses d’une telle définition et les raisons pour lesquelles il est extrêmement difficile de fournir une définition précise de ce qu’est une arme spatiale. Comme il l’explique, de par les caractéristiques physiques de l’environnement spatial, tout objet en orbite, de par sa très grande vitesse, a une capacité inhérente de destruction en cas d’impact avec un autre objet spatial. En ce sens, n’importe quel satellite ou débris pourrait être considéré comme « une arme spatiale non dédiée » (non-dedicated space weapon). À ce sujet, voir Paul B Stares, supra note 9 aux pp 147-55.
-
[11]
Sa'id Mosteshar, supra note 9 aux pp 8-9; Elizabeth S Waldrop, supra note 9 à la p 334; Bill Boothby, supra note 9 aux pp 203 et s; John Hyten and Robert Uy, « Moral and Ethical Decisions Regarding Space Warfare » (2004) 18:2 Air & Space Power J 51 à la p 52. Concernant ce type d’armes, David Cumin, supra note 2 aux pp 333-334, reprenant les discussions de la Conférence du désarmement, les définit comme suit : « [l]es armes ASAT stricto sensu, soit les engins mis en orbite, dirigés contre des objets spatiaux, c’est-à-dire destinés à les détruire ou à les mettre hors de fonctionnement par explosion ou toute autre technique, produisant ainsi des débris spatiaux ».
-
[12]
Il est cependant déjà sujet à controverse de considérer de telles armes comme armes spatiales puisqu’il est techniquement difficile de les différencier des systèmes de défenses antimissiles n’étant pas conçus initialement pour atteindre des cibles dans l’espace extra-atmosphérique, voir Ray Acheson et Beatrice Fihn, « Outer space : Militarization, weaponization, and the prevention of an arms race », en ligne : Reaching Critical Will < www.reachingcriticalwill.org/resources/fact-sheets/critical-issues/5448-outer-space#copuos>. La controverse s’étend également aux systèmes d’armes dépassant l’atmosphère terrestre pour une courte durée avant de retomber dans l’atmosphère pour finalement atteindre leur cible (les missiles balistiques intercontinentaux [ICBM] par exemple). L’absence de délimitation précise entre l’espace aérien et extra-atmosphérique renforce cette controverse. De par leur lien avec l’espace extra-atmosphérique, nous évaluerons tout de même brièvement la licéité de leur utilisation au regard du droit international dans cette étude.
-
[13]
Voir spécialement Sa'id Mosteshar, supra note 9 aux pp 8-9; Elizabeth S Waldrop, supra note 9 à la p 334; John Hyten and Robert Uy, supra note 11 à la p 52. Voir également Ray Acheson et Beatrice Fihn, supra note 12. David Cumin, supra note 2 à la p 333, parle ici : « [d’] armes ASAT lato sensu ou capacités ASAT, que celles-ci soient mises en orbite ou déployées sur Terre, soit tout moyen mis en orbite ou déployé sur Terre, dirigé contre des objets spatiaux; les armes spatiales, soit les engins mis en orbite et visant aussi bien des objets spatiaux (ASAT) que des objectifs sur Terre ».
-
[14]
Une typologie de ces armes sera présentée au chapitre III.
-
[15]
Pour une présentation plus détaillée de la course à l’espace et des étapes de sa militarisation progressive, voir Jackson Nyamuya Maogoto, « The Military Ascent into Space : From Playground to Battleground— The New Uncertain Game in the Heavens » (2005) 52:1 Nethl Intl L Rev 1 aux pp 3-17; Patrick K Gleeson, Legal Aspects of the Use of Force in Space, Institute of Air and Space Law, McGill University, Ottawa, Bibliothèque et Archives Canada, 2005 aux pp 8-15 et Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 7-18.
-
[16]
Mireille Couston, Droit spatial, Mise au point, Paris, Ellipses, 2014 à la p 10.
-
[17]
Patrick K Gleeson, supra note 15 aux pp 10-15.
-
[18]
Mireille Couston, supra note 16 à la p 11.
-
[19]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 14.
-
[20]
Asif A Siddiqi, « Soviet Space Power during the Cold War » dans Paul Gillespie et Grant T Weller, dir, Harnessing the Heavens : National Defense through Space, Chicago, Imprint Publication, 2008 à la p 141.
-
[21]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 15.
-
[22]
Yun Zhao et Shengli Jiang, « Armed Conflict in Outer Space : Legal Concept, Practice and Future Regulatory Regime » (2019) 48 Space Pol'y 50 aux pp 51-52.
-
[23]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 17. Développé dans les années 1970, le Global Positioning System (GPS ou système mondial de positionnement en français) a été essentiel dans la conduite des hostilités.
-
[24]
Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 52.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
Ibid.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Se référer au site officiel de la Force spatiale américaine, United States Space Force, « About US Space Force », en ligne : USSF <www.spaceforce.mil/About-Us/About-Space-Force>.
-
[29]
Département de la défense des États-Unis, « Defense Space Strategy Summary » (17 juin 2020), en ligne (pdf) : DoD <media.defense.gov/2020/Jun/17/2002317391/-1/-1/1/2020_DEFENSE_SPACE_S TRATEGY_SUMMARY.PDF>.
-
[30]
Ministère des Armées, « Communiqué : Florence Parly acte la création du Commandement de l’espace au sein de l’armée de l’air » (25 juillet 2019), en ligne : Ministère des Armées <www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/communique_florence-parly-acte-la-creation-du-commandement-de-l-espace-au-sein-de-l-armee-de-l-air>.
-
[31]
Cette déclaration de la ministre des Armées a été faite lors de la présentation de la stratégie spatiale de défense en 2019. Voir Ministère des Armées, « Florence Parly dévoile la stratégie spatiale française de défense » (25 juillet 2019), en ligne : Ministère des Armées < www.defense.gouv.fr/actual ites/articles/florence-parly-devoile-la-strategie-spatiale-francaise-de-defense>.
-
[32]
Patrick K Gleeson, supra note 15 aux pp 16-17.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Michel Bourbonnière, « Law of Armed Conflict (LOAC) and the Neutralisation of Satellites or jus in bello satellitis » (2004) 9:1 J Confl & Sec L 43 à la p 53.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Patrick K Gleeson, supra note 15 à la p 20.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Ibid aux pp 19-20.
-
[41]
Ibid à la p 18.
-
[42]
Par exemple les satellites américains GEO-EAST et GEO-WEST, l’européen Meteosat, le japonais Himawari ou encore l’indien Insat, voir Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 52.
-
[43]
Pour un exposé complet des capacités antisatellites, voir Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 18 et s. Voir également Bill Boothby, supra note 9 aux pp 206-213; Brandon L Hart, « Anti-Satellite Weapons : Threats, Laws and the Uncertain Future of Space » (2008) 33 Ann Air & Sp L 344 aux pp 346-53; Michel Bourbonnière, supra note 35 aux pp 56-58 et Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 aux pp 3-7.
-
[44]
Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 56.
-
[45]
Pour une présentation des armes antisatellites à énergie cinétique et de leurs développements, voir également Brandon L Hart, supra note 43 aux pp 347-350; Bill Boothby, supra note 9 aux pp 206-08 et Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 aux pp 4-5.
-
[46]
Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 à la p 22.
-
[47]
Dale Stephens et Cassandra Steer supra note 1 et MEA supra note 1 concernant les répercussions des essais effectués par la Chine en 2007 et l’Inde en 2019.
-
[48]
Plusieurs essais de lasers ont été effectués contre des satellites par notamment le laser MIRACL pour Mid-Infrared Advanced Chemical Laser ou encore le airborne laser (ABL), voir Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 57; voir également Brandon L Hart, supra note 43 à la p 350 et Bill Boothby, supra note 9 aux pp 212-13.
-
[49]
Bill Boothby, supra note 9 à la p 213.
-
[50]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 25.
-
[51]
Ibid aux pp 19-20. Voir également Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 57 et Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 à la p 6.
-
[52]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 27.
-
[53]
Pour une présentation des techniques de brouillage électronique et de son utilisation, voir notamment Brandon L Hart, supra note 43 aux pp 350-352; Bill Boothby, supra note 9 aux pp 210-212; Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 aux pp 6-7.
-
[54]
Rés AG 1148 (XII), Doc off AG NU, 12e sess, Doc NU A/RES/1148 (1957) [Résolution 1148]; voir Mireille Couston, supra note 16 à la p 12.
-
[55]
Pierre-Marie Martin, Droit des activités spatiales, Paris, Masson, 1992 à la p 16.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid.
-
[58]
Ibid à la p 17.
-
[59]
Ibid.
-
[60]
Ibid.
-
[61]
Informations tirées du site internet officiel du Bureau des affaires spatiales des Nations unies, United Nations Office for Outer Space Affairs, « Members of the Committee on the Peaceful Uses of Outer Space », en ligne : UNOOSA < www.unoosa.org/oosa/en/members/index.html>.
-
[62]
Pierre-Marie Martin, supra note 55 à la p 17.
-
[63]
Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau, 5 août 1963, 480 RTNU 43, (entrée en vigueur : 10 octobre 1963) [Traité de Moscou de 1963]. Pour une étude complète présentant le Traité de Moscou de 1963 et son importance historique, voir Georges Fischer, « L’interdiction partielle des essais nucléaires » (1963) 9 AFDI 3. Comme l’explique l’auteur, ce traité a une importance politique et historique considérable, ibid à la p 3. Faisant suite à l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945, les Soviétiques et Américains poursuivirent leurs essais nucléaires, notamment dans l’atmosphère. La communauté internationale commença à envisager des limitations de ces essais au vu de l’inquiétude grandissante. C’est ainsi que l’Inde préconisa le 12 juillet 1956 au sein de la Commission du désarmement la fin de toutes explosions d’armes nucléaires et de destruction massive. Si les États-Unis refusèrent une telle proposition, les Soviétiques envisagèrent la suspension des essais sur une période de deux ans. Cela ne se concrétisa pas à cause du manque de volonté politique des puissances occidentales. Les discussions reprirent depuis 1958 avec l’établissement à Genève d’une conférence d’experts américains, soviétiques et britanniques sur la question du contrôle des essais nucléaires. Dès la publication de leur rapport, le président américain Eisenhower décida de suspendre les essais pour une période d’une année depuis octobre 1958. Commencèrent ainsi plusieurs négociations entre les Soviétiques, les Américains et les Britanniques, mais sans percée majeure. D’autres négociations eurent lieu jusqu’en juin 1963 au sein de la Conférence du désarmement en parallèle sans non plus aboutir à un accord. C’est finalement grâce à des tractations avant tout bilatérales entre les présidents Kennedy et Khrouchtchev que des négociations se sont organisées à Moscou en juillet 1963 entre les Soviétiques, les Américains et les Britanniques. Celles-ci permirent finalement d’arriver à la conclusion du Traité de Moscou le 5 août 1963. Voir ibid aux pp 4-7.
-
[64]
Déclaration des principes juridiques régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, Rés 1962 (XVIII), Doc off AG NU, 18e sess, Doc NU A/RES/1962 (1963) [Résolution 1962].
-
[65]
Mireille Couston, supra note 16 à la p 13.
-
[66]
Question du désarmement général et complet, Rés 1884 (XVIII), Doc off AG NU, 18e sess, Doc NU A/RES/1884 (1963) [Résolution 1884].
-
[67]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 201.
-
[68]
Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, 27 janvier 1967, 610 RTNU 205, (entrée en vigueur : 10 octobre 1967) [Traité de l’espace]. Pour une étude détaillée sur l’élaboration du Traité de l’espace, voir Jacqueline Dutheil de la Rochère, « La Convention sur l’internationalisation de l’espace » (1967) 13 AFDI 607.
-
[69]
Conclu le 22 avril 1968, 672 RTNU 119, (entrée en vigueur : 3 décembre 1968) [Accord sur le sauvetage et le retour des astronautes].
-
[70]
Conclue le 29 mars 1972, 961 RTNU 187, (entrée en vigueur : 1er septembre 1972) [Convention sur la responsabilité].
-
[71]
Conclue le 12 novembre 1974, 1023 RTNU 15, (entrée en vigueur : 15 septembre 1976) [Convention sur l’immatriculation des objets spatiaux].
-
[72]
Conclu le 18 décembre 1979, 1363 RTNU 3, (entrée en vigueur : 11 juillet 1984) [Accord sur la Lune].
-
[73]
Voir notamment Résolution 1148, supra note 54; la Résolution 1962, supra note 64; la Résolution 1884, supra note 66. Pour les résolutions sur le principe d’usage pacifique spécialement, voir Question de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires, Rés 1348 (XIII), Doc off AG NU, 13e sess, Doc NU A/RES/1348 (1958) ; Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphériques, Rés 1472 (XIV), Doc off AG NU, 14e sess, Doc NU A/RES/1472 (1959); Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphériques, Rés 1721 (XVI), Doc off AG NU, 16e sess, Doc NU A/RES/1721 (1961).
-
[74]
Traité de l’espace, supra note 68, art I.
-
[75]
Ibid, art II.
-
[76]
Ibid, arts VI, VII.
-
[77]
Ibid, arts I, III, IX.
-
[78]
Ibid, art IV et Accord sur la Lune, supra note 72, art III.
-
[79]
Pierre-Marie Martin, supra note 55 à la p 21.
-
[80]
Ibid.
-
[81]
Ibid.
-
[82]
Il convient de noter que l’application de ces traités en temps de conflit armé est incertaine. D’une manière générale, la fin ou la suspension d’un traité durant un conflit dépend entre autres de sa nature, de son sujet, des intentions des parties ou encore des termes de celui-ci, voir Mireille Couston, supra note 16 à la p 99. Ni le Traité de l’espace de 1967, ni l’Accord sur la Lune n’ont prévu de solution quant à cette hypothèse. Bien que les questions relatives à l’usage pacifique de l’espace semblent concerner principalement une application en temps de paix, leur application en temps de guerre semble possible selon certains auteurs, voir notamment Pavle Kilibarda, « Space law revisited : The militarization of outer space » (9 mars 2017), en ligne : Humanitarian Law & Policy, ICRC < medium.com/law andpolicy/space-law-revisited-themilitarization-of-outer-space-d65df7359515>; voir également Patrick K Gleeson, supra note 15 aux pp 93-95. Pour une étude complète sur l’application des traités de droit spatial en temps de conflit armé, voir Steven Freeland et Ram S Jakhu, « The Applicability of the United National Space Treaties during Armed Conflict » (2015) 58 Proceedings of the International Institute of Space Law 157.
-
[83]
Simone Courteix, « Le traité de 1967 et son application en matière d’utilisation militaire de l’espace » (1971) 36:3 Politique étrangère 252 à la p 260.
-
[84]
Ibid.
-
[85]
Ibid, Pierre-Marie Martin résume ce double régime comme suit : « certaines armes sont interdites dans toutes les zones de l’espace extra-atmosphérique et toutes les armes sont interdites dans certaines zones », Pierre-Marie Martin, supra note 55 à la p 47. N.B nous verrons que la reconnaissance de tels régimes est, selon certains auteurs, discutable. Voir analyse du deuxième paragraphe de l’article IV. Il convient de préciser ici que les articles I, III, IX et XII du Traité de l’espace ont également un lien indirect avec la question de l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique mais ne seront cependant pas analysés dans ce chapitre. Il faut tout de même de mentionner que l’article IX complète les interdictions énoncées à l’article IV dans le sens où les États ont un devoir de consultation internationale dans le cas où « leurs activités pourraient causer une gêne potentiellement nuisible aux autres États », notamment en matière d’utilisation à des fins pacifiques de l’espace, voir Traité de l’espace, supra note 68, art IX.
-
[86]
Selon le Traité de l’espace, supra note 68, art IV au para 1 : « Les États parties au Traité s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique. » Afin de saisir au mieux les normes émanant de l’article IV ainsi que la portée du principe de l’usage pacifique de l’espace que nous analyserons plus tard, nous utiliserons les moyens d’interprétation du droit international, codifiés dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (CVDT), Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 RTNU 331, (entrée en vigueur : 27 janvier 1980) [La Convention de Vienne], en ses articles 31, 32 et 33. Seront notamment pris en considération le sens ordinaire attribué aux termes dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du Traité de l’espace. La pratique subséquente des États aura également un rôle déterminant. Puisque la CVDT est entrée en vigueur après le Traité de l’espace les articles pertinents s’appliqueront à titre coutumier dans la mesure où ils reflètent celle-ci. Pour l’application de la Convention de Vienne sur le droit des traités à titre coutumier voir Lagrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), [2001] CIJ rec 466 au para 99, voir également Stephan Hobe, « The Meaning of ''Peaceful Purpose'' in Article IV of the Outer Space Treaty » (2015) 40 Ann Air & Sp L 9 aux pp 10-11.
-
[87]
On remarquera que les termes d’« armes nucléaires » et d’« armes de destruction massive » ne sont définis ni par l’article IV, ni par aucune disposition du Traité, voir Kai-Uwe Schrogl et Julia Neumann, « Article IV » dans Stephan Hobe, Bernhard Schmidt-Tedd et Kai-Uwe Schrogl, dir, Cologne Commentary on Space Law, vol I, Cologne, Heymanns, 2009 à la p 71 [Schrogl et Neumann]. Ce que l’on entend par « armes nucléaires » n’est pas sujet à controverse puisqu’il s’agit d’une technologie bien définie, voir Francis Lyall et Paul B Larsen, Space Law : A Treatise, Burlington, Ashgate, 2009 à la p 515. La Cour internationale de Justice (CIJ) a d’ailleurs établi dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires de 1996, que « les armes nucléaires sont des engins explosifs dont l’énergie procède de la fusion ou de la fission de l’atome ». Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif, [1996] CIJ rec 226 au para 35 à la p 243 [Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires]; voir Schrogl et Neumann, ibid à la p 71. Comme l’explique Schrogl et Neumann, concernant le sens à donner aux termes d’« armes de destruction massive », l’expression n’a pas été créée dans le contexte des activités spatiales mais a préalablement été discutée dans le cadre des débats sur le contrôle et la limitation des armements. Selon plusieurs auteurs, voir notamment Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 204 et Bin Cheng, « The Military Use of Outer Space and International Law » dans Bin Cheng, dir, Studies in International Space Law, Oxford, Clarendon Press, 1997 à la p 530, lors de l’élaboration du texte du Traité de l’espace, les termes d’armes de destruction massive devaient être compris au sens de la définition donnée par la Commission des armements de type classique (UN Commission for Conventional Armements). Selon celle-ci, « les armes de destruction massive devraient être définies de manière à comprendre les armes explosives atomiques, les armes fonctionnant au moyen de matières radioactives, les armes biologiques et chimiques susceptibles d’entraîner la mort et toutes les armes découvertes dans l’avenir qui, au point de vue de leur effet de destruction, seront comparables aux armes atomiques ou aux autres armes mentionnées ci-dessus », Résolution adoptée par la Commission des armements de type classique, Doc off CS NU, 3e sess, Doc NU S/C.3/32/Rev.1 (1948). Finalement, comme expliqué par Schrogl et Neumann, ibid à la p 71, de nouveaux types d’armes de destruction massive, telles que les armes radiologiques, ont été discutés ultérieurement dans le cadre de la Conférence du désarmement et des travaux de la Commission du désarmement de l’Organisation des Nations unies.
-
[88]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 337; Bin Cheng, supra note 87 à la p 531. Les réactions nucléaires dans l’espace extra-atmosphérique n’étant pas non plus interdites per se, un engin spatial fonctionnant à l’énergie nucléaire pourrait ainsi être placé licitement dans l’espace au regard de l’article IV, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 336.
-
[89]
Traité de l’espace, supra note 68, art IV au para 1.
-
[90]
Selon Stephen Gorove, une destruction est considérée comme « massive » si elle engendre la mort de plus de 20 à 30 personnes. Ce seuil n’est pas fixe et dépend également de l’arme utilisée, voir Stephen Gorove, « Arms Control Provisions in the Outer Space Treaty : A Scrutinizing Reappraisal » (1973) 3 Ga J Intl & Comp L 114 à la p 116.
-
[91]
Bin Cheng, supra note 87 à la p 530.
-
[92]
Ibid, Bin Cheng parle notamment de certains lasers utilisant la propulsion nucléaire; voir également Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 336.
-
[93]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 336; voir également Schrogl et Neumann, supra note 87 à la p 72.
-
[94]
Traité de Moscou de 1963, supra note 63.
-
[95]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 336.
-
[96]
Pourrait notamment être considérée comme licite la mise en orbite ou l’utilisation d’armes antisatellites (ASAT) au sens de ce paragraphe, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 337.
-
[97]
La question s’est ainsi posée de savoir si le placement d’une bombe orbitale telle que le système de bombardement orbital fractionnaire (FOBS), développé par l’URSS dans les années 1960 et consistant à placer des bombes nucléaires dans un satellite évoluant à basse altitude afin de le faire désorbiter pour atteindre sa cible, était licite selon les termes du Traité de l’espace. Pour plusieurs auteurs, il faut retenir une réponse positive puisque le terme « mis sur orbite » sous-entendrait qu’au moins une révolution complète doit être accomplie par l’objet en question, voir Stephen Gorove, supra note 90 à la p 116; voir également Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 202; Eric Stein, « Legal Restrains in Modern Arms Control Agreements » (1972) 66 AJIL 255 à la p 264; Mason Willrich, « The Treaty on Non-Proliferation of Nuclear Weapons : Nuclear Technology Confronts World Politics » (1968) 77:8 Yale LJ 1447 à la p 1460. Comme l’explique Mason Willrich, l’argument principal en faveur repose sur le fait qu’il est reconnu que l’utilisation de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), dont la capacité de mettre en orbite une charge nucléaire est similaire à celle du système FOBS, ne contrevient pas à l’article IV du Traité de l’espace. L’utilisation de missiles balistiques étant licites selon le l’article IV, les bombes orbitales devraient l’être a fortiori. Pour d’autres auteurs, voir Simone Courteix, supra note 83 à la p 261; Rex Zedalis et Catherine Wade, « Anti-Satellite Weapons and the Outer Space Treaty of 1967 » (1978) 8 Cal W Int' LJ 456 à la p 465; Schrogl et Neumann, supra note 87 à la p 79, bien que la question de l’orbite fractionnaire reste controversée, la formulation de la fin du premier paragraphe de l’article IV précisant que les armes interdites ne peuvent être placées de toute autre manière dans l’espace extra-atmosphérique, appuierait une interdiction de telles bombes. Aucune des deux solutions doctrinales ne semble être majoritaire.
-
[98]
Simone Courteix, supra note 83 à la p 260; voir également Stephen Gorove, supra note 90 à la p 116; Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 337.
-
[99]
Pour la définition « d’espace extra-atmosphérique » (outer space) voir infra note 106.
-
[100]
Ibid.
-
[101]
Stephen Gorove, supra note 90 à la p 116; voir également Bin Cheng, supra note 87 à la p 527, voir aussi infra note 106.
-
[102]
Stephen Gorove, supra note 90 à la p 117.
-
[103]
Ibid.
-
[104]
Ibid.
-
[105]
Selon le Traité de l’espace, supra note 68, art IV au para 2 : « Tous les États parties au Traité utiliseront la Lune et les autres corps célestes exclusivement à des fins pacifiques. Sont interdits sur les corps célestes l’aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manoeuvres militaires. N’est pas interdite l’utilisation de personnel militaire à des fins de recherche scientifique ou à toute autre fin pacifique. N’est pas interdite non plus l’utilisation de tout équipement ou installation nécessaire à l’exploration pacifique de la Lune et des autres corps célestes ».
-
[106]
Afin d’éviter toute confusion, Bin Cheng explique la différence terminologique entre l’expression anglaise outer space à ne pas confondre avec outer void space : (i) « [t]he Treaty constantly uses the expression, “outer space, including the moon and celestial bodies”. In general, therefore, for the purpose of the Treaty, “outer space” includes “celestial bodies”, and “celestial bodies” include “the moon”. (ii) It would follow that Article IV (2) which limits the use of the “moon and other celestial bodies” to “exclusively” “peaceful purposes”, does not apply to outer space in the narrow sense of the term, meaning the void between celestial bodies, which, […], we shall hereinafter refer to as the “outer void space”. » Voir Bin Cheng, supra note 87 à la p 527. On remarquera que dans cette disposition, aucune référence au vide spatial entre les corps célestes n’est faite. Selon les travaux préparatoires du Traité, cette omission était intentionnelle puisque les États souhaitaient rester libres d’effectuer des activités militaires dans certaines zones de l’espace. En effet, les États ont toujours voulu protéger leur droit de faire transiter des missiles balistiques intercontinentaux et d’envoyer des satellites de reconnaissance, voir Stephan Hobe, supra note 86 à la p 13; voir également Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 338. L’Inde avait d’ailleurs proposé d’étendre le champ d’application de l’utilisation « exclusivement à des fins pacifiques » à l’ensemble de l’espace extra-atmosphérique. La proposition avait été rejetée par les États-Unis et l’URSS qui ne souhaitaient pas être limités d’une telle manière dans leur utilisation de l’espace, voir Doc off AG NU, Doc NU A/AC.105/PV.3 (1962) à la p 63.
-
[107]
Plusieurs dispositions du Traité de l’espace font d’ailleurs référence à l’utilisation à des fins pacifiques de l’espace extra-atmosphérique. Voir Traité de l’espace, supra note 68, selon le 2e paragraphe du préambule : « [l]es États parties au présent Traité […] reconnaissant l’intérêt que présente pour l’humanité tout entière le progrès de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, […] ». Le 4e paragraphe ajoute : « […] désireux de contribuer au développement d’une large coopération internationale en ce qui concerne les aspects scientifiques aussi bien que juridiques de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, […] ». Le 8e paragraphe dispose également que : « […] tenant compte de la résolution 110 (II) de l’Assemblée générale des Nations unies en date du 3 novembre 1947, résolution qui condamne la propagande destinée ou de nature à provoquer ou à encourager toute menace à la paix, toute rupture de la paix ou tout acte d’agression, et considérant que ladite résolution est applicable à l’espace extra-atmosphérique, […] ». Selon l’article III : « [l]es activités des États parties au Traité relatives à l’exploration et à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, doivent s’effectuer conformément au droit international, y compris la Charte des Nations unies, en vue de maintenir la paix et la sécurité internationales et de favoriser la coopération et la compréhension internationales. »
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[108]
Pour des études traitant de l’interprétation du principe d’usage pacifique, voir notamment : Stephan Hobe, supra note 86 aux pp 9-24; Sabine Akbar, « Nouvelle Course à la Lune et aux corps céleste : les défis juridiques de l’exploration et l’exploration planétaire » (2009) 249:1 Rev fr dr aérien 28 aux pp 32-34; Mireille Couston, « Éléments de réflexion sur la notion d’utilisation pacifique de l’espace » (2006) 239:1 Rev fr dr aérien 242; Mireille Couston, « L’espace, la paix, la guerre » dans Jean-François Guilhaudis, dir, La sécurité internationale entre rupture et continuité — Mélanges en l’honneur du professeur Jean-François Guilhaudis, Bruxelles, Bruylant, 2007 aux pp 119-54; Bin Cheng, supra note 87 aux pp 527-32; Thabize Yengola Selemani : « Le problème de la qualification en droit international public : cas de l’utilisation pacifique de l’espace face au désarmement » (1986) Rev fr dr aérien 177; Hüsseyin Pazarci, « Sur le principe de l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique » (1979) 83 RGDIP 986; Marko G Markoff, « Disarmement and Peaceful Purposes, Provisions in the 1967 Outer Space Treaty » (1976) 4:1 J Space L 3 aux pp 3-22; Simone Courteix, supra note 83 aux pp 252-270; Julien Gustave Verplaetse, « Autour de l’article IV du Traité de droit cosmique du 27 janvier 1967 » (1968) 31 RG de l’Air et de l’Espace aux pp 45 et s.
-
[109]
Mireille Couston, supra note 16 aux pp 95-96; voir également Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 339; Stephen Gorove, supra note 90 à la p 119.
-
[110]
Mireille Couston, supra note 16 à la p 96. Pour des auteurs défendant cette interprétation, voir notamment Marko G Markoff, supra note 108 aux pp 3 et s; Carl Q. Christol, The Modern International Law of Outer Space (Pergamon Policy Studies on International Politics), New York, Oxford, Pergamon Press, 1982 aux pp 22 et s; Gennady Zhukov, « Practical problems of space law » (1963) 5 Intl Affairs 27 à la p 28.
-
[111]
Traité de l’espace, supra note 68, art I au para 1 : « L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique; elles sont l’apanage de l’humanité tout entière. »
-
[112]
Marko G Markoff, Traité de droit international public de l’espace, Fribourg, Éditions universitaires Fribourg (Suisse), 1973 aux pp 383-384. Voir également Marko G Markoff, supra note 108 aux pp 3-22.
-
[113]
Sabine Akbar supra note 108 à la p 33 décrit l’interprétation faite par Markoff comme suit : « [e]n effet, pour déterminer le caractère licite d’une activité spatiale, le problème n’est pas de savoir si les activités sont militaires ou non ni même agressives ou non. Selon lui, il faut déterminer si l’activité est réalisée pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays. » Cet argument a vite été très critiqué par de nombreux auteurs dont Julien Gustave Verplaetse, supra note 108 à la p 50, qui explique à ce sujet que : « le concept d’utilisation n’a pas été défini par les profits et intérêts de tous les pays », voir également Thabize Yengola Selemani, supra note 108 à la p 186.
-
[114]
Traité sur l’Antarctique, 1er décembre 1959, 402 RTNU 71 (entrée en vigueur : 23 juin 1961), voir notamment le préambule et les art I et IV.
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[115]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 339.
-
[116]
Mireille Couston, supra note 16 aux pp 96-97.
-
[117]
Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, RT Can 1945 n° 7 (entrée en vigueur : 24 octobre 1945) [Charte des NU], art 2 (4).
-
[118]
Ibid; voir également Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 339. Depuis les années 1960, cette approche a été ardemment défendue par les États-Unis pour lesquels l’utilisation pacifique de l’espace ne signifie pas, par définition, une utilisation « non-militaire », voir Patrick K Gleeson, supra note 15 à la p 58. En effet, l’argument est de dire qu’une utilisation militaire de l’espace, notamment par l’envoi de satellites de reconnaissance et de surveillance permet d’assurer le maintien de la paix. À ce sujet, Simone Courteix, supra note 83 à la p 262, écrit : « [c]ette doctrine rappelle que le maintien de la paix n’est dû qu’à une surveillance constante de l’adversaire et peut donc reposer sur ces satellites capables de détecter tout lancement d’engins adverses. » Cette interprétation a rapidement obtenu l’appui de nombreux États. L’utilisation de l’espace à des fins militaires passives par l’envoi de satellites de reconnaissance et de surveillance n’a dès lors plus été contestée. Voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 340.
-
[119]
Selon Thabize Yengola Selemani, supra note 108 à la p 187, une interprétation littérale de l’article IV du Traité de l’espace doit être faite : « [o]n s’aperçoit à la comparaison de ces deux paragraphes, que les utilisations de l’espace ne sont nullement interdites, sauf pour ce qui est des armes nucléaires et de destruction massive, car c’est uniquement la lune et les autres corps célestes qui doivent exclusivement être utilisés à des fins pacifiques et ce du fait que toutes les utilisations militaires y sont interdites, sauf en ce qui concerne le personnel militaire employés à des fins de recherche scientifique. Ainsi donc, les utilisations militaires ne sont nullement interdites dans l’espace extra-atmosphérique, sauf sur la lune et les autres corps célestes ». Pour des auteurs exprimant la même opinion, voir par exemple Sabine Akbar supra note 108 aux pp 33-34; Mireille Couston, supra note 16 à la p 99; Simone Courteix, supra note 83 aux pp 260 et s; Bin Cheng, supra note 87 aux pp 527 et s. Pour une liste détaillée des nombreux auteurs défendant cette interprétation, voir Mireille Couston, supra note 16 à la p 96 et Thabize Yengola Selemani, supra note 108 à la p 187.
-
[120]
En effet, comme expliqué précédemment, supra note 106, les États-Unis et l’URSS avait refusé la proposition de l’Inde consistant à étendre le champ d’application « exclusivement à des fins pacifiques » à l’ensemble de l’espace extra-atmosphérique.
-
[121]
Celle-ci étant pertinente en matière d’interprétation selon la Convention de Vienne, supra note 86, art 31(3) b. La CIJ précise que la pratique des États particulièrement intéressés est probante, voir Plateau continental de la mer du Nord, [1969] CIJ rec 3 au para 73, voir Stephan Hobe, supra note 86 à la p 15.
-
[122]
Mireille Couston, supra note 16 à la p 98. Comme l’explique Thabize Yengola Selemani, supra note 108 aux pp 188-89, «[A]u début de l’ère spatiale, les Soviétiques ne disposaient pas de satellites-espions, mais ils connaissaient l’existence des satellites-espions américains, et c’est pour cette raison qu’ils défendaient alors la thèse selon laquelle l’utilisation pacifique de l’espace ne peut être qu’une utilisation non-militaire. Mais ils se sont vite rendu compte de l’utilité et de l’importance de satellites-espions et à leur tour ils ont lancé dans l’espace, à partir de 1962, toute une série de satellites-espions, les “Cosmos” et la position soviétique a commencé à fléchir ».
-
[123]
Simone Courteix, supra note 83 à la p 265. La position européenne est également pertinente sur la question. Selon l’article 2 de la Convention portant création d’une agence spatiale européenne, 30 mai 1975, UKTS 1981 no 30, 14 ILM 864 (entrée en vigueur : 30 octobre 1980), les missions de l’Agence doivent être entreprises « à des fins exclusivement pacifiques ». Cependant, celle-ci a développé plusieurs programmes servant des objectifs civils et militaires (par exemple : « Spot » et « Galileo »), confortant une fois de plus l’interprétation « non-agressive ». Voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 340; voir également Mireille Couston, supra note 16 à la p 99.
-
[124]
Mireille Couston, supra note 16 à la p 98.
-
[125]
On précisera également que différents traités adoptés ultérieurement entre puissances spatiales, notamment en matière de désarmement, appuient cette thèse également. Stephan Hobe, supra note 86 aux pp 16-19. Voir le chapitre suivant (VI).
-
[126]
Traité de l’espace, supra note 68, voir art 4 (2).
-
[127]
Pour une présentation complète des différentes interprétations et des auteurs les soutenant, voir Setsuko Aoki, supra note 3 aux pp 203-04.
-
[128]
Ibid.
-
[129]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 204. On précisera que les autorisations énoncées à la dernière phrase de l’art IV au para 2 du Traité de l’espace, supra note 68, n’étant pas explicitées, leurs significations dépendent encore une fois de l’interprétation donnée à l’expression « à des fins pacifiques », voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 341.
-
[130]
Accord sur la Lune, supra note 72. Pour une étude approfondie de l’Accord sur la Lune, voir Simone Courteix, « L’accord régissant les activités des États sur la lune et les autres corps célestes » (1979) 25 AFDI 203.
-
[131]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 203.
-
[132]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 342. Pour une analyse détaillée de l’article III de l’Accord sur la Lune, supra note 72, particulièrement significatif en matière d’utilisation militaire de la Lune et des autres corps célestes, voir Rex J Zedalis, « Will Article III of the Moon Treaty Improve Existing Law : A Textual Analysis » (1980) 5:1 Suffolk Transnational LJ 53.
-
[133]
Accord sur la Lune, supra note 72, voir art 3 (1).
-
[134]
Ibid, art 3 (2).
-
[135]
Traité de l’espace, supra note 68, art. IV (2).
-
[136]
Rex J Zedalis, supra note 132 aux pp 67-69. Comme l’explique l’auteur, l’interdiction de tout autre acte d’hostilité peut être interprétée de deux manières. Premièrement, « hostile » signifierait « agressif ». Ainsi, l’utilisation à des fins pacifiques de la Lune et des corps célestes devrait être comprise comme une interdiction de toute activité militaire de nature agressive. Selon la seconde interprétation, « un acte hostile » signifierait « n’importe quel acte de nature militaire ». Selon une telle interprétation, serait donc prohibée n’importe quelle action militaire de nature offensive ou défensive. Sans définition claire des termes d’acte hostile, aucune interprétation ne semble prévaloir. Le débat interprétatif sur l’article III (2) se trouve finalement être identique à celui sur l’article IV (2) du Traité de l’espace, supra note 68, examiné précédemment.
-
[137]
Charte des NU, supra note 117.
-
[138]
Selon l’article II de l’Accord sur la Lune, supra note 72, « Toutes les activités sur la Lune, y compris les activités d’exploration et d’utilisation, sont menées en conformité́ avec le droit international, en particulier la Charte des Nations Unies, […] ».
-
[139]
Accord sur la Lune, supra note 72, voir art 3 (3).
-
[140]
Nicolas M Matte, Aerospace Law, Toronto, Carswell, 1969 à la p 299. Voir également Rex J Zedalis, supra note 132 à la p 56.
-
[141]
Rex J Zedalis, supra note 132 à la p 56.
-
[142]
Ibid à la p 57.
-
[143]
Ibid à la p 59.
-
[144]
Ibid à la p 71.
-
[145]
Informations tirées du internet de collections des traités de l’ONU : Nations Unies « Collection des Traités », en ligne : Collection des traités des NU <treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XXIV-2&chapter=24&lang=fr>.
-
[146]
Traité de Moscou de 1963, supra note 63. N.B. Les textes officiels sont en anglais et en russe.
-
[147]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 343.
-
[148]
Traité de Moscou de 1963, supra note 63, art 1 (1).
-
[149]
Ibid, art 1 (2).
-
[150]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 343. Si le Traité interdit les explosions nucléaires dans l’espace extra-atmosphérique, selon Bin Cheng, celles-ci n’incluent pas de petites explosions dans un espace clos pour notamment alimenter en énergie des armes à rayonnement gamma, à rayon X ou autres armes laser ne produisant pas directement des débris radioactifs. L’utilisation d’engins spatiaux propulsés à l’énergie nucléaire semblent également ne pas être interdite au sens de ses provisions, Bin Cheng, supra note 87 à la p 527.
-
[151]
Traité de Moscou de 1963, supra note 63, voir art 5. Les événements extraordinaires n’ayant pas été définis dans le Traité, les États sont libres de leurs donner l’interprétation qu’ils souhaitent, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 343; voir également Bin Cheng, supra note 87 à la p 526.
-
[152]
Ibid.
-
[153]
Bin Cheng, supra note 87 à la p 527.
-
[154]
Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, 10 décembre 1976, 1108 RTNU 151, (entrée en vigueur : 5 octobre 1978) [Convention ENMOD]. En 2020, 78 États étaient partis à la Convention dont notamment de grandes puissances spatiales telles que les États-Unis, la Russie et la Chine, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 344.
-
[155]
Convention ENMOD, supra note 154, art 1 (1). N.B. Selon l’accord interprétatif relatif à l’art 1, il faut entendre par « étendus », les effets qui s’étendent à une superficie de plusieurs centaines de kilomètres carrés; « durables » s’entend d’une période de plusieurs mois, ou environ une saison; « graves » signifie qui provoque une perturbation ou un dommage sérieux ou marqué pour la vie humaine, les ressources naturelles et économiques ou d’autres richesses.
-
[156]
Convention ENMOD, supra note 154, art 2.
-
[157]
Ibid, art 3 (1).
-
[158]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 205.
-
[159]
Ibid, voir Patrick K Gleeson, supra note 15 à la p 56.
-
[160]
Traité entre les États-Unis d’Amérique et l’Union des républiques socialistes soviétiques concernant la limitation des systèmes de missiles antimissiles, 26 mai 1972, 944 RTNU 13 (entrée en vigueur : 3 octobre 1972, terminé : 13 juin 2002) [Traité ABM].
-
[161]
Ibid, art 5 (1). Selon le texte officiel en anglais : « [e]ach Party undertakes not to develop, test, or deploy ABM systems or components which are sea-based, air-based, space-based, or mobile land-based. »
-
[162]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 347.
-
[163]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 205.
-
[164]
Traité d’interdiction complète des essais nucléaire, 10 septembre 1996, Doc off AG NU, 50e sess, A/RES/50/245 (non entré en vigueur) (appelé Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty ou CTBT en anglais et TICEN en français) [Traité TICEN].
-
[165]
Selon le Traité de Moscou de 1963, les explosions nucléaires ne sont pas prohibées sous terre tant qu’elles n’affectent pas les territoires d’autres États, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 343.
-
[166]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 346.
-
[167]
Traité TICEN, supra note 164, art 1.
-
[168]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 346.
-
[169]
Traité TICEN, supra note 164, selon l’art 14, l’entrée en vigueur du Traité est en effet fixée au 180e jour qui suit la date de dépôt des instruments de ratification des 44 États indiqués à l’annexe 2. Parmi ceux-ci, 36 États l’ont ratifié (situation en juillet 2020). La Chine, l’Iran, Israël et les États-Unis ont signé le Traité mais ne l’ont pas ratifié. Voir le site officiel de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires : CTBTO, « Home », en ligne : CTBTO <www.ctbto.org>.
-
[170]
Pour des études approfondies sur la question de la pertinence du DIH dans des opérations militaires spatiales, voir notamment Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 aux pp 50-59; Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 aux pp 71-103; Mireille Couston et Géraldine Ruiz, « Le droit de la Haye à l’épreuve des espaces aériens et extra-atmosphériques » dans Vincent Chetail, dir, Permanence et mutation du droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2013 aux pp 514-607; Fabio Tronchetti, « Applicability of Rules of International Humanitarian Law to Military Conflicts in Outer Space: Legal Certainty or Time for a Change » (2012) 55 Proceedings of the International Institute of Space Law 357 [Tronchetti, « IHL »]; Michael N Schmitt, « International Law and Military Operations in Space » (2006) 10 Max Planck YB of UN Law 89 aux pp 114-124; Michel Bourbonnière, supra note 35 aux pp 43-69; Michel Bourbonnière et Louis Haeck, « Jus in Bello Spatiale » (2000) 25:1 Air and Space L 2; Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 1-157.
-
[171]
François Bugnion, « Droit de Genève et droit de La Haye » (2001) 83:844 RICR 901 à la p 921.
-
[172]
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, 8 juin 1977, 1125 RTNU 3 (entrée en vigueur : 7 décembre 1978) [PA I].
-
[173]
Ibid, art 49 (3).
-
[174]
Mireille Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 à la p 531.
-
[175]
Les commentaires officiels du PA I écrits par le CICR semblent défendre une telle interprétation puisque nous n’y trouvons aucune référence faite à l’espace extra-atmosphérique en tant que plateforme d’opération militaire. Voir Yves Sandoz, Christophe Swinarki et Bruno Zimmerman, Commentaires du Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, Comité international de la Croix-Rouge, 1987 aux para 1892-1899 [Commentaires du PA I].
-
[176]
Voir notamment Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 55; Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 aux pp 7-12; Mireille Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 aux pp 532-33; Tronchetti, « IHL », supra note 170 aux pp 366-367; Michael N Schmitt, supra note 170 aux pp 115-16; Michel Bourbonnière, supra note 35 aux pp 49-50; Michel Bourbonnière et Louis Haeck, supra note 170 aux pp 4-5; Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 123-29. Plusieurs arguments soutiennent ainsi une application étendue du Protocole additionnel I. Selon Robert A Ramey, supra note 5 aux pp 123-29 et Mireille Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 aux pp 531-33, trois méthodes d’argumentation principales permettent de conclure à une application des normes conventionnelles de DIH pertinentes à des conflits armés spatiaux. En premier lieu, selon l’article III du Traité de l’espace, supra note 68, « Les activités des États […] doivent s’effectuer conformément au droit international […] en vue de maintenir la paix et la sécurité internationales et de favoriser la coopération et la compréhension internationales. » Ainsi, le droit de l’espace énonce explicitement que les activités des États, incluant donc celles prenant place lors de conflits armés, doivent être conformes au droit international dont les normes de jus in bello font partie intégrante. Deuxièmement, l’applicabilité des normes de DIH aux conflits spatiaux peut être déduite du développement normatif qu’ont connu d’autres théâtres d’opérations militaires. Si la guerre aérienne est explicitement mentionnée par le PA I et doit donc respecter les normes conventionnelles de DIH en vigueur, c’est notamment grâce à un à cadre juridique fragmentaire qui s’est élargi au fil du temps et des avancées technologiques, voir Robert A Ramey, supra note 5 à la p 126. Le secteur aéronautique s’est développé considérablement depuis le début du 20e siècle. En parallèle de ce développement, la question s’est posée de savoir dans quelle mesure une guerre aérienne devait être régulée. Cependant, la Convention de la Haye de 1907 n’a pas adressé cette problématique, voir Robert A Ramey, supra note 5 à la p 126. Le processus d’assimilation au niveau juridique s’est donc fait de manière progressive dès 1911, notamment grâce à l’Institut de droit international qui perçut dans la guerre aérienne une nouvelle plateforme pour les conflits armés devant être sujette aux mêmes restrictions que les combats prenant place sur terre ou dans les airs, comme expliqué par Mirelle Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 à la p 532. Les missions aériennes et spatiales ont connu une évolution similaire dans leurs rôles; passant d’opérations de collectes de renseignements à des missions de soutien à des opérations au sol pour finalement mener à des attaques offensives ou défensives (ce stade n’a pas encore été atteint pour des missions spatiales), voir Robert A Ramey, supra note 5 à la p 126. Au vu des similitudes que l’on retrouve non seulement en matière de l’évolution du rôle des missions aériennes et spatiales utilisées à des fins militaires et de l’évolution du cadre légal très fragmentaire qu’ont connu les opérations militaires aériennes, un raisonnement par analogie permettrait de conclure que les opérations militaires spatiales devraient également, à terme, entrer dans le champ d’application des normes de DIH, voir Robert A Ramey, supra note 5 à la p 126, voir également Mirelle Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 à la p 533. Finalement, la Clause de Martens appuie également une application des règles de DIH aux conflits spatiaux. On retrouve notamment cette clause dans le préambule de la deuxième Convention de la Haye de 1899, dans celle de la quatrième Convention de la Haye de 1907, dans les quatre Conventions de Genève de 1949 et dans le PA I. Selon ce dernier, « les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit des gens, tels qu’ils résultent des usages établis, des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique », voir PA I, supra note 172, art 1 (2). Ainsi, comme l’expliquent Mireille Couston et Géraldine Ruiz, supra note 170 à la p 533, « la vitalité des normes » et « le phrasé dynamique » exprimé par la clause permettent d’anticiper la régulation de tous nouveaux moyens ou méthodes de guerre; les technologies spatiales utilisées lors d’opérations militaires y faisant parties. Sur ce dernier point, voir également Michel Bourbonnière et Louis Haeck, supra note 170 à la p 5.
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[177]
Michael N Schmitt, supra note 170 à la p 115.
-
[178]
Ibid.
-
[179]
Ibid.
-
[180]
Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, supra note 87 au para 86 à la p 259.
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[181]
PA I, supra note 172, art 49 (1).
-
[182]
Ibid, art 52 (2). (Les italiques ont été ajoutés)
-
[183]
Michael N Schmitt, supra note 170 à la p 116 : cela concerne notamment des satellites de navigation, de communication, de télédétection ou météorologiques.
-
[184]
Ibid, voir Michel Bourbonnière, supra note 35 aux pp 59-61.
-
[185]
Yun Zhao et Shengli Jiang traitent également d’une autre question pertinente relative à la distinction entre combattants et civils. Le personnel technique sur Terre en charge de l’exploitation des systèmes de lancement d’armes spatiales, de systèmes de commandement, de contrôle de satellites notamment, n’ayant pas de statut d’officier, pourrait-il être considéré comme combattant au sens du DIH? Selon le PA I, supra note 172, art 50 (1), il conviendra, en cas de doute, de considérer comme civil tout personnel technique ou autre personnel apportant un soutien logistique aux opérations spatiales. Voir Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 55.
-
[186]
Traité de l’espace, supra note 68, voir art V.
-
[187]
Ibid. Les dispositions de l’Accord sur le sauvetage et le retour des astronautes, supra note 69, vont également dans le sens d’une telle protection. Voir également Résolution 1962, supra note 64, au para 9.
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[188]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 151. Comme l’explique Aldo Armando Cocca, le terme « envoyé » a un précédent en droit diplomatique puisqu’il est compris comme faisant référence à un envoyé extraordinaire. Celui-ci est considéré comme un agent ou un messager mais se situe hiérarchiquement en-dessous d’un ambassadeur. Le choix des termes d’« envoyés de l’humanité » a été reconnu à l’unanimité par l’Assemblée Générale de l’ONU et confère donc à chaque astronaute un statut unique de représentant légal de l’humanité. Aldo Armando Cocca, « Prospective Space Law » (1998) 26:1 J Space L 51 à la p 54.
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[189]
Pour bénéficier du statut de belligérant, des astronautes militaires devraient répondre aux critères imposés par l’article premier de l’Annexe de la Convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, 18 octobre 1907, La Haye, Deuxième Conférence internationale de la Paix (15 juin-18 octobre 1907), Actes et Documents, vol 1, aux pp 626-637. Selon cette disposition, des astronautes militaires seraient ainsi considérés comme belligérants à condition (1) d’avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés; (2) d’avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance; (3) de porter les armes ouvertement et; (4) de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre. Comme l’explique Robert A Ramey, supra note 5 à la p 151, il conviendrait de donner aux conditions (2) et (3) une signification propre à l’espace extra-atmosphérique, l’enjeu de cette disposition étant de faire la distinction entre les combattants et les non-combattants notamment.
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[190]
Robert A Ramey, supra note 5 à la p 151; Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 55; John S Beaumont, « Self-defense as a justification for disregarding diplomatic immunity » (1992) 29 ACDI 391; Michel Bourbonnière et Louis Haeck, supra note 170 à la p 148.
-
[191]
PA I, supra note 172, art 57 (2) a, ii.
-
[192]
Comme l’explique Dale Stephens et Cassandra Steer, supra note 1 à la p 100, il est estimé qu’une attaque cinétique créerait plus d’un millier de débris orbitant autour de la Terre à plus de 27'000 kilomètres par heure. À une telle vitesse, une collision entre un débris et un objet spatial mènerait à un endommagement conséquent voire à sa destruction. La partie belligérante qui planifierait une telle attaque devrait non seulement prendre en compte le pouvoir de destruction de ces débris et leurs trajectoires mais également les effets décrits par le syndrome de Kessler. Selon ce dernier, la création de débris dans l’espace suite à une collision risque d’en créer d’autres de façon exponentielle. Voir Donald J Kessler et Burton G Cour-Palais, « Collision Frequency of Artificial Satellites : The Creation of a Debris Belt » (1978) 83 J of Geophysical Research 2637.
-
[193]
Michael N Schmitt, supra note 170 à la p 120.
-
[194]
Ibid à la p 121. Selon le PA I, supra note 172, art 57 (2) a, i, : « ceux qui préparent ou décident une attaque doivent: faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que les objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles, ni des biens de caractère civil, et ne bénéficient pas d'une protection spéciale, mais qu'ils sont des objectifs militaires au sens du par 2 de l'art 52, et que les dispositions du présent Protocole n'en interdisent pas l'attaque […] ». Selon la Convention sur l’immatriculation des objets spatiaux, supra note 71, art 3 : « [l]e Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies assure la tenue d’un registre dans lequel sont consignés les renseignements fournis conformément à l’article IV ».
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[195]
PA I, supra note 172, art 57 (3).
-
[196]
Michael N Schmitt, supra note 170 à la p 121.
-
[197]
Art 51 (5) b, PA I, supra note 172, voir également les art 57 (2) a, iii et 57 (2).
-
[198]
Michael N Schmitt, supra note 170 à la p 119.
-
[199]
Le développement de nouvelles armes ou technologies spatiales devra notamment prendre en considération l’article 36 du PA I, supra note 172, selon lequel « [d]ans l'étude, la mise au point, l'acquisition ou l'adoption d'une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d'une nouvelle méthode de guerre, une Haute Partie contractante a l'obligation de déterminer si l'emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie contractante. » Voir Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 223 et Michel Bourbonnière, supra note 35, à la p 68.
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[200]
PA I, supra note 172, art 35 (3).
-
[201]
Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 64.
-
[202]
Ibid.
-
[203]
PA I, supra note 172, art 55.
-
[204]
Selon les Commentaires du PA I, supra note 175, « [l]a notion de l'environnement naturel doit recevoir l'acception la plus large et se comprendre comme couvrant le milieu biologique dans lequel vit une population. » Pour Michel Bourbonnière, il faut ainsi comprendre également par cette large interprétation faite des termes « d’environnement naturel », « les orbites sur lesquelles il y a une présence humaine », Michel Bourbonnière, supra note 35 à la p 65.
-
[205]
Ibid.
-
[206]
Charte des NU, supra note 117.
-
[207]
Traité de l’espace, supra note 68, voir art III, voir également supra note 107.
-
[208]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 350.
-
[209]
Convention de Vienne, supra note 86, art 30; Ricky J Lee, « The Jus Ad Bellum in Spatialis : The Exact Content and Practical Implications of the Law on the Use of Force in Outer Space » (2003) 29:1-2 J Space L 93 à la p 99 [Lee, « Jus ad Bellum»]; Fabio Tronchetti, « The Right of Self-Defence in Outer Space : An Appraisal » (2014) 63:1 German J Air & Space L 92 à la p 105 [Tronchetti, « Self-Defense »]; voir également Richard Gardiner, Treaty Interpretation, Oxford, Oxford University Press, 2008 aux pp 343-45.
-
[210]
Charte des NU, supra note 117, voir art 103. Pour une analyse détaillée de la relation entre l’article 103 de la Charte et de l’article IV du Traité de l’espace, voir Ricky J Lee, « Jus Ad Bellum in Outer Space : The Interrelation between Article 103 of the Charter of the United Nations and Article IV of the Outer Space Treaty » dans The 45th Colloquium on the Law of Outer Space, Biddle Law Library, 2002, aux pp 139-48.
-
[211]
Pour une étude complète sur cet adage, voir Vincent Correira, « L’adage lex specialis derogat generali : Réflexions générales sur sa nature, sa raison d’être et ses conditions d’application », dans Muriel Ubéda-Saillard, dir, La mise en oeuvre de la « lex specialis » dans le droit international contemporain : journée d'études de Lille, Lille, Éditions Pedone, 2017, 29. Il est important de noter que l’on considérera le droit de l’espace comme une lex specialis par rapport au droit international général dans la mesure où l’environnement spatial nécessite des règles particulières aux vues de ses spécificités. Cela étant, le droit spatial ne doit pas être considéré comme un régime juridique autonome; comme l’indique l’article III, Traité de l’espace, supra note 68, les normes de droit spatial devront toujours être interprétées à la lumière de la lex generalis, soit le droit international général. Sur ce sujet, voir notamment : Pierfrancesco Breccia, « Article III of Outer Space Treaty and its Relevance in the International Space Legal Framework » (2016) 67 International Astronautical Congress (IAC) 1 à la p 4 et Olivier Ribbelink, « Article III » dans Stephan Hobe, Bernhard Schmidt-Tedd et Kai-Uwe Schrogl, dir, Cologne Commentary on Space Law, vol I, Cologne, Heymanns, 2009, 273.
-
[212]
Pierfrancesco Breccia, supra note 211 à la p 4; Frans G von der Dunk, « Contradictio in terminis or Realpolitik? A Qualified Plea for a Role of 'Soft Law' in the Context of Space Activities » (2012) Space, Cyber, and Telecommunications Law Program Faculty Publications 31 à la p 39.
-
[213]
Charte des NU, supra note 117, art 2 (4). Ce principe a été reconnu comme étant une règle coutumière de jus cogens par la CIJ, voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c Etats-Unis d'Amérique, [1986] CIJ Rec 14 au para 90 [Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua], voir Ricky J Lee, supra note 210 à la p 143; voir également Patrick Daillier et al, Droit international public : formation du droit, sujets, relations diplomatiques et consulaires, responsabilité, règlement des différends, maintien de la paix, espaces internationaux, relations économiques, environnement, 8e éd, Paris, LGDJ, 2009 aux para 560-565 aux pp 1031-37.
-
[214]
Selon l’art 2 (3), Charte des NU, supra note 117, « [l]es Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. » Voir également Charte des NU, supra note 117, art 33.
-
[215]
Charte des NU, supra note 117.
-
[216]
Ibid, art 39. Voir Patrick Daillier et al, supra note 213 aux pp 1094 et s.
-
[217]
Charte des NU, supra note 117, art 51. Voir Patrick Daillier et al, supra note 213 aux para 566-69 aux pp 1038-44. N.B. Selon la CIJ dans l’Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra note 213 aux para 103 et 194, un État peut agir en légitime défense seulement après qu’une attaque armée ait été menée par un autre État. L’action de légitime défense doit être dans tous les cas conforme à la condition de nécessité et de proportionnalité selon le droit coutumier.
-
[218]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 354; Michel Bourbonnière, « National-Security Law in Outer Space : The Interface of Exploration and Security » (2005) 70:1 J Air L & Com 3 à la p 10.
-
[219]
Michel Bourbonnière et Ricky J Lee, « Legality of the Deployment of Conventional Weapons in Earth Orbit: Balancing Space Law and the Law of Armed Conflict » (2008) 18:5 Eur J Intl L 873 à la p 879; voir également Lee, « Jus ad Bellum », supra note 209 aux pp 98 à 111.
-
[220]
Pour des études traitant de la légitime défense dans le contexte spatial, voir notamment : Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209, aux pp 92-120; Brandon L Hart, supra note 43 aux pp 357-60; Louis Haeck, « Aspects Juridiques de Certaines Utilisations Militaires de L'Espace » (1996) 21:1 Ann Air & Sp L 92.
-
[221]
Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 aux pp 106-07.
-
[222]
Voir ce qui a été exposé précédemment au sujet de la création de débris spatiaux, supra note 192.
-
[223]
Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 à la p 104.
-
[224]
Ibid.
-
[225]
Ibid.
-
[226]
Ricky J Lee, supra note 210 à la p 147; voir également Arjen Vermeer, « A legal Exploration of Force Application in Outer Space » (2007) 46 Mil L & L of War Rev 299 aux pp 320-21. Il est intéressant de soulever ici qu’une éventuelle action en légitime défense sur la Lune ou sur un corps céleste soulève un potentiel conflit normatif entre l’art IV (2) du Traité de l’espace, supra note 68, et l’article 51 de la Charte des NU, supra note 117. Dans la mesure où l’on interprète « l’utilisation de la Lune et toute autres corps célestes à des fins exclusivement pacifiques » signifiant l’interdiction de toute intervention armée sur ces derniers, l’article IV (2), régulant le droit d’utiliser la force armée spécifiquement sur les corps célestes, devrait prévaloir sur l’article 51 en tant que lex specialis. En effet, comme l’explique Norberto Bobbio, « Des critères pour résoudre les antinomies » (1964) 18 Dialectica 237 à la p 244, « [l]e critère de spécialité est fondé sur un jugement de fait concernant l’étendue différente des dispositions normatives incompatibles en ce qui concerne, soit la validité matérielle, soit celle personnelle, soit toutes les deux ensemble […] ». Il est à rappeler que le droit de légitime défense n’imposant pas d’obligation aux États, l’article 103 de la Charte des NU, supra note 117, ne s’appliquerait pas.
-
[227]
Christopher M Petras, « The Use of Force in Response to Cyber-Attack on Commercial Space Systems — Reexamining Self-Defense in Outer Space in the Light of the Convergence of U.S. Military and Commercial Space Activities » (2002) 67 J Air L & Com 1214 à la p 1257. Selon une doctrine minoritaire, le droit de légitime défense n’est pas applicable aux activités menées dans l’espace extra-atmosphérique. Voir notamment Bruce A Hurwitz, The Legality of Space Militarization, Amsterdam, Elsevier, 1986 à la p 72. En effet, dans le cas d’une action en légitime défense dans le vide spatial, il paraît difficile de conclure que le droit spatial serait considéré comme lex specialis vis-à-vis de la Charte. Pour qu’une norme prime sur une autre de par sa spécialité, les deux normes en conflit doivent avoir le même champ d’application matériel. Or, le vide spatial n’étant pas soumis à une utilisation exclusivement à des fins pacifiques au sens de l’article IV du Traité de l’espace, supra note 68, des actions militaires pourraient y être menées. Ainsi, la lex generalis, soit le droit d’agir en légitime défense selon l’article 51 de la Charte des NU, supra note 117, pourrait s’appliquer. Encore une fois, un tel raisonnement repose évidemment sur l’interprétation donnée au principe d’usage pacifique de l’espace extra-atmosphérique.
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[228]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 355.
-
[229]
Selon la définition adoptée par consensus par l’Assemblée générale dans la résolution (XXIX), article 1 : « [l’]agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies […] ». Définition de l’agression, Rés AG 3314 (XXIX), Doc off AG NU, 29e session, Doc NU A/9631 (1975).
-
[230]
Traité de l’espace, supra note 68, voir art VIII. Les règles applicables au statut juridique des navires selon le droit de la mer vont également dans ce sens, voir Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 355.
-
[231]
Ibid. Voir également Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 à la p 114; Brandon L Hart, supra note 43 à la p 358.
-
[232]
Ibid.
-
[233]
Ibid. Pour une analyse détaillée voir également Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 aux pp 115 à 117.
-
[234]
Tronchetti, « Self-Defense », ibid. Pour une étude approfondie de la question, voir Christopher M Petras, supra note 227 à la p 1257.
-
[235]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 356. Comme expliqué précédemment, des actions militaires telles que l’utilisation d’armes cinétiques contre des satellites dans cet environnement peut avoir des conséquences néfastes à long-terme pour tous les objets spatiaux mis en orbite, voir supra note 192.
-
[236]
Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 à la p 119.
-
[237]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 356.
-
[238]
Ibid. Cela rejoint d’ailleurs ce qui a été dit concernant le respect des principes de précaution et de proportionnalité en DIH, voir supra note 117 et l'analyse faite au chapitre VI.
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[239]
Sur ce point, voir Louis Haeck, supra note 220 aux pp 92-98. Comme l’explique Tronchetti, « Self-Defense », supra note 209 à la p 109, une action en légitime défense anticipative serait par exemple reconnue si un État modifiait intentionnellement l’orbite d’un de ses satellites afin de le faire entrer en collision avec un autre dans le but de le détruire. L’imminence d’une telle attaque reste toutefois difficile à prouver dans le contexte spatial. Il est donc préférable de retenir une interprétation restrictive de ce principe.
-
[240]
Setsuko Aoki, supra note 3 à la p 206.
-
[241]
Ibid à la p 207.
-
[242]
Proposition de Traité sur la prévention du placement des armes dans l’espace extra-atmosphérique, des menaces ou du recours à la force sur des objets de l’espace extra-atmosphérique ou (Prevention of the Placement of Weapons in Outer Space, the Threat or Use of Force Against Outer Space Objects ou PPWT en anglais). Voir China and Russia : Possible elements of the future international legal instrument on the prevention of deployment of weapons in outer space, the threat or use of force against outer space objects, Doc off Conf dés, CD/1679 (2002), Russian Federation and China : draft PPWT, Doc off Conf dés, CD/1839 (2008), Russian Federation and China : updated draft PPWT, Doc off Conf dés, CD/1985 (2014).
-
[243]
Fabio Tronchetti, supra note 4 à la p 379.
-
[244]
Kai-Uwe Schrogl, « Is UNCOPUOS Fit for the Future — Reflections at the Occasion of the 50th Session of its Legal Subcommittee 2011 » (2011) 60:1 German J Air & Space L 93 à la p 97.
-
[245]
Ram S Jakhu, Cassandra Steer et Kuan-Wei Chen, « Conflicts in Space and the Rule of Law » (2017) 66:4 German J Air & Space L 657 à la p 684. Ram S Jakhu, « Conflit dans l’espace et règle de droit » (2016) 6:791 R Défense Nationale 80 à la p 85, décrit bien le blocage actuel de ses deux organismes onusiens : « [r]ecourir aux forums internationaux, tels que la CD ou le COPUOS assurerait le soutien et la légitimité les plus forts. Cependant, alors que la CD est l’organisation désignée pour négocier des accords de désarmement et que le COPUOS est mandaté pour traiter des usages « pacifiques » de l’espace, il y a en réalité un brouillage des responsabilités. Bien qu’elles soient officiellement mandatées pour enjoindre aux États de prendre des mesures qui garantissent la paix et la sécurité dans l’espace, ces institutions sont verrouillées et incapables de produire des instruments contraignants. Le dernier instrument contraignant, l’Accord sur la Lune, a été adopté en 1979 et a obtenu simplement seize ratifications. La résolution de l’AG sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace a été adoptée tous les ans depuis trente ans mais sans aucune mesure concrète. La Chine et la Russie appellent à un soutien international du PPWT depuis 2008 mais la paralysie de la CD montre qu’une initiative apparemment ouverte peut être sujette à critique et méfiance. »
-
[246]
Les instruments non contraignants aussi appelés soft law ou droit mou, ont pris une importance considérable en matière de politiques spatiales ces dernières années. Pour des études y relatives avec leurs incidences sur le droit de l’espace, voir notamment Jennifer Ann Urban, « Soft Law : The Key to Security in a Globalized Outer Space » (2016) 43:1 Transp LJ 33; Frans G von der Dunk, supra note 212 aux pp 31-56; Setsuko Aoki, « The Function of ‘Soft Law’ in the Development of International Space Law » dans Irmgard Marboe, dir, Soft Law in Outer Space, Cologne, Vienne, Graz, Böhlau Verlag, 2012 57; Steven Freeland, « For better or for worse ? : the use of ‘soft law’ within the international legal regulation of outer space » (2011) 36 Ann Air & Space L 409. Sur la question du lien entre les instruments non contraignants et la question de l’arsenalisation de l’espace, voir particulièrement Fabio Tronchetti, « A Soft Law Approach to Prevet the Weaponisation of Outer Space » dans Irmgard Marboe, dir, Soft Law in Outer Space, Cologne,Vienne, Graz, Böhlau Verlag, 2012, 361.
-
[247]
Pour une présentation de plusieurs initiatives récentes, notamment non contraignantes, voir Ram S Jakhu, Cassandra Steer et Kuan-Wei Chen, supra note 245 aux pp 671-83.
-
[248]
Rés AG Doc off AG NU, 65e sess, Doc NU A/RES/65/68 (2011).
-
[249]
Rapport du Groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales, AG Doc off AG NU, 68e sess, Doc NU A/68/189.
-
[250]
Ram S Jakhu, supra note 245 à la p 83.
-
[251]
Ibid, à la p 84.
-
[252]
Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 57.
-
[253]
L’Assemblée générale a adopté en 2014, sans vote, une résolution portant sur des mesures de transparence et de confiance dans les activités spatiales. Voir Rés AG Doc off AG NU, 69e sess, Doc NU A/RES/69/38. Comme l’explique Ram S Jakhu, supra note 245 à la p 83, suite à cette résolution, une réunion consacrée aux risques éventuels pour la sécurité et la viabilité des activités spatiales s’est tenue en 2015 entre la première Commission (désarmement et sécurité internationale) et la quatrième Commission (politiques spéciales et décolonisation). Les participants n’ont rien fait d’autre que de réitérer le besoin de discuter de telles problématiques de façon globale dans des forums multilatéraux.
-
[254]
« Draft - International Code of Conduct for Outer Space Activities » (31 mars 2014), en ligne (pdf) : EEAS/SEAE < eeas.europa.eu/sites/eeas/files/space_code_conduct_draft_vers_31-march-2014_e n.pdf>. Voir particulièrement la deuxième section.
-
[255]
Ibid.
-
[256]
Yun Zhao et Shengli Jiang, supra note 22 à la p 57.
-
[257]
Ibid.
-
[258]
Ram S Jakhu, Cassandra Steer et Kuan-Wei Chen, supra note 245 aux pp 678-79.
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[259]
McGill, « Manual on International Law Applicable to Military Uses of Outer Space », en ligne : McGill/MILAMOS < www.mcgill.ca/milamos/> [Site officiel MILAMOS]. Pour des études portant sur l’élaboration du Manuel de McGill et de son rôle dans la clarification des normes en vigueur en matière d’utilisation militaire de l’espace, voir notamment David Kuan-Wei Chen, « New Ways and Means to Strengthen the Responsible and Peaceful Use of Outer Space » (2020) 48 Ga J Intl & Comp L 661; Stephens Dale et Melissa de Zwart, « The Manual of International Law Applicable to Military Uses of Outer Space (MILAMOS) » (2017) RUMLAE Research Paper N°17-12 1; Ram S Jakhu, Cassandra Steer et Kuan-Wei Chen, supra note 245 aux pp 686-92. Voir également Matthew T King et Laurie R Blank, « International Law and Security in Outer Space : Now and Tomorrow » (2019) 113 Am J Intl L Unbound 125 à la p 129 et Ram S Jakhu, supra note 245 aux pp 85-86.
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[260]
Pour les plus récents, voir Michael N Schmitt, Tallinn Manual 2.0 on the International Law Applicable to Cyber Operations, Cambridge Cambridge University Press, 2017; Program on Humanitarian Policy and Conflict Research at Harvard University, HPCR Manual on International Law Applicable to Air and Missile Warfare, Cambridge, Cambridge University Press, 2013; Louise Doswald-Beck, San Remo Manual on International Law Applicable to Armed Conflicts at Sea, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
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[261]
Ram S Jakhu, supra note 245 aux pp 85-86.
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[262]
Se référer au site officiel du manuel Woomera : University of Adelaide, « The Woomera Manual » (13 juillet 2018), en ligne : University of Adelaide <law.adelaide.edu.au/woomera/> [Site officiel Woomera], « [T]he Woomera Manual project is an international research project that is spearheaded by The University of Adelaide, The University of Exeter, the University Of Nebraska and the University of New South Wales - Canberra. Our mission is to develop a Manual that objectively articulates and clarifies existing international law applicable to military space operations. »
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[263]
Site officiel MILAMOS, supra 259 et Site officiel Woomera, supra note 262.
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[264]
Stephens Dale et Melissa de Zwart, supra note 259 à la p 4.