Résumés
Résumé
Cet article analyse la problématique de l’intervention du Conseil de sécurité des Nations unies en matière des droits de l’homme. En passant en revue les différentes résolutions du Conseil de sécurité, l’article démontre que ce dernier a intégré la composante des droits de l’homme à la sécurité collective en deux temps forts. Tout d’abord, l’organe onusien qualifie certaines violations massives des droits de l’homme en « menace contre la paix et la sécurité internationales », pour autant qu’elles aient un impact sécuritaire et une dimension internationale. Ensuite, le Conseil de sécurité a élargi le concept de « paix et sécurité internationales » en vue d’aborder simultanément les différentes notions de sécurité internationale, de droits de l’homme et de développement. La sécurité collective est ainsi étendue aux concepts de « sécurité humaine » et de « responsabilité de protéger ». Toutefois, l’article constate que le Conseil de sécurité des Nations unies accuse certaines limites en la matière. Le recours au Chapitre VII de la Charte de San Francisco en matière des violations massives et systématiques des droits de l’homme est totalement sélectif. Le Conseil de sécurité de l’ONU manque d'un programme d’inclusion des droits de l’homme dans ses interventions. Faute d’intégration pleine et entière des droits de l’homme dans ses résolutions et délibérations, le Conseil de sécurité court le risque de voir sa légitimité décroître davantage.
Abstract
This article analyzes the issue of the United Nations’ Security Council interventions in human rights matters. Through reviewing the different Security Council resolutions, this article demonstrates that the Council has integrated human rights as a component of collective security in two ways. First, the Council qualifies massive human rights violations as a “threat against international peace and security,” as long as they have an impact on security and an international dimension. Second, the Council broadened the concept of “international peace and security” for the purpose of simultaneously addressing the different notions of international security, human rights, and development. Collective security is thus extended to include the “human security” and “responsibility to protect” concepts. However, this article finds that the Council’s approach is somewhat limited. The use of the San Francisco Charter’s Chapter VII as concerns massive and systematic human rights violations is entirely selective. The Council is lacking a program for the inclusion of human rights in its interventions. If it does not fully and completely integrate human rights in its resolutions and deliberations, the Council risks witnessing its legitimacy decrease even further.
Resumen
Este artículo analiza la problemática de la intervención del Consejo de Seguridad de Naciones Unidas en el ámbito de los derechos humanos. El articulo revisa las distintas resoluciones del Consejo de Seguridad para demostrar que este último ha integrado el componente de derechos humanos en la seguridad colectiva en dos áreas. En primer lugar, el organismo de la ONU califica determinadas violaciones masivas de derechos humanos como “una amenaza a la paz y la seguridad internacional”, siempre y cuando estas tengan un impacto en la seguridad y una dimensión internacional. En segundo lugar, el Consejo de Seguridad amplía el concepto de “paz y seguridad internacionales” para abordar simultáneamente los diferentes conceptos de seguridad internacional, derechos humanos y desarrollo. La seguridad colectiva se extiende así a los conceptos de “seguridad humana” y “responsabilidad de proteger”. Sin embargo, el artículo señala que el Consejo de Seguridad de las Naciones Unidas tiene ciertos límites en esta área. El recurso al Capítulo VII de la Carta de San Francisco en relación con las violaciones masivas y sistemáticas de los derechos humanos es completamente selectivo. El Consejo de Seguridad de la ONU carece de una agenda que incluya los derechos humanos en sus intervenciones. Sin la plena integración de los derechos humanos en sus resoluciones y deliberaciones, el Consejo de Seguridad corre el riesgo de que su legitimidad disminuya aún más.
Corps de l’article
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et pour donner suite au lourd bilan humain qu’elle a occasionné, la communauté internationale a pris l’initiative de créer une nouvelle organisation dont le principal but était de maintenir la paix et la sécurité internationales : l’Organisation des Nations unies (les Nations unies, l’ONU ou l'Organisation). La Charte des Nations unies[1] (Charte ou Charte de San Francisco) a fait du Conseil de sécurité (le Conseil) l’organe principal en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales (article 24 (1) de la Charte). Il s’agit là de sa mission pacificatrice des relations internationales. En effet, l’article 33 (2) de la Charte indique les modalités de participation du Conseil de sécurité au règlement pacifique des différends, en vue d’éviter la rupture de la paix. Il peut inviter les parties à une négociation, à une médiation, à une conciliation, etc. L’article 34 vient en renfort à l’article 33, en donnant au Conseil de sécurité des moyens adéquats pour se forger une idée : il peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui semble menacer le maintien de la paix et la sécurité internationales. Après s’être fait une idée juste de la nature de la situation, le Conseil de sécurité peut, en vertu de l’article 36 de la Charte, formuler aux parties des recommandations au sujet des procédures ou méthodes d’ajustement appropriées. Ce pouvoir est accru par l’article 37 de la Charte, lequel lui permet de statuer sur le fond du différend en recommandant les termes mêmes du règlement que les parties au litige doivent suivre. Pour donner effet à ses décisions, l’article 41 de la Charte permet au Conseil de sécurité d’appliquer certaines mesures ne nécessitant pas l’emploi de la force. Il peut notamment s’agir de la rupture des relations diplomatiques et de l’interruption des relations économiques. Si ces mesures se révèlent inefficaces, le Conseil de sécurité peut décider du recours à la force collective, c’est-à-dire d’entreprendre des opérations militaires pour le maintien ou le rétablissement de la paix et la sécurité internationales (article 42 de la Charte)[2]. Le recours à la force collective prévu par le Chapitre VII de la Charte ne peut avoir lieu qu’en cas d’agression, de rupture contre la paix ou de menace contre la paix.
Étant donné que le mandat principal du Conseil de sécurité des Nations unies consiste dans le maintien de la paix et la sécurité internationales, l’on peut raisonnablement se demander dans quelle mesure cet organe onusien peut protéger les droits de l’homme. La pratique du Conseil de sécurité consiste à rattacher les violations systématiques des droits de l’homme à la « menace contre la paix » si ces violations ont un impact sécuritaire. Durant la Guerre froide, le Conseil de sécurité de l’ONU a restrictivement interprété le concept de « menace contre la paix et la sécurité internationales » et a privilégié le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Les antagonismes politiques et idéologiques entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité n’ont pas permis à ce dernier d’intégrer la question des droits de l’homme dans son action visant la protection de la paix et la sécurité internationales[3]. La chute du bloc communiste a permis aux « cinq gendarmes du monde » de retrouver plus ou moins un consensus autour de la relation entre les droits de l’homme et la sécurité internationale. En conséquence et de manière hésitante, le Conseil de sécurité a intégré les droits de l’homme à la sécurité collective (I). Toutefois, l’action du Conseil de sécurité de l’ONU en matière des droits de l’homme est loin d’être efficace (II).
I. L’intégration hésitante des droits de l’homme à la sécurité collective
La pratique suivie par le Conseil de sécurité permet de relever que ce dernier a procédé à l’intégration des droits de l’homme à la sécurité collective de deux façons. Tout d’abord, l’organe onusien a qualifié certaines violations systématiques des droits de l’homme en « menace contre la paix et la sécurité internationales » (A). Ensuite, le Conseil de sécurité des Nations unies a purement étendu le concept de « paix et sécurité internationales » en vue d’aborder simultanément les différentes notions de sécurité internationale, de droits de l’homme et de développement (B).
A. La qualification des violations massives des droits de l’homme en « menace contre la paix et la sécurité internationales »
Contrairement au Pacte de la Société des Nations où la sécurité collective se limitait aux cas de « guerre », la Charte a élargi le champ d’application de la sécurité collective. Cette dernière englobe désormais non seulement les cas d’« agression » et de « rupture de la paix », mais également celui de la « menace contre la paix et la sécurité internationales ». La menace contre la paix, puisque c’est elle qui retiendra notre attention ici, n’a pas fait l’objet de définition par la Charte de l’ONU. Cette absence criante est justifiée par la volonté des États fondateurs,
quant au fond, de ne pas élaborer une définition figée de la menace à la paix ainsi que, dans la procédure, d’assurer une entente certaine entre les cinq membres permanents afin de garantir une exécution des mesures que le Conseil pourrait décider[4].
De la sorte, le Conseil de sécurité, agissant au cas par cas, dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans la qualification d’une situation juridique en « menace à la paix et la sécurité internationales » : « Le corridor dans lequel le Conseil de sécurité se situe pour qualifier les situations de menaces à la paix est très étroit et relève de sa seule compétence »[5]. En conséquence et en dépit du fait que les questions des droits de l’homme relèvent essentiellement des compétences de l’Assemblée générale et d’autres organes onusiens, le Conseil de sécurité des Nations unies a qualifié, dans certains cas, leur méconnaissance flagrante de « menace contre la paix internationale ». Cette qualification a été forgée afin d’intégrer dans le champ d’application du Chapitre VII des situations où les violations des droits de l’homme nécessitaient une action[6].
Ainsi en est-il de la Résolution 217 du 20 novembre 1965[7] et de la Résolution 221 du 9 avril 1966[8] dans lesquelles le Conseil de sécurité reconnaît que des violations des droits de l’homme commises en Rhodésie du Sud constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales. En l’espèce, le constat de la menace contre la paix résultait tant du risque de provoquer un conflit en Afrique australe que de la violation du droit à l’autodétermination reconnu par les Nations unies. C’est donc le risque d’internationalisation du conflit, c’est-à-dire de sa propagation au-delà des frontières nationales, qui a justifié la mise en oeuvre du Chapitre VII par le Conseil de sécurité. Dans une autre résolution ultérieure, le Conseil de sécurité a estimé que l’ampleur de la tragédie humaine causée par le conflit en Somalie constituait une menace contre la paix et la sécurité internationales (Résolution 794 du 3 décembre 1992[9]). Deux facteurs semblent avoir guidé le Conseil de sécurité sur cette voie. Tout d’abord, la persistance du conflit en Somalie a entrainé un désastre humanitaire, conduisant à de lourdes pertes en vies humaines et aux attaques des secours humanitaires. Ensuite, de par son caractère complexe et persistant, le conflit en Somalie présentait de sérieuses possibilités d’extension aux pays voisins. La stabilité et la paix dans la région s’en trouvaient menacées. En conséquence, le Conseil de sécurité a agi en vertu du Chapitre VII et a autorisé les États à employer « tous les moyens nécessaires » pour instaurer aussitôt que possible des conditions de sécurité pour les opérations de secours humanitaires en Somalie.
La qualification des violations systématiques des droits de l’homme en « menace contre la paix internationale » a pour fondement les liens qui unissent d’une part les droits de l’homme et d’autre part, la paix et la sécurité internationales. En effet, les violations des droits de l’homme peuvent être à la fois la cause et le symptôme d’un conflit. Un conflit armé peut entrainer de graves violations des droits de l’homme, et ce, à la fois directement et indirectement. Les parties en conflit se livrent à toutes sortes d’atrocités barbares à l’égard de l’ennemi, souvent au mépris des règles juridiques. Les populations civiles sont contraintes de fuir à cause de l’insécurité et se retrouvent ainsi dans des situations de vulnérabilité, en tant que réfugiés ou déplacés internes. L’environnement et les infrastructures de base subissent d’innombrables dommages, ce qui occasionne des atteintes aux droits de l’homme tels que la santé, le travail et la nourriture[10]. En retour,
Les abus systématiques à l’encontre des droits de l’homme peuvent déshumaniser une population, menaçant la sécurité au niveau de l’individu comme du groupe. Cette déshumanisation peut inciter un groupe à commettre des violences à l’encontre d’un autre (…).[11]
Prenant en compte ce lien entre d’une part, les droits de l’homme et d’autre part, la sécurité internationale, la Charte de San Francisco a conféré à la protection générale des droits de l’homme un statut formel en tant que partie du droit international. Non seulement la Charte de San Francisco internationalise les droits de l’homme qui cessent de relever du domaine réservé des États, mais elle en fait un des principes de base du nouvel ordre public international[12]. Le terme « droits de l’homme » est mentionné à plusieurs reprises dans la Charte (articles 1, 13, 55, 62, 68, et 76, etc.). Qui plus est, le préambule de la Charte stipule la détermination des États membres de « proclamer à nouveau la foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine »[13]. L’article 1er fait de « l’encouragement du respect universel des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »[14] l’un des objectifs principaux des Nations unies. Dans l’affaire Barcelona Traction, la Cour internationale de justice reconnait que les principes et règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine sont des obligations erga omnes et que tous les États ont un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés[15]. En écho à cette montée en puissance des droits de l’homme sur la scène internationale, les États membres de l’ONU ont intégré ces droits à leur politique étrangère[16]. À ce titre :
Les violations flagrantes des droits de l’homme, où qu’elles se produisent, relèvent de la compétence internationale, non seulement parce qu’elles peuvent être un danger pour la paix, mais parce qu’elles portent atteinte aux buts qui fondent l’existence des Nations unies, dont la promotion des droits de l’homme[17].
En conséquence et dans la mesure où l’ordre public international inclut le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, il parait justifié de qualifier de menace à la paix une grave perturbation de cet ordre social[18]. Une telle hypothèse, où les violations des droits de l’homme sont si graves, justifie l’intervention du Conseil de sécurité sur le fondement du Chapitre VII de la Charte des Nations unies. Les violations massives des droits de l’homme constitueraient ainsi des circonstances exceptionnelles parce qu’elles sont attentatoires à la « conscience de l’humanité » et elles représentent un danger immédiat pour la paix et la sécurité internationales. À ce titre, elles exigent une intervention coercitive en tant que mesure d’anticipation de massacres à grande échelle. Sans cette possibilité d’action anticipatrice, le Conseil de sécurité se retrouverait dans la situation, moralement injustifiable, où il devrait attendre qu’un génocide commence avant de prendre des mesures, au demeurant tardives, pour y mettre fin[19]. Cette solution est au demeurant conforme à la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Cette dernière a admis « la théorie des compétences implicites », d’après laquelle les pouvoirs des organes des Nations unies peuvent être plus étendus que ceux explicitement attribués par la Charte, et ce, en vue d’agir de manière efficace. La Cour internationale de justice admet ainsi la possibilité d’exercer des pouvoirs qui ne sont pas explicitement attribués dans le traité constitutif d’une organisation, dès lors qu’ils sont nécessaires pour l’exercice des fonctions qui lui ont été conférées[20]. Fort de cette jurisprudence, le Conseil de sécurité a mobilisé le Chapitre VII de la Charte des Nations unies pour créer des juridictions pénales internationales et internationalisées, en dépit du fait que le lien entre la sécurité collective et la justice pénale internationale n’est pas explicite dans la Charte. Il s’agit du tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (TPIY) [Résolution 827 (1993)[21]], du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) [Résolution 955 (1994)[22]] et du tribunal spécial pour le Liban [Résolution 1757 (2007)[23]]. En outre, c’est partant des liens qui existent entre le respect des droits de l’homme et la sécurité internationale que le Statut de Rome, en son article 13 b, accorde au Conseil de sécurité la capacité de saisir la Cour pénale internationale (CPI)[24]. Cet état de choses témoigne de la reconnaissance officielle de ce lien, étant entendu que la poursuite des crimes de masse contribue à la mission du Conseil de sécurité de maintenir la paix et la sécurité internationales. La CPI serait ainsi conçue un outil de plus à la mission du Conseil de sécurité des Nations unies[25].
Cependant, il faut noter que ce sont d’une part, les répercussions régionales, voire internationales d’une situation interne et le niveau élevé de violences d’autre part, qui ont permis au Conseil de sécurité de qualifier certaines violations massives des droits de l’homme en menace contre la paix et la sécurité internationales. Une analyse profonde des résolutions du Conseil de sécurité montre qu’« il s’agit essentiellement de violences physiques ou mortelles nombreuses visant le plus souvent la population civile et pouvant caractériser des crimes contre l’humanité »[26]. L’exemple le plus frappant nous est donné par la Résolution 2277 du 30 mars 2016 relative à la République Démocratique du Congo[27]. Le Conseil de sécurité se dit agir en vertu du Chapitre VII pour faire cesser « le niveau constamment élevé des violences, des violations des droits de l’homme et du droit international et des atteintes qui y sont portées »[28]. Il s’agissait en l’espèce des violences impliquant des attaques ciblant la population civile, des violences sexuelles et sexistes généralisées, du recrutement et de l’utilisation d’enfants par certaines parties au conflit, des déplacements forcés et massifs des civils, des exécutions extrajudiciaires et des arrestations arbitraires. Afin d’établir un lien entre ces pratiques et la paix et la sécurité internationales, le Conseil va même jusqu’à donner des chiffres pour montrer la gravité de la situation et le danger d’une déstabilisation régionale : plus de quatre cent cinquante mille réfugiés et plus de 1,6 million de déplacés internes[29]. On peut en conclure que seules les violations systématiques, flagrantes et nombreuses du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme commises en période de conflit armé peuvent constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales[30].
En conséquence, il faut réaffirmer que ce ne sont pas toutes les violations des droits de l’homme qui nécessitent l’intervention du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce dernier n’a pas compétence pour intervenir dans n’importe quelle situation pour faire cesser les violations de droits de l’homme. Telle n’est pas sa mission, son mandat consistant à protéger, non pas les droits de l’homme, mais plutôt la paix et la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité est donc :
un organe qui n’est pas dédié à la protection de ces droits, mais dont le but de son action, en tant qu’organe politique chargé d’une mission sécuritaire, peut être la protection des droits de l’homme. Ce filtre sécuritaire permet au [Conseil de sécurité] de faire jouer pleinement le potentiel créateur de son pouvoir de qualification des situations de menace à la paix, qualification qui permet d’ouvrir le [chapitre] VII au même titre que la rupture de la paix ou l’agression et autoriser éventuellement un recours à la force armée ou de prendre des sanctions économiques à l’encontre d’États ou d’individus[31].
En elles-mêmes, les violations des droits de l’homme ne constituent pas une menace à la sécurité internationale et n’entrent donc pas dans le champ d’action du Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII. Elles ne peuvent relever du travail de maintien de la paix du Conseil de sécurité que si elles ont un impact sécuritaire ou une dimension internationale. De ce fait, elles doivent être susceptibles de déstabiliser toute une région de par la crise humanitaire qu’elles entrainent ou constituées de violations graves au droit international des droits de l’homme ou au droit international humanitaire. Conscient de ces limites et afin de rendre son action davantage efficace, le Conseil de sécurité des Nations unies a progressivement élargi la notion de « paix et sécurité internationales ».
B. L’élargissement du concept de « paix et sécurité internationales » …
La fin de la guerre froide a vu croitre les interventions du Conseil de sécurité autour de la planète. En revanche, cette résurgence fut problématique au sens où le Conseil de sécurité devait adapter son action à la nouvelle réalité géopolitique du monde. En effet, la nature des conflits avait largement changé : on est passé des conflits interétatiques qui avaient dans le passé vu s’interposer des acteurs politiques reconnus, à un nombre croissant de conflits de nature essentiellement interne entre acteurs non étatiques. En conséquence, le Conseil de sécurité a élargi le concept de « paix et sécurité internationales » en vue d’aborder simultanément les différentes notions de sécurité internationale, de droits de l’homme et de développement. Ce fut l’avènement de la « sécurité humaine » (1). Après avoir institutionnalisé la doctrine de la sécurité humaine, le Conseil de sécurité s’est heurté à l’argument des États invoquant le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Pour le sortir de l’impasse, les Nations unies se sont prononcées, en 2005, en faveur d’une nouvelle conceptualisation de la souveraineté : « la responsabilité de protéger » (2). Cette dernière postule que chaque État a la responsabilité de protéger ses citoyens des crimes de masse, à défaut de laquelle il appartient à la communauté internationale d’y suppléer.
1. … À la sécurité humaine
La sécurité humaine est définie comme « la protection du noyau vital de toutes les vies humaines, d’une façon qui améliore l’exercice des libertés et facilite l’épanouissement humain »[32]. La sécurité humaine considère la personne comme première destinataire de la sécurité. Elle est délibérément centrée sur la notion de protection. Elle reconnaît que les citoyens sont généralement menacés par des événements qui sont souvent indépendants de leur volonté. Cette notion remet en question la prédominance de l’État dont elle complète la sécurité, car elle s’intéresse aux menaces qui pèsent sur les individus et qui ne sont pas nécessairement les mêmes que celles définies pour la sécurité de l’État[33]. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la Résolution 688 du 5 avril 1991 du Conseil de sécurité où ce dernier a décidé que la répression des populations civiles irakiennes, qui a conduit à un flux massif des réfugiés, menace la paix et la sécurité internationales dans la région[34]. Il s’est dit profondément préoccupé par l’ampleur des souffrances humaines et a ouvert la voie du Chapitre VII de la Charte à l’assistance humanitaire. Cette résolution est d’une importance historique, car elle fut le début de l’émergence d’un devoir d’intervention ou d’ingérence en faveur des populations victimes de la répression de leur gouvernement[35]. Comme on peut le voir, la sécurité humaine a contribué à un réajustement des buts de l’Organisation des Nations unies : il s’agit désormais de focaliser plus d’attention sur les personnes en protégeant leurs droits. Autrement dit, la paix et la sécurité internationales ne sont possibles que par la sécurité des individus : « l’individu étant le point focal dorénavant de la sécurité de l’État et de la communauté internationale, sa protection et son bien-être déterminent la paix et la sécurité internationales »[36].
L’introduction du concept de sécurité humaine opère un changement dans la façon de concevoir la notion de la paix et la sécurité internationales. Cette dernière prend désormais en considération les questions des droits de l’homme notamment celles du genre[37], dans l’appréhension de la paix et la résolution des conflits. Madame Mary Kaldor écrit qu’« elle concerne la sécurité des individus et des communautés plus que celle des États, et elle combine les droits de l’homme et le développement humain »[38]. Au demeurant et ainsi que le relève si pertinemment ONU-Femmes :
L’accent mis sur la sécurité humaine permet … ] d’inclure les menaces à l’intégrité et à la dignité de l’individu. La protection de l’intégrité personnelle implique que les personnes puissent vivre sans craindre d’actes de violence par des acteurs étatiques ou non étatiques, tels que le harcèlement, la détention, la disparition, et la violence sexuelle.[39]
Pour matérialiser cette vision, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 12 février 1999, la première résolution thématique sur la protection des civils dans les conflits armés : la Résolution 1265[40]. Le Conseil y a souligné le besoin de s’attaquer aux causes profondes du conflit armé, y compris l’inégalité des sexes, afin de renforcer la protection des civils sur le long terme. L’année suivante, le Conseil de sécurité adopte la Résolution 1296 dans laquelle il déclare ouvertement que les attaques contre les civils peuvent constituer une atteinte à la paix et la sécurité internationales[41]. Le Conseil y annonce également que les opérations de maintien de la paix auront le mandat de protéger les civils. La doctrine a vu dans ces deux résolutions « le glissement vers la sécurité humaine, et non plus seulement la sécurité des États »[42] ainsi que « le début de l’intégration pratique de la protection (des civils) et d’une certaine systématisation de sa prise en compte dans les produits des Nations unies »[43]. Dans le même élan et six ans plus tard, le Conseil de sécurité réaffirme fermement dans sa Résolution 1674 du 28 avril 2006, sa volonté de protéger les civils et va jusqu’à en faire une priorité absolue dans les opérations de maintien de la paix[44].
Depuis, les résolutions du Conseil de sécurité ont davantage défini le rôle du maintien de la paix dans la protection des civils et les différentes tâches mandatées y contribuant :
Dans le cadre de cet effort, les opérations de maintien de la paix des Nations unies ont été mandatées explicitement pour « protéger les civils contre la menace imminente de violence physique ». La première mission chargée de ce mandat explicite a été la Mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) en 1999. La Résolution 1270 du Conseil de sécurité qui a créé la MINUSIL a chargé la mission de défendre les civils contre la menace imminente de violence physique. En 2015, la majorité des cent mille (voire plus) soldats de la paix des Nations unies en uniforme déployés dans le monde opéraient en vertu de tels mandats[45].
En incluant un mandat de protection des civils dans la plupart des opérations de maintien de la paix, le Conseil de sécurité a également autorisé l’« usage de tous les moyens nécessaires » ou « les actions nécessaires », y compris la force létale, en vue de mettre en oeuvre ce mandat. Il a ainsi imposé « la promotion et la protection des droits de l’homme […] comme une mission spécifique des opérations de construction de la paix »[46], ces dernières ayant pour but de rendre effectif tout le spectre des droits de l’homme internationalement reconnus. Par ces actions, le Conseil de sécurité a permis aux droits de l’homme de faire leur entrée triomphante dans le domaine du maintien de la paix au point que les droits de l'homme figurent en bonne place parmi ces missions nouvelles des opérations de maintien de la paix[47].
Le Conseil de sécurité est allé très loin dans sa mise en oeuvre de la sécurité humaine, et partant, de la protection des civils. Dans sa Résolution 1366 du 30 août 2001, il relève que la prévention des conflits armés est une partie intégrante de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et la sécurité internationales[48]. Tout en soulignant que c’est avant tout aux gouvernements qu’il incombe de prévenir les conflits, le Conseil estime que la communauté internationale peut les assister et les aider à acquérir des capacités dans ce domaine[49]. En outre, dans sa Résolution 1894 du 11 novembre 2009, le conseil décide expressément que le fait de prendre pour cibles des civils peut constituer une menace à la paix et la sécurité internationales, et réaffirme à ces propos qu’il est prêt à prendre des mesures appropriées comme l’y autorise la Charte des Nations unies[50]. Ces résolutions contiennent une idée sous-jacente de la responsabilité de protéger et sa prise en compte par le Conseil de sécurité; et à ce sujet, l’on a écrit que « la notion de sécurité humaine a muté en un nouveau concept appelé responsabilité de protéger »[51].
2. …Et la responsabilité de protéger
Le concept de responsabilité de protéger fait référence à l’idée selon laquelle la sécurité des personnes étant un droit fondamental, la protection de ces dernières contre les génocides, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les nettoyages ethniques incombent non seulement aux États dont elles relèvent, mais aussi à la communauté internationale. C’est une norme de droit international prescrivant une obligation internationale de protection, cette dernière faisant partie de la sécurité collective du Chapitre VII. Elle est mise à la disposition du Conseil de sécurité pour réduire, au besoin par la force, le comportement d’un État qui viole la responsabilité qui lui incombe de protéger sa population[52]. Le concept de responsabilité de protéger est à la fois « coopératif » et « coercitif ». D’une part, il poursuit la collaboration entre la communauté internationale et l’État afin de l’aider à prévenir toute atteinte grave aux droits de l’homme ou au droit humanitaire. D’autre part, il conduit le Conseil de sécurité à autoriser une intervention armée[53]. Ainsi,
l’émergence du concept (de sécurité humaine) part de l’idée que la sécurité internationale doit être pensée, non plus uniquement en fonction de la sécurité des États dans le cadre d’un conflit interétatique, mais également en fonction de la sécurité des populations civiles victimes d’un conflit armé, surtout interne[54].
De la sorte, le Document final du Sommet mondial des Nations unies (Document final de 2005), adopté le 15 septembre 2005 et dont les dispositions des paragraphes 138 et 139 relatives à la responsabilité de protéger[55] ont été réaffirmées pour la première fois par le Conseil de sécurité dans sa Résolution 1674 (2006) du 28 avril 2006[56], prévoit une action collective de la communauté internationale lorsqu’un État ne veut pas ou est incapable de protéger sa population contre des violations graves et systématiques de leurs droits fondamentaux. La doctrine n’a pas manqué de souligner l’importance de la reconnaissance de la responsabilité de protéger par le Conseil de sécurité : « L’autorité suprême accepte dorénavant d’être impliquée dans la protection de la population et éventuellement recourir à la force en cas d’atrocités de masses »[57], ce qui revêt une importance politique de taille. Toutefois, il faut préciser que le Conseil n’a fait que réaffirmer les dispositions des paragraphes 138 et 139 du Document final de 2005, sans expliciter comment la responsabilité de protéger doit être concrétisée[58]. De ce fait, « l’organe de décision le plus actif et le plus efficace en matière de paix et de sécurité internationales »[59] s’approprie les ambiguïtés du Document final de 2005. Il échoue en conséquence à les résoudre de manière que la responsabilité de protéger soit obligeante, appliquée, précise et acceptable par tous les membres du Conseil de sécurité, et même des Nations unies[60].
Ce problème de précision des contours de la responsabilité de protéger n’a pas manqué de surgir au fil du temps. La situation en Lybie fut à cet effet un test important pour le Conseil de sécurité. C’est la toute première fois qu’il a agi en vertu du Chapitre VII de la Charte et a utilisé la force sans le consentement d’un État ayant encore à sa tête un pouvoir politique organisé. « La responsabilité de protéger a franchi l’état prospectif qui était encore en partie le sien, pour passer à l’état prescriptif dans sa dimension la plus cruciale au regard du système juridique international »[61]. La Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies (2011) invoque la responsabilité de protéger et appelle à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour protéger les populations et zones civiles menacées d’attaque, impose une zone d’exclusion aérienne et appelle à un cessez-le-feu immédiat et absolu[62]. Dans la même résolution, le Conseil a condamné la violation flagrante et systématique des droits de l’homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires par la Libye et qualifié cette situation comme « une menace pour la paix et la sécurité internationales »[63].
L’intervention militaire de 2011 en Libye menée par la coalition des pays occidentaux et l’OTAN a provoqué de nombreuses controverses concernant la conduite et les objectifs de cette intervention (victimes civiles, changement de régime, etc.). Depuis le début de la campagne, des allégations faisant état de violations par la coalition des limites imposées par la Résolution 1973 ont été formulées. Les critiques ont été vives concernant le fait que le concept de responsabilité de protéger avait été détourné par la coalition en faveur du changement de régime, et que l’intervention avait aggravé les conflits existants, augmenté la vulnérabilité des civils et autorisé des groupes extrémistes et terroristes à pénétrer dans la région[64]. En ce sens, monsieur Mohammed Faraj souligne que l’intervention militaire elle-même n’a pas été conduite dans l’esprit de la responsabilité de protéger, d’autant plus que « le but légalisé de protéger la population civile a été sacrifié, sans ambages, au but non légalisé de renverser le régime » et que ce dernier est « fond[é] sur le souci légitime du détournement du concept à des fins inavouées »[65]. En revanche, certains ont justifié l’action de l’OTAN en estimant que la Résolution 1973 autorise les États à prendre « toutes les mesures nécessaires »[66] et que, de ce fait, les pays membres de l’OTAN ont eu raison de penser que les populations civiles ne pourront être en sécurité qu’une fois Kadhafi parti. Autrement dit, la protection des populations civiles semblait bien indissociable de la lutte contre le régime responsable des massacres des populations civiles[67]. Ces justifications avancées sont fondées sur une interprétation large de l’expression « toutes les mesures nécessaires » contenue dans la Résolution 1973[68].
En définitive et ainsi que le relève monsieur Samia Aggar :
Le concept de la « responsabilité de protéger » reste en soi, un instrument important pour la garantie de la sécurité humaine et la prévention des massacres de masse. Mais, malheureusement, sa mise en oeuvre se trouve être instrumentalisée par certains États au profit d’autres intérêts égoïstes. Cette lecture négative présente la « responsabilité de protéger » davantage comme une façade derrière laquelle les logiques d’intervention propres à chaque État restent liées à la défense « traditionnelle » de l’intérêt national[69].
La responsabilité de protéger est également accusée de dissimuler une politique de recolonisation. Elle est décrite comme un régime inégalitaire où les pays occidentaux sont perçus comme les sauveurs des pays en développement, ces derniers étant présentés comme le contre-exemple parfait de la sécurité[70]. La responsabilité de protéger offrirait ainsi un couvert de légitimité pour des interventions qui, autrement, seraient dénoncées comme étant colonialistes ou impérialistes. En même temps, elle donnerait aux puissances impérialistes une possibilité de justifier des interventions dans des États lorsque leurs intérêts nationaux sont en jeu. Il en irait ainsi notamment pour renverser un gouvernement que les membres du Conseil de sécurité trouveraient dérangeant[71]. Cet état de choses transporte le débat sur un tout autre terrain, celui de l’efficacité de l’action du Conseil de sécurité en matière des droits de l’homme.
II. L’efficacité du Conseil de sécurité en matière des droits de l’homme
L’intégration des droits de l’homme à la sécurité collective s’est produite progressivement. Ce n’est qu’à l’occasion d’une situation de crise bien déterminée que les membres du Conseil de sécurité ont accepté soit d’étendre la qualification de « menace contre la paix et la sécurité internationales » aux violations massives des droits de l’homme, soit d’élargir purement et simplement la notion de sécurité internationale en y intégrant les concepts de « sécurité humaine » et de « responsabilité de protéger ». Paradoxalement, les mêmes États ne sont pas parvenus à un consensus lorsqu’il s’agissait de programmer les droits de l’homme dans les décisions et délibérations du Conseil de sécurité. La majorité d’entre eux ont manifesté leur hostilité face au fait de voir le Conseil de sécurité appréhender les droits de l’homme de façon isolée (A). Ces divergences de vues entre les membres du Conseil de sécurité, surtout ceux permanents, freinent l’intervention de l’organe onusien dans des situations de pire crise humanitaire ou de graves violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Il en découle une diminution de la légitimité du Conseil de sécurité (B).
A. La divergence des positions des membres du Conseil de sécurité quant à l’inclusion des droits de l’homme dans ses délibérations et décisions : de l’approbation à la remise en cause
Le Conseil de sécurité des Nations unies est conscient du fait que les situations des violations flagrantes des droits de l’homme peuvent porter atteinte à la paix et la sécurité internationales[72]. Après avoir posé ce postulat dans certaines affaires qu’il a eu à connaitre, le Conseil de sécurité a émis le voeu de trouver un accord entre ses membres, au sujet des critères prédéfinis qui serviraient à déterminer les situations de violations des droits de l’homme qui nécessitent son intervention et les modalités de mise en oeuvre de cette dernière. Ainsi, lors de sa 7926e session tenue le 18 avril 2017, le Conseil de sécurité des Nations unies a débattu de la pertinence d’inclure les droits de l’homme dans ses délibérations et décisions. Au coeur des débats se trouvait la question de la pertinence des liens entre les droits de l’homme et le maintien de la paix et la sécurité internationales. Il s’agissait de savoir si le Conseil de sécurité devrait prendre en compte les droits de l’homme de façon directe, c’est-à-dire en dehors de la dimension sécuritaire[73]. Cette question a été examinée en tant que telle par le Conseil, c’est-à-dire indépendamment d’une situation de conflit, et ce, à l’initiative des États-Unis d’Amérique.
La question a divisé les membres du Conseil de sécurité. Certains ont estimé que le Conseil doit s’attaquer de manière efficace aux violations les plus flagrantes des droits de l’homme, et en particulier pour éviter des atrocités de masse. En ce sens, monsieur François Delattre, représentant permanent de la France aux Nations unies, a déclaré que les droits de l’homme sont la boussole la plus sûre du Conseil de sécurité dans sa responsabilité de garant de la paix durable et de la sécurité internationale. Il poursuit en estimant que sans protection des droits de l’homme à toutes les étapes d’un conflit, le Conseil de sécurité ne saurait assurer effectivement son mandat de garant de la paix et de la stabilité internationale. Il conclut qu’« il s’agit là d’un impératif de stabilité autant que de légitimité »[74]. La représentante des États-Unis d’Amérique, madame Nikki Haley, abonde dans le même sens et estime que la protection des droits de l’homme est indissociable de la paix et la sécurité internationales. Elle assimile les violations graves et répétées des droits de l’homme à des « signaux avant-coureurs »[75] permettant d’identifier les « régimes les plus brutaux »[76]. Elle a déclaré au Conseil de sécurité que les violations des droits de l’homme constituent « une sirène qui retentit, un drapeau rouge, le signe le plus clair d’une instabilité potentielle » et les régimes totalitaires sont ceux qui violent les droits de l’homme[77]. Dans le même sens, la Suède estime que les droits de l’homme étant universels, le Conseil de sécurité doit prêter une plus grande attention à ces droits dans ses délibérations. Il a souligné que la question des droits de l’homme est pertinente pour le Conseil de sécurité à chaque phase d’un conflit, avant, pendant et après. Une réponse précoce aux violations des droits de l’homme peut efficacement prévenir les conflits, avant qu’elles ne deviennent une menace à la paix et la sécurité internationales, a-t-il affirmé[78]. Bien plus, « l’unité du Conseil est fondamentale pour s’attaquer de manière efficace aux violations les plus flagrantes des droits de l’homme, et en particulier pour éviter les atrocités de masse »[79], a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, monsieur Guterres, lors de cette séance.
Le débat sur l’inclusion des droits de l’homme dans les délibérations et résolutions du Conseil de sécurité a engendré l’opposition de certains États. Non seulement la Russie et la Chine ont manifesté le regret d’avoir donné leur accord à une intervention onusienne fondée sur la responsabilité de protéger en Lybie, elles ont également été très critiques sur la proposition de voir le Conseil de sécurité traiter des questions relatives aux droits de l’homme. Elles estiment que les droits de l’homme ne doivent pas être examinés dans l’enceinte du Conseil de sécurité, ce dernier n’ayant pas de légitimité à cet égard en vertu de Charte des Nations unies. Elles ont contesté le postulat d’après lequel les violations graves des droits de l’homme constituent des signes avant-coureurs d’un conflit. Selon elles, la prévention des conflits armés est la condition préalable de la protection des droits de l’homme, et non l’inverse. Le représentant de la Russie, monsieur Evgeny Zagaynov, a reconnu que les Nations unies doivent contribuer à la protection des droits de l’homme. L’Organisation dispose à cet effet d’une large trousse, mais le Conseil de sécurité n’en fait pas partie, a-t-il poursuivi[80]. D’autres États l’ont suivi et ont exprimé leur scepticisme sur la compétence du Conseil de sécurité de traiter des questions de droits de l’homme. Ils ont estimé que le Conseil de sécurité ne doit pas empiéter sur les compétences des autres organes de la Charte de l’ONU, en particulier sur le rôle fondamental de l’Assemblée générale pour traiter des questions humanitaires, économiques et sociales, y compris les droits de l’homme[81]. Ces États, majoritaires du reste, ont appelé le Conseil de sécurité à résister à la tentation de chercher à tout prix un lien entre les droits de l’homme et la sécurité collective afin de se mettre à adopter des résolutions sur un sujet qui est situé en dehors de son mandat. On voit là que les États qui avaient approuvé pareille démarche au départ sont en train de prendre du recul sur cette question. Ainsi, pour la Bolivie, il n’appartient pas au Conseil de sécurité de s’occuper de la protection des droits de l’homme. Elle y voit une tentative de politisation de ces droits en ce sens que le Conseil est enclin à mettre en place « la pratique consistant à traiter les droits de l’homme comme moyen de servir des objectifs politiques »[82]. Le représentant de l’Éthiopie a émis le même point de vue, estimant que les questions des droits de l’homme doivent être réservées au Conseil des droits de l’homme, ce dernier étant mieux placé pour les traiter. Alors que le Conseil de sécurité ne trouve pas d’unité pour répondre aux situations relatives à son mandat de maintien de la paix et la sécurité internationales, sa capacité à agir pourrait être sapée s’il se saisissait des questions des droits de l’homme[83]. Dans le même sens, le représentant du Kazakhstan, monsieur Rakhmetullin, estime que les droits de l’homme ne doivent pas être politisés. En dépit du fait qu’ils soient invoqués à quinze reprises dans la Charte de l’ONU, ils ne le sont pas au chapitre VII, ce qui permet de comprendre qu’ils ne peuvent pas être imposés par la force[84]. Finalement, cette dernière position a prévalu. Le Conseil a reconnu qu’il incombe d’abord aux États membres concernés de protéger les droits de l’homme et que cette question relève principalement de la souveraineté nationale ou d’autres organes des Nations unies.
Cette conclusion du Conseil de sécurité constitue une régression regrettable. En effet, en agissant, comme il le fait, au cas par cas, pour déterminer si une situation de violations des droits de l’homme peut constituer une « menace à la paix », cette dernière notion risque d’errer au gré des conflits et perdrait finalement tout son sens. Dans la pratique, l’absence de normes précises devant gouverner cette qualification a dilué la notion de menace à la paix dans un univers large aux limites imprécises, faisant apparaitre son usage comme purement circonstanciel et dépourvu d’une ligne directrice propre[85]. Bien plus, la menace à la paix apparait comme une hypothèse élastique en matière des droits de l’homme dans la mesure où non seulement son contenu n’est pas suffisamment défini, mais encore le Conseil de sécurité qui va constater son existence n’est astreint à aucun critère juridique prédéfini pour opérer sa qualification[86]. Monsieur Olara Otunnu relève à cet effet que dans la mesure où les décisions du Conseil de sécurité revêtent de plus en plus un caractère interventionniste et coercitif en matière des droits de l’homme, il devient urgent pour lui d’établir les bases d’un large consensus international en faveur de ses décisions, en conférant à ces dernières une base normative, par nature objective. L’auteur craint que le Conseil ne perde son autorité et sa légitimité en s’éloignant trop de l’esprit de la Charte et en statuant dans le vide normatif, manquant ainsi de transparence dans sa démarche[87]. Selon Thomas Franck, la légitimité de l’action du Conseil de sécurité dépend du fait que le processus par lequel il interprète et applique les règles de la Charte des Nations unies doit être équitable. Autrement dit, les critères mis en oeuvre par le Conseil de sécurité doivent s’appliquer de manière indifférenciée à toute situation portée à sa connaissance. Il en découle une nécessité pour l’organe onusien d’éclaircir les bases juridiques de son action de manière à ce que celle-ci soit justifiée[88]. En conséquence, il est impérieux de déterminer précisément les violations des droits de l’homme qui peuvent rentrer dans la qualification juridique de menace contre la paix, que la Charte a laissée dans le vague et qui, pourtant, légitime l’action du Conseil de sécurité en la matière. Cette détermination ne saurait être l’oeuvre que du seul Conseil de sécurité dans la mesure où ses attributions en matière de sécurité collective ont un caractère discrétionnaire[89].
Dans le silence du Conseil de sécurité, la Commission internationale de l’intervention et la souveraineté des États a proposé quelques pistes de solutions pouvant le guider. Elle a dégagé cinq critères à satisfaire afin qu’une intervention militaire du Conseil de sécurité en matière des droits de l’homme soit justifiée :
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Une juste cause : elle consiste dans le fait qu’un préjudice grave et irréparable touchant des êtres humains soit en train – ou risque à tout moment – de se produire. Il peut s’agir d’un nettoyage ethnique à grande échelle, du génocide, du crime contre l’humanité, des crimes de guerre; ou des pertes considérables en vies humaines, qui résultent soit de l’action délibérée de l’État, soit de sa négligence ou de son incapacité à agir, soit encore d’une défaillance dont il est responsable.
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Une bonne intention : le but primordial de l’intervention doit être de faire cesser ou d’éviter des souffrances humaines. Il ne saurait s’agir d’un renversement du régime politique en place.
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Le dernier recours : toutes les voies diplomatiques et non militaires de prévention ou de règlement pacifique des crises humanitaires et des violations systématiques des droits de l’homme doivent avoir été explorées.
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La proportionnalité des moyens : dans son ampleur, dans sa durée et dans son intensité, l’intervention militaire envisagée doit correspondre au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif de la protection humaine poursuivi.
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Des perspectives raisonnables : Une action militaire ne peut être justifiée que si elle a des chances raisonnables de réussir, c’est-à-dire de faire cesser ou d’éviter les atrocités ou souffrances ayant motivé l’intervention[90].
Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que le Conseil de sécurité adopte « une conception qualitative extensive de son domaine d’intervention […] afin de gérer les menaces suffisamment tôt pour qu’elles dégénèrent et s’amplifient jusqu’à porter atteinte durablement à la stabilité internationale »[91]. Le Conseil de sécurité doit ainsi trouver une fois pour toutes un consensus sur les questions de procédures et de principes en matière d’interventions fondées sur les droits de l’homme. Il y va de l’intérêt de son efficacité de fixer un seuil de violations de droits de l’homme au-delà duquel une intervention coercitive peut être autorisée. Autrement dit, le Conseil doit déterminer les circonstances qui peuvent conduire des violations massives de droits de l’homme à la qualification de la menace contre la paix et la sécurité internationales. Cette solution est d’autant plus justifiée que « l’adaptation [du Conseil de sécurité] de l’ONU à un monde […] en perpétuel mouvement passe par » le renforcement de son « mode de décision pour gérer les crises » : il doit avoir « une action constructive, [préventive,] et non plus [seulement] réactive »[92]. Plus il agit à temps, plus il gagnerait en crédibilité[93].
Il va sans dire qu’en n'arrivant pas à relever le défi de l’intégration pleine et entière des droits de l’homme dans ses interventions, le Conseil de sécurité de l’ONU court le risque de voir sa légitimité décroitre.
B. Le déficit de légitimité du Conseil de sécurité des Nations unies…
À travers l’article 24 de la Charte, les membres de l’Organisation des Nations unies ont conféré au Conseil de sécurité le privilège d’agir en leur nom dans le but du maintien de la paix et la sécurité internationales. Ce transfert de pouvoirs comporte en retour une lourde responsabilité pour le Conseil de sécurité : il doit agir conformément à la volonté de l’ensemble des États et défendre les valeurs qui leur sont communes, faute de quoi il perd sa légitimité (1). Il en résulte que le Conseil de sécurité ne doit pas détourner ses compétences aux fins de la défense des intérêts d’une partie des États membres des Nations unies, encore moins en vue de la préservation des intérêts de ses membres, permanents soient-ils. Or, certains éléments de la pratique du Conseil de sécurité sont loin d’établir que cet organe contribue efficacement à la protection des valeurs communes de la communauté internationale, au premier rang desquelles les droits de l’homme (2).
1. …Au regard des intérêts qu’il défend
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que la lutte contre les crimes de masse, dont le génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre, constitue une valeur communément partagée par la communauté internationale. Or, l’action du Conseil de sécurité en la matière est sélective, ce qui nuit à sa légitimité. À titre illustratif, les États-Unis ont utilisé en 2002 l’article 16 du Statut de Rome[94] afin de protéger leurs soldats participant aux missions onusiennes d’une action devant la Cour pénale internationale (voir les résolutions 1422 et 1497 du Conseil de sécurité des Nations unies). L’apport considérable des États-Unis dans les opérations de maintien de paix leur a permis de faire pression pour que ces résolutions, protectrices des leurs, puissent être votées, allant jusqu’à menacer de se retirer des opérations de paix si le Conseil de sécurité refuse de suspendre les poursuites de la CPI contre leurs militaires. Ces résolutions du Conseil de sécurité atteignent l’honneur de ce dernier, alors qu’il est à espérer que, dans le cadre des opérations de maintien de la paix, des crimes contre l’humanité et de génocide ne se produiront pas[95]. La légitimité de ces résolutions a été largement critiquée tant par les États comme l’Allemagne et le Canada que par la doctrine[96]. Ce dernier reproche au Conseil de sécurité d’avoir utilisé son pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire. Non seulement le Conseil a outrepassé ses pouvoirs, mais il a également violé le prescrit des conventions de Genève de 1949, qui obligent à réprimer les auteurs des infractions graves qu’elles établissent[97].
Par ailleurs, le Conseil de sécurité se trouve dans l’impossibilité d’intervenir en République arabe syrienne pour mettre fin aux crimes de masse et restaurer la sécurité internationale dans cette région du monde. En effet, le Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie daté du 13 août 2015 renseigne que :
Les forces gouvernementales ont mené des attaques contre la population civile au cours desquelles elles ont pilonné et bombardé de nombreuses localités habitées par des civils et arrêté et placé en détention ou fait disparaître des civils suspectés d’appartenir à l’opposition au régime ou d’y être associés. Dans le cadre de ces attaques généralisées contre la population civile, les forces gouvernementales ont commis, en conformité avec la politique de l’État, des crimes contre l’humanité tels que des meurtres, des exterminations, des actes de torture, des viols, des disparitions forcées et d’autres actes inhumains. Elles] ont commis des violations flagrantes des droits de l’homme et les crimes de guerre que sont le meurtre, la torture, le viol, les sévices sexuels et les attaques visant des civils[98].
La férocité de la répression du peuple syrien par son gouvernement a conduit certains pays à présenter des projets de résolution au Conseil de sécurité. Ces derniers étaient fondés sur la responsabilité de protéger et condamnaient fermement les violations des droits de l’homme commises par les autorités syriennes; ils appelaient également à la fin des violences et menaçaient la Syrie d’éventuelles sanctions et de la saisine de la CPI à l’avenir. Ces projets de résolutions se sont heurtés aux vetos russes et chinois. Comme on peut le voir, les intérêts que défend le Conseil de sécurité de l’ONU sont tout à fait égoïstes, dans la mesure où ils sont guidés par les intérêts des membres permanents. Ces derniers pratiquent de « doubles standards » consistant à mettre en cause les autres États, sans courir le risque de se voir eux-mêmes mis en question. Ils utilisent en outre leur droit de veto pour protéger leurs partenaires commerciaux[99]. En ce sens, le droit de veto est critiquable sur le terrain de l’efficacité d’autant plus « qu’il constitue une entrave à la capacité de décision du Conseil, qui ne peut intervenir dès lors que son action ne convient pas à un des membres permanents, quelle que soit la gravité […] des atteintes à la sécurité »[100]. Il est également critiquable sur le terrain de la représentativité « dans la mesure où cette prérogative exorbitante, reconnue aux seuls membres permanents, fait du Conseil leur otage tout en les plaçant au-dessus de la Charte des Nations unies »[101]. Le veto apparait comme un élément de trouble dans le fonctionnement du système de sécurité collective prônée par la Charte et cette situation est singulièrement menaçante pour la légitimité du Conseil de sécurité.
L’« application de la règle du veto signifie, en une forme indirecte et voilée, que les Nations unies ne prennent pas l'engagement d'action coercitive contre un agresseur qui serait l'un des cinq grands États ou un allié de ceux-ci »[102]. Cet état de choses conduit à la passivité du Conseil de sécurité et en conséquence à l’impuissance de la communauté internationale face aux violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, car faute d’accord entre les membres permanents du Conseil de sécurité, la communauté internationale demeure inerte[103]. On voit bien qu’en Syrie, le Conseil de sécurité a perdu sa légitimité en manquant à sa responsabilité subsidiaire de protéger la population syrienne contre les oppressions de son gouvernement, alors que la situation l’impose. À cet effet, Léandre Mvé Ella note qu’« il y a dans la responsabilité de protéger, une formule qui met aussi mal à l’aise qu’elle stimule la réflexion et aiguise la critique : protéger est une responsabilité » et il rappelle aux États ainsi qu’au Conseil de sécurité qu’ils doivent en rendre compte, tout au moins moralement pour ce dernier, lorsqu’ils n’en font pas un usage conforme à ce que l’on attend d’eux[104]. Malheureusement, en l’état du droit positif, le manquement à la responsabilité de protéger du fait d’un usage abusif du veto n’est pas sanctionnable dans la mesure où en prévoyant la possibilité inconditionnelle et discrétionnaire d’y recourir, la Charte a, en réalité, voulu soustraire les conséquences de cette inaction de toute responsabilité internationale[105].
De ce fait, l’utilisation politique du droit de veto a des incidences négatives sur la protection des droits de l’homme; il constitue un obstacle à la capacité d’action du Conseil de sécurité dans les situations de violations massives des droits de l’homme. Comme on pourrait bien s’en rendre compte, le droit de veto se trouve en déphasage avec notre société du 21e siècle où les relations internationales sont marquées par des conflits internes, source de graves atteintes aux droits humains[106]. On ne saurait, par conséquent, utiliser ce droit pour défendre les intérêts politiques et économiques au détriment des droits de l’homme. En le faisant, le Conseil de sécurité se discrédite et perd la confiance que les membres de l’ONU ont placée en lui. Monsieur Olivier Fleurence souligne à cet effet que l’illégitimité du Conseil de sécurité est née tant de son action que de son inaction. Son incapacité à adopter certaines décisions urgentes ou de parvenir à un compromis sur des situations délicates est ainsi pointée du doigt. L’absence d’efficacité et de rapidité de ses actions lui ont fait perdre son crédit. Décrié de toute part, le droit de veto de ses membres permanents est dénoncé comme antidémocratique et contraire à l’égalité souveraine des États. Son utilisation, jugée abusive par un bon nombre d’États, érode sérieusement la légitimité du Conseil de sécurité au point que tout le monde en réclame la réforme[107].
Le déficit de légitimité du Conseil de sécurité n’est pas seulement mis en lumière par sa politique de « deux poids, deux mesures ». Ses pratiques en matière des droits de l’homme soulèvent également la problématique du respect des droits fondamentaux en général et du respect du droit à un procès équitable en particulier.
2. … Au regard de ses pratiques en matière des droits de l’homme
La pratique du Conseil de sécurité a révélé que ce dernier fait fi du respect des droits de l’homme en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales. La doctrine[108] constate que l’action du Conseil de sécurité s’avère faiblement limitée par des standards de respect de droits de l’homme : l’organe onusien peut se passer des droits de l’homme au nom du maintien de la paix et la sécurité internationales. En effet, l’article 24 de la Charte dispose que « dans l’accomplissement de [s]es devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations unies »[109]. Il en résulte que le Conseil de sécurité n’est tenu d’agir que conformément aux buts et principes des Nations unies dans leur généralité, c’est-à-dire conformément aux finalités de l’ONU, sans pour autant être tenu de respecter les dispositions pertinentes de la Charte dans leur particularité[110]. Cela se justifie par le fait que la Charte consacre une supériorité hiérarchique de la paix sur le droit. Elle confère au Conseil de sécurité, dans son rôle de police internationale, de larges marges de manoeuvre qui ne doivent en aucun cas faire l’objet de restrictions par une prétendue soumission à des règles de droit contraignantes et à la limite paralysantes[111]. Ainsi, le Conseil de sécurité peut porter atteinte aux droits de l’homme dans ses opérations de maintien de la paix ou quand il adopte et applique des mesures coercitives sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations unies[112].
La question que l’on peut raisonnablement se poser est de savoir comment attendre une protection efficace des droits de l’homme d’un organe qui est admis à porter atteinte aux mêmes droits, quand bien même ces violations se font sous le couvert du maintien de la paix et la sécurité internationales. En outre, si la possibilité de déroger aux droits de l’homme peut se comprendre, avec d’énormes difficultés bien entendu[113], en matière des opérations de paix, elle ne saurait être justifiée dans d’autres domaines. Il en est ainsi tout d’abord de l’impact des sanctions économiques du Chapitre VII de la Charte des Nations unies sur les droits de l’homme des populations civiles des pays ciblés. Dans la majorité de cas, de telles sanctions comportent des effets secondaires dommageables pour la population civile. Cette dernière subit des souffrances superflues, notamment la violation du droit à la vie ou à la santé. Il en résulte que l’action contraignante menée par le Conseil de sécurité pour faire cesser les violations des droits de l’homme affecte, dans cette hypothèse, la garantie des droits fondamentaux des individus[114].
Ensuite, la problématique du respect des droits de l’homme par le Conseil de sécurité se pose dans le cadre des sanctions ciblées, s’agissant du respect des droits fondamentaux des personnes concernées. La totalité des juridictions et quasi-juridictions internationales qui sont chargées d’appliquer et de protéger les droits de l’homme (la Cour de Justice de l’Union européenne, le Comité des droits de l’homme, les Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme) reconnaissent que l’application des sanctions individuelles adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU doit respecter les exigences du droit à un procès équitable[115]. Il demeure cependant que le Conseil viole ce droit à un procès équitable tant dans sa procédure d’inscription des particuliers sur les listes nominatives que dans celle de la radiation de leurs noms de ces listes. Dans toutes ces deux procédures, l’intervention d’un tribunal est inexistante; l’individu ciblé par la sanction n’a pas l’opportunité de présenter des moyens de défense[116]. Les décisions sont politiques et les considérations de nécessité ou de proportionnalité n’ont pas cours. Elles sont insusceptibles de recours administratifs ou contentieux. Une subjectivité indéniable caractérise les sanctions ciblées du Conseil de sécurité des Nations unies[117]. Cette absence de la garantie offerte par le droit à un procès équitable est également applicable aux États. En effet, le Conseil de sécurité de l’ONU ne motive pas ses décisions, pas plus qu’il ne suit une procédure présentant des garanties d’impartialité :
La procédure devant le Conseil de sécurité n’offre aucune garantie judiciaire : ce dernier peut discrétionnairement décider d’entendre ou non un État non membre du Conseil; aucune règle ne régit les modalités de preuve présentées devant cet organe; il n’est pas tenu de motiver sa décision ni de garantir l’impartialité des membres qui le composent et adopteront la décision[118].
***
Pendant longtemps, le Conseil de sécurité des Nations unies est demeuré hostile aux questions des droits de l’homme. La Résolution 202 (1965) relative à l’oppression du peuple de la Rhodésie du Sud par une minorité raciste a marqué une étape importante[119]. Ce fut la première fois que l’organe onusien a dépassé la conception interétatique de la paix et la sécurité internationales, pour soumettre à des mesures coercitives des violations massives et répétées des droits de l’homme. La même conception fut mise en oeuvre s’agissant de la situation d’apartheid en Afrique du Sud, de l’ampleur des souffrances humaines en Somalie, ou de la répression irakienne à l’égard de la population kurde. L’organe onusien a franchi l’interprétation restrictive qui cantonnait la sécurité collective à la sécurité des États et a contribué à l’émergence d’une nouvelle forme de sécurité : la sécurité humaine, centrée sur la protection des individus et de leurs droits. Dans ce nouveau contexte, le Conseil de sécurité s’est vu attribuer une responsabilité subsidiaire de protéger les populations lorsque leur État ne veut pas ou ne peut pas les protéger. Dans cette nouvelle posture, le Conseil de sécurité a joué un rôle de plus en plus important ces dernières décennies. Il a assuré l’inclusion des dispositions relatives aux droits de l’homme dans les accords de paix, participé aux efforts pour éliminer les violences sexuelles et sexistes, l’utilisation des enfants dans les conflits armés, il a inclus les droits de l’homme dans la quasi-totalité des opérations de maintien de la paix qu’il a autorisée, etc. Par ailleurs, le Conseil est intervenu pour condamner les violations graves des règles du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire, lesquelles menacent la paix et la sécurité internationales; il a également mis en place des tribunaux pénaux internationaux (TPIY, TPIR) pour la poursuite des personnes coupables de violations desdites règles.
Toutefois, la pratique du Conseil de sécurité de l’ONU laisse entrevoir une certaine hésitation quant à l’intégration des droits de l’homme à la sécurité collective. En la matière, le Conseil opère au cas par cas et aucun principe directeur ne semble présider à ses actions. Ces dernières sont purement sélectives. Toutes les tentatives aux fins d’adoption d’une résolution programmant l’intégration des droits de l’homme dans ses actions et délibérations ont échoué. Cet échec a un impact négatif sur l’efficacité et la légitimité de l’organe onusien chargé du maintien de la paix et la sécurité internationales.
Parties annexes
Notes
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[1]
Charte des Nations unies, 26 juin 1945, RT Can 1945 n° 7 [Charte des Nations unies].
-
[2]
Ayant aboli définitivement la « compétence de guerre » des États en dehors de l’hypothèse de la légitime défense, la Charte de l’ONU a conféré la compétence positive et exclusive de recourir à la force armée au Conseil de sécurité. Ce dernier a donc le monopole de la force militaire légitime dans le cadre de la sécurité collective : Nils Kreipe, Les autorisations données par le Conseil de sécurité des Nations Unies à des mesures militaires, Paris, LGDJ, 2009 aux pp 12-13; Mario Bettati, « L’usage de la force par l’ONU » (2004) 109:2 Pouvoirs 111 aux pp 117-18.
-
[3]
Un marchandage idéologique entre le bloc capitaliste et le bloc communiste avait longtemps opposé les droits de l’homme et la sécurité internationale en tant qu’objectifs de la communauté internationale. D’un côté, les occidentaux considéraient que la sécurité internationale nécessitait la protection des droits de l’homme et l’instauration de la démocratie; de l’autre côté, les soviétiques estimaient qu’il fallait privilégier la voie du désarmement : Honorat Djambi, Les aspects juridiques de la restauration de l’État par l’Organisation des Nations Unies en Afrique, Thèse de doctorat en droit, Université d’Orléans, 2005 [non publiée] aux pp 45-46.
-
[4]
Ben Attar, Contribution à l’analyse de l’émergence d’un droit dérivé onusien dans le cadre du système de sécurité collective, thèse de doctorat en droit, Université de Lorraine, 2012 [non publiée] à la p 71 [Attar].
-
[5]
Abel Dougbo, La réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, mémoire de maitrise en études internationales, Université de Montréal, 2014 [non publiée] à la p 40; Marthias Forteau, Droit de la sécurité collective et droit de la responsabilité internationale de l’État, Paris, A. Pedone, 2006 à la p 81; Kerstin Odendahl, « La notion de menace contre la paix selon l’article 39 de la Charte des Nations Unies : La pratique du Conseil de sécurité » dans Karine Bannelier-Christakis et al, Les 70 ans des Nations Unies : quel rôle dans le monde actuel?, Paris, A. Pedone, 2014, 37 aux pp 37-38.
-
[6]
Pierre D’Argent et al, « Article 39 » dans Jean-Pierre Cot, Alain Pellet et Mathias Forteau, La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, 3e éd, Paris, Économica, 2005, 1131 à la p 1156.
-
[7]
Résolution 217 (1965), Rés CS 217, Doc off CS NU, 1265e séance, Doc NU S/RES/217 (1965) aux pp 12-13.
-
[8]
Résolution 221 (1966), Rés CS 221, Doc off CS NU, 1277e séance, Doc NU S/RES/221 (1966) aux pp 11-12.
-
[9]
Résolution 794 (1992), Rés CS 794, Doc off CS NU, 3145e séance, Doc NU S/RES/794 (1992).
-
[10]
Jessica C Lawrence, Les droits de l’homme, recueil de cours, Williamsburg, Institut de formation aux opérations de paix, University for Peace, 2014 à la p 275.
-
[11]
Ibid. Dans le même sens, Herménégilde-Richard Gueret Gbagba estime que les droits de l’homme sont un facteur de paix et de sécurité tant national qu’international. L’auteur juge urgent l’intégration des droits de l’homme dans le système de la sécurité collective en Afrique : Herménégilde-Richard Gueret Gbagba, Les droits de l’homme dans la prévention et la résolution des conflits en Afrique subsaharienne, Thèse de doctorat en droit, Université de Grenobles II, 2006 [non publiée] aux pp 375-79.
-
[12]
Emmanuel Decaux, « Les Nations unies et les droits de l’homme : 60 ans après… », (2009) 7 Cahiers de recherche en droits fondamentaux 33 aux pp 33-34; Fleiner Gerster, Théorie générale de l’État, Paris, PUF, 1986 aux pp 90-91.
-
[13]
Charte des Nations unies, supra note 1, Préambule.
-
[14]
Ibid, art 1.
-
[15]
Barcelona Traction, Light and Power, Limited (Belgique c. Espagne), [1970] CIJ Rec 3 aux pp 32-33; Gilbert Guillaume, « La Cour internationale de justice et les droits de l’homme » (2001) 1 Droits fondamentaux 23 aux pp 27 et s. Sur cet intérêt juridique qu’ont les États de voir les droits de l’homme être protégés, lire Amparo San José Gil, « La responsabilité internationale des États pour les violations des droits de l’homme » dans Les droits de l’homme à l’aube du XXIe siècle, Mélanges Karel Vasak, dir, Bruxelles, Bruylant, 1999 aux pp 783-818.
-
[16]
Shandra Ognimba, La politisation des droits de l’Homme et le défi de la coopération universelle, thèse de doctorat en droit, Université Paris I-Panthéon Sorbonne, 2014 [non publiée] à la p 32; Jean-Pierre Lacroix, « Les droits de l’homme : une priorité de la politique étrangère de la France » dans Emmanuel Decaux et Olivier De Frouville, dir, La dynamique du système des traités de l’ONU en matière des droits de l’Homme, Paris, A. Pedone, 2015 aux pp 15-17.
-
[17]
Niall MacDermot, « L’écart de crédibilité en matière des droits de l’homme » (1996) 57 R Commission Intl de juristes 89 à la p 97.
-
[18]
Christian Dominicé, L’ordre juridique international entre tradition et innovation, Paris, PUF, 1997 à la p 228.
-
[19]
CIISE, La responsabilité de protéger : Rapport de la Commission internationale de l’intervention et la souveraineté des États, Ottawa, Centre de recherches pour le développement international, 2001 aux pp 36-38 [CIISE].
-
[20]
Réparation des dommages subis au service des Nations unies, Avis consultatif, [1949] CIJ Rec 45 à la p 180. Pour plus de commentaires sur cet Avis, voir Quoc Dinh Nguyen et al, Droit international public, 8e éd, Paris, LGDJ, 2009 à la p 669.
-
[21]
Résolution 827 (1993), Rés CS, Doc off CS NU, 3217e séance, Doc NU S/RES/827 (1993).
-
[22]
Résolution 955 (1994), Rés CS, Doc off CS NU, 3453e séance, DOC NU S/RES/955 (1994).
-
[23]
Résolution 1757 (2007), Rés CS, Doc off CS NU, 5685e séance, DOC NU S/RES/1757 (2007).
-
[24]
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3 (entrée en vigueur : 1er juillet 2002) art 13 b [Statut de Rome].
-
[25]
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Pas de paix sans justice? Le dilemme de la paix et de la justice en sortie de conflit armé, Paris, Presses de Sciences Po, 2011 à la p 153. Dans la même veine, monsieur Abdoul Kader Bitié écrit : « L’imbrication logique entre maintien de la paix et justice pénale internationale (qui a d’ailleurs motivé la création des tribunaux pénaux internationaux par le Conseil de sécurité) et le rôle de garant de la paix et de la sécurité internationales que lui confère l’article 24 de la Charte, légitiment d’un point de vue politique l’immixtion du Conseil de sécurité dans le pouvoir de saisine de la CPI » : Abdoul Kader Bitié, « L’africanisation de la justice pénale internationale : entre motivations politiques et juridiques », (2017) Hors-série RQDI à la p 150.
-
[26]
André Moine, « La contingence des actions du Conseil de sécurité des Nations unies dans la protection des droits de l’homme » (2018) 41:2 Civitas Europa 129 à la p 135.
-
[27]
Résolution 2277 (2016), Rés CS, Doc off CS NU, 7659e séance, DOC NU S/RES/2277 (2016).
-
[28]
Ibid à la p 2.
-
[29]
Résolutions et décisions du Conseil de sécurité : 1er aout 2015-31 décembre 2016, New York, NU, 2018 aux pp 193-203. Le même détour a été fait dans la Résolution 688 du 5 avril 1991 qui avait condamné la répression des kurdes d’Irak par Saddam Hussein. Le Conseil y déclare au premier paragraphe que la répression « a pour conséquence de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région ». Il a précisé dans son préambule qu’« elle a conduit à un flux massif de réfugiés vers des frontières internationales et à des violations de frontière, qui menacent la paix et la sécurité internationales ». Cette résolution fut saluée en doctrine comme une véritable avancée de la prise en compte des droits de l’homme par le Conseil de sécurité de l’ONU. Voir à ce sujet Jean-Marc De la Sablière, Le Conseil de sécurité des Nations unies : ambitions et limites, Bruxelles, Larcier, 2018 à la p 261.
-
[30]
Résolution 1894 (2009), Rés CS, Doc off CS NU, 6216e séance, DOC NU S/RES/1894 (2009).
-
[31]
Mélanie Dubuy, « La violation des droits de l’homme, une menace à la paix? Une rétrospective de l’évolution de la qualification de menace à la paix en lien direct ou indirect avec la violation des droits de l’homme » (2018) 41:2 Civitas Europa 13 aux pp 14-15.
-
[32]
Commission sur la sécurité humaine, La sécurité humaine maintenant : Rapport de la Commission sur la sécurité humaine, Paris, Presses de Sciences Po, 2003 à la p 17.
-
[33]
Se référant à Rudolph Rummel, Florence Basty écrit : « La principale menace contre la paix n’étant plus la guerre entre États, mais la guerre civile, le problème de la sécurité se pose de façon nouvelle. Dans le passé, on estimait que la sécurité était menacée de l’extérieur : assurer la sécurité de l’État consistait surtout à protéger l’État contre toute attaque extérieure; la sécurité des individus découlait directement de la sécurité de leur État qui les protégeait de toute menace extérieure. Aujourd’hui, de nombreuses menaces qui pèsent sur les individus viennent de l’État lui-même » : Florence Basty, « La sécurité humaine : un renversement conceptuel pour les relations internationales » (2008) 32:4 Raisons politiques 35 aux pp 37-38. Dans le même sens, monsieur Frédéric Gros explique que la substitution de sécurité humaine à la sécurité nationale est le corollaire de la transformation des États souverains en agents d’insécurité suprêmes. Trois séries d’événements ont fait surgir la nécessité d’une redéfinition de la sécurité, entrainant ainsi la disqualification de l’État dans ses fonctions classiques de sécurité. Il s’agit du totalitarisme, du colonialisme et de l’arme nucléaire. Les deux premiers ont été accompagnés de graves violations des droits de l’homme et l’arme nucléaire est devenue synonyme d’une épée de Damoclès indéfiniment suspendue au-dessus des populations civiles : Frédéric Gros, « Désastre humanitaire et sécurité humaine : Le troisième âge de la sécurité » (2008) 3-4 Esprit 51 aux pp 57-59.
-
[34]
Résolution 688 (1991), Rés CS, Doc off CS NU, 2982e séance, DOC NU S/RES/688 (1991).
-
[35]
Raphaël Hadas Lebel, « Un droit en marche », Le Monde (20 avril 1991) 2, cité par Chantal Carpentier, « La résolution 688 (1991) du Conseil de sécurité : quel devoir d’ingérence? » (1992) 23:2 Etudes internationales 279 à la p 280. Dans le même sens, Alain Pellet, « Résolution 688 (1991) » dans Emmanuel Decaux et al, dir, Les grandes Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, Paris, Dalloz, 2012 aux pp 142 et s.
-
[36]
Serge Bambara, La sécurité humaine, paradigme de garantie de la paix et de la sécurité internationales, thèse de doctorat en droit, Normandie Université, 2018 [non publiée] à la p 20 [Bambara].
-
[37]
À cet égard, l’adoption historique de la Résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité a abouti à une idée révolutionnaire : la sécurité est inextricablement liée à l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le même sens, la Résolution 2122 (2013) stipule clairement que l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres contribuent à la paix et la sécurité internationales, et que les questions de prévention des conflits ne peuvent pas être séparées des droits de l’homme.
-
[38]
Mary Kaldor, « La sécurité humaine : un concept pertinent? » traduit par Sonia Marcoux, (2006) 4 Hiver Politique étrangère 901 à la p 901.
-
[39]
ONU Femmes, Mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU consacrées aux femmes, à la paix et à la sécurité en Afrique, recueil de cours, Williamsburg, Institut de formation aux opérations de paix, University for Peace, 2014 à la p 76.
-
[40]
Résolution 1265 (1999), Rés CS, Doc off CS NU, 4046e séance, DOC NU S/RES/1265 (1999).
-
[41]
Résolution 1296 (2000), Rés CS, Doc off CS NU, 4130e séance, DOC NU S/RES/1296 (2000).
-
[42]
Namie Di Razza, La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l’ONU : l’exemple de la MONUC/MONUSCO en République Démocratique du Congo, thèse de doctorat en sciences politiques, Institut d’études politiques de Paris, 2015 [non publiée] aux pp 81-82.
-
[43]
Ibid. A travers la Résolution 1296, le Conseil de sécurité « opère [… ] un tournant dans les pratiques et contribue à inscrire la protection des civils comme objectif consensuel, officiel et supérieur pour l'ONU dont il engage la responsabilité»; Namie Di Razza, «Le Conseil de sécurité des Nations Unies et 'la protection des civils': un nouveau cadre d'action pour les opérations de maintien de la paix?» dans Alexandra Novosseloff, Le Conseil de sécurité des Nations Unies entre impuissance et toute puissance, Paris, CNRS, 2016 à la p 181.
-
[44]
Résolution 1674 (2006), Rés CS, Doc off CS NU, 5430e séance, DOC NU S/RES/1674 (2006) [Résolution 1674].
-
[45]
Julian Harston, Protection des civils, recueil de cours, Williamsburg, Institut de formation aux opérations de paix, 2017 aux pp 21-22 [Harston].
-
[46]
Pascaline Motsch, « Les droits de l’homme dans les missions de construction de la paix » (2018) 41:2 Civitas Europa 51 à la p 53.
-
[47]
Mutoy Mubiala, « À la recherche du droit applicable aux opérations des Nations unies sur le terrain pour la protection des droits de l’homme » (1997) 43 Ann français de Dr Intl aux pp 169 et s.
-
[48]
Résolution 1366 (2001), Rés CS, Doc off CS NU, 4360e séance, DOC NU S/RES/1366 (2001).
-
[49]
Nations unies, Résolutions et décisions du Conseil de sécurité : 1er janvier 2001-31 juillet 2002, New York, NU, 2003 aux pp 297-301.
-
[50]
Résolution 1894 (2009), Rés CS, Doc off CS NU, 6216e séance, DOC NU S/RES/1894 (2009).
-
[51]
Lloyd Axworthy, « The Responsibility to Protect : Prescription for a Global Public Domain », Conférence présentée à l’Université de San Diego le 10 février 2005, Joan B. KROC Institute for Peace and Justice, 2005 à la p 43, cité par Bambara, supra note 36 à la p 95. Dans le même sens, monsieur Hassan Abdelhamd et ses collègues estiment que l’émergence de la notion de sécurité humaine et de celle de responsabilité de protéger est relativement simultanée et s’explique par la conjonction d’événements considérés aujourd’hui comme insupportables. Ils notent à ces propos que c’est l’exigence de la sécurité humaine qui fait obligation aux États et à la communauté internationale de protéger les personnes qui souffrent des conséquences de catastrophes naturelles, économiques, militaires ou politiques : Hassan Abdelhamd et al, Sécurité humaine et responsabilité de protéger : L’ordre humanitaire international en question, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009 à l’introduction.
-
[52]
Habib Slim, « Observations préliminaires sur la Résolution 1973 et sur la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger par le Conseil de sécurité » dans Jean-François Akandji-Kombé, dir, L’homme dans la société internationale, Bruxelles, Bruylant, 2013 aux pp 384-85.
-
[53]
Julian Fernandez, « L'ingérence judiciaire au nom de la responsabilité de protéger : à propos de la situation en Libye » (2013) 57:1 Droits 141 à la p 142.
-
[54]
André Cabanis et al, La responsabilité de protéger : une perspective francophone, Paris, Agence universitaire de la francophonie, 2010 à la p 9.
-
[55]
Le paragraphe 139 du Document final du Sommet indique que la responsabilité de protéger repose sur trois piliers : la responsabilité de l’État en matière de protection, l’assistance internationale et le renforcement des capacités ainsi que la réaction résolue en temps voulu. Document final du Sommet mondial des Nations unies, Doc off CE NU, 172e session, DOC NU 172EX/INF 13 (2005).
-
[56]
Résolution 1674, supra note 44.
-
[57]
Aline Mascré, Comment la responsabilité de protéger a-t-elle été développée, appliquée et débattue?, Mémoire de master en Hautes études internationales et européennes, Centre international de formation européenne, 2015 [non publié] à la p 34 [Mascré].
-
[58]
Résolution 1674, supra note 44.
-
[59]
Boutros Boutros-Ghali, « Peut-on réformer les Nations unies? » (2004) 109:2 Pouvoirs 5 à la p 6.
-
[60]
Jared Genser et Irwin Cotler, The Responsibility to Protect : the promise of stopping mass atrocities in our time, New York, Oxford University Press, 2011 à la p 31, cité par Mascré, supra note 57 à la p 35.
-
[61]
Sandra Szurek, « La responsabilité de protéger : du prospectif au prescriptif… et retour : La situation de la Libye devant le conseil de sécurité » (2012) 56:2 Droits 59 aux pp 61-62.
-
[62]
Résolution 1973 (2011), Doc off CS NU, 6498e session, DOC NU S/RES/1973 (2011) aux pp 2-3 [Résolution 1973].
-
[63]
Ibid à la p 2.
-
[64]
Harston, supra note 45 à la p 130; Samia Aggar, La responsabilité de protéger : un nouveau concept?, thèse de doctorat en droit, Université de Bordeaux, 2016 [non publiée] aux pp 546 et s [Aggar]. Sur l’analyse de cette intervention de l’OTAN au regard du droit international humanitaire, voir Erick David, « L'opération unified protector en Libye au regard du droit international humanitaire » (2012) 56:2 Droits 49 aux pp 49-58.
-
[65]
Mohammed Faraj Ben Lamma, « L’application de la responsabilité de protéger en Libye : retour à la case de départ? » (2016) 101:1 R Intl & stratégique 14 aux pp 21-24. Dans le même sens, madame Patricia Buirette estime que l’intervention en Lybie est licite, car autorisée par le Conseil de sécurité, mais elle est illégitime, car le mandat du Conseil de sécurité a été dépassé. L’auteure estime que si elle a empêché la démolition de Bengazi et le massacre de sa population, elle a néanmoins entrainé la destruction du régime de Kadafi sans que l’ONU reste pour installer un nouveau régime politique : Patricia Buirette, Le droit international humanitaire, Paris, La Découverte, 2019 à la p 100.
-
[66]
Résolution 1973, supra note 62.
-
[67]
Anicet Tayo, « L’opération ʻProtecteur unifiéʼ en Libye : un détournement de la responsabilité de protéger? », (2011) 12:6 Points de mire 1.
-
[68]
En ce sens, monsieur Mark Lyall Grant a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU que « l’objectif principal de la Résolution 1973 est clair : mettre fin à la violence, protéger les civils et permettre au peuple libyen de définir son propre avenir, libéré de la tyrannie du régime de Kadhafi ». Le même problème d’interprétation des résolutions du conseil de sécurité s’est posé lors de l'intervention de l'OTAN en ex Yougoslavie suite à la crise du Kosovo et même concernant l'action du Conseil de sécurité face au conflit irakien. Les membres du conseil ont interprété de manière abusive les résolutions de l'organe restreint à des fins stratégiques et politiques, n'hésitant pas à ignorer les règles fondamentales en matière d'interprétation : voir Majouba Saihi, L'interprétation et le contrôle de la légalité des résolutions du Conseil de sécurité, Mémoire de Maitrise en droit, Université de Montréal, 2005 [non publié] aux pp 38 et s, 52 et s; Olivier Corten, « Droit d'intervention versus souveraineté : Actualité et antécédents d'une tension protéiforme » (2012) 56:2 Droits 33 aux pp 47-48.
-
[69]
Aggar, supra note 64 à la p 550.
-
[70]
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, La responsabilité de protéger, Paris, PUF, 2018 à la p 117.
-
[71]
Rémi Bachand et Mouloud Idir, « Décoloniser les esprits en droit international : La ʻresponsabilité de protégerʼ et l’alliance entre naïfs de service et rhétoriciens de l’impérialisme » (2012) 72:4 Mouvements 89 aux pp 90-94. À la p 94, l’auteur écrit que « rien ne garantit (et loin de là!) que les interventions réalisées dans le cadre de la R2P n’ont pas comme effet de déstabiliser davantage le pays ou la région, cette crainte étant alimentée par le constat selon lequel les États interventionnistes ne sont nullement motivés (ou si peu) par le réel désir de sauver des vies, mais plutôt par les intérêts qui ont présidé à leur action ». En outre, poursuit-il à la p 97 : « Là où l’opposition se révolte contre un régime ennemi, l’Occident évoque la responsabilité de protéger pour se porter à sa défense; là où cette opposition se rebelle contre un régime ami, on arme ce dernier ».
-
[72]
Dans sa Résolution 1674 du 28 avril 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies considère que « la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme constituent la clef de voûte du système des Nations Unies et le fondement de la sécurité et du bien-être collectifs », et que « le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme sont intimement liés et se complètent » : Résolution 1674, supra note 44 à la p 1. La même position est réaffirmée dans la Résolution 2282 du 27 avril 2016 où le Conseil affirme savoir que « le développement, la paix, la sécurité et les droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement ». Dans la même résolution, le Conseil souligne l’importance d’une approche globale de la pérennisation de la paix, reposant notamment sur le renforcement de l’État de droit, la promotion de la croissance économique, l’accès à la justice, la démocratie, l’égalité des sexes et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales : Résolution 2282 (2016), Doc off CS NU, 7680e session, DOC NU S/RES/2282 (2016) à la p 4.
-
[73]
À ce sujet, la doctrine estime que les droits de l’homme n’ont pas à être rattachés au prisme sécuritaire pour être pris en compte par le Conseil de sécurité. Cet argument repose essentiellement sur l’idée selon laquelle la conception traditionnelle de la paix – au sens strict « paix » signifie « absence de guerre » est juridiquement dépassée. Actuellement, le plus important est de préserver les « conditions structurelles d’une paix durable », au premier rang desquelles se trouve la garantie des droits de l’homme. En ce sens, la prévention des violations des droits de l’homme est une condition générale du maintien de la paix et la sécurité internationales : Sandra Szurek, « Prévention des droits de l’homme et maintien de la paix » dans Emmanuel Decaux et Sébastien Touzé, dir, La prévention des violations des droits de l’Homme, Paris, A. Pedone, 2015 aux pp 161-62; Mirko Zambelli, La constatation des situations de l’article 39 de la Charte des Nations Unies par le Conseil de sécurité : Le champ d’application des pouvoirs prévus au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Genève, Helbig & Lichtenhaln, 2002 aux pp 312-14.
-
[74]
Organisation des Nations unies, couverture des réunions, CS/12797, « Le Conseil de sécurité débat de la pertinence d’inclure les droits de l’homme dans ses délibérations » (18 avril 2017), en ligne : Couverture des réunions & communiqués de presse des Nations Unies <www.un.org/press/fr/2017/cs12797.doc.htm>, Déclaration du représentant permanent de la France aux Nations unies, monsieur François Delattre.
-
[75]
Ibid, Déclaration de la représentante permanente des USA aux Nations unies, madame Nikki Haley.
-
[76]
Ibid.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
Ibid, Déclaration du représentant permanent de la Suède, monsieur Olof Skoog.
-
[79]
Ibid, Déclaration du Secrétaire général des Nations unies, monsieur Antonio Guterres.
-
[80]
Ibid, Déclaration du représentant permanent de la Fédération de la Russie, monsieur Evgeny Zagaynov.
-
[81]
Ibid, Déclaration du représentant permanent de l’Égypte, monsieur Amr Abdellatif Aboulatta.
-
[82]
Ibid, Déclaration du représentant permanent de la Bolivie au Conseil de sécurité.
-
[83]
Ibid, Déclaration du représentant permanent de l’Éthiopie, monsieur Tekeda Alemu.
-
[84]
Ibid, Déclaration du représentant permanent du Kazakhstan, monsieur Rakhmetullin.
-
[85]
Jean-Marc Sorel, « L’élargissement de la notion de menace contre la paix » dans Société française pour le droit international, Le chapitre VII de la Charte des Nations unies, Paris, A. Pedone, 1995, 3 aux pp 34-35 et 57. En doctrine, on considère que le concept de « menace contre la paix » est insaisissable du point de vue du droit international. Cela s’expliquerait par le fait que « la pratique de l’organe chargé d’en constater l’existence, le Conseil de sécurité, apparait incohérente du point de vue juridique, c’est-à-dire impossible à systématiser ». Au demeurant, « les résolutions du Conseil de sécurité, qui sont le résultat de tractations diplomatiques et de réunions informelles entre ses membres, ne mentionnent pas clairement la base juridique et les motifs de leur adoption. Il n’existe pas de mécanisme de contrôle général et automatique des résolutions du Conseil de sécurité constatant une menace contre la paix » : Voir à ce sujet Anne-Laurence Brugère, La « menace contre la paix » dans la pratique du Conseil de sécurité des Nations unies, Thèse de doctorat en droit, Université de Genève, 2013 [non publiée] aux pp 1-2.
-
[86]
Djacoba Liva Tehindrazanarivelo, Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires : Assistance aux victimes et voies juridiques de prévention, Paris, PUF, 2005 aux pp 35-37.
-
[87]
Olara A Otunnu, « Préserver la légitimité de l’action des Nations unies » (1993) 58:3 Politique étrangère 597 aux pp 598-600. Sur la nécessité pour la communauté internationale d’élaborer de telles règles générales, voir Niall MacDermot, « Les violations des droits de l’homme considérées en tant que menaces contre la paix » (1996) 57 R Commission Intl des juristes 81 à la p 85. L’auteur note que de telles normes permettront de freiner l’instrumentalisation des droits de l’homme par les États puissants contre les États faibles dans un dessein d’obtenir un avantage qui n’a rien à voir avec les cruautés et la persécution en question.
-
[88]
Thomas Franck, « Fairness in the international legal and institutional system : General course on public international law » (1993) 240 RCADI 9 à la p 151, cité par Brugère, supra note 85 à la p 114.
-
[89]
En matière de sécurité collective, le Conseil de sécurité de l’ONU exerce ses attributions d’une façon totalement discrétionnaire et il n’est soumis qu’à son propre contrôle. Il interprète librement ses compétences et « peut leur donner l’extension et la consistance qui lui conviennent. […] Son pouvoir est à cet égard indéterminé et souverain, dès lors qu’il est fondé sur le maintien […] de la paix et de la sécurité internationales » : Serge Sur, « Sécurité collective » dans Thierry De Montbrial et Jean Klein, dir, Dictionnaire de stratégie, Paris, Presses Universitaires de France, 2000 aux pp 506-07.
-
[90]
CIISE, supra note 19 aux pp 37-42. Pour une analyse détaillée de ces critères d’intervention, se rapporter à Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, La guerre au nom de l’humanité : tuer ou laisser mourir, Paris, PUF, 2012 aux pp 259 et s. Dans un sens contraire, monsieur Olivier De Frouville estime que « la ʻdoctrineʼ de la R2P constitue une forme d’interprétation de la Charte, mais n’amende pas la Charte et notamment ne modifie pas les conditions dans lesquelles une action impliquant l’emploi de la force peut être décidée par le Conseil de sécurité. D’un point de vue purement pratique, la R2P n’a pas donné de nouveaux pouvoirs au Conseil de sécurité : ce que le Conseil a décidé en mentionnant la R2P, il aurait pu le décider sans cette mention. Inversement, plusieurs expériences montrent que la R2P n’oblige pas le Conseil à réagir : les intérêts des puissances continuent à prévaloir au sein de cet organe, notamment à travers le droit de veto » : Olivier De Frouville, « Perspectives du droit cosmopolitique sur la responsabilité de protéger » (2013) 57:1 Droits 95 à la p 97.
-
[91]
Nathalie Thomé, Les pouvoirs du Conseil de sécurité au regard de la pratique récente du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2005 à la p 110.
-
[92]
Alexandra Novosseloff, Le Conseil de sécurité des Nations unies et la maitrise de la force armée : dialectique du politique et du militaire en matière de paix et de sécurité internationales, Bruxelles, Bruylant, 2003 à la p 443.
-
[93]
Ibid; Ronald Hatto et Nicolas Lemay-Hébert, « Le Conseil de sécurité des Nations unies : entre représentativité et efficacité » dans Bertrand Badie et Guillaume Devin, dir, Le multilatéralisme : Nouvelles formes de l’action internationale, Paris, La Découverte, 2007 aux pp 136-37.
-
[94]
Statut de Rome, supra note 24, art 16. L’article 16 du Statut de Rome permet au Conseil de sécurité de suspendre l’action de la Cour pénale internationale : « Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions ». Une partie de la doctrine trouve cette disposition critiquable dans la mesure où elle confère à un organe politique le pouvoir d’intervenir dans l’activité judiciaire, battant ainsi en brèche le sacro-saint principe d’indépendance qui devrait guider l’activité de la Cour. Pour monsieur Moussa Alafi, « l’intervention d’un organe politique dans l’activité d’un organe judiciaire remet en cause les missions de chacune de ces institutions. L’intrusion du Conseil dans l’activité de la CPI, basée sur sa mission de maintien de la paix, est en fait établie au nom d’un ordre international voulu par le Conseil lui-même. Ce rôle affecte le fonctionnement, l’indépendance et même l’impartialité de la Cour », surtout si l’on se rappelle que la majorité des membres du Conseil de sécurité ont refusé de ratifier le Statut de Rome : Moussa Alafi, La Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité : justice versus maintien de l’ordre, thèse de doctorat en droit, Université François-Rabelais de Tours, 2013 [non publiée] à la p 2.
-
[95]
Noémie Blaise, « Les interactions entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité : justice versus politique? » (2011) 82:3 REv IDP 420 aux pp 432-34.
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[96]
Ioannis Prezas, « La justice pénale internationale à l’épreuve du maintien de la paix : À propos de la relation entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité » (2006) 39:1 Rev b dr Intern 57 aux pp 57 et s.
-
[97]
Maria Luisa Cesoni et Damien Scalia, « Juridictions pénales internationales et Conseil de sécurité : une justice politisée » (2012) 25:2 RQDI 37 aux pp 59-60.
-
[98]
Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, Doc off AG NU, 30e session, Doc NU A/HCR/30/48 (2015) à la p 23.
-
[99]
Emmanuel Decaux, « Actions au regard de la souveraineté des États et moyens d’investigation » dans Jacques Ribs, dir, La Cour pénale internationale, Paris, La documentation française, 1999, 77 aux pp 84-85.
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[100]
Serge Sur, « Le Conseil de sécurité : blocage, renouveau et avenir » (2004) 109 Pouvoirs 61 à la p 66.
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[101]
Bernard Goury, « Conseil de sécurité et droit de veto » (2015) 35:3 Après demain 17 à la p 18. À ce sujet, monsieur Serge Sur a écrit que le veto est à la base de la contradiction entre la toute-puissance théorique du Conseil de sécurité de l’ONU et sa trop fréquente impuissance pratique. Il traduirait ainsi l’inégalité structurelle entre les membres de l’Organisation, la paralysie de l’institution, la prédominance d’intérêts nationaux étroits sur la sécurité collective, l’immoralité et l’injustice, l’inefficacité et la frustration. L’auteur en conclut que le droit de veto a créé une société internationale de type féodal : Serge Sur, « Veto : votez contre! » dans Hervé Ascensio et al, dir, Dictionnaire des idées reçues en droit international, Paris, Pedone, 2017 aux pp 593-95. Dans le même sens, Olivier Russbach, Onu contre Onu : le droit international confisqué, Paris, La Découverte, 1994 aux pp 198 et s.
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[102]
Jules Basdevant, « Le veto dans l'Organisation des Nations unies » (1946) 11:4 Politique étrangère 321 aux pp 331-32. Dans le même sens, Diehnben, dont les propos sont rapportés par Attar, supra note 4 aux pp 559-60, pense que « cette attitude des membres permanents dénature la fonction première du Conseil puisque malgré sa vocation à agir pour la défense des intérêts de l’ensemble des États, les membres permanents utilisent leur veto pour défendre leurs intérêts nationaux et partisans ».
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[103]
Mario Bettati, « Du droit d’ingérence à la responsabilité de protéger » (2007) 20:3 Outre-Terre 381 aux pp 385 et s; Sandrine Turgis, « Les moyens d’alerte du conseil de sécurité des Nations unies en cas de violation des droits de l’homme » (2018) 41:2 Civitas Europa 33 à la p 46.
-
[104]
Léandre Mvé Ella, « La responsabilité du Conseil de sécurité en cas de manquement à la responsabilité de protéger » (2018) 41:2 Civitas Europa 111 à la p 112.
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[105]
Ibid aux pp 118 et 121. L’auteur note que « Ce serait […] une contradiction, au sens de ce texte, que le Conseil dût répondre du recours au veto quelques regrettables qu’en fussent les conséquences, alors même que c’est justement cette Charte qui prévoit la possibilité pour celui-ci d’y recourir sans en fixer les limitations ». À lui de conclure qu’à l’égard du Conseil de sécurité, la responsabilité de protéger « n’est qu’un devoir imparfait, une responsabilité simplement morale, sans imputabilité, sans ʻredevabilitéʼ, c’est-à-dire, sans devoir de rendre des comptes en cas de manquement ». Cette situation contraste avec l’idée même d’une responsabilité à protéger. Celle-ci porte en elle, en effet, la promesse d’obligations positives de protection dont les populations seraient devenues créancières sur le plan international. En conséquence, y manquer devrait être puni; Mathias Forteau, « Le Conseil de sécurité des Nations unies est-il soustrait à l’emprise du principe de non intervention? » (2013) 57:1 Droits 119 à la p 119.
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[106]
Habib Moukoko, L’ONU et la promotion des droits de l’homme en Afrique : Le cas de l’Afrique subsaharienne francophone, thèse de doctorat en droit, Université de Normandie, 2017 aux pp 456-58. Déjà à ses débuts, la conception initiale de la Charte avait été dénoncée comme radicalement fausse et inadaptée : « si l’accord des grandes puissances (matérialisé par le droit de veto) constitue bien le postulat fondamental de la Charte, comme ce postulat apparait manifestement à l’opposé de la réalité, tout l’édifice politique qui repose sur cette base doit être voué à la démolition »; René Lacharrière, « L’action des Nations unies pour la sécurité et pour la paix » (1953) 18:4 Politique étrangère 307 à la p 316.
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[107]
Olivier Fleurence, La réforme du Conseil de sécurité : L’état des débats depuis la fin de la guerre froide, Bruxelles, Bruylant, 2000 aux pp 94-95, 123-24. Dans le même sens, Alexandra Novosseloff, « L’élargissement du conseil de sécurité : enjeux et perspectives » (2006) 128:4 Relations Intl 3 aux pp 3 et s; Hubert Védrine, « Réflexions sur la réforme de l’ONU » (2004) 109:2 Pouvoirs 125 aux pp 125-29. Dans la mesure où le Conseil de sécurité est la seule autorité de certification du recours à la force dans le cadre de la responsabilité de protéger, la doctrine a proposé certaines pistes de solution pour pallier son blocage. Il s’agit notamment de la régulation du droit de veto, de la délégation de pouvoir à l’Assemblée générale et de la création d’un organe compétent en cas de paralysie de ce Conseil : Noémie Blaise, R2P et intervention humanitaire : Peut-on (ou comment) dépasser la volonté politique du Conseil de sécurité?, Limal, Anthémis, 2017 aux pp 97-98, 254 et s.
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[108]
Sur ce sujet, lire utilement Irène Couzigou, « Le conseil de sécurité doit-il respecter les droits de l’homme dans son action coercitive de maintien de la paix? » (2007) 20:1 RQDI 107 aux pp 107-35.
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[109]
Charte des Nations unies, supra note 1, art 24.
-
[110]
Mohammed Bedjaoui, Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruxelles, Bruylant, 1994 à la p 24.
-
[111]
Alassane Diallo, Les Nations unies face aux nouveaux enjeux de la paix et de la sécurité internationales, Paris, L’harmattan, 2005 à la p 149.
-
[112]
Irène Couzigou, « Le respect des droits de l’homme dans les actions du Conseil de sécurité des Nations unies » (2018) 41:2 Civitas Europa 67 aux p 67-68 [Couzigou, « Le respect des droits de l'homme »].
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[113]
Une partie de la doctrine demeure toujours réticente à admettre la conclusion que le Conseil de sécurité des Nations unies est affranchi du respect du droit international et que les mesures décidées par cet organe dans le domaine du maintien de la paix ne sont assujetties à aucune limite juridique : Maurizio Arcari, « Observations sur les problèmes juridiques posés par les sanctions des Nations unies et leur évolution récente » (2016) 22 Ann espagnol Dr Intl 317 aux pp 317-48, spécialement à la p 338; Evelyne Lagrange, « Le Conseil de sécurité des Nations unies peut-il violer le droit international? » (2005) 55 Arès 101 aux pp 101-09.
-
[114]
Maurizio Arcari, « Maintien de la paix et protection des droits de l’homme : l’action du Conseil de sécurité des Nations unies » (2005) 1 Perspectives internationales et européennes aux pp 9-10.
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[115]
Sur cette reconnaissance, lire Marie Rota, « Les sanctions individuelles prises par le Conseil de sécurité et les exigences du droit à un procès équitable » (2018) 41:2 Civitas Europa 93 aux pp 97 et s; Florent Mazeron, « Le contrôle de légalité des décisions du Conseil de sécurité : un bilan après les ordonnances Lockerbrie et l’arrêt Tadic » (1997) 10 RQDI 105 aux pp 105-36.
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[116]
Couzigou, « Le respect des droits de l'homme », supra note 112 à la p 68.
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[117]
Cécile Rapoport, « Les sanctions ciblées dans le droit de l’ONU », Table ronde franco-russe avec l'Université d'Etat Lobatchevski de Nijni-Novgorod, Les sanctions ciblées au carrefour des droit international et européen, Grenoble, 10 mai 2011, Collection Les Conférences Publiques du Centre d'Excellence Jean Monnet, Université Pierre-Mendès-France à la p 10.
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[118]
Catherine Denis, Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité des Nations unies : portée et limites, Bruxelles, Bruylant, 2004 à la p 354.
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[119]
Résolution 202 (1965), Rés CS, Doc off CS NU, DOC NU S/RES/202 (1965).