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En évoquant un « usage » du droit international, le « risque » de basculer dans une réflexion davantage politique que juridique semble évident. L’approche critique que nous privilégierons sert précisément à dissiper cette crainte. Qu’entend-on par « approche critique » ? Le champ des études critiques en droit international a émergé dans les années 1980. Il s’agit d’un courant tout à fait hétérogène dont la principale caractéristique consiste en un travail de déconstruction dépassant les règles et visant la discipline. L’un de ses illustres représentants, le juriste finlandais Martti Koskenniemi, évoque des « préjugés institutionnels » (structural bias) et une « indétermination » (indeterminacy) inhérents à la discipline. Interrogé sur les études critiques, le Professeur Rémi Bachand nous a exprimés ainsi sa vision :

[u]ne approche critique permet de faire remarquer aux « progressistes » qui croient au droit international que s’embarquer dans le discours du droit international revient parfois à légitimer un discours dont peuvent s’approprier les dominants. Et, à cause du rapport de force, y compris juridique, cela renforce l’argumentation juridique du dominant […] Le principal message que je porte demeure le suivant : il faut cesser d’idéaliser le droit international et de penser que plus il y a de droit, mieux l’on se porte.[1]

Une approche critique sert ainsi à désacraliser le droit international. Elle sert à sortir du vieux débat allemand entre Hans Morgenthau et Hersch Lauterpacht, le premier considérant que la politique détermine l’espace laissé au droit, le second exactement l’inverse. Pour Martti Koskenniemi, le droit international est avant tout une langue. Mais bien qu’il s’agisse d’une langue différente de celle de la science politique, la distinction classique entre ce qui relève du droit international et ce qui relève de la politique est peu opérante. Reprenant la fameuse image ambiguë du canard-lapin, notamment commentée par le philosophe Ludwig Wittgenstein, Koskenniemi souligne que les deux (le canard représentant le politiste, le lapin le juriste) forment a priori une seule et même image. Une autre représentante des critical legal studies, Susan Marks, a déconstruit l’idée selon laquelle les drames proviennent nécessairement d’une absence de droit ou de mystères juridiques irrésolus. Dans un article de 2006[2], elle questionne l’expression de « monde sans loi » (lawless world), référence à un livre de Philippe Sands[3]. Marks prend notamment deux exemples où le droit apparaît davantage comme une partie du problème que comme une solution : la guerre en Irak de 2003 et le camp de Guantánamo. Concernant l’Irak, sa réflexion est la suivante : si quelques voix supplémentaires au Conseil de sécurité auraient suffi à la rendre légale, alors les efforts destinés à affirmer son illégalité mériteraient d’être dépensés pour une critique profonde du droit international. Pour ce qui est de la prison de Guantánamo, elle rappelle qu’il est erroné d’y voir un vide juridique, car tout y est précisément fondé sur des éléments juridiques : droit constitutionnel, réglementations spéciales, accords d’extradition, etc. En considérant le droit international comme une force susceptible de sauver le monde quand elle est bien respectée et appliquée, on fait fi de la possibilité selon laquelle des normes juridiques internationales peuvent contenir les maux qu’elles prétendent soigner. Tel est ici le message de Susan Marks. L’approche critique sert donc à dépasser le débat sur l’application ou non de la règle de droit, à dépasser l’approche positiviste. Nous aurions pu être tentés de compléter « l’usage » par un adjectif tel que « politique » ou « national », mais cela eût été prétendre que les dimensions politique ou nationale ne sont pas des éléments intrinsèques du droit international. Notre hypothèse de base est la suivante : d’une manière plus exacerbée au Moyen-Orient, le droit international est davantage un outil (de légitimation ou de politique étrangère) qu’un cadre. De ce point de vue, la question de son respect se pose moins que celle de son usage. Son efficacité ne s’évalue donc pas à l’aune de l’émergence ou du respect des règles, mais en tant qu’élément de communication politique. Le Moyen-Orient apparaît comme un laboratoire d’autant plus intéressant que les références au droit international y sont courantes : a priori un paradoxe dans une région où il semble si peu respecté. Notre analyse se fera en deux temps : il s’agira dans un premier temps de souligner l’utilisation du droit international dans la construction d’une légitimité nationale. Il sera ici question du conflit israélo-palestinien. Nous nous intéresserons d’abord à la mobilisation par l’Autorité palestinienne d’un arsenal juridique international ambitieux, aboutissant notamment à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 2012 lui accordant un statut d’« État observateur non-membre ». Ce passage de la lutte armée au droit international a poussé certains commentateurs à reprendre l’expression de lawfare[4], à connotation négative, pour décrire les nouvelles relations israélo-palestiniennes[5]. Nous nous intéresserons ensuite au rapport d’Israël au droit international à travers aussi bien la politique israélienne que le travail de la Cour suprême israélienne. Dans un second temps, c’est le droit international comme outil de politique étrangère que nous analyserons. Il sera ici question de l’action du Conseil de sécurité à travers deux exemples : le premier concerne un dossier précis — celui du Tribunal spécial des Nations Unies pour le Liban (TSL); le second concerne plus généralement le rapport de la Russie au droit international. Il sera ensuite question de l’utilisation du droit international dans la crise syrienne et le dossier précis de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem, capitale d’Israël.

Il ne s’agira pas ici d’analyser de manière exhaustive et approfondie chacun de ces cas, mais d’apporter des pistes de réflexion quant à l’utilisation, voire l’instrumentalisation du droit international. Ce travail de déconstruction permettra de voir que les germes de cette instrumentalisation sont dans le droit international lui-même. Celui-ci ayant pris la forme non pas d’un cadre de coexistence pacifique, mais d’une langue plus ou moins persuasive.

I. Le droit international dans la construction d’une légitimité nationale

Dans le cadre du conflit israélo-palestinien, nous avons affaire à deux légitimités nationales sensiblement différentes. Dans le cas palestinien, il s’agit avant tout d’une question de statut : celui d’État. L’arsenal juridique mobilisé par l’Organisation de libération de Palestine (OLP), puis par l’Autorité palestinienne, est destiné à accéder à ce statut, porteur d’une dimension hautement symbolique et de quelques dispositions pratiques. Dans le cas israélien, où l’État est né du droit international, il s’agit avant tout d’une politique jugée à l’aune de celui-ci.

A. La mobilisation d’un arsenal juridique international par l’Autorité palestinienne

1. La question de l’existence d’un État palestinien

a) Les critères de l’existence d’un État

Peut-on parler d’État palestinien ? Cette question, a priori anodine, pose un certain nombre de problèmes. D’abord, s’agit-il d’une question de droit international ? Ensuite, la notion d’État n’étant nullement performative — ce statut ne génère aucune réalité à lui seul —, y a-t-il un intérêt à la poser ? Enfin, l’État, bien que principal sujet du droit international, n’est pas défini de façon exhaustive et définitive par les textes. La Charte des Nations Unies en parle sans le définir. Son article 4 se contente de citer de vagues critères pour devenir membre de l’Organisation, mais des critères rarement évoqués en pratique (le caractère « pacifique » de l’État, par exemple). Le droit international permet surtout de le constater : « il tire seulement des conséquences de droit de son existence de fait[6] ». Nous avons néanmoins un certain nombre de critères habituellement invoqués, énumérés dans deux précédents : un précédent jurisprudentiel (le tribunal arbitral germano-polonais de 1929) et un précédent conventionnel (la Convention de Montevideo de 1933 sur les droits et devoirs des États)[7]. Le premier évoque un territoire, une collectivité d’hommes et une puissance publique; le second va un peu plus loin en évoquant une population permanente, un territoire déterminé, un gouvernement et la capacité d’entrer en relation avec les autres États.

Pour le Professeur Jean Salmon, il est « indiscutable » que la Palestine possède ces caractéristiques[8] : il y a bien un peuple palestinien dépassant les 4 millions d’individus. Un peuple qui dispose d’un droit à l’autodétermination, qu’on retrouve dans l’article premier de la Charte sous la formule « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », ainsi que dans son article 55 dans le cadre du respect universel des droits humains, et reconnu dans la Résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 1947 sur le plan de partage, soit 65 ans jour pour jour avant la résolution de novembre 2012. Il y a bien un territoire palestinien, confirmé par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son avis consultatif de 2004[9] comme celui occupé par Israël en juin 1967, faisant de celui-ci une puissance occupante selon le droit international coutumier. Quant à l’argument de l’incertitude des frontières qui sont là pour circonscrire le territoire, il ne saurait avoir plus de valeur dans le cas palestinien que dans le cas israélien (une frontière incertaine vaut pour les deux parties). Il y a bien des institutions formant un gouvernement, notamment depuis la naissance de l’Autorité palestinienne après les premiers Accords d’Oslo de 1993. Ce critère se heurte inlassablement à l’argument de l’effectivité du contrôle exercé par le gouvernement en question[10]. Cet argument fut d’ailleurs brandi par François Mitterrand contre la reconnaissance de l’État palestinien après sa proclamation en 1988[11]. Pour Jean Salmon, cet argument lui-même se heurte à la difficulté d’invoquer une effectivité illégale (l’occupation) contre une effectivité manquante. Nous pouvons aller plus loin et souligner l’absurdité de l’argument de l’effectivité en droit international : si le droit international ne peut que constater cette effectivité sans la garantir, et si la qualité d’État est refusée à une entité au nom de l’absence d’effectivité, alors nous avons l’aveu implicite que la conquête de l’effectivité doit se faire autrement que par le droit, ce qui peut encourager, par exemple, la lutte armée.

b) La volonté d’être reconnu comme État

À partir de ces critères établis, nous pouvons évoquer la question de la reconnaissance. La reconnaissance, prérogative des États, est un acte en grande partie unilatéral. Cette reconnaissance, la Palestine l’a sollicitée dans des termes simples et précis : dès 1988, l’indépendance voulue par le Conseil national de l’OLP visait un territoire précis, à savoir les territoires palestiniens occupés en 1967, Jérusalem-Est comprise. Les Accords d’Oslo n’ont en aucun cas remis en cause l’indépendance de 1988. Pour Jean Salmon, étant donné qu’ils proposaient de la repousser à 1998 — cinq années après 1993 —, ils deviennent obsolètes s’agissant de la proclamation de l’État. Enfin, l’autorité palestinienne est bien l’entité qui, au nom du peuple palestinien, a oeuvré pour la reconnaissance de l’État palestinien. Son président Mahmoud Abbas a d’ailleurs signé la candidature à l’admission à l’ONU au titre de « président de l’État de Palestine ». Les divergences entre l’Autorité palestinienne et le Hamas ne sauraient affecter la personnalité juridique de la Palestine dans son unité, représentée par son représentant permanent à l’ONU. Reconnue par environ 130 États, Jean Salmon va jusqu’à évoquer un « négationnisme » des objecteurs persistants, que sont Israël et les États-Unis, qui ne sauraient empêcher l’existence d’un nouvel État accepté par la majorité de la société internationale.

L’État est le lieu où s’exerce la souveraineté. Comme le rappelle l’arrêt du Vapeur Wimbledon de la Cour permanente de Justice internationale en 1923, la possibilité de contracter des engagements internationaux est un attribut de cette souveraineté. Attribut dont peut désormais user la Palestine.

2. Les démarches pour une reconnaissance internationale

a) L’activisme palestinien sur la scène internationale

Fondée en 1964, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est d’abord un mouvement de libération nationale. La défaite arabe de 1967 a exacerbé la dimension palestinienne de la lutte, et l’OLP s’est peu à peu illustrée comme l’acteur palestinien incontournable. Elle acquiert en 1974 le statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies, et en 1988 elle prend le nom de « Palestine » dans cette même Assemblée générale. Cette même année, dans le silence de la Charte, l’Assemblée générale fait évoluer son statut : la Palestine obtient un pouvoir de publication et de distribution de communications relatives aux travaux de l’Assemblée sans intermédiaire. Par une résolution du 15 décembre 1988, l’Assemblée générale prend « acte de la proclamation de l’État palestinien par le Conseil national palestinien ». S’ensuit une vague de reconnaissances bilatérales : environ 90 États en février 1989. En septembre 1989, la Palestine devient membre du mouvement des pays non-alignés. Après les Accords d’Oslo et la création de l’autorité palestinienne, l’Assemblée générale donne à la Palestine le statut d’observateur permanent, avec une mission permanente à New York et à Genève. En sa qualité d’entité observatrice permanente, la Palestine bénéficie déjà d’un statut particulier. L’activisme palestinien prend une nouvelle dimension quand le ministre palestinien de la Justice dépose le 22 janvier 2009, au titre de l’article 12§3 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de la CPI), une déclaration par laquelle le gouvernement palestinien consent à ce que la Cour exerce sa compétence concernant des actes commis sur le territoire palestinien depuis le 1er juillet 2002[12]. Dans sa réponse en avril 2012, le Bureau du Procureur de la Cour déclare suivre la méthode du Secrétaire général des Nations Unies pour déterminer si la Palestine est ou non un État[13]. Il s’agit en d’autres termes de suivre les recommandations de l’Assemblée générale. Seulement, comme le rappelle Jean Salmon, en respectant jusqu’au bout la règle qu’il s’était fixé, le Bureau du Procureur aurait dû admettre l’adhésion de la Palestine au Statut de la CPI. En effet, le Précis de la pratique du Secrétaire général en tant que dépositaire de traités multilatéraux, invoqué par ce même Bureau, inclut clairement dans les États qui peuvent adhérer aux traités les États membres d’institutions spécialisées. La Palestine, en tant qu’État membre de l’UNESCO, institution spécialisée, pouvait donc légitimement, suivant cette pratique invoquée par le Bureau du Procureur, adhérer au Statut de la CPI. Au lieu de cela, il a simplement invité le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale des Nations Unies à régler préalablement la question du statut de la Palestine. Tout comme pour l’argument de l’effectivité évoqué plus haut, cette pusillanimité du Bureau du Procureur illustre l’étroitesse des perspectives offertes par le droit international à la question palestinienne.

b) La résolution du 29 novembre 2012 de l’Assemblée générale des Nations Unies et ses conséquences

L’ambition initiale de la Palestine était d’accéder au statut de membre de plein droit de l'Organisation des Nations Unies. Seulement, la procédure nécessitait une recommandation du Conseil de sécurité (au moins neuf sur les quinze membres et pas de veto), puis un vote des deux tiers de l’Assemblée générale. Devant un probable blocage — notamment américain — au Conseil de sécurité, Mahmoud Abbas fut convaincu de renoncer à son idée initiale. Pour Ghislain Poissonnier, la Palestine accède à un « statut hybride » en devenant un État observateur non-membre[14], après un vote de plus des deux tiers, alors que seule une majorité simple était requise. Selon Ghislain Poissonnier, bien que ce « statut hybride » n’ait pas d’effet juridique sur les reconnaissances formulées à titre bilatéral, il donne du crédit à l’idée que l’État répond bien aux critères évoqués plus haut. Seulement, une résolution de l’Assemblée générale ne crée pas l’État, elle donne tout au plus un poids à une démarche politique. La fameuse Résolution 181 de l’Assemblée générale du 29 novembre 1947 relative au plan de partage sert surtout à légitimer des démarches unilatérales (1948 pour Israël, 1988 pour la Palestine)[15]. Plus concrètement, ce statut permet néanmoins de dépasser l’obstacle brandi par le Bureau du Procureur de la CPI : la Palestine peut devenir État partie aux principales conventions internationales. Cela concerne la plupart des organes internationaux fondés sur des conventions dont les Nations Unies sont dépositaires. Cela inclut la CPI, mais aussi la Cour internationale de Justice (CIJ). L’article 35§1 du Statut de la CIJ prévoit une adhésion de plein droit aux membres des Nations Unies. Cependant, la Suisse et l’Italie ont pu devenir parties au Statut avant de devenir membres des Nations Unies. L’article 35§2 du Statut prévoit que les conditions pour les États non-membres soient déterminées par le Conseil de sécurité. Or, la Résolution 9 du Conseil de sécurité du 15 octobre 1946 autorise les États non parties à déposer à tout moment une déclaration acceptant la compétence de la cour. La Palestine peut donc déclarer accepter la compétence de la Cour pour pouvoir la saisir pour des violations du droit international commises à son encontre. Cette possibilité est toutefois limitée par le fait qu’Israël n’accepte pas la clause de juridiction obligatoire[16].

La démonstration de Susan Marks[17] est tout à fait valable dans le cas palestinien. Évidemment, il suffit de lire Jean Salmon ou Ghislain Poissonnier pour se rendre compte des diverses possibilités offertes par le droit. Mais considérer que le problème palestinien provient exclusivement d’un déni de droit serait nier les imperfections de celui-ci indépendamment de son application. En effet, l’impossibilité d’accéder au statut d’État membre est bien fondée sur le droit, de même que le refus du Bureau du Procureur de la CPI était — d’une façon ambiguë selon Jean Salmon — fondé sur un langage juridique. La rhétorique israélienne elle-même, y compris concernant l’occupation, n’hésite pas à puiser dans la langue du droit international.

B. Israël et le droit international

1. La politique israélienne au Proche-Orient au regard du droit international

a) L’occupation de territoires arabes depuis 1967 et la question du mur de séparation

L’occupation israélienne de territoires occupés est souvent associée à la Résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Adoptée le 22 novembre 1967, six mois après la guerre des Six Jours, la Résolution « exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient », passant par « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant le récent conflit » et le

[r]espect et reconnaissance de la souveraineté de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région, et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces et d’actes de force[18].

La Résolution pose trois problèmes. Le premier problème concerne l’équilibre entre retrait et reconnaissance. En effet, à la lecture de la Résolution, les acteurs sont tentés de privilégier l’un ou l’autre selon leur situation. Le deuxième problème concerne la tendance israélienne à préférer à ce cadre multilatéral des négociations bilatérales : le Sinaï fut l’objet de négociations israélo-égyptiennes (qui ont abouti); le Golan fut l’objet de négociations israélo-syriennes, avec une médiation américaine (qui n’ont pas abouti). Le droit devient ainsi un objet de marchandage : son respect n’est pas acquis, mais soumis à l’acceptation de contreparties. Le troisième problème concerne la différence entre les versions française et anglaise. « From occupied territories » peut être traduit par « de territoires occupés », ce qui permet un retrait partiel. Loin de considérer l’occupation de territoires palestiniens, et la colonisation qui en résulte, comme illégales, Israël développe une rhétorique juridique parallèle. Cette rhétorique, que l’on retrouve notamment sur le site de l’armée israélienne[19], traduit une représentation tout à fait particulière de la Cisjordanie. Cela concerne aussi bien le nom du territoire que son statut. Du point de vue israélien, la « Judée-Samarie » est pudiquement décrite comme un « territoire disputé ». D’abord, le terme d’« occupation » est contesté du fait de l’absence de souveraineté palestinienne au moment des faits, le territoire ayant été annexé par la Transjordanie[20] en 1949. Cette lecture s’accompagne d’une lecture particulière aussi bien de la Résolution 242 que des Accords d’Oslo : en privilégiant l’expression « de territoires occupés » pour ce qui est de la Résolution, et en jouant sur les ambiguïtés des Accords d’Oslo[21], la vision israélienne met l’accent sur le caractère indéterminé des frontières. Ainsi, si la langue du droit est brandie par l’Autorité palestinienne pour faire émerger un État dans des frontières internationalement reconnues — celles de 1967 —, elle l’est, côté israélien, pour les combattre. Cette lecture ambiguë du droit international est en partie dissipée par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’Affaire du mur[22]. Dans son avis consultatif, la Cour rappelle l’illicéité de l’acquisition d’un territoire par la force, en se référant à l’article 2§4 de la Charte. Elle rappelle aussi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Cour va plus loin en se référant au droit international humanitaire. Elle cite les dispositions du règlement de La Haye de 1907, ayant acquis un caractère coutumier, ainsi que celles de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949. Celle-ci est applicable dans les territoires palestiniens qui étaient, avant le conflit armé de 1967, à l’est de la ligne de démarcation de l’armistice de 1949 (ou « Ligne verte ») et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupés par Israël[23]. Enfin, la Cour rappelle que les instruments relatifs aux droits humains (notamment les deux pactes des Nations Unies de 1966[24]) s’appliquent sur le territoire palestinien occupé. Dans son avis consultatif, donc destiné à éclairer sur un point de droit, la Cour répond clairement à la question posée par l’Assemblée générale des Nations Unies quant aux conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé : « l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international[25] ». Elle exclut, en outre, l’argument du droit de légitime défense d’Israël.

b) Les opérations militaires israéliennes au regard du droit international humanitaire

Au-delà de la reconnaissance par une juridiction internationale des violations du droit international par Israël, les opérations militaires israéliennes sont souvent montrées du doigt. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, la guerre israélo-libanaise de 2006 et l’opération à Gaza entre 2008 et 2009. Dans le cas libanais, Rafael Bustos se pose la question du droit applicable :

Soit on applique l’article 3 commun aux conventions de Genève, qui couvre tous les conflits entre un État et un acteur non étatique ; soit, en se fondant sur les déclarations d’Israël sur le conflit (par exemple, sa déclaration de guerre au Liban), on applique les quatre conventions de Genève et surtout le premier protocole additif relatif aux conflits internationaux. Peu importe qu’Israël n’ait pas ratifié ce protocole, car la majorité écrasante de ses dispositions est devenue coutume internationale et est, par conséquent, opposable à tous les États [26].

En bombardant des habitations civiles (à Cana ou à Tyr, par exemple), les opérations israéliennes s’apparentent bien à des crimes de guerre. Concernant Gaza, le Juge Goldstone, chef de la Mission d’établissement des faits sur le conflit à Gaza et auteur d’un rapport rédigé à la demande du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, va jusqu’à évoquer des infractions au droit humanitaire susceptibles de s’apparenter à des crimes contre l’humanité[27]. Un rapport sévèrement critiqué par Alan Dershowitz, dans un article de 2010[28]. Mais le droit international humanitaire n’est pas l’apanage des critiques externes, on le retrouve brandi par une juridiction israélienne : la Cour suprême.

2. L’utilisation du droit international par la Cour suprême israélienne

a) « Assassinats ciblés » et « combattants illégaux »

Avant de nous intéresser à un arrêt de la Cour suprême israélienne en particulier, nous commencerons par interroger deux concepts qui ont émergé dans la foulée de la « guerre contre le terrorisme[29] », à savoir celui de « combattants illégaux » (unlawful combatants) et celui d’« assassinats ciblés » (targeted killings). Pour ce qui est des « combattants illégaux », il semblerait que leur origine remonte à l’affaire Ex Parte Quirin concernant des saboteurs allemands durant la Seconde Guerre mondiale. En droit international, le concept est tout simplement inexistant. On retrouve cependant cette « troisième » catégorie (ni civils ni combattants) dans les droits américain et israélien. Une catégorie comprenant donc des combattants sans privilèges de combattants; des civils sans privilèges de civils. Le fait de faire face à des groupes armés non-institutionnels (les combattants palestiniens pour Israël; al-Qaïda ou les Talibans pour les États-Unis) justifierait cette catégorie incongrue. Concernant les « assassinats ciblés », c’est Philip Alston, Rapporteur spécial des Nations Unies, qui en donne une définition en mai 2010[30] :

Un assassinat ciblé est une utilisation intentionnelle, préméditée et délibérée de la force létale par les États ou leurs agents agissant sous couvert de la loi, ou par un groupe armé organisé dans un conflit armé, à l’encontre d’un individu précis qui ne se trouve pas sous la garde de l’auteur de l’acte[31].

La notion connaît un véritable essor après le 11 septembre 2001, notamment avec l’apparition de drones. Tout comme pour le concept de « combattants illégaux », cette pratique serait destinée à pallier l’asymétrie des nouveaux conflits. Selon B’Tselem statistics, entre le début de la Seconde Intifada en 2000 et la fin de l’année 2010, 239 Palestiniens — sans compter les victimes collatérales — auraient subi ces « assassinats ciblés[32] ». En janvier 2002, deux organisations non-gouvernementales[33] ont décidé de contester cette politique devant la Cour suprême israélienne.

b) L’utilisation du droit international humanitaire par la Cour suprême israélienne

Dans un arrêt de 2005 qui prendra le nom de Comité public contre la torture en Israël contre Israël[34], la Cour suprême israélienne puise dans le droit international humanitaire. Les deux premières questions qui se posent à la Cour concernent la nature du conflit et le statut des individus. Pour les ONG, il ne s’agit nullement d’un conflit armé, et les individus concernés sont de simples civils. Pour le gouvernement israélien, il s’agit bien d’un conflit armé, et les individus concernés appartiennent à la fameuse catégorie évoquée plus haut de « combattants illégaux » (unlawful combatants). La Cour tranche : il s’agit bien d’un conflit armé international continu depuis la Première Intifada (fin 1987). Concernant le statut des individus, pour la Cour, il ne s’agit pas de combattants, ni de « combattants illégaux », ignorant cette idée de « troisième » catégorie, inexistante en droit international humanitaire. Elle invoque donc l’article 51 § 3 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève : « Les personnes civiles jouissent de la protection accordée par la présente Section, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation[35] ». Ce sont donc des civils qui participent au conflit et qui, contrairement aux combattants, ne sont pas toujours des cibles légitimes. La position de la Cour se veut équilibrée entre les exigences sécuritaires de l’État d’Israël et le droit des populations civiles, ce qui correspond à l’esprit du droit international humanitaire. Dans sa prise en compte de la sécurité d’Israël, la Cour ne condamne point les « assassinats ciblés ». Une combinaison des utilisations du droit international par le gouvernement et par la Cour suprême aboutit à une situation assez commode pour Israël : le territoire n’est pas tout à fait étranger, mais le conflit est bien international.

Nous venons de voir comment le droit international pouvait servir de langue à des légitimités nationales : celle de la conquête du droit pour les Palestiniens; celle de la justification de la politique pour les Israéliens. Après le vote de l’Assemblée générale des Nations Unies, Israël y a vu une menace presque aussi grande que le « terrorisme ». Comme si, pour les Israéliens, la langue du droit était aussi hostile que la langue des armes. Cette allergie apparente cache, comme nous l’avons vu, un langage juridique parallèle.

Après cet usage « national » du droit international, notre seconde partie sera consacrée à son utilisation dans le cadre d’une politique étrangère. Nous nous intéresserons au Conseil de sécurité, avant d’analyser le langage du droit dans le cadre de la crise syrienne et du statut de Jérusalem.

II. Le droit international comme outil de politique étrangère

Au Moyen-Orient, le droit international est devenu un langage pratique et récurrent. Au-delà du conflit israélo-arabe, il apparaît comme un outil de politique étrangère. Un vocabulaire (« souveraineté », « responsabilité de protéger », « sécurité collective », « terrorisme », « sanctions », etc.), mais aussi un instrument : le Conseil de sécurité des Nations Unies[36].

A. Les craintes d’une « politisation » de l’action du Conseil de sécurité des Nations Unies

1. L’exemple du Tribunal spécial pour le Liban

a) Le spectre de l’instrumentalisation de la justice pénale internationale et les risques de déstabilisation

L’Accord de Taëf mettant fin à la guerre civile libanaise (1989), ainsi que sa participation à la deuxième guerre du Golfe (1990), ont permis à la Syrie de jouer un rôle croissant et direct sur la scène libanaise. En 2004, l’occupation syrienne doit faire face à de vives critiques, aussi bien de puissances étrangères comme la France et les États-Unis que de personnalités politiques libanaises. Sur le plan international, cela se traduit par la Résolution 1559 du Conseil de sécurité du 2 septembre 2004. Il est demandé au Parlement de ne pas amender la Constitution pour permettre l’extension du mandat présidentiel d’Émile Lahoud — proche de Damas; le retrait des troupes syriennes est exigé, ainsi que le désarmement du Hezbollah et des camps palestiniens et le déploiement de l’armée libanaise au long de la frontière avec Israël. Une résolution difficilement applicable. L’activisme français dans cette affaire s’explique peut-être autant par une volonté de rapprochement avec les États-Unis après l’épisode irakien (2003) que par l’amitié personnelle entre le Président Chirac et l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, en conflit avec le Président Lahoud. La Résolution 1757 (2007) autorise la formation d’un tribunal spécial chargé de poursuivre les responsables de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais le 14 février 2005 : TSL) Comme le rappelle Vitaly Churkin, représentant permanent de la Russie auprès Nations Unies[37], cette juridiction ad hoc pose au moins trois problèmes évidents : la fragilisation de la souveraineté libanaise et la déstabilisation de la classe politique; les inconsistances d’un point de vue légal; l’utilisation incongrue du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Avant de revenir sur ces trois problèmes, il convient ici de rappeler que l’utilisation du droit comme outil de politique étrangère concerne à la fois les États-Unis et la France, qui manifestent ainsi leur hostilité au régime syrien et aux acteurs libanais qui le soutiennent, et le gouvernement libanais de l’époque[38] qui a largement milité auprès de ses alliés à Washington, DC et à Paris pour une telle réalisation.

b) Les incohérences du TSL

Nous avons évoqué un peu plus haut trois problèmes majeurs posés par le TSL : la fragilisation de la souveraineté libanaise et la déstabilisation de la classe politique; les inconsistances d’un point de vue légal; l’utilisation incongrue du Chapitre VII. D’abord, en effet, le caractère profondément déstabilisateur du TSL s’est notamment manifesté à travers la chute du gouvernement du fils de l’ancien Premier ministre[39]. Ensuite, les inconsistances d’un point de vue légal sont aujourd’hui plus que jamais manifestes. La piste syrienne ayant été écartée au profit d’individus proches du Hezbollah, un procès par contumace a eu lieu. Deux questions se posent : celle de l’utilisation du Code pénal libanais — qui permet par ailleurs le procès par contumace —, mais avec un système accusatoire plutôt que la procédure inquisitoire qu’il prévoit; celle de la conformité du TSL avec la Constitution libanaise[40]. Enfin, rien ne justifie ici a priori l’utilisation du Chapitre VII. En effet, pourquoi utiliser ici la procédure qui avait prévalu pour la Yougoslavie et le Rwanda[41], alors qu’il s’agissait à l’époque de crimes internationaux (crimes contre l’humanité et génocide) ? Il s’agit en fait ici d’étendre le champ de compétence des juridictions pénales internationales au terrorisme, ici tel qu’il est défini par le Code pénal libanais — dans l’absence de texte international sur la question. Là encore, ce détournement de la justice pénale internationale est bien encadré juridiquement (par la Charte et l’omnipotence qu’elle accorde au Conseil de sécurité), et ce n’est pas une insuffisance du droit qui laisse libre cours aux rapports de force politiques, mais une bonne utilisation de celui-ci.

Après cet exemple précis d’instrumentalisation du Conseil de sécurité, nous montrerons avec l’exemple russe une utilisation du droit dans l’élaboration d’une politique étrangère, où le rôle du Conseil de sécurité demeure central.

2. La conception russe du droit international appliquée au Moyen-Orient

a) L’évolution de la doctrine russe en droit international

La Russie tsariste commence à s’intéresser au « droit de la guerre et de la paix » au XVIIIe siècle. L’intérêt pour cette discipline en construction était alors strictement géopolitique. Pierre le Grand coécrit avec le diplomate Chafirov le premier traité russe dans le domaine : « Réflexion sur les raisons légitimes pour lesquelles Sa Majesté le Tsar Pierre Premier… a commencé en 1700 la guerre contre le Roi suédois Charles XII…[42] ». La doctrine russe en matière de droit des gens se développe ensuite assez lentement. En 1798, V.F. Malinovski écrit une Réflexion sur la paix et la guerre, où il développe l’idée d’un organisme international permanent pour assurer la paix en Europe. Au XIXe siècle, la doctrine russe passe du jusnaturalisme — influencé par Grotius notamment — au positivisme qui se généralise en Europe. Les traités sont alors analysés et commentés, ainsi que les coutumes, la législation, la pratique diplomatique et judiciaire. Les ouvrages russes sur ce qui devient le droit international prolifèrent, et son enseignement se développe, en tant que « droit des gens » avec le statut de 1835, et « droit international » avec celui de 1863. Parmi les auteurs qui auront marqué le XIXe siècle, F.F. Martens est l’un des plus célèbres. Il donne à la doctrine russe un élan libéral, notamment dans Le droit international moderne des nations civilisées de 1882, traduit dans plusieurs langues européennes[43]. Il défend l’idée selon laquelle l’existence de relations internationales implique celle du droit, et la primauté de celui-ci. Martens met la personne humaine au centre de la vie internationale, ce qui lui fait jouer un rôle majeur dans la Conférence internationale de la paix de 1899 à La Haye, qui inspire notamment la Cour permanente d’arbitrage. Ainsi, la doctrine russe prérévolutionnaire apparaît-elle comme foncièrement européenne, avec une contribution dans la codification et l’élaboration du droit. En termes de politique extérieure, le rôle joué par la Russie est aussi fondamentalement centré sur l’Europe. Elle est un acteur central du Congrès de Vienne (1814-1815), et de la Sainte-Alliance, avec un double objectif : la constitution d’une communauté internationale et la consolidation du principe de légitimité monarchique. L’autre objectif que se fixe ensuite la Russie est celui de contenir le principe des nationalités dans le concert européen (l’exact contraire de ce que semble défendre la Russie actuelle). La doctrine soviétique est d’abord confrontée à une contradiction intrinsèque : comment concilier l’idée marxiste de la mort de l’État et le droit international ? Pour E. Korovin, le droit international ne peut prospérer sans l’opposition de deux ou plusieurs puissances politiques[44]. L’idée d’un équilibre entre l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et les « États capitalistes » apparaît assez tôt dans la doctrine soviétique. Pour Korovin, c’est le traité qui doit être la source formelle unique du droit. L’école historique relativiste est ici préférée à l’école du droit naturel aussi bien qu’à l’école idéaliste, avec l’idée d’une évolution vers un droit international socialiste. Dans les années 1930, E. Pachoukanis[45] met l’accent sur l’État et sa souveraineté, concept dédaigné par Korovin. Après la Seconde Guerre mondiale, l’État prend une place de plus en plus importante. Nié comme personne juridique (Korovin), considéré comme simple réalité formelle (Pachoukanis), il devient un sujet incontournable. Il en est de même pour la souveraineté. Niée au profit de l’autodétermination nationale (Korovin), vécue comme un obstacle au développement des relations internationales (Pachoukanis), elle devient la base du droit international dans la doctrine soviétique. F.I. Kojevnikov déclare ainsi que l’égalité souveraine est « l’idée fondamentale du droit international contemporain[46] ». Comme l’indique J.-Y. Calvez, « l’instrument de l’impérialisme est devenu l’instrument contre l’impérialisme[47] ». La souveraineté est ici perçue comme une protection. Si l’URSS se montre beaucoup moins réservée face à l’Organisation des Nations Unies qu’elle ne le fut face à la Société des Nations, c’est à travers le prisme exclusif de la défense de sa souveraineté. Elle rejette les traités inégaux, les capitulations, les juridictions consulaires et défend le principe de non-intervention, ainsi que la clause de compétence réservée consacrée par l’article 2§7 de la Charte de l’ONU[48]. De plus, pour Moscou, aucun tribunal international ne doit interpréter avec force obligatoire celle-ci, pas même la CIJ[49]. Après la mort de Staline, G.I. Tunkin fait encore évoluer la doctrine soviétique en évoquant des conséquences de la coexistence pacifique pour le droit international. Il évoque un droit international indépendant des divergences entre les deux blocs[50]. Dans les années 1970-1980, la doctrine soviétique tend à « s’occidentaliser », ce qui apparaît à travers la Conférence d’Helsinki[51], mais même si le droit international interdit l’exportation des révolutions, l’idée d’un soutien moral aux nations qui luttent pour leur indépendance demeure. Pour Mikhaïl Lebedev, l’auteur de la thèse qui a inspiré cette partie, la « nouvelle pensée politique » qui émerge avec la perestroïka de Gorbatchev est d’essence jusnaturaliste et libérale[52], rompant avec la vision réaliste marxiste percevant les rapports de force au profit de l’idée d’une communauté universelle. Par exemple, la confiance dans le rôle de la CIJ dans le règlement pacifique des différends progresse. Après la chute de l’URSS, la Russie postsoviétique, État continuateur, va encore plus loin. En effet, l’ouverture au droit international prend des proportions inédites. L’ex-URSS, qui avait montré une certaine répugnance devant l’idée d’une mise en oeuvre du droit international — notamment sur les questions relatives aux droits de l’homme — dans le cadre d’une juridiction nationale, laisse place à la Constitution de 1993, et à une cour constitutionnelle qui n’hésite pas à invoquer le droit international dans ses décisions en matière de droits de l’homme[53]. En matière de politique étrangère, B. Eltsine et son ministre des Affaires étrangères A. Kozyrev poursuivent la « nouvelle pensée politique » du couple Gorbatchev-Chevardnadze, consistant en une coopération avec le monde « occidental[54] ». Un moyen de jouer un rôle sur la scène internationale. Avec l’arrivée au pouvoir de V. Poutine, l’accent est mis sur une nouvelle politique extérieure. I. Ivanov, ministre des Affaires étrangères de 1998 à 2004, insiste sur la nécessité de faire face à de nouveaux dangers, notamment le terrorisme et le séparatisme. Pour ce faire, Ivanov met l’accent sur le droit. Oui, mais lequel ? La Russie, héritière du siège soviétique au Conseil de sécurité des Nations Unies, veut s’assurer de la primauté de celui-ci. Au Sommet du Millénaire en septembre 2000, Poutine évoque une « école onusienne », et décrit l’ONU comme une « garantie contre l’arbitraire et l’hégémonie[55] ». En réalité, toujours selon Lebedev, la Russie a une interprétation conservatrice de la Charte. En effet, l’attachement à la souveraineté hérité de l’époque soviétique demeure. La réaction russe au rapport Brahimi[56] sur « les opérations de paix de l’ONU[57] » est sans ambiguïté : seul le Conseil de sécurité autorise le recours à la force. Les concepts d’intervention humanitaire et de souveraineté limitée justifiant une intervention unilatérale sont alors rejetés. Lebedev résume ainsi la position russe : le droit est synonyme de non-intervention, et le rôle des Nations Unies est synonyme de rôle du Conseil de sécurité, et donc de la Russie.

b) La Russie, le droit international et les crises au Moyen-Orient

Après ce survol de l’évolution de la doctrine, accompagnée de celle de la politique étrangère, nous tâcherons de tirer deux conclusions à partir de quelques exemples moyen-orientaux : la première, sur le contenu du droit; la seconde, sur son utilisation. A l’occasion de la deuxième guerre du Golfe (1990-1991), Moscou met fin à une longue période de blocage du Conseil de sécurité. Cela se traduit notamment par la Résolution 678 (1990), en application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui autorise un recours à la force. Malgré les tensions et les désaccords, l’activité du Conseil de sécurité est demeurée importante. Nous avons pris, plus haut, l’exemple de la position russe concernant le TSL. Nous pouvons prendre un autre exemple de résolution en vertu du Chapitre VII de la Charte : la Résolution 1973 (2011). La Résolution, présentée par la France et le Royaume-Uni, qui a permis l’opération militaire en Libye. Vitaly Churkin, représentant de la Fédération de Russie, évoque à cette occasion une abstention « pour des raisons de principe ». Il poursuit ainsi :

Non seulement, nous n’avons obtenu de réponses à nos questions aux cours des délibérations, mais nous avons aussi vu passer sous nos yeux un texte dont le libellé n’a cessé de changer, suggérant même par endroit la possibilité d’une intervention militaire d’envergure[58].

Ces craintes, empiriquement justifiées[59], n’ont pas suffi à pousser Moscou à user de son droit de veto. Ce sera chose faite dans le cas du dossier syrien. Sur le contenu du droit international, l’attachement à la sacro-sainte souveraineté demeure une constance, son corollaire étant le principe de non-ingérence garanti par la Charte et son article 2§7. Cet attachement passe, par exemple, par les vives critiques à l’encontre du concept de « responsabilité de protéger[60] », à l’oeuvre dans l’affaire libyenne. Mais l’absence d’obstruction systématique montre que la position russe est moins dogmatique que conservatrice : le Conseil de sécurité doit demeurer le cadre d’action à privilégier, tout en veillant à ce que ses prérogatives ne s’étendent pas. La position russe se veut ainsi équilibrée entre souveraineté et sécurité collective. Pour ce qui est de l’utilisation récurrente du droit international dans les discours de politique étrangère[61], elle sert d’outil rhétorique à la défense d’un monde multipolaire, difficilement concevable sans la défense de la souveraineté des divers « pôles ».

Nous avons parlé dans cette section de crainte d’une « politisation » de l’action du Conseil de sécurité. Mais cette notion de « politisation » mérite d’être questionnée. Le Conseil de sécurité est par essence politique. Il ne fabrique pas le droit, mais agit au nom de celui-ci. Il nous offre l’illustration que le droit est avant tout une langue. Une langue dont le vocabulaire s’étend sans cesse. L’exemple de la résistance russe mérite lui-même d’être nuancé. Car si Moscou veut y voir un cadre, le droit demeure un outil de politique étrangère et d’influence.

B. L’argument juridique dans la crise syrienne et dans l’affaire du statut de Jérusalem

1. La rhétorique du droit international dans la crise syrienne

a) Les implications de l’intervention en Libye

Le concept d’« intervention humanitaire » est un piège intellectuel redoutable. Comme le rappelle Susan Marks[62], si l’adjectif « humanitaire » encourage à l’adhésion, le terme « intervention » décourage de se poser la question du rôle préalable de la puissance qui intervient. Si elle intervient, c’est qu’elle n’était pas là, et qu’elle ne porte aucune responsabilité dans les maux qu’elle veut soigner. Entre février et mars 2011, la guerre civile frappant la Libye donne lieu à deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il s’agit des Résolutions 1970 et 1973. Au-delà du caractère particulier de l’opération militaire, les résolutions elles-mêmes revêtent un intérêt indéniable. En filigrane, c’est bien la « responsabilité de protéger », telle qu’elle apparaît dans le document final du Sommet mondial de 2005, qui revient dans ces résolutions[63]. La Résolution 1970 (2011), adoptée à l’unanimité, est une première étape. Elle met en place une saisine de la CPI, et agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité « exhorte les autorités libyennes à faire preuve de la plus grande retenue, à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire et à donner aux observateurs internationaux des droits de l’homme un accès immédiat au pays[64] ».

Mais s’il rappelle son attachement à la souveraineté et à l’indépendance de la Libye, le Conseil de sécurité rappelle aussi qu’il incombe aux autorités libyennes de protéger le peuple libyen et impose un embargo sur les armes[65]. Considérant qu’elles ont failli, la Résolution 1973 (2011) va plus loin. Elle exige une « zone d’exclusion aérienne » et

[a]utorise les États Membres qui ont adressé aux Secrétaires généraux de l’Organisation des Nations Unies et de la Ligue des États arabes une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux, à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de vol[66].

Force est de constater que la base juridique de cette résolution est suffisamment large pour diverses formes d’intervention sans déploiement de forces terrestres. Privilégiant une lecture extensive, la coalition militaire a d’ailleurs mené des attaques aériennes au-delà des zones de combat. Seulement, a priori, la Résolution ne vise en aucun cas l’élimination physique du Colonel Kadhafi, ni le renversement de son régime[67]. Cette utilisation abusive d’un pouvoir destiné à être limité provoque une véritable crise de confiance rendant difficile tout retour de la « responsabilité de protéger » par la porte du Conseil de sécurité.

b) Une utilisation ambiguë du droit international

Dans le cas syrien, l’utilisation du droit international n’a pas dépassé le stade rhétorique. Les vetos russes et chinois étaient désormais bien au rendez-vous pour éviter le vote de toute résolution en vertu du Chapitre VII susceptible d’aboutir à un usage de la force contre le régime syrien. La langue du droit international dans le conflit syrien s’est exprimée à quatre niveaux : au niveau des principes; au niveau de l’invocation des conventions internationales; au niveau du droit international humanitaire et au niveau du fonctionnement du Conseil de sécurité. Pour ce qui est des principes, la Russie a porté haut le drapeau de la souveraineté et de la non-ingérence. Pour Moscou, le droit international sert à éviter et non à permettre l’intervention externe dans les affaires d’un État et le changement de régime par la force. Elle s’est solidement cramponnée au principe, et aucune concession n’a été faite cette fois au Conseil de sécurité. Concernant l’invocation des conventions internationales, citons notamment la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (1993), brandie après l’attaque chimique du 21 août 2013. Il est tout à fait intéressant de noter ici que, non signataire au moment des faits, la convention ne pouvait être opposable à la Syrie, mais inversement, les faits furent utilisés pour pousser Damas à la signer. Pour ce qui est du droit international humanitaire, nous pouvons citer la récente proposition de résolution par la France au Conseil de sécurité de saisir la CPI des crimes de guerre commis en Syrie[68]. Analogue à la Résolution 1970 (2011) dans le cas libyen, le projet a toutefois peu de chances d’aboutir. Enfin, incapable cette fois « d’agir », « d’intervenir », le rôle du Conseil de sécurité s’est trouvé fragilisé. Les menaces d’intervention par Washington, Paris et Londres, après l’attaque chimique du 21 août, indépendamment du cadre des Nations Unies, posent une véritable question : le droit international, en l’occurrence le rôle accordé par la Charte au Conseil de sécurité, devient-il un simple instrument dans une panoplie d’instruments destinés à agir ? Il deviendrait ainsi possible de laisser de côté le droit quand il devient un obstacle à la sacro-sainte « intervention », brandie face à la sacro-sainte « souveraineté ». Dans une conférence de presse, le 7 septembre 2013, aux côtés de son homologue américain John Kerry, Laurent Fabius pouvait ainsi déclarer : « il faut regarder ces images, il ne faut pas avoir une discussion juridique[69] ». Quand le droit ne sied plus, lui préférer la morale, voire simplement l’image.

2. Le droit international et la reconnaissance par Washington de Jérusalem capitale d’Israël

a) Le recours inconsistant au droit international

En décembre 2017, le président américain Donald Trump a décidé de reconnaître, comme il l’avait promis lors de sa campagne électorale, Jérusalem capitale d’Israël. Plus précisément, il ne fait qu’appliquer le Jerusalem Embassy Act, voté par le Congrès américain en 1995. Cette décision a suscité bien des réactions aussi bien politiques que médiatiques. Des réactions qui sont pour nous l’occasion d’illustrer les limites du recours à la langue du droit international. En effet, commentateurs et dirigeants politiques ont voulu y voir un acte contraire au droit international, un acte « illégal ». Il s’agit là d’un réflexe qui révèle une grande confiance accordée au droit international. Cette confiance était déjà visible au moment de l’intervention américaine en Irak en 2003 : de grandes manifestations insistaient sur le caractère « illégal » de cette guerre. A quoi faisaient référence les manifestants qui s’indignaient de l’illégalité de l’invasion américaine en Irak ? Tout simplement à un vote au Conseil de sécurité des Nations Unies, c’est-à-dire l’organe politique par excellence garant de la sécurité internationale. Susan Marks l’a parfaitement rappelé : un vote différent d’une poignée de nations souveraines dans une instance internationale eût ainsi pu faire d’une action « illégale » une action « légale[70] ». Cette confiance excessive dans le droit international est à l’oeuvre face à la reconnaissance par Washington, DC de Jérusalem capitale d’Israël : si la décision est problématique, elle ne peut donc être qu’« illégale ».

Cette reconnaissance contredit bien un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité. Celui-ci n’est pas une juridiction, rappelons-le, mais son rôle est encadré juridiquement par un traité international, à savoir la Charte des Nations Unies. Nous pouvons aisément dire qu’une telle reconnaissance se fait au mépris de la Résolution 478 (1980), qui condamne la loi israélienne faisant de Jérusalem la capitale « indivisible » d’Israël. Les États-Unis semblent ainsi doublement mépriser le droit international (la Charte) : en encourageant l’occupation et en tournant le dos à un engagement international. Seulement, ce raisonnement juridique conduit hélas à une aporie. L’action de Donald Trump est fondée sur les mêmes principes qui permettent à Washington, DC de voter ou non une résolution, c’est-à-dire le consentement —qui s’exprime dans une instance politique — et la puissance — octroyée par ladite instance. Trump ne fait qu’utiliser ailleurs (dans une relation bilatérale) le pouvoir qu’il peut exercer au Conseil de sécurité. Disons-le autrement : il est difficile de penser que le droit permet aux Américains d’empêcher la moindre condamnation de la politique israélienne au Conseil de sécurité (droit de veto), par exemple l’occupation de Jérusalem dans sa totalité, tout en les empêchant d’en tirer simplement les conséquences dans une relation bilatérale.

Les inconsistances, dans ce dossier, sont en réalité nombreuses. Nous laisserons ici de côté l’argument religieux (l’Ancien Testament) qu’Américains et Israéliens ont tendance à brandir pour justifier une telle reconnaissance, tout en se réclament d’un cadre profane (le droit). L’argument principal américain est celui de l’effectivité : Jérusalem étant de facto la capitale d’Israël (et bien que son statut soit censé être soumis au résultat de négociations futures), autant l’admettre. C’est un argument spécieux puisqu’il légitime le recours à la force. Perpétuer une situation illégale la rendrait ainsi légale par la magie de l’effectivité. Mais tandis que certains alliés de Washington regrettent cette décision, notons que c’est cette même effectivité qui les empêche de reconnaître un État palestinien. En 1988, la France a d’ailleurs clairement utilisé l’argument de l’effectivité pour refuser de reconnaître l’État palestinien, comme nous l’avons rappelé (Section 1§1). Les inconsistances sont bien là s’agissant du recours aux arguments juridiques, mais elles ne peuvent faire oublier l’incohérence américaine dans ce jeu politico-juridique, car il s’agit bien d’un jeu.

b) L’incohérence américaine dans le jeu politico-juridique

Nous avons tenté de rappeler que le Conseil de sécurité, loin de constituer une juridiction neutre, n’était autre que le lieu politique d’expression du consentement et de la puissance des États. Nous rejoignons ici China Miéville : « le monde chaotique et sanglant autour de nous est la règle de droit[71] ». Se pose alors la question du cérémonial qui consiste à faire croire que la loi est ici autre chose que la loi du plus fort. Les exemples ne manquent pas.

Avant la guerre d’Irak en 2003, Washington, DC et Londres ont essayé d’instrumentaliser une résolution passée, la Résolution 678 (1990), pour justifier un usage de la force alors même qu’ils étaient confrontés à une absence nette de consentement de la part de Paris, de Moscou et de Pékin (absence ostensiblement manifestée par l’intention de recourir au droit de veto en cas de nouvelle résolution prévoyant une intervention militaire). De même, Washington, DC, Londres et Paris, en renversant le régime libyen au nom de la Résolution 1973 (2011), n’ont pas hésité à jouer sur les mots de ladite Résolution alors même que le consentement russe, effectif au moment de son adoption (absence de veto), disparaissait au moment de son application. Nous avons là affaire à un jeu passablement sournois : les acteurs du jeu savent qu’il est fondé sur le consentement, mais n’hésitent pas, quand ils le jugent utile, à lui préférer le cadre formel de la manifestation dudit consentement, quitte à contredire le consentement. Un jeu qui rappelle celui, évoqué plus haut, qui consiste à tourner le dos au droit international quand d’autres outils lui sont préférables.

La décision de Trump n’est « illégale » que parce qu’elle ne respecte pas les règles de ce jeu, jeu que les Américains ont accepté de jouer depuis des décennies. Mais, comme nous l’avons dit, elle est en parfait accord avec l’esprit du jeu : le consentement et la puissance. La souveraineté du plus fort.

***

Notre travail sur l’usage du droit international au Moyen-Orient avait un objectif double : montrer, dans une perspective critique, que le droit international posait autant un problème par sa stricte application que par son irrespect; le décrire comme une langue politique commode à la fois dans le cadre de légitimités nationales que dans la fabrique de la politique étrangère.

Pour chaque cas évoqué, la notion de souveraineté apparaît comme centrale. Dans un article de 2011, Martti Koskenniemi se pose la question de sa pertinence aujourd’hui[72]. Comme il le rappelle, sa défense est a priori contre-intuitive en droit international. Toute référence par un pays à l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies suscite une certaine méfiance. Selon Koskenniemi, pour une bonne partie des praticiens du droit international aujourd’hui, la notion de souveraineté traduit la défense d’intérêts égoïstes. En effet, pourquoi s’embarrasser de frontières « artificielles » quand on peut bénéficier d’une expertise internationale et d’une bienveillance universelle ? Après tout, la souveraineté est un simple mot, une simple construction. Elle n’est pas née d’une idée philosophique, mais d’une réalité concrète — celle de l’Europe du XVIIe siècle; elle n’est pas l’émanation d’une transcendance, mais celle d’une lutte contre une transcendance religieuse au profit du bien-être des populations. Ce raisonnement permet de la déconstruire et d’accepter bien des choses : une « intervention militaire » au Moyen-Orient devient souhaitable; le contrôle israélien d’un territoire palestinien devient envisageable, s’il est « efficace ». Le bien-être de la population, notion bien concrète, mériterait plus d’être défendu qu’une notion aussi vague : la souveraineté. Une fois l’ironie poussée à son terme, Martti Koskenniemi conclut que tout ne peut être lu à la lumière de « l’efficacité ». La souveraineté est avant tout une question de projet collectif et de destin pris en main. Une vision critique permet de la critiquer autant que de la défendre.

Perçu comme une langue, comme un outil, le droit international offre un champ indéterminé de possibilités. Dans un Moyen-Orient où bien des États se délitent ou peinent à émerger, comme dans le cas palestinien, une approche critique du droit international doit permettre une défense sereine de la souveraineté. Non pas dans une optique conservatrice de jeux interétatiques, mais parce qu’elle est l’unique moyen de faire du droit international un cadre de coexistence plutôt qu’un instrument d’affirmation ou d’influence. L’approche critique doit viser davantage la « souveraineté du plus fort » (comprendre la loi du plus fort) que la souveraineté.