
Volume 30, numéro 2, 2017
Sommaire (16 articles)
Études
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Quelques considérations entourant la portée des décisions du Comité des droits de l’Homme
Olivier Delas, Manon Thouvenot et Valérie Bergeron-Boutin
p. 1–50
RésuméFR :
Qu’il s’agisse de constatations ou d’observations finales, il est généralement admis que les décisions du Comité des droits de l’homme, et plus généralement celles des comités onusiens chargés de surveiller la mise en oeuvre des traités de droits de la personne, ne sont pas contraignantes. De nos jours, il s’agit probablement de la seule réelle différence entre cette quasi-juridiction et les juridictions internationales des droits de la personne : l’absence d’autorité relative de chose jugée de leurs décisions. Toutefois, s’il ne peut être remis en cause que l’acte juridique qu’est cette décision n’est pas contraignant, il convient de nuancer toute approche qui tendrait à leur dénier toute portée obligatoire. En effet, il ressort clairement des travaux préparatoires et des hésitations dont ils ont été l’objet que les États ont écarté la possibilité de s’en remettre aux autorités juridictionnelles des États afin de s’assurer de la mise en oeuvre et du respect des obligations contenues dans le Pacte. Le rejet d’une dépendance nationale au profit d’un contrôle international est évident. L’analyse de ces travaux préparatoires permet de conclure que les États ont entendu ériger une instance internationale à laquelle ils ont certes dénié le caractère de juridiction, mais lui ont reconnu un monopole d’expertise quant à l’interprétation du PIDCP et l’évaluation du respect par les États de leurs obligations. Dès lors, si l’État peut parfaitement passer outre la décision, il semble difficile qu’il en remette en cause ou qu’il lui substitue sa propre évaluation. Par ailleurs, considérant ce monopole d’expertise, si les obligations dont il est question ont également acquis le statut de normes de droit international coutumier ou impératives, non seulement il semble difficile pour l’État de remettre en cause l’évaluation, mais également, d’aller à l’encontre de cette dernière.
EN :
Whether it be its adoptions of views or concluding observations, it is generally accepted that the decisions of the Human Rights Committee, and more broadly those of UN treaty bodies tasked with overseeing the implementation of human rights treaties, are not binding. Nowadays, this is probably the only real difference between this quasi-jurisdiction and the international human rights jurisdictions: the absence of res judicata pertaining to its decisions. However, even though it cannot be questioned that the legal act which constitutes its decisions is not binding, approaches that tend to deny any compulsory scope must be nuanced. Indeed, it is clear from the preparatory work and the hesitations that were discussed that states rejected the possibility of relying on the states’ own judicial authorities in order to ensure the implementation and respect of the obligations contained in the Covenant. The rejection of a national dependency to the benefit of an international control is clear. The analysis of this preparatory work leads to the conclusion that states intended to erect an international body. Even though they denied it the status of jurisdiction, they recognized it was to hold an expertise monopoly on the interpretation of the ICCPR and the evaluation of states’ respect of their obligations. As a consequence, even if the state can indeed ignore a decision, it appears difficult for the state to question it or to substitute its own evaluation. Furthermore, considering this expertise monopoly, if the obligations in question have also acquired the status of customary international law or jus cogens, not only does it appear difficult for the state to question the evaluation, but also, to run counter to it.
ES :
Ya sean hallazgos u observaciones finales, en general se acepta que las decisiones del Comité de Derechos Humanos, y más en general las de los comités de la ONU responsables de monitorear la implementación de los tratados de derechos humanos, no son vinculantes. Hoy en día, esta es probablemente la única diferencia real entre esta cuasi jurisdicción y los tribunales internacionales de derechos humanos: la falta de autoridad de la cosa juzgada en sus decisiones. Sin embargo, si no se puede cuestionar que el acto legal de esta decisión no es vinculante, cualquier enfoque que tiende a negarles cualquier alcance obligatorio debe ser matizado. En efecto, de los trabajos preparatorios y vacilaciones de las que fueron objeto, resalta claramente que los Estados descartaron la posibilidad de dejar el asunto entre las manos de las autoridades jurisdiccionales de los Estados con el fin de asegurarse la puesta en ejecución y el respeto de las obligaciones contenidas en el Pacto. El rechazo de una dependencia nacional en beneficio de un control internacional es evidente. El análisis de estos trabajos preparatorios permite concluir que los Estados pensaron erigir una instancia internacional a la cual ciertamente denegaron el carácter de jurisdicción, pero le reconocieron un monopolio de peritaje en cuanto a la interpretación del PIDCP y la evaluación del respeto por los Estados de sus obligaciones. Desde entonces, si el Estado puede perfectamente hacer caso omiso de la decisión, parece difícil que lo ponga en causa o que le sustituye su propia evaluación. Por otro lado, considerando este monopolio de peritaje, si las obligaciones de las que es cuestión también adquirieron el estatuto de normas de derecho internacional consuetudinario o imperativas, no sólo parece difícil para el Estado cuestionar la evaluación, sino también ir en contra de esta última.
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La négociation des accords de libre-échange sous l’administration Trump : les principes de réciprocité et de multilatéralisme
Geneviève Dufour et Delphine Ducasse
p. 51–73
RésuméFR :
Les États-Unis exercent une influence certaine et majeure dans le champ des négociations commerciales internationales depuis plusieurs décennies. Lorsque Donald Trump a annoncé haut et fort qu’il modifierait considérablement les manières de faire, le monde s’est donc mis aux aguets. Déjà à l’époque de la campagne électorale, on connaissait les idées des candidats sur le libre-échange. Tant Donald Trump que Hillary Clinton s’y étaient dits opposés, bien que dans des proportions différentes. Une fois élu, Donald Trump a passé des paroles aux actes et a modifié le système actuel de libre-échange, remettant en cause les principes qui sont au coeur des négociations commerciales. Dès lors, les fondamentaux du libre-échange se trouvent ébranlés, et au premier titre les principes de réciprocité et de multilatéralisme. Pour y arriver, l’administration Trump a construit une rhétorique autour du concept de déficit commercial qui semble aussi en rupture avec les règles et les fondements du commerce international. Ainsi, depuis son entrée en fonction, le nouveau président s’affiche en rupture avec ce qu’ont fait ses prédécesseurs. Ses décisions ont pour effet de modifier les paramètres de négociation qui sont à la base de tout accord de libre-échange négocié depuis, au moins, la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
EN :
For decades, the United States has been a major influence in the field of international trade negotiations. When Donald Trump announced he would change the status quo, the world held its breath. During the 2016 campaign, the political stances of the candidates regarding free trade were well-established. Both Donald Trump and Hillary Clinton were opposed to free trade, albeit in different respects. Once elected, Donald Trump put words into action and changed the current free trade system. Trump called into question the principles at the heart of trade negotiations, such as reciprocity and multilateralism, and shook them to their core. To achieve this shift, the Trump administration built its rhetoric around the concept of trade deficits, and abandoned the rules and foundations of international trade. Trump’s decisions have impacted the negotiating parameters that underlie all free trade agreements since, at the very least, the end of the Second World War.
ES :
Los Estados Unidos ejercen una influencia cierta y superior en el campo de las negociaciones comerciales internacionales desde varias décadas. Cuando Donald Trump anunció alto y fuerte que modificaría considerablemente las maneras de hacer, el mundo se puso al acecho. Ya en la época de la campaña electoral, conocíamos las ideas de los candidatos sobre el librecambio. Tanto Donald Trump como Hillary Clinton se habían mostrado contrarios allí, aunque en proporciones diferentes. Una vez elegido, Donald Trump pasó de la palabra a la acción y modificó el sistema actual de librecambio, poniendo en cuestión los principios que están en el corazón de las negociaciones comerciales. Desde entonces, los fundamentales del librecambio se encuentran puestos en movimiento, y en primer lugar los principios de reciprocidad y de multilateralismo. Para llegar allá, la administración Trump construyó una retórica alrededor del concepto de déficit comercial que parece también en ruptura con las reglas y los fundamentos del comercio internacional. Así, desde su toma de protesta, el nuevo presidente se exhibe en ruptura con lo que hicieron sus predecesores. Sus decisiones tienen por resultado de modificar los parámetros de negociación que están en la base de todo acuerdo de librecambio negociado desde, por lo menos, el fin de la Segunda Guerra mundial.
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L’INTERFACE COMMERCE-CULTURE ET LA QUESTION DU RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
Gilbert Gagné
p. 75–94
RésuméFR :
Le traitement des biens et services culturels relève, en droit international, à la fois de l’OMC et de l’UNESCO et pose donc la question des liens entre les dispositions de chaque régime, particulièrement en ce qui touche au règlement des différends. Une jurisprudence en matière de produits culturels devrait émaner du mécanisme de règlement des différends prévu par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles afin d’assurer que cette jurisprudence repose sur des considérations culturelles. Cependant, dans la mesure où le mécanisme de règlement des différends de l’OMC est de loin le plus élaboré et le plus utilisé, c’est ce dernier qui risque de développer une telle jurisprudence. Pour autant que la Convention reflète un consensus international quant au traitement des produits culturels, cette dernière pourrait influencer les conclusions des instances de règlement des différends à l’OMC.
EN :
The treatment of cultural goods and services in international law comes under both the WTO and UNESCO and raises the issue of the links between the provisions of each regime, particularly as regards dispute settlement. A jurisprudence relating to cultural products should come from the dispute settlement mechanism under the Convention on the Protection and Promotion of the Diversity of Cultural Expressions so that this jurisprudence is based on cultural considerations. Yet, since the WTO dispute settlement mechanism is by far the most elaborated and resorted to, it is likely to be the one developing such jurisprudence. To the extent that the Convention reflects an international consensus towards the treatment of cultural products, the latter may influence the conclusions of WTO dispute settlement authorities.
ES :
El tratamiento de los bienes y servicios culturales es un asunto que incumbe tanto a la OMC como a la UNESCO en el derecho internacional y, por lo tanto, plantea la cuestión de la relación entre las disposiciones de cada régimen, particularmente con respecto a la solución de controversias. La jurisprudencia sobre productos culturales debería emanar del mecanismo de solución de controversias previsto en la Convención sobre la protección y la promoción de la diversidad de las expresiones culturales para garantizar que esta jurisprudencia se base en consideraciones culturales. Sin embargo, en la medida en que el mecanismo de solución de diferencias de la OMC es con mucho el más desarrollado y utilizado, es el último el que corre el riesgo de desarrollar dicha jurisprudencia. Siempre que la Convención refleje un consenso internacional sobre el tratamiento de los productos culturales, podría influir en las conclusiones de los órganos de solución de diferencias de la OMC.
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A STORY OF DEBT AND BROKEN PROMISES? THE recruitment of guatemalan MIGRANT workers IN QUEBEC
Dalia Gesualdi-Fecteau, Andréanne Thibault, Nan Schivone, Caroline Dufour, Sarah Gouin, Nina Monjean et Éloïse Moses
p. 95–117
RésuméEN :
For the past two decades, the number of immigrants admitted to Canada has remained relatively stable while the number of workers admitted with a temporary work permit has steadily increased. This phenomenon is explained by a shift in Canadian public policies that direct the management of labour migration. Recent research has shed light on the complex and highly ramified transnational network that allows the recruitment of temporary foreign workers. Agricultural Guatemalan workers are hired through the Temporary Foreign Worker Program and the recruitment process is controlled by private recruitment intermediaries. Some abusive recruitment practices have been consistently reported. This article seeks to present the results of an empirical study documenting the recruitment by Quebec employers of Guatemalan agricultural workers and will discuss the normative framework regulating the recruitment of Guatemalan temporary foreign workers.
FR :
Au cours des deux dernières décennies, le nombre de migrants admis au Canada est demeuré relativement stable, alors que le nombre de travailleurs admis avec un permis de travail temporaire a constamment augmenté. Ce phénomène s’explique par la modification des politiques publiques canadiennes qui ont facilité la gestion de la main-d’oeuvre immigrante. De récentes recherches ont mis en lumière les ramifications complexes de réseaux transnationaux facilitant l’embauche de travailleurs étrangers temporaires. Les travailleurs agricoles guatémaltèques sont embauchés en vertu du programme des travailleurs étrangers temporaires et embauchés par l’entremise d’un processus de recrutement contrôlé par des intermédiaires privés. Des pratiques de recrutement abusives sont constamment rapportées. Cet article vise à présenter les résultats d’une étude empirique qui avait pour but de documenter le recrutement de travailleurs agricoles guatémaltèques par des employeurs québécois et évaluer le corpus normatif de régulation encadrant le recrutement de ces travailleurs.
ES :
En el curso de las dos últimas décadas, el número de inmigrantes admitidos en Canadá permaneció relativamente estable, mientras que el número de trabajadores admitidos con un permiso de trabajo temporal aumentó constantemente. Este fenómeno se explica por la modificación de las políticas canadienses públicas que facilitaron la gestión de la mano de obra inmigrante. Las investigaciones recientes pusieron en evidencia las ramificaciones complejas de redes transnacionales que facilitaban la contratación temporal de trabajadores extranjeros. Los trabajadores agrícolas guatemaltecos son contratados en virtud del programa de los trabajadores extranjeros temporales y contratados por la intervención de un proceso de contratación controlado por intermediarios privados. Se reportan constantemente prácticas abusivas de contratación. Este artículo pretende presentar los resultados de un estudio empírico que tenía por objeto documentar la contratación de trabajadores agrícolas guatemaltecos por empleadores quebequeses y evaluar el corpus normativo de regulación que encuadra la contratación de estos trabajadores.
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La jurisprudence de l’OMC et la recherche d’un équilibre entre développement économique et considérations non-commerciales : le cas de l’environnement
Gabrielle Marceau et Clément Marquet
p. 119–149
RésuméFR :
Une critique récurrente du GATT était son manque d’ouverture aux considérations non-commerciales, et en particulier l’environnement. Pour l’Organe d’appel, le nouveau préambule de l’Accord de Marrakech, et la décision des Membres de créer un Comité du commerce et de l’environnement et d’y négocier des critères sur la cohérence entre commerce et environnement confirment qu’une interprétation plus internationale des exceptions et justifications favorisant la protection de l’environnement et de la santé est dorénavant nécessaire. Dans ce contexte, cet article propose une présentation de l’état de l’art de la jurisprudence sur la question. En particulier, l’accent est mis sur les conditions d’application de l’article XX b) et XX g) du GATT, tous deux pertinents au regard du droit des Membres de l’OMC de protéger l’environnement. L’article XX g) est d’abord abordé, notamment au regard de la dimension évolutive de son interprétation. Concernant l’article XX b), les questions de « nécessité », de mesures alternatives ou d’application du chapeau de l’article sont mises en lumière et développées à travers l’historique de la jurisprudence, jusqu’à la plus récente. Une comparaison est proposée avec l’article 2 de l’Accord OTC qui permet des distinctions réglementaires justifiées et regroupe ainsi nombre de principes similaires à ceux du GATT. Par ailleurs, les articles 2.2, 2.4 et 2.5 de l’Accord OTC permettent la prise de mesures restrictives liées à l’environnement. L’analyse de ces dispositions et de leurs similitudes permet de donner une idée générale du régime OMC relatif aux considérations non-commerciales, au sein desquelles l’environnement tient une place cruciale.
EN :
One recurring criticism of the GATT touched upon its lack of receptiveness to non-trade concerns, in particular environmental concerns. The new WTO changed this, mainly through the Appellate Body case law. To the Appellate Body, the new preamble of the Marrakesh Agreement, as well as the Members’ decision to create a Committee on Trade and Environment entrusted to negotiate criteria on the coherence between trade and environment, confirmed that a more international interpretation of exceptions and justifications was warranted. This is especially true in the area of the protection of the environment and health. This paper provides an overview of the jurisprudence on this topic. More specifically Articles XX b) and g) of the GATT, both relevant when assessing a WTO Member’s right to protect the environment, are discussed. Article XX g) is discussed first, including the evolutionary dimension of its interpretation. In discussing Article XX b), the issues of “necessity”, alternatives measures or application of the chapeau of the article are highlighted and explained though the history of the case law, up to the present day. A comparison with Article 2 of the TBT Agreement is suggested, which allows for legitimate regulatory distinctions and contains principles similar to those found in the GATT. Moreover, Articles 2.2, 2.4 and 2.5 of the TBT Agreement allow Members to take restrictive measures related to the protection of the environment. The analysis of those provisions, their similarities and relationship provides a review of the WTO regime applicable to non-trade concerns, among which the protection of the environment holds a crucial place.
ES :
Una crítica recurrente al GATT fue su falta de apertura hacia preocupaciones no comerciales, y especialmente con relación al medio ambiente. Para el OA, el nuevo preámbulo del Acuerdo de Marrakech y la decisión de los Miembros de crear un Comité de Comercio y Medio Ambiente encargado de negociar criterios de coherencia entre comercio y medio ambiente confirman la necesidad de una interpretación más internacional de las excepciones y justificaciones, que promueva la protección del medio ambiente y de la salud. En este contexto, este artículo propone una presentación de lo más reciente de la jurisprudencia sobre el tema con énfasis en las condiciones de aplicación de los artículos XX b) y XX g) del GATT, ambos pertinentes en cuanto al derecho de los Miembros de proteger el medio ambiente. Se debate primero el artículo XX g), incluyendo la dimensión evolutiva de su interpretación. Respecto al artículo XX b), se desarrollan las cuestiones de “necesidad”, de medidas alternativas o de aplicación del chapeau, a través de la historia de la jurisprudencia, hasta la más reciente. Se propone una comparación con el artículo 2 del Acuerdo OTC, que permite distinciones reglamentarias legítimas e incluye varios principios similares a los del GATT. Además, los artículos 2.2, 2.4 y 2.5 del Acuerdo OTC permiten medidas restrictivas en relación con el medio ambiente. El análisis de estas disposiciones y sus similitudes permite dar una idea general del régimen OMC aplicable a las preocupaciones no comerciales, entre las cuales el medio ambiente tiene un puesto crucial.
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L’article 6(5) PAII : quelle pertinence à l’ère du contre-terrorisme?
Camille Marquis-Bissonnette
p. 151–169
RésuméFR :
Le récent accord de paix conclu le 24 novembre 2016 entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement colombien, qui prévoit une amnistie notamment pour la rébellion et le port illégal d’armes, peut paraître étonnant, voire choquant, après une lutte armée de plus de 50 ans qui a entraîné des centaines de milliers de morts et des dizaines de milliers de disparitions. Pourtant, ce compromis est conforme aux prescriptions du droit international humanitaire, en particulier à la lettre de l’article 6 paragraphe 5 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève de 1949. La présente contribution vise à examiner les raisons d’être de l’article 6(5) PAII, et à déterminer si elles sont toujours pertinentes dans le cadre juridique international. Elle se penche à terme sur sa compatibilité avec les préoccupations actuelles, a priori contradictoires, en matière de lutte contre le terrorisme.
EN :
The recent peace agreement concluded on November 24, 2016 between the Revolutionary Armed Forces of Colombia (FARC) and the Colombian government, which contains an amnesty for rebellion as well as for illegal bearing of arms, may seem surprising, or even shocking, after an armed struggle of more than 50 years having caused hundreds of thousands of deaths and tens of thousands of disappearances. Yet this compromise respects the prescriptions of International Humanitarian Law, in particular the article 6 paragraph 5 of Additional Protocol II to the 1949 Geneva Conventions (article 6(5) PAII). The present article aims to examine to rationale behind article 6(5) PAII, and to determine whether it is still relevant within the present international law framework. It ends by looking at the compatibility of article 6(5) PAII with current preoccupations, at first sight contradictory, on counterterrorism.
ES :
El reciente acuerdo de paz alcanzado el 24 de noviembre de 2016 entre las Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC) y el gobierno colombiano, que prevé una amnistía, incluso para la rebelión y el porte ilegal de armas, puede parecer sorprendente, incluso chocante, después de la lucha armada de más de 50 años que resultó en cientos de miles de muertes y decenas de miles de desapariciones. Sin embargo, este compromiso respeta los requisitos del derecho internacional humanitario, en particular el Artículo 6 párrafo 5 del Protocolo Adicional II de los Convenios de Ginebra de 1949. El propósito de esta contribución es examinar la justificación del Artículo 6 (5) PAII, y determinar si siguen siendo relevantes en el marco jurídico internacional. A largo plazo, busca su compatibilidad con las preocupaciones actuales, a priori contradictorias, en la lucha contra el terrorismo.
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De l’usage du droit international au Moyen-Orient : approche critique
Adlene Mohammedi
p. 171–193
RésuméFR :
En sortant d’une approche positiviste et en abordant le droit international public sous un angle critique, l’usage prend le pas sur le cadre. Au Moyen-Orient, le droit apparaît comme un outil ambigu au service de diverses stratégies et mobilisé par divers acteurs. À travers des exemples précis (la question palestinienne; la politique israélienne; le Liban; les conflits libyen et syrien; la politique russe dans la région), nous nous rendons compte que le droit international est avant tout une langue. Du moins, il est possible d’affirmer qu’il n’est jamais ce qu’il prétend être. Une désacralisation du droit devient alors nécessaire, salutaire. Il ne s’agit cependant pas ici d’une désacralisation nihiliste, mais d’un travail serein de déconstruction qui conserve une certaine place à la notion de souveraineté. Nous pouvons ainsi affirmer que notre approche est une approche réaliste-critique. Critique sur les utilisations contemporaines du droit international et réaliste quant à l’importance du cadre stato-national, et donc de la souveraineté, objet de notre conclusion.
EN :
By pulling away from a positivist approach and addressing international public law from a critical perspective, practice overshadows the theoretical framework. In the Middle East, law appears as an ambiguous tool at the service of numerous strategies mobilized by different actors. Through specific examples (the Palestinian question; Israeli politics; Lebanon; the Libyan and Syrian conflicts; Russian politics in the region), it becomes clear that international law is first and foremost a language. At the very least, it is possible to argue that it never is what it purports to be. Deconsecrating law thus appears necessary, salutary. Deconsecrating, here, need not be a nihilist enterprise, but rather a serene deconstruction work, which retains a certain role for the notion of sovereignty. This is a realist-critical approach: critical as concerns the contemporary uses of international law, and realist as concerns the importance of a nation-state framework, and thus sovereignty, the object of the conclusion.
ES :
Dejando un enfoque positivista y abordando el derecho internacional público desde un ángulo crítico, el uso tiene prioridad sobre el marco. En Medio Oriente, la ley aparece como una herramienta ambigua al servicio de diversas estrategias y está movilizada por diversos actores. A través de ejemplos específicos (la cuestión palestina, la política israelí, el Líbano, los conflictos de Libia y Siria, la política rusa en la región), nos damos cuenta de que el derecho internacional es, sobre todo, un idioma. Al menos, es posible decir que nunca es lo que dice ser. Una desacralización de la ley se vuelve necesaria, saludable. Sin embargo, esto no es una profanación nihilista, sino una serena obra de deconstrucción que retiene un cierto lugar a la noción de soberanía. Podemos decir que nuestro enfoque es realista y crítico: crítico por lo que critica los usos contemporáneos del derecho internacional y realista sobre la importancia del marco estatal nacional, y por lo tanto de la soberanía, que es el tema de nuestra conclusión.
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L’exemple du CETA pour les rapports futurs Union européenne / Royaume-Uni – et le report du CETA ?
Nanette Neuwahl
p. 195–220
RésuméFR :
Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA, soit l’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada) est un modèle utile pour les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni après le retrait de ce pays du marché commun. Durant la phase de transition – s’il y en a une –, mais encore plus en absence d’un tel arrangement, les deux parties négociantes feraient bien de travailler à une entente basée sur tel accord commercial, qu’on pourrait provisoirement appeler CC-CETA (Cross-Channel CETA). Un accord inspiré du CETA, possiblement élargi avec d’autres secteurs, tels les services, apporterait des avantages distincts au Royaume-Uni et à l’UE, en remplacement partiel des relations du marché unique. Après avoir examiné d’autres options qui seraient également envisageables, des recommandations pour la conclusion d’un tel CC-CETA sont faites. La question de savoir comment le CETA lui-même pourrait être affecté par le Brexit ou par la conclusion d’un accord UE-Royaume-Uni, ainsi que l’effet préemptif d’un tel accord sur les relations entre le Canada et le Royaume-Uni sont également pris en considération. Finalement, le report du CETA pourrait aussi paraître une solution temporaire pour « assouplir » un Brexit trop dur. Toutefois, cette dernière option est pleine d’incertitudes et mérite d’être accompagné de mesures spécifiques pour certains secteurs.
EN :
The Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) is a useful model for commercial relations between the European Union (EU) and the United Kingdom after the latter withdraws from the European common market. During this transition phase – if indeed there is one –, but even more in the absence of a similar arrangement, the two negotiating parties should work towards such a commercial treaty, that we could provisionally name CC-CETA (Cross-Channel CETA). An agreement inspired by CETA, perhaps expanded to other sectors, such as services, would bring distinct advantages to the United Kingdom and to the EU, partially replacing the unique market relation. After having examined other options that could also be practicable, recommendations on the adoption of such a CC-CETA are offered. The questions of how CETA itself could be affected by Brexit or by the adoption of a United Kingdom-EU agreement, as well as what could be the pre-emptive effect of such an agreement on the relations between Canada and the United Kingdom, are also taken into consideration. Finally, temporarily carrying over CETA could also soften the blow of a “Hard Brexit”. However, this last option is full of uncertainties, and should be accompanied by specific measures for certain sectors.
ES :
El Acuerdo Económico y Comercial Integral entre la Unión Europea y Canadá (CETA) es un modelo útil para las relaciones comerciales entre la Unión Europea (UE) y el Reino Unido después de la retirada de este país del mercado común. Durante la fase de transición, si es que hay una, pero aún más en ausencia de tal acuerdo, las dos partes negociadoras harían bien en trabajar en un acuerdo basado en dicho acuerdo comercial, que podría denominarse de forma provisional CC-CETA (CETA Cross-Channel). Un acuerdo inspirado en el CETA, posiblemente ampliado con otros sectores, como los servicios, aportaría beneficios distintivos al Reino Unido y la UE como un reemplazo parcial de la relación del Mercado Único. Después de considerar otras opciones también posibles, se hacen recomendaciones para la conclusión de dicho CC-CETA. La cuestión de cómo el CETA podría verse afectado por el Brexit o la celebración de un acuerdo UE-Reino Unido, así como el efecto preventivo de dicho acuerdo sobre las relaciones entre Canadá y el Reino Unido también se toman en consideración. Finalmente, el aplazamiento del CETA también podría parecer una solución temporal para "ablandar" un Brexit demasiado fuerte. Sin embargo, esta última opción está llena de incertidumbres y merece ser acompañada de medidas específicas para ciertos sectores.
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Le retrait de la déclaration du Rwanda permettant aux individus et ONG de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
David Pavot
p. 221–237
RésuméFR :
Le 1er mars 2016, le Rwanda informait la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du retrait de sa déclaration émise au titre de l’article 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples permettant aux individus et ONG de saisir la Cour à son encontre. Non prévue par cette dernière, l’hypothèse de retrait posait à la Cour plusieurs défis en raison des affaires pendantes impliquant le Rwanda mais surtout en raison du faible nombre d’États ayant soumis de telles déclarations. Au-delà des enjeux propres à la Cour, le retrait rwandais suscitait plus largement une interrogation relative à l’interprétation des actes unilatéraux. En effet, il s’agissait – pour la Cour – d’une occasion de clarifier les règles applicables à celle-ci. Malheureusement, l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme des peuples du 3 juin 2016 dans l’affaire Victoire Umuhoza Ingabire c. Rwanda se limite à une analogie avec la Convention de Vienne sur le droit des traités et ni ne renouvelle, ni ne clarifie les règles d’interprétation des actes unilatéraux.
EN :
On March 1st, 2016, Rwanda informed the African Court on Human and Peoples’ Rights of the withdrawal of its declaration issued pursuant to article 34(6) of the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Establishment of the African Court on Human and Peoples’ Rights, which allows individuals and NGOs the possibility to bring a case before the Court against this state. As the Court did not anticipate Rwanda’s withdrawal, it brought a number of challenges, due to the pending cases involving Rwanda and, especially, due to the low number of states who have submitted such declarations. Beyond the issues relevant to the Court, the withdrawal of Rwanda raised, more broadly, interrogations about the interpretation of unilateral acts. Indeed, this constituted an occasion for the Court to clarify the rules applicable to such an interpretation. Unfortunately, the June 3rd, 2016 decision of the African Court on Human and Peoples’ Rights in the case of Victoire Umuhoza Ingabire v. Republic of Rwanda is limited to an analogy with the Vienna Convention on the Law of Treaties, and doesn’t renew, nor does it clarify, the interpretation rules for unilateral acts.
ES :
El 1 de marzo de 2016, Ruanda le informó a la Corte Africana de Derechos Humanos y de los Pueblos el retiro de su declaración bajo el Artículo 34 (6) del Protocolo a la Corte Africana de Derechos Humanos y pueblos que establecen un Tribunal Africano de Derechos Humanos y de los Pueblos para permitir que las personas y las ONG presenten casos ante la Corte. No previsto por este último, la hipótesis de retiro presentó varios desafíos a la Corte debido a los casos pendientes relacionados con Ruanda, pero principalmente debido al pequeño número de Estados que presentaron tales declaraciones. Más allá de las cuestiones específicas de la Corte, la retirada de Ruanda dio lugar en términos más amplios a las preguntas sobre la interpretación de los actos unilaterales. De hecho, fue para la Corte una oportunidad para aclarar las reglas que se le aplican. Desafortunadamente, la sentencia del Tribunal Africano de Derechos Humanos de los Pueblos de 3 de junio de 2016 en el caso Victoire Umuhoza Ingabire c. Rwanda se limita a una analogía con la Convención de Viena sobre el derecho de los tratados y no renueva ni aclara las reglas de interpretación de los actos unilaterales.
Note et commentaire
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L’Union européenne et le droit au séjour dérivé des ressortissants d’États tiers consacré par la CJUE : l’affaire Rendón Marín et ses conséquences
Blandine Gardey de Soos
p. 239–249
RésuméFR :
L’arrêt Rendon Marin du 13 septembre 2016 fut pour la Cour de justice de l’Union européenne l’occasion de réaffirmer le principe d’une protection « remontante » attachée à la citoyenneté européenne. Ainsi, le ressortissant d’un pays tiers parent d’un enfant citoyen européen peut-il se prévaloir d’un droit au séjour sur le territoire de l’Union européenne dérivé de celui du mineur. Toute dérogation à ce principe nécessite que le ressortissant étranger présente une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société qui l’accueille. Nouvelle illustration du contrôle de proportionnalité par la juridiction européenne elle-même, l’arrêt Rendon Marin préfigure également l’arrêt Chavez Vilchez du 10 mai 2017. Au terme de ce cycle jurisprudentiel, le juge national dispose des outils pour procéder au contrôle de proportionnalité à la lumière des dispositions constitutionnelles de l’article 20 du TFUE. La défense des droits fondamentaux en sort renforcée sur le continent européen. Outre la protection offerte par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le droit de l’UE propose désormais de vastes possibilités fondées sur la citoyenneté européenne. Celle-ci est appelée à devenir, pour reprendre les termes de la CJUE, le statut fondamental des ressortissants des États membres.
EN :
The September 13th, 2016 Rendon Martin decision allowed the Court of Justice of the European Union to reaffirm the principle of a “recuperative” protection attached to European citizenship. Therefore, a third-country national that is the parent of a European citizen child can benefit from a right of residence on the territory of the European Union, derived from the minor’s such right. Any derogation to this principle requires the foreign national to pose a present and genuine threat to a fundamental interest of the host society. As a new illustration of the proportionality test by the European jurisdiction itself, the Rendon Marin decision foreshadowed the May 10th, 2017 Chavez Vilchez decision. Following this jurisprudential cycle, the national judge holds the necessary tools to accomplish a proportionality test in light of the constitutional provisions in article 20 of the TFEU. This strengthens the defense of fundamental rights in Europe. Aside from the protection offered by the Court of Justice of the European Union’s case law, EU law now offers vast possibilities based on European citizenship. It is destined to become, in the words of the CJEU, the fundamental status for nationals of the Member states.
ES :
El fallo Rendon Marin del 13 de septiembre de 2016 fue para el Tribunal de Justicia de la Unión Europea la ocasión de reafirmar el principio de una protección "ascendente" atada a la ciudadanía europea. Así, el nacional de un país tercero, padre de un niño ciudadano europeo puede prevalerse de un derecho a la estancia sobre el territorio de la Unión Europea derivado del del menor. Toda derogación a este principio necesita que el nacional extranjero presente una amenaza efectiva y actual para un interés fundamental de la sociedad que lo acoge. Nueva ilustración del control de proporcionalidad para la jurisdicción europea misma, el fallo Rendon Marin también prefigura el fallo Chavez Vilchez del 10 de mayo de 2017. Al término de este ciclo jurisprudencial, el juez nacional dispone de herramientas para proceder al control de proporcionalidad a la luz de las disposiciones constitucionales del artículo 20 del TFUE. La defensa de los derechos fundamentales resulta reforzada sobre el continente europeo. Además de la protección ofrecida por la jurisprudencia de la Corte Europea de los Derechos Humanos, el derecho de la UE propone ahora posibilidades amplias fundadas sobre la ciudadanía europea. Ésta terminará por convertirse, según los términos del CJUE, en el estatuto fundamental de los nacionales de los Estados miembro.
Recensions
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Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme? : Multinationales et perversion du droit, Montréal, Ecosociété, 2017
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Kamelia Kolli, Droit du transport intermodal de marchandises : une perspective « supply chain management », Montréal, Les éditions Thémis, 2016
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Anne Lagerwall, Le principe ex injuria jus non oritur en droit international, Bruxelles, Bruylant, 2016
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Christian Deblock et Joël Lebullenger, dir, Génération TAFTA. Les nouveaux partenariats de la mondialisation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018
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JEAN MAURICE ARBOUR ET AL, DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT, 3ÈME ÉDITION, ÉDITION YVON BLAIS, COWANSVILLE (QC), 2016
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John Kierulf, Disarmament Under International Law, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2017