À l’égard des marchés financiers mondiaux, les États se retrouvent face à un dilemme récurrent, à savoir choisir entre un allègement de leurs contraintes juridiques pour devenir plus attrayants, ou bien opter pour une régulation plus sévère dans le but de minimiser les risques liés aux opérations de ces marchés. Avec la mondialisation, ce dilemme est d’autant plus pressant, car les opérateurs des marchés financiers n’hésitent pas à adopter une stratégie de délocalisation afin d’échapper à des règles juridiques trop contraignantes. Lors de sa présentation à l’occasion de la deuxième Conférence annuelle Paule Gauthier de la Faculté de droit de l’Université Laval en 2014, Wolf-Georg Ringe, spécialiste émérite en droit international des affaires, revient sur ce dilemme qui fait pression sur les États, et qui demeure un sujet brûlant d’actualité et de pertinence, à plus forte raison depuis la crise financière de 2007-2009. Le professeur Ringe s’est spécialisé dans les questions relatives aux enjeux européens et internationaux du droit des affaires et du droit financier en réalisant son doctorat sur le droit européen des sociétés. En plus d’être un des éditeurs du Journal of Financial Regulation, il est professeur de droit international des affaires à l’Université d’Oxford ainsi qu’à la Copenhagen Business School. Le texte ici recensé est l’étude que le professeur Ringe a préparée en vue de la Conférence Paule Gauthier. Dans son étude, il s’agit pour Ringe d’évaluer l’impact de la pression du marché sur l’édiction de normes réglementaires financières, sous le prisme de deux notions : l’arbitrage réglementaire et la concurrence réglementaire. Par arbitrage réglementaire, il faut entendre la stratégie d’évitement de règles financières rigides par les institutions financières, c’est-à-dire leur libre arbitre dans le choix de l’ensemble normatif le plus avantageux. La concurrence réglementaire, quant à elle, est la concurrence qui s’établit entre les différentes autorités de décision dans le processus d’édiction des normes, en réponse à cet arbitrage réglementaire. Ringe s’applique à démontrer les avantages d’un régime de résolution spéciale pour les institutions financières, qui apporterait la stabilité aux marchés, par rapport à une réponse plus traditionnelle qui consiste à simplement promouvoir une harmonisation internationale des règles juridiques. Le texte de Ringe est structuré en quatre parties, elles-mêmes divisées en sous-parties. Dans un premier temps, le professeur Ringe s’attache aux notions d’arbitrage et de concurrence réglementaires et établit leur cadre théorique. Pour que l’on puisse parler de concurrence réglementaire, trois éléments doivent être réunis. Premièrement, les opérateurs financiers, c’est-à-dire les entreprises, doivent avoir une possibilité légale de choisir le régime juridique souhaité. Deuxièmement, les entreprises doivent pouvoir tirer avantage de ce choix. Il s’agit là d’arbitrage réglementaire : quel ensemble normatif est le plus attrayant pour l’opérateur financier ? Troisièmement, les entreprises déclenchent l’offre et les États se retrouvent en concurrence afin de promulguer les règles les plus attirantes. La concurrence réglementaire ainsi établie pourra être qualifiée d’offensive si les États prennent l’initiative d’édicter des normes afin d’attirer les opérateurs et provoquent eux-mêmes la concurrence ; elle sera défensive si les normes ne sont prises qu’en réaction à l’arbitrage. L’exemple classique en matière de concurrence et d’arbitrage réglementaires consiste à évoquer des structures laissant le libre choix aux opérateurs privés, tels que les différents États fédérés des États-Unis ou l’Union européenne. Pour parachever cette première partie, Ringe pose une question fondamentale : arbitrage et concurrence réglementaires sont-ils néfastes ou au contraire, la pression qui en résulte permet-elle l’édiction de normes fonctionnelles ? Cette question fait débat parmi les chercheurs. Certains soutiennent que la pression du marché ne profite qu’aux dirigeants d’entreprises, ces derniers étant les seuls en mesure de décider de la délocalisation, faisant …
WOLF-GEORG RINGE, ARBITRAGE ET CONCURRENCE RÉGLEMENTAIRES DANS LA GOUVERNANCE DES MARCHÉS FINANCIERS MONDIAUX, MONTRÉAL, ÉDITIONS YVON BLAIS, 2015[Notice]
Diplômée de la Maîtrise en droit à l’Université de Sherbrooke, cheminement Droit international et Politique internationale appliqués. Candidate au Barreau du Québec.