Numéro hors-série, juin 2015 Mélanges en l’honneur de Jacques-Yvan Morin Sous la direction de Stéphane Bernatchez Sous la direction de Manon Montpetit Sous la direction de Michèle Rivet et Daniel Turp
Sommaire (23 articles)
Préface, introduction et hommage
Actes de colloque. « De la Charte des droits de l’homme pour le Québec à la Charte des droits et libertés de la personne »
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DE LA CHARTE DES DROITS DE L’HOMME POUR LE QUÉBEC À LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE
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LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN. ENTRETIEN AVEC JACQUES-YVAN MORIN
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RECONNAISSANCE ET EFFECTIVITÉ DES DROITS FONDAMENTAUX : LA FONCTION DÉMOCRATIQUE DES TRIBUNAUX CONSTITUTIONNELS
Louis LeBel
p. 25–35
RésuméFR :
L’étude souligne la contribution éminente de M. Jacques-Yvan Morin à la mise en oeuvre d’une protection des droits de la personne au Québec. Elle examine sa proposition d’une Charte québécoise des droits fondamentaux, comme il la présentait en 1963. Elle souligne aussi les questions que cette proposition laissait en suspens, en particulier le mode de protection de ces droits fondamentaux et le rôle des tribunaux. L’étude examine ensuite les solutions que l’évolution constitutionnelle du Canada a dégagées par la suite et discute de la légitimité du rôle judiciaire dans ce domaine.
EN :
The article underlines the major contribution of Mr. Jacques-Yvan Morin to the creation of a protection of human rights in the province of Quebec. It reviews his proposal for the adoption of a Charter of Fundamental Rights for the province of Quebec, as he set it out in 1963. The article notes some issues that the proposal left open, particularly the methods of protection of fundamental human rights and what should be the function of courts of justice. Then, the article reviews the solutions that flowed from the constitutional evolution of Canada and discuss the legitimacy of a judicial function in this field.
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ACTE FONDATEUR OU LOI ORDINAIRE ? LE STATUT DE LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE DANS L’ORDRE JURIDIQUE QUÉBÉCOIS
Pierre Bosset et Michel Coutu
p. 37–60
RésuméFR :
À propos de la place de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec dans la structure de l’ordre juridique québécois, Jacques-Yvan Morin a parlé d’une constitutionnalisation progressive. Pourtant, son caractère « quasi constitutionnel » ne rend pas véritablement justice à la Charte, qui reste un texte unique dans l’histoire législative du Québec. Cet article s’inspire de Morin, qui n’a cessé de soutenir qu’il fallait réserver à la Charte une place se situant au sommet de la hiérarchie des normes. Il discute de la primauté de la Charte sur les lois ordinaires, ainsi que de l’intégrité du contenu de ce texte, qui depuis 1975 se veut le symbole des valeurs de la société québécoise. Dans un premier temps, les auteurs mettent en lumière l’ambiguïté inhérente à la notion même de quasi-constitutionnalité. Il est de moins en moins défendable de nier au texte québécois, au prix d’une occultation de son caractère spécifique, le statut d’une véritable loi fondamentale, de caractère constitutionnel. Dans un deuxième temps, les auteurs soulignent que la Charte est loin d’être à l’abri de régressions dues aux vicissitudes du jeu politique, bien qu’elle ait fréquemment été bonifiée au fil du temps et ce, de manière largement consensuelle. Il serait aujourd’hui dans l’ordre des choses que le processus de « constitutionnalisation progressive » que Jacques-Yvan Morin a promu, accompagné politiquement et admirablement décrit dans ses travaux finisse par trouver son aboutissement historique dans une constitutionnalisation explicite des dispositions de la Charte. Il s’impose en effet de reconnaître aujourd’hui, de façon explicite, la Charte québécoise pour ce qu’elle représente pour la société québécoise : une loi fondamentale possédant un caractère constitutionnel.
EN :
“A gradual constitutionalization” is the phrase used by Jacques-Yvan Morin to describe the process through which the Québec Charter of Human Rights and Freedoms is gradually finding its place in the structure of the Québec legal order. However, its so-called “quasi constitutional status” does not really do justice to the Charter, which remains unique in our legislative history. Inspired by Morin, who consistently argued that the Charter should stand at the top of the hierarchy of legal norms, this paper discusses the supremacy of the Charter over ordinary laws, as well as the integrity of its substantive content, keeping in mind that, since 1975, the Charter has embodied the values of Québec society. Part I stresses the inherent ambiguity in the very notion of a quasi-constitution. It argues that, short of denying the Charter its specific status it is becoming increasingly difficult to ignore its nature as a fundamental constitutional law. Part II stresses the fact that, although it has frequently been improved, largely on the basis of broad consensus, the Charter remains highly vulnerable to the vagaries of politics and potential regressions. A logical step forward into the above-mentioned process of “gradual constitutionalization” would be an explicit recognition of the Charter’s constitutional status, a fitting outcome to a process that Jacques-Yvan Morin has so aptly promoted and analyzed in both his academic and political life. Nothing should now stand in the way of explicitly recognizing the Charter for what it means for Québec society: a fundamental law of a constitutional status.
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LE DROIT À L’ÉGALITÉ : PIERRE ANGULAIRE DE LA CHARTE QUÉBÉCOISE ?
Daniel Proulx
p. 61–80
RésuméFR :
Après avoir rappelé les fondements philosophiques et juridiques du droit à l’égalité et l’évolution prodigieuse qu’il a connu au cours des derniers siècles, l’auteur montre que la Charte québécoise tant souhaitée par Jacques-Yvan Morin s’inscrit dans ce mouvement historique. Il est clair que ce droit fondamental en démocratie, véritable pierre angulaire de la Charte québécoise, ne se réduit plus à l’idée d’égalité formelle. Malheureusement, c’est le constat de l’auteur, les tribunaux supérieurs, à commencer par la Cour d’appel, ne semblent pas en phase avec l’évolution qu’a connue le droit à l’égalité, ce qui en réduit considérablement la portée et les promesses au Québec.
EN :
Recalling the philosophical and legal foundations of the right to equality and its tremendous evolution over the course of the past centuries, the author demonstrates that the Quebec Charter, towards which Jacques-Yvan Morin worked so fervently, is part of this historical trend. It is clear that this right, which is fundamental for democracy and is the cornerstone of the Quebec Charter, cannot be conceptually reduced to the formal equality idea anymore. Unfortunately, the author concludes, the higher courts, starting with the Court of Appeal, do not seem in accordance with the evolution of the right to equality, which considerably reduces its scope and promises for the future in Quebec.
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LA PENSÉE HOLISTIQUE DE JACQUES-YVAN MORIN : LA NÉCESSAIRE JUSTICIABILITÉ DES DROITS SOCIOÉCONOMIQUES COMME FONDEMENT DE LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE
David Robitaille
p. 81–107
RésuméFR :
Lorsqu’il proposait « [u]ne charte des droits de l’homme pour le Québec » en 1963, le professeur Jacques-Yvan Morin contribuait de manière significative à l’édification des bases matérielles et idéologiques de l’éventuelle Charte des droits et libertés de la personne de 1975. Dans son texte de 1963, puis dans celui paru en 1987 dans lequel il a poursuivi sa réflexion sur « [l]a constitutionnalisation progressive de la Charte », le professeur Morin proposa trois idées dont il se fît le précurseur dans le contexte de la Charte québécoise : (1) les libertés individuelles et la justice sociale sont indissociables ; (2) une charte destinée à consacrer solennellement les valeurs fondamentales d’une société doit non seulement garantir des libertés, mais également certains droits économiques et sociaux justiciables ; (3) l’État ne saurait, sans justification raisonnable et compte tenu de son niveau de développement, retirer aux citoyens les droits et les mesures socioéconomiques dont ils bénéficient. Nous défendrons et développerons ci-dessous l’importance et le contenu de ces trois idées eu égard à la Charte québécoise.
EN :
When he proposed “[a] human rights bill for Quebec [translation]” in 1963, Professor Jacques-Yvan Morin significantly contributed to the material and ideological foundations of the 1975 Quebec Charter of Human Rights and Freedoms. In his article published in 1963, and in another published in 1987 in which he continued his reflection on “[t]he gradual entrenchment of the Charter [translation]”, Professor Morin proposed three ideas for which he has been the precursor in the context of the Quebec Charter: (1) Individual freedom and social justice are interdependent; (2) A charter entrenching the core values of a society must not only guarantee individual freedoms but also some justiciable economic and social rights; (3) The State cannot, without reasonable justification and given its level of development, remove socioeconomic rights and social protection that citizens already benefit from. We will defend and develop below the significance and content of these three ideas with regard to the Quebec Charter.
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COMMENTAIRES SUR LES DIFFICULTÉS CONCEPTUELLES QUE POSE LE RECOURS EN DIFFAMATION DANS LES ARRÊTS PRUD’HOMME ET BOU MALHAB : L’ABSENCE DE RECOURS POUR ATTEINTE À LA RÉPUTATION EN DROIT QUÉBÉCOIS
Manon Montpetit et Gabriel Roy
p. 109–130
RésuméFR :
La Charte des droits et libertés de la personne établit non seulement expressément la façon dont certains droits et libertés doivent être protégés et exercés, mais prévoit aussi la façon dont les atteintes illicites au libre exercice de ceux-ci doivent être sanctionnées. Malgré la clarté de ce texte, la Cour suprême du Canada décide néanmoins que la Charte ne crée pas de régime de responsabilité distinct et autonome du droit commun de la responsabilité civile (Béliveau St-Jacques – 1996). Si tant est que l’on puisse accepter une telle convergence des recours, l’on s’attendrait à ce que les droits qui y sont énoncés soient pleinement reconnus comme éléments déclencheurs d’un recours civil lorsqu’une atteinte est alléguée. Or, il appert que ce n’est pas toujours le cas, comme en fait foi le sort que l’on a réservé au recours en dommages-intérêts pour atteinte illicite au droit à la sauvegarde de sa réputation, lequel se voit complètement absorbé par « le recours en diffamation ». L’examen de deux arrêts de la Cour suprême portant sur « le droit de la diffamation » nous démontre les conséquences conceptuelles de l’assimilation par le droit de la responsabilité civile des recours qui pourraient pourtant être mis en oeuvre par le biais de l’article 49 de la Charte (atteinte illicite à la réputation). Examinant le cadre d’analyse théorique des arrêts Prud’homme c Prud’homme (2002) et Bou Malhab c Diffusion Métromédia CMR inc (2011), les auteurs proposent que leur application s’avère problématique. Dans le premier cas, l’absence de responsabilité n’est examinée qu’à travers la notion de faute (les propos sont justifiés par la liberté d’expression) sans que ne soit véritablement examinée la présence d’un préjudice, lequel semble être en quelque sorte présumé. Dans le second cas, la faute étant acquise, et ce, sans véritable analyse de la part de la Cour, c’est l’absence de préjudice qui détermine l’issue du litige. Ce dernier arrêt illustre par ailleurs la difficulté de recourir au « droit de la diffamation » en matière de dommages punitifs. Cette discontinuité conceptuelle criante rend résolument ardue la compréhension des raisons pour lesquelles la faute et le préjudice devraient gouverner l’examen des recours pour atteinte à la réputation sous la Charte. Que la Cour intervertisse si aisément les rapports qu’entretiennent le recours « en diffamation » de la responsabilité civile de droit commun et celui pour « atteinte illicite à la réputation » de la Charte des droits et libertés de la personne ne revient-il pas à dire, qu’au final, leur coordination est artificielle et dès lors… inutile ?
EN :
The Charter of Human Rights and Freedoms not only expressly states how certain rights and freedoms must be protected and exercised, but also provides the way unlawful interference with the free exercise thereof must be punished. Despite the clarity of its provisions, the Supreme Court of Canada decides nevertheless that the Charter does not create a liability regime separate and independent from the civil liability (tort) regime (Béliveau St-Jacques – 1996). To the extent that such convergence of actions can be accepted, one would expect that the rights described in the Charter be fully recognized as triggers for a civil remedy when an infringement is alleged. However, it appears that this is not always the case, as it is for the action for unlawful interference with the right to safeguard its reputation, which is completely absorbed by “the action in defamation”. The analysis of two decisions of the Supreme Court on “the law of defamation” demonstrates the conceptual consequences of the assimilation of the action for a victim of unlawful interference with the right to the safeguard of his reputation based on section 49 of the Charter by the general principles of civil liability. After examining the context of theoretical analysis of Prud’homme v Prud’homme (2002) and Bou Malhab v Metromedia CMR Broadcasting inc (2011), the authors propose that its application is problematic. In the first decision, the absence of liability is determined through the concept of fault (the comments are justified by freedom of expression) without truly considering the presence of an injury, which appears to be somehow presumed. In the second decision, the fault being admitted without further analysis by the Court, it is the absence of injury that determines the outcome. The latter judgment also illustrates the difficulty of using the “law of defamation” for punitive damages. This glaring conceptual discontinuity makes decidedly difficult to understand why the fault and the injury should govern the consideration of action for unlawful interference with the right to the safeguard of his reputation provided by the Charter. Would the fact that the Supreme Court is able to invert so easily the relationship between the “action in defamation” and the “unlawful interference with the right to reputation” means that in the end, their coordination is artificial and therefore ... pointless?
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LE CONCEPT DE DROITS
Stéphane Bernatchez
p. 131–169
RésuméFR :
Dans son article de 1963 proposant une charte des droits pour le Québec, le professeur Jacques-Yvan Morin avait énoncé divers fondements philosophiques des droits. Le présent texte examine les fondements contemporains qui ont été ajoutés par les travaux en philosophie et théorie du droit depuis la publication de cet article et l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne. Ainsi, dans la première partie consacrée à la philosophie du droit, après l’examen du libéralisme et du pluralisme, l’auteur se penche sur les principes développés par les tribunaux et l’hypothèse de l’éthicisation du droit. Dans la deuxième partie portant sur les théories du droit, le texte s’intéresse au pluralisme juridique et au droit souple, au pragmatisme juridique et à l’exigence de réflexivité ainsi qu’à la fonction éducative et promotionnelle des droits. Pour démontrer ces fondements philosophiques et théoriques contemporains des droits, l’auteur réfère aux travaux de nombreux spécialistes de la Charte québécoise qui pensent aujourd’hui le concept de droits.
EN :
In his 1963 article, Professor Jacques-Yvan Morin outlined the philosophical foundations for a prospective Quebec Charter of Rights. Building on these insights, this research examines the contemporary philosophical and legal theories that have emerged since Morin’s seminal work and the adoption of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms. The first part draws on the philosophy of law to explore the notions of liberalism and pluralism, the principles elaborated by the courts, and the hypothesis of the ethnicization of law. The second part presents, with regard to legal theory, analyses of legal pluralism and soft law, legal pragmatism and the requisite reflexivity, and the educational and promotional functions of the Commission. To establish the contemporary philosophical and theoretical foundations of Charter rights, the present-day works of numerous Quebec Charter experts are referenced.
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POUR UNE CHARTE DE BONNE GOUVERNANCE PUBLIQUE
Nathalie DesRosiers
p. 171–182
RésuméFR :
Utilisant les travaux de Martin Loughlin sur les tensions du droit public, et entre autres, la complémentarité et réconciliation de deux concepts : « potestas » (les limites) et « potentia » (l’exercice). L’auteure envisage un projet de charte qui habilite les gouvernements à aller plus loin. Loughlin suggère que les restrictions du « potestas » habilitent la « potentia » et que les contraintes facilitent l’exercice du pouvoir. Les droits de la personne et les exigences d’imputabilité envers les gouvernements ne seraient plus une contrainte futile mais bien ce qui leur permet d’aller plus loin. L’existence de contraintes, procédurales, démocratiques, ou d’imputabilité légitime l’exercice du pouvoir. Cette intuition peut aider à proposer certains amendements à la Charte québécoise, pour faciliter la bonne gouvernance. Dans cette veine, l’auteure suggère des exigences constitutionnelles de participation démocratique, d’imputabilité, de transparence, de protection des contre-pouvoirs et d’une gouvernance intelligente basée sur la preuve.
EN :
Through the work of Martin Loughlin on the tensions within public law, and, amongst others, the complementarity and reconciliation of the two concepts of “potestas” (the limits) and “potentia” (the exercise of authority), the author contemplates a Charter project which enables governments to go further. Loughlin suggests that the restrictions of the “potestas” empower the “potentia”, and that the constraints facilitate the exercise of power. Human rights and the accountability requirements aimed at governments would not be a futile constraint anymore, but rather what would enable them to go further. The existence of procedural, democratic or accountability constraints legitimize the exercise of power. This intuition might contribute to suggest amendments to the Charter, in order to facilitate good governance. To this end, the author suggests constitutional requirements of democratic participation, accountability, transparency, protection of counter-powers and of an evidence-based intelligent governance.
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LA CHARTE QUÉBÉCOISE VUE SOUS L’ANGLE DU DROIT DU TRAVAIL
Michel Coutu
p. 183–197
RésuméFR :
Alors que nous baignons dans une rhétorique néo-libérale depuis le début des années 80, il est frappant de relever à quel point le professeur Jacques-Yvan Morin met l’accent sur la pleine reconnaissance des droits économiques et sociaux comme précondition essentielle de l’épanouissement de la démocratie politique. L’étude qui suit examine l’impact de la Charte des droits et libertés de la personne sur le droit des rapports collectifs du travail, en partant de certains éléments de l’étude de Jacques-Yvan Morin : la genèse des droits fondamentaux de la personne, au regard de l’idée de droit naturel; la qualité de droit fondamental des libertés syndicales, y compris du droit de grève; enfin, la prépondérance de la Charte québécoise sur la législation ordinaire et sa protection contre la tyrannie de la majorité.
EN :
Since the 80s, Neoliberal rhetoric dominates public policies. It is then all the more striking to see how much weight Pr. Jacques-Yvan Morin gave, to the contrary, to the recognition of economic and social rights as an unavoidable precondition to true political democracy. The following study therefore looks at the Québec Charter of Human Rights and Freedom from the perspective of collective labour rights, taking into consideration the following points raised in Pr. Morin’s study: the development of contemporary human rights, as regards their relation with Natural law; the fundamental nature of trade-unions freedom, including the right to strike; finally, the primacy of the Québec Charter over ordinary legislation and its protection against pure majoritarian rule.
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POUR UNE RESTRUCTURATION DE LA CHARTE QUÉBÉCOISE ?
Christian Brunelle
p. 199–219
RésuméFR :
En 1963, le professeur Jacques-Yvan Morin proposait un projet de charte des droits de l’homme pour le Québec dans un texte remarquable paru dans la Revue de droit de l’Université McGill. Cinquante ans plus tard, force est d’admettre que ce texte (et les idées progressistes qu’il véhiculait) a exercé une très grande influence sur la Charte des droits et libertés de la personne actuellement en vigueur au Québec. Cela étant, cette Charte « quasi constitutionnelle » aurait aujourd’hui bien besoin d’être juridiquement révisée afin de mieux répondre aux réalités contemporaines. Toutefois, non seulement la volonté politique requise pour entreprendre ce vaste chantier tarde à se former, mais il est à craindre qu’une telle entreprise ouvre la porte à des modifications dont l’effet pourrait être de restreindre les droits et libertés plutôt que d’en renforcer la protection. Pourtant, nous pouvons démocratiquement faire mieux…
EN :
In 1963, Professor Jacques-Yvan Morin proposed a human rights charter project for the province of Quebec in a remarkable text published in the McGill Law Journal. Fifty years later, it clearly appears that this text (and the progressive ideas it reflected) has exerted significant influence on the Charter of Human Rights and Freedoms currently in force in Quebec. That being said, this “quasi Constitutional” Charter needs to be legally revised in order to better reflect contemporary realities. However, not only does the political will required to set in motion this extensive endeavour is slow to form, but there exists a risk that such an undertaking might open the door to modifications for which the effect could be of restraining existing rights and liberties rather than reinforcing their protection. Yet, we can democratically do better…
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POUR UNE PLEINE CONSTITUTIONNALISATION ET UN ENRICHISSEMENT NORMATIF DE LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE
Daniel Turp
p. 221–241
RésuméFR :
Afin de poursuivre le travail du pionnier de Jacques-Yvan Morin qui avait constaté en 1987 « la constitutionnalisation progressive de la Charte des droits et libertés de personne », le professeur Daniel Turp esquisse les mesures qui pourraient être prises pour assurer la pleine constitutionnalisation et l’enrichissement normatif de la Charte québécoise, ce que le professeur Morin appelait aussi de ses voeux. Ainsi, il est proposé d’adopter à cette fin une procédure spéciale de révision de la Charte québécoise et d’étendre sa suprématie à l’ensemble des droits fondamentaux qu’elle garantit. Des propositions sont par ailleurs formulées pour réaliser un enrichissement normatif de la Charte québécoise en prévoyant l’inclusion de nouveaux droits pour les personnes, mais également pour les collectivités et, en particulier, des nouveaux droits économiques, sociaux, culturels et linguistiques. Dépouillée d’un dispositif institutionnel qui l’alourdit indûment et lui fait perdre son allure « fondamentale », le texte d’une nouvelle Charte québécoise des droits fondamentaux est présenté afin de combler non seulement les attentes exprimées par Jacques-Yvan Morin lors de l’élaboration de la Charte des droits et libertés de la personne, mais aussi toutes celles et ceux qui l’ont interprétée et appliquée depuis. Le professeur Turp formule en outre l’espoir qu’une nouvelle Charte québécoise des droits fondamentaux soit un jour intégrée ou incorporée par renvoi dans une constitution québécoise. L’auteur rappelle qu’il a proposé d’emprunter une telle avenue dans les projets de constitution québécoise qu’il a rédigés et est d’avis que le professeur Jacques-Yvan Morin aimerait sans doute que la première constitution québécoise réserve une place de choix aux droits fondamentaux. Si une telle proposition devenait un jour une réalité, un hommage serait ainsi rendu à ce grand patriote constitutionnel Jacques-Yvan Morin qui a si bien servi, tout au long de sa vie, le peuple et l’État du Québec.
EN :
To continue the pionnering work of Jacques-Yvan Morin who had noted in 1987 “the gradual entrenchment of the Québec Charter of Rights and Freedoms”, Professor Daniel Turp outlines the measures that could be taken to ensure the full entrenchment and normative enhancement of the Quebec Charter, which Professor Morin also called his wishes. To this end, it is thus proposed to adopt a special procedure of revision of the Quebec Charter and to extend its supremacy to all fundamental rights it guarantees. Suggestions are also made to achieve a normative enrichment of the Quebec Charter by providing for the inclusion of new rights for individuals but also for communities, and in particular new economic, social, cultural and linguistic rights. Stripped of an institutional framework that weighs unduly on the Charter and makes it lose its style as a basic law, the text of a new Quebec Charter of Fundamental Rights is presented to address not only the expectations expressed by Jacques-Yvan Morin during the drafting the Québec Charter of Rights and Freedoms, but also by all those who interpreted and applied the Charter since its adoption in 1975. Professor Turp expresses the hope that a new Quebec Charter of Fundamental Rights will be included or incorporated by reference in a Québec constitution. The author recalls that he proposed to follow such an path in several textes of a Québec constitution he drafted and believes that Professor Jacques-Yvan Morin would also appreciate to see the first Québec constitution confer a prominent place to fundamental rights. If this proposal became a reality one day, a tribute would be paid to Jacques-Yvan Morin, a great constitutional patriot who served so generously, throughout his whole life, the people and the State of Québec.
Études
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L’ÉTAT DE DROIT AUX ÉTATS-UNIS : LE DÉBAT ENTRE LES FÉDÉRALISTES ET LES ANTI-FÉDÉRALISTES
Stéphane Bernatchez
p. 243–265
RésuméFR :
Aux États-Unis, à l’occasion de la délibération sur la Constitution de 1787, le débat entre les fédéralistes et les anti-fédéralistes a contribué à la pensée et à l’évolution de l’État de droit. Alors que les anti-fédéralistes proposaient de fonder le système politique sur la vertu civique et la participation des citoyens, les fédéralistes préconisaient plutôt la représentation du peuple. Tandis que les premiers prônaient la décentralisation et l’enchâssement de droits dans la constitution, les seconds s’en remettaient au fédéralisme et à la séparation des pouvoirs pour contrôler et limiter le pouvoir politique. Par-delà ces distinctions entre les idées des uns et des autres, la pensée américaine a participé à l’émergence du principe de l’État de droit en lui léguant l’importance de la délibération démocratique et le constitutionnalisme.
EN :
During the deliberations on the 1787 Constitution in the United States, the debate between federalists and anti-federalists contributed to the legal thought and evolution of the rule of law. While anti-federalists were proposing a political system based upon civic virtue and citizen participation, federalists were urging for a system based on the representation of the people. The first group was advocating for the decentralisation and the entrenchment of rights in the Constitution, whereas the second group relied upon federalism and the separation of powers to control and limit political power. Beyond the distinctions between those ideas, American Thought has participated to the emergence of the rule of law principle in itself.
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L’ARRÊT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DANS L’AFFAIRE DES IMMUNITÉS JURIDICTIONNELLES DE L’ÉTAT
Alberto Costi
p. 267–311
RésuméFR :
Cet article offre une critique de l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) sur l’immunité juridictionnelle de l’État en matière de procédure civile rendu le 3 février 2012. Opposant la République fédérale d’Allemagne à l’Italie, l’affaire concernait l’immunité de juridiction de l’Allemagne devant les instances judiciaires italiennes suite à la commission de violations graves du droit international humanitaire perpétrées par le Reich allemand contre des ressortissants italiens et grecs au cours de la Seconde Guerre mondiale. La Cour trancha en faveur de l’État allemand, affirmant dans son jugement majoritaire que la République italienne avait manqué à son obligation de respecter l’immunité reconnue à l’Allemagne par le droit international. Nous introduisons d’abord brièvement la règle de l’immunité de l’État, relatant son historique et son évolution. Nous décrivons ensuite les faits de l’affaire, les arguments des parties et la décision de la CIJ. Suit une analyse de l’arrêt en deux temps. En premier lieu, nous faisons valoir que, de lege lata, le jugement de la majorité fondé sur un raisonnement positiviste reflète l’état du droit international coutumier en matière d’immunité de l’État. En deuxième lieu, nous nous demandons s’il ne faudrait pas, de lege ferenda, reconnaitre une exception à l’immunité de l’État pour des violations des normes de jus cogens, lorsqu’il n’y a pas de voies de recours alternatives. Finalement, nous sommes d’avis que l’émergence d’une telle exception parait actuellement peu probable en marge de la pratique des États, et que le jugement de la CIJ pourrait ralentir, voire ossifier, l’évolution du droit en la matière. Avec cette contribution, nous avons voulu rendre hommage au professeur Jacques-Yves Morin, dont les classes nous inspirèrent à poursuivre une carrière académique dévouée au jus inter gentes.
EN :
The article offers a critique of the judgment of the International Court of Justice (ICJ) on the jurisdictional immunity of the State delivered on 3 February 2012. Opposing the Federal Republic of Germany to Italy, the case concerned Germany’s immunity before the Italian courts following the perpetration of grave violations of international humanitarian law by the German Reich against Italian and Greek citizens during World War II. The ICJ decided the case in favour of Germany, the majority of the Court stating that the Republic of Italy had violated its obligation to respect the immunity recognised to Germany under international law. We first introduce the rule of State immunity. We then describe the facts of the case, the arguments of the parties and the Court’s decision. A two-part analysis of the judgment follows: first, de lege lata, we argue that the majority judgment is founded on a positivist approach reflecting the current state of customary international law as concerns state immunity; second, de lege ferenda, we query whether violations of norms of jus cogens should give rise to an exception to State immunity, when no alternative remedies are available to the victims. Finally, we believe that it is unlikely for such an exception to emerge in the foreseeable future in view of current State practice, and that the ICJ judgment could slow down, or even ossify, any evolution of the law on the subject. With this article, we wish to pay tribute to Professor Jacques-Yves Morin, whose classes inspired us to pursue an academic career in international law.
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ACTUALITÉ DU COSMOPOLITISME JURIDIQUE : REVENIR À KANT POUR MIEUX LE DÉPASSER ?
Pierre-Marie Dupuy
p. 313–329
RésuméFR :
Le projet de paix perpétuelle de Kant affirme la nécessité pour la communauté des Etats de se doter d’une constitution. Le droit est ainsi appelé à jouer un rôle fondateur dans le dessin cosmopolitique lui-même, à la fois comme moyen d’intégrer la règle éthique dans la norme juridique et comme finalité, lorsqu’il affirme les droits de l’individu indépendamment de sa nationalité. L’apparition en son sein de normes non plus obligatoires mais impératives (jus cogens) manifeste que la communauté internationale veut affirmer l’adhésion à des valeurs communes, ce concept étant ici à prendre comme une « fiction juridique » ; c’est-à-dire, contrairement au sens commun, comme une technique d’affirmation convenue d’une réalité instituée indépendamment de son effectivité sociale. La promotion du cosmopolitisme ne passe pas forcément par la dimension macro-institutionnelle. On aurait tort de penser que l’apparition de la citoyenneté mondiale passe nécessairement par la création, totalement irréaliste à bref comme à long terme, d’un Etat voire seulement d’un Parlement mondial. En fait, le droit international, dont un fondement concurrent de celui de la souveraineté étatique est, depuis 1945, l’affirmation des libertés fondamentales de la personne, est, malgré ses très nombreuses insuffisances, d’ores et déjà cosmopolitique. Bien qu’il reste d’abord conditionné par l’assentiment des Etats, il s’affirme déjà partiellement, notamment au sein des organes délibérants des grandes organisations intergouvernementales, comme droit de la communauté des peuples. La société civile internationale dans sa dimension associative joue à cet égard un rôle déterminant. C’est donc au modèle fédératif, au sens le plus large du terme, qu’il faut se référer pour « dépasser » Kant en recherchant d’abord dans le caractère démocratique du pouvoir et non plus seulement dans sa forme républicaine la condition première de l’atténuation radicale de la violence à l’échelle internationale.
EN :
Kant’s perpetual peace project asserts the necessity for the community of states to adopt a Constitution. Law is thus destined to play a foundational role within the cosmopolitics design itself, as a mean of integrating ethics within the legal norm, as well as a finality, when the rights of an individual are affirmed independently of his nationality. The emergence of norms which are not only mandatory but rather imperative (jus cogens) within the international community indicates that it wishes to affirm its adherence to common values, the concept being considered as a “legal fiction”, which means, as opposed to common wisdom, an affirmation technique conveying a convened reality instituted independently of its social effectiveness. The promotion of cosmopolitanism isn’t necessary accomplished through a macroinstitutional dimension. It would be false to think that the emergence of global citizenship is necessary related to the creation, absolutely unrealistic for the short and long-term, of a global state or even parliament. In fact, international law, for which a concurring foundation to state sovereignty is, since 1945, the affirmation of fundamental freedoms for the individual, is already cosmopolitic, notwithstanding many shortfalls. Even if still conditional on state assent, it is already partly recognized, notably within deliberative organs of major intergovernmental organizations, as the law of the community of peoples. International civil society, through its associative dimension, plays a determining role in this respect. It is thus through the federative model, in the broadest sense of the term, that we must refer to in order to “surpass” Kant, firstly through investigating, within the democratic dimension of power rather than only its republic form, the prerequisite for the radical attenuation of violence on a global scale.
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L’ÉTAT DE L’UNION EUROPÉENNE
Christian Philip
p. 331–339
RésuméFR :
L’Union européenne est en crise et la menace d’implosion ne peut être une hypothèse à exclure. Les peuples européens n’ont plus confiance en l’Union, incapable à leurs yeux de les protéger face à la crise et de leur proposer un avenir auquel ils puissent croire. La montée des partis populistes et le niveau record d’abstentions aux dernières élections européennes en sont la démonstration. L’Union à vingt-huit États membres est aussi de moins en moins en mesure de décider autrement que sous la forme du plus petit dénominateur commun. Elle est paralysée et impuissante, apparaissant plus comme une technocratie envahissante que comme un lieu d’initiatives. Un sursaut est cependant nécessaire et un scénario existe permettant une relance de l’idée et de la dynamique européennes. Il conviendrait de proposer clairement aux citoyens européens des objectifs concrets autour de quelques grandes priorités comme la recherche, la politique industrielle, l’immigration, la Défense et une politique étrangère commune. Que l’Union réglemente moins en laissant les États mettre en oeuvre la législation européenne et qu’elle se concentre sur les grandes questions où une action commune est indispensable pour défendre les intérêts de l’Europe et lui permettre de compter dans la société mondialisée qui caractérise ce début du XXIe siècle. L’auteur trace les grandes lignes de ce scénario qui pourrait permettre de dessiner le nouveau projet de l’Union européenne seul susceptible d’éviter le risque d’implosion.
EN :
The European Union is going through a crisis, and a possible implosion cannot be excluded. The European people have lost faith in the Union, which is perceived as unable of protecting them against the crisis and of putting forward a vision for the future in which they can believe in. The rising popularity of populist parties and the record number of citizens who chose to abstain from voting in the last European elections demonstrate this phenomenon. The Union, constituted of 28 State members, is also less and less capable of decision-making, otherwise than through the least common denominator process. It is paralysed and powerless, appearing to be more of an invasive technocracy than a source of initiatives. However, a wake-up call is necessary, and a possible scenario that renews the European idea and dynamic exists. Concrete objectives surrounding a number of main priorities need to be proposed to the European citizens, for instance with regards to research, industrial policy, immigration, defence or a common foreign policy. According to this scenario, the Union should regulate less, leaving to the States the task of implementing European legislation, and concentrate on the larger questions for which a concerted action is indispensable in order to defend Europe’s interests and allow it to play an important role in the global society defining the beginning of the 21st century. The author describes the main elements of this scenario, which may very well design the new European Union project capable of avoiding the implosion risk.
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LA NATION QUÉBÉCOISE PEUT-ELLE SE DONNER LA CONSTITUTION DE SON CHOIX ?
Michel Seymour
p. 241–258
RésuméFR :
L’automne 2014 aura été ponctué par une période de ferveur nationaliste. Suite à l’interruption de la violence à Gaza, les débats autour de la création d’un État palestinien sont réapparus. Le référendum écossais et la consultation catalane – ces deux expériences nationalistes étant il est vrai beaucoup moins dramatiques que l’expérience palestinienne – ont aussi marqué l’actualité. L’occasion est donc propice pour faire à nouveau le point concernant le nationalisme québécois. Je me propose dans ce texte de développer une réflexion qui, je l’espère, tient compte de l’actuelle situation historique dans laquelle se trouve le peuple québécois. J’entends développer cette réflexion en trois temps. Premièrement, je voudrai défendre l’idée selon laquelle la souveraineté ne doit pas être comprise comme une fin en soi et qu’elle doit plutôt être comprise comme un moyen d’obtenir la reconnaissance. Parmi l’ensemble des citoyens québécois qui ont plutôt tendance à voter « oui » à un référendum portant sur la souveraineté, plusieurs la conçoivent de cette façon. Cette idée, très simple, a des conséquences importantes concernant la forme que doit prendre le nationalisme québécois. Il faut être ouvert à la possibilité que le Canada lui-même puisse en principe assurer cette reconnaissance. Dans un deuxième temps, je tâcherai d’indiquer la réforme constitutionnelle qui devrait être mise en place au Canada pour que le Québec voie un avantage à demeurer au sein de ce pays. Il faudrait notamment que la loi constitutionnelle canadienne soit amendée pour s’adapter à une constitution interne que le Québec voudrait bien se donner. Enfin, dans une troisième et dernière partie, je m’attarderai justement à décrire en quoi pourrait consister cette constitution québécoise.
EN :
The 2014 Fall season has been punctuated by periods of nationalist fervor. Following the interruption of violence in Gaza, the debates surrounding the creation of a Palestinian state have reappeared. The Scottish referendum and the Catalan consultation – granting that these two nationalist experiences are much less dramatic than the Palestinian experience – have also made the headlines. The time is thus suitable for reflecting once again on Quebec nationalism. In this paper, I intend to develop a reflection which, I hope, captures the present historical situation of the Quebec people. I intend to develop this account in three stages. First, I want to argue that sovereignty should not be understood as an end in itself, but rather as a means to achieve recognition. Among all Quebec citizens who tend to vote “Yes” in a referendum on sovereignty, many see it that way. This simple idea has important consequences for the kind of nationalism that should be promoted in Quebec. We have to be open to the possibility that Canada itself could in principle be willing to secure that recognition. In a second part of this essay, I indicate the constitutional reform that should be put in place if Quebec is to remain part of Canada. This should include an amendment to the Canadian constitution that would accommodate an internal constitution for Quebec. Finally, in the third and final part of this essay, I focus precisely on the nature of the internal Quebec constitution.
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L’ENSEIGNEMENT DES RELIGIONS ET DE L’ÉTHIQUE À L’ÉCOLE PUBLIQUE : LES PRINCIPES DÉGAGÉS PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ET LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES (AFFAIRES FOLGERO, ZENGIN ET LEIRVAG)
José Woehrling
p. 359–384
RésuméFR :
Dans cette contribution, l’auteur examine les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Folgero et Zengin, ainsi que les constatations du Comité des droits de l’homme des Nations unies dans l’affaire Leirvag. Les deux organes étaient amenés à se prononcer sur la compatibilité du cours de culture religieuse et morale respectivement dispensé en Norvège et en Turquie avec le droit des parents d’assurer l’éducation de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. Les principes qui se dégagent des décisions de la Cour européenne et des constatations du Comité des droits de l’homme peuvent se résumer ainsi : (1) Les dispositions en cause de la Convention européenne des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politique n’empêchent pas les États de répandre par l’enseignement ou l’éducation des informations ou connaissances ayant, directement ou non, un caractère religieux ou philosophique. L’État, en s’acquittant des fonctions assumées par lui en matière d’éducation et d’enseignement, doit cependant veiller à ce que les informations ou connaissances figurant au programme soient diffusées de manière objective, critique et pluraliste. (2) L’État peut respecter cette obligation de neutralité et d’objectivité qui s’impose à lui de deux manières : soit en organisant un enseignement en lui-même suffisamment neutre et objectif, auquel cas l’État peut le rendre obligatoire sans possibilité de choix ou d’exemption; soit en prévoyant un système de choix ou d’exemption s’il s’avère que l’enseignement n’atteint pas le degré nécessaire de neutralité et d’objectivité. Après avoir analysé les principes retenus dans ces diverses affaires, l’auteur examine ensuite quels enseignements sont susceptibles d’en être tirés pour ce qui est des critiques dirigées contre le cours d’Éthique et de culture religieuse dispensé au Québec depuis 2008.
EN :
In this article the author examines the decisions of the European Court of Human Rights in the Folgero and Zengin cases, as well as the report of the United Nations Human Rights Committee in the Leirvag case. The Court and the Committee had to assess the compatibility of the ethics and religious culture education course respectively taught in Norway and Turkey with the right of parents to secure the religious and moral education of their children in conformity with their own convictions. The Court and the Committee held the following principles applicable: (1) Public schools may instruct pupils in subjects such as the general history of religions and ethics, and still be in compliance with the European Convention on Human Rights or the International Covenant on Civil and Political Rights, if that education is provided in a neutral and objective way. (2) This duty of neutrality and objectivity can be observed by the State in two ways. Either by assuring that the instruction in ethics and religious culture is of itself sufficiently neutral and objective, in which case there is no obligation to provide for the possibility of choice by parents or exemptions at their request. Or, if the instruction does not attain the necessary degree of neutrality and objectivity, by providing for non-discriminatory exemptions or alternatives that accommodate a parent’s or guardian’s wishes. After reviewing the way these principles have been applied by the Court and the Committee, the author explains how they can be used to assess the critics aimed at the Ethics and Religious Culture course taught in Québec schools since 2008.