Volume 24, numéro 1, 2011
Sommaire (19 articles)
Études : à quoi sert le droit international ?
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LES QUATRE STRATES DU DROIT INTERNATIONAL ANALYSÉES DU POINT DE VUE DES SUBALTERNES
Rémi Bachand
p. 1–44
RésuméFR :
Cet article a comme objectif de mettre en exergue les différentes fonctions que joue le droit international dans la société internationale. Plus précisément, il cherche à en souligner autant les aspects émancipateurs et les potentialités de résistance que ses éléments qui font en sorte qu’il tolère, facilite voire promeut la reproduction des rapports d’exploitation et de domination des groupes subalternes par les groupes dominants à l’intérieur de la société internationale (ce qui inclut bien sûr les espaces nationaux).
Cet article cherche à montrer que le droit international joue quatre fonctions dans les relations internationales que nous appellerons des strates et qui sont la forme juridique; les règles; la justification des actions par les acteurs qui utilisent le droit international comme langue; et le rôle du droit dans l’évolution de la formation idéologique de la société internationale. Il conclut en estimant que même si certaines de ces règles (par exemple les règles de droits humains) peuvent dans certaines circonstances être utilisées à des fins de résistance de manière à faire en sorte que l’exploitation et la domination soient réalisées de manière moins violente et moins brutale, tant que la forme juridique du droit international demeurera la même, celui-ci sera, par nature, biaisé en faveur des dominants.
EN :
The objective of this article is to put in evidence the different functions that international law plays into the international society. More precisely, it seeks to emphasize in as much as its emancipating aspects and the potentiality of resistance than on the elements of it so that it ensures it tolerates, facilitates and even promotes the reproduction of relationships based on the exploitation and domination of subordinate groups by dominant groups within international society (which certainly includes national societies).
This article seeks to point out that international law plays four functions into international relationships that will be referred as “strata” and that are the juridical form; the rules; the justification of actions by the actors who use international law as a language; and the role of law in the evolution of the ideological construction of the international society. It concludes in estimating that even if certain of these rules (for example the rules regarding humans rights) may, under certain circumstances, be used from the purpose of resistance in order to make sure that exploitation and domination be achieved in a less violent and less brutal manner, as long as the juridical form of international law will remain the same, being, by its nature, biased in favour of the dominant ones.
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GLOBALISATION CAPITALISTE, DISCIPLINE NÉOLIBÉRALE ET SOUVERAINETÉ NÉOCONSERVATRICE : RETOUR SUR QUELQUES DISTINCTIONS CONCEPTUELLES
Frédérick Guillaume Dufour et Michel-Philippe Robitaille
p. 45–68
RésuméFR :
Les débats sociologiques traitant de la question de la globalisation ont longtemps dressé le portrait social de l’ère actuelle en contraste avec la conception de la période d’après-Guerre héritée des réalistes. Ils ont ainsi contribué à la perception selon laquelle un âge d’or de l’État-national souverain aurait été supplanté par l’ère de la globalisation. En nous basant sur une évaluation de contributions récentes de différentes théories des relations internationales, nous analyserons la nécessité de nuancer cette perception. Nous nous intéresserons notamment à l’éclairage qu’une sociologie historique des processus capitalistes et des institutions néolibérales peuvent apporter au débat opposant les réalistes aux globalistes. Enfin, nous réévaluerons la transformation des modalités à travers lesquelles s’institutionnalisent la souveraineté et le pouvoir au sein des relations internationales contemporaines en indiquant les limites des approches qui soutiennent que la globalisation aurait complètement mise en péril la capacité des États, et des États-Unis notamment, à exercer leur souveraineté.
EN :
Sociological debates around the question of globalization have for a long time portrayed the present era in contrast with the post-war international order depicted in realist accounts. In so doing they have propagated the common perception of a golden age of the sovereign nation-state taken over by an era of globalization. Analyzing recent contributions from different international relations theories, we assess the need to nuance this linear historical narrative. We focus our attention on the ways in which a historical sociology of capitalist processes and neoliberal institutions can provide the debate between Realists and Globalists with fresh insights. Finally, we will re-evaluate the transformation of the modalities through which sovereignty and power are institutionalized in contemporary international relations by identifying the limits of theories that emphasize the threatening effects of globalization, allegedly jeopardizing states’ (including the United States) capacity to exercise their sovereignty.
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LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE, À LA MERCI DES ENTREPRISES MILITAIRES ET DE SÉCURITÉ PRIVÉES ?
Marie-Ève Lapointe
p. 69–104
RésuméFR :
La multiplication des entreprises militaires et de sécurité privées ainsi que leur implication croissante au sein des conflits armés soulèvent de nombreuses interrogations au-delà de la (complexe) question du statut de ces compagnies au regard du droit international humanitaire. Nous chercherons ici à déterminer l’impact de cette « privatisation de la guerre » sur l’évolution du droit international public et, tout particulièrement, sur le droit international humanitaire. Plus précisément, est-il envisageable que le DIH soit appelé à se conformer graduellement aux exigences d’un marché de la guerre ? À cet égard, nous tenterons de démontrer que la logique commerciale qui prévaut présentement quant à la régulation des entreprises militaires et de sécurité privées s’inscrit dans un parcours historique à l’intérieur duquel les acteurs privés agissant en période de conflits armés se sont vus accorder une légitimité fluctuant au gré des intérêts étatiques. Ce travail sera divisé en trois parties. Nous aborderons tout d’abord la question de la présence d’acteurs « privés » au sein des conflits armés dans une perspective historique, afin de démontrer que la perception de la violence légitime en tant qu’apanage de l’État est une construction récente. En second lieu, nous analyserons les causes sous-jacentes à l’apparition, puis à la multiplication des entreprises militaires et de sécurité privées, pour ensuite voir comment ces dernières s’articulent avec le droit international humanitaire. En dernier lieu, nous proposons une réflexion sur l’impact de la « privatisation de la guerre » sur le droit international public et sur le droit international humanitaire plus particulièrement.
EN :
The multiplication of the private military and security companies as well as their increasing presence in war zones are raising numerous questionings beyond the (complex) subject of the status of these companies within the humanitarian international law. We shall here try to determine the impact of this "privatization of war" on the evolution of the public international law and, quite particularly, on the international humanitarian law. More precisely, can we assume that the international humanitarian law will gradually conform to the requirements of a market of war? In this respect, we shall here try to demonstrate that the commercial logic which presently prevails regarding the regulation of these companies is part of a historic course, inside of which the private actors present in war zones were granted a fluctuating legitimacy. This paper will be divided into three sections. Firstly, we will examine the presence of private actors within armed conflicts in a historical perspective in order to bring to light the relative novelty of the idea of the State’s monopoly on legitimate violence. Secondly, we shall analyze the underlying causes of the appearance and the following multiplication of the private military and security companies, as well as their status within the international humanitarian law. Lastly, we will present a reflection on the impact of the "privatization of war" on the public international law and, more precisely, on the international humanitarian law.
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L’ÉTATISME SPÉCIFIQUE DU DROIT INTERNATIONAL
Frédéric Mégret
p. 105–129
RésuméFR :
Le droit international servirait moins à atteindre les objectifs qu’il se donne explicitement (paix, justice, développement, etc.) qu’à perpétuer une certaine théorie des sujets légitimes des relations internationales, à savoir les Etats. Tout dans le droit international est historiquement secondaire à cet objectif cardinal. En réalité, les évolutions des dernières décennies n’ont que très peu déplacé la centralité juridique (la question sociologique est distincte) des souverains en droit international, malgré les tentatives d’encadrer l’Etat et de redéfinir la souveraineté. Le droit international fait partie intégrante de la construction du monopole de la violence légitime de l’Etat dans l’ordre international; il confère à l’Etat un rôle unique et inégalé dans la gouvernance du droit international; et même ses projets substantifs les plus réformistes semblent réinscrire la centralité de l’Etat à chaque tournant. Il s’agira donc de comprendre en quoi consiste l’étatisme spécifique du droit international, c’est-à-dire un étatisme de reproduction des formes malgré le changement des buts. On conclura avec quelques réflexions sur la difficulté d’une réforme fondamentale d’un système normative dont la vocation principale est la perpétuation d’un certain ordre de puissance.
EN :
This article argues that international law is less about some of the goals it purports to achieve (peace, justice, development, etc) than about perpetuating a certain theory of the legitimate subjects of international relations, namely states. Everything in international law is historically secondary to that cardinal goal. The article suggests that developments in recent decades have in some ways hardly made a dent in the legal (as opposed to sociological) centrality of the state, even as they ambition to restrain it and redefine sovereignty. International law is part and parcel of the construction of the state's monopoly of legitimate violence in the international arena; it grants the state a unique and unrivaled role in the governance of international law; and even its most reformist substantive projects tend to reinscribe the centrality of the state at every turn. The challenge is thus to explain the specificity of international law’s state-centrism, as a mode of reproduction of forms even as the substance of goals changes. The article concludes by offering some thoughts on the difficulty of fundamental reform from within a normative system whose main goal is perpetuation of a certain order of power.
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LA CONCEPTION DE L’ENFANCE EN DROIT INTERNATIONAL. ILLUSTRATION PAR LES ENFANTS TRAVAILLEURS
Camille Seccaud
p. 131–170
RésuméFR :
L’objectif de cet article est d’examiner en quoi le droit international dissémine, promeut et cherche à universaliser une seule conception de l’enfance : une conception occidentale et hégémonique. La problématique du travail des enfants apparaît comme la meilleure illustration pour la remise en cause de cette universalisation, et de la monopolisation des discours sur l’enfance pour les intérêts économiques, politiques et idéologiques des États occidentaux. Ainsi, cette étude se penchera sur la déconstruction des droits de l’enfant, des règles internationales et des discours politiques engagés par les organisations internationales relatifs au travail des enfants. Inspiré par les études pionnières réalisées dans le domaine des sciences humaines et des sciences sociales sur la dénonciation de l’universalisation d’un modèle occidental de l’enfance, cet article entend engager cette même réflexion dans le domaine des sciences juridiques. Cette recherche se conclue par une étude des revendications des mouvements d’enfants travailleurs issus du tiers-monde, revendications fondées sur la langue du droit et qui, nous pousseront à une réflexion sur le droit à la participation des enfants en tant qu’alternative ou espace ouvert de possibilités d’émancipation et de résistance face à la conception occidentale et hégémonique de l’enfance que promeut le droit international.
EN :
The objective of this article is to examine how international law spreads, promotes and seeks to universalize one conception of childhood: a Western and hegemonic conception of childhood. The issue of child labor appears to be the best illustration for a critique of this homogenization and the monopolization of the discourses on children for the economic, political and ideological interests of Western states. Therefore, this study will focus on the deconstruction of the rights of the child, the international norms and political discourses held by international organizations related to child labor. Inspired by the pioneering studies conducted in the field of human and social sciences which denounced the universalization of the Western model of childhood, this article intends to do the same within the field of legal science. This research concludes with a study of the claims of Third World working children movements based on the language of law and will reflect on children’s right to participate as an alternative to the hegemonic Western conception of childhood promoted by international law.
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EMPATHY, HUMANITY AND THE “ARMENIAN QUESTION” IN THE INTERNATIONALIST LEGAL IMAGINATION
Mark Toufayan
p. 171–191
RésuméEN :
While the historiography of the “Armenian Question” has been largely subsumed in scholarly treatments of the “Eastern question”, dynamics between Turkey, the Great Powers and le droit public de l’Europe, and the failure of the League of Nations to safeguard an Armenian national home, narratives of Armenian suffering have been seen neither as integral to the history of Europe, the history of imperialism or even the history of humanitarianism. The chief aim of this article is to unearth instead how a range of interwar legal and diplomatic texts have discursively reproduced the imperial contexts within which Armenian suffering and Armenophile empathy have been framed and deployed in constituting the contradictory logics of solidarity and exclusion inherent in what some scholars have recently called, following Michel Foucault’s work on governmentality, “humanitarian government”. Through two case studies on nineteenth century “humanitarian interventionist narratives” and debates on Armenian nation- and state-building in the League, it is argued that around an imagined “Armenia” was deployed a discourse of humanitarianism through which techniques of governmental power invested and gave legal meaning to suffering and dead Armenian bodies and took charge of their “precarious lives”. Far from displacing distinctions based on race, civilization, nationalism and religion in favour of a moral paradigm of humaneness, however, a sentimentalist discourse of “humanity” permeating the international legal imagination has firmly rested on them, making it possible to group together solidarity with fellow human beings and “an inequality of lives and hierarchies of humanity”, which constitute “an aporia of humanitarian governmentality.”
FR :
Alors que l’historiographie de la « question arménienne » fut largement subsumée dans les traitements universitaires de la « question orientale », les dynamiques entre la Turquie, les grandes puissances et le droit public de l’Europe, et l’échec de la Société des Nations de protéger un foyer national arménien, les récits de la souffrance arménienne n’ont pas été perçus comme partie intégrante à l’histoire de l’Europe, à l’histoire de l’impérialisme ni même à l’histoire de l’humanitarisme. Le but principal de cet article est de faire ressortir comment une multitude de textes légaux et diplomatiques de l’entre-guerre ont discursivement reproduit les contextes impériaux dans lesquelles la souffrance arménienne et la sympathie « arménophile » ont été cadrées et déployées dans la constitution de logiques contradictoires de solidarité et d’exclusion inhérentes à ce que les universitaires ont récemment appelé, suivant le travail de Michel Foucault sur la gouvernementalité, le gouvernement « humanitaire ». Par deux études de cas portant sur des « récits humanitaires interventionnistes » du 19e siècle et des débats sur la construction d’une nation et d’un État arménien, il est soutenu qu’il fut déployé, autour d’une « Arménie » imaginaire, un discours d’humanitarisme par lequel des techniques de pouvoir gouvernemental investirent et donnèrent une signification légale à la souffrance et aux cadavres arméniens et prirent en charge leurs « vies précaires ». Loin de déplacer les distinctions basées sur la race, la civilisation, le nationalisme et la religion en faveur d’un paradigme moral d’humanisme, un discours sentimentaliste d’« humanité » imprégnant l’imagination légale internationale s’est fermement appuyé sur celles-ci, rendant possible le regroupement de solidarité avec d’autres êtres humains et « une inégalité de vies et de hiérarchies de l’humanité », ce qui constitue une « aporie de gouvernementalité humanitaire ».
Études : l’animal souffre-t-il en droit ?
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DOSSIER SPÉCIAL : « L’ANIMAL SOUFFRE-T-IL EN DROIT ? » : discours d’ouverture du Colloque
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LA SOUFFRANCE ANIMALE, FACE MASQUÉE DE LA PROTECTION AUX XIXE-XXE SIÈCLES
Éric Baratay
p. 197–216
RésuméFR :
L’article revient sur deux aspects admis depuis trente ans sur l’histoire de la protection animale en France : le peu d’intérêt pour la souffrance animale elle-même pendant longtemps; une longue focalisation sur des arguments humains, politiques et culturels, avant que le sort des animaux ne prenne assez récemment la première place. Une relecture précise des documents du XIXe siècle montre que l’argument de la souffrance animale est bel et bien présent dès les origines de la protection animale mais qu’il a longtemps une dimension individuelle, non collective, et qu’il est souvent mis en arrière-plan au profit d’arguments plus convenables et plus recevables auprès de l’opinion ou des décideurs politiques. D’autre part, l’importance de la souffrance comme motivation des protecteurs, dès les origines, doit inciter à revoir les analyses à leur égard. Ils ne procèdent pas à de simples projections anthropomorphiques sur des animaux-objets, mais ils sont sensibles aux vécus d’êtres vivants qui sentent, souffrent et réagissent comme les sciences zoologiques le montrent. En croisant histoire, éthologie, sociologie, psychologie, neurobiologie, etc., il faut donner plus de complexité à ces interactions entre des animaux souffrants et des hommes émotionnés, pour mieux les comprendre et mieux appréhender les actions militantes qui en découlent.
EN :
This article comes back on two recognized aspects for thirty years in the history of animal protection in France: the long-dated lack of interest towards animal suffering itself; a lengthy focus on human, political and cultural arguments before the fate of animals recently takes first place. A specific re-reading of 19th century documents shows that the argument of animal suffering was really present since the origins of animal protection, but under a non-collective, individual, approach often put in background to the advantage of more conceivable and more receivable arguments for public opinion and political decision-makers. On the other hand, the importance of sufferance as a motivation of protectors, since its origin, must incite to review the analyses on the subject. They do no not proceed simple anthropomorphic projection on animals as objects, but are sensitive to experiences of living organisms that feel, suffer and react, as zoological sciences showed. Throughout the scope of history, ethnology, sociology, psychology, neurobiology, etc., it is necessary to confer more complexity to these interactions between suffering animals and emotional man to better understand and better seize the activist actions that result from it.
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SENSIBILITÉS À LA SENSIBILITÉ DES ANIMAUX EN FRANCE
Thierry Auffret Van Der Kemp
p. 217–236
RésuméFR :
La diversité des formes de sensibilité chez les animaux et les difficultés méthodologiques pour appréhender l’aptitude des animaux à ressentir la douleur ou à éprouver des émotions fait encore l’objet de débats voire même de dénis chez certains scientifiques. La sensibilité éthique à la sensibilité animale reste encore en France socialement suspecte et dévalorisante, bien que les atteintes à la sensibilité des animaux, notamment domestiques, soient moralement et légalement réprouvées. L’intérêt porté à la sensibilité des animaux par les chercheurs biologistes et les vétérinaires eux-mêmes n’est pas toujours exclusivement guidé par des considérations scientifiques et éthiques. Différents facteurs socio culturels et économiques peuvent interférer avec celles-ci.
L’influence de ces mêmes facteurs est très notable sur la prise en compte effective par les politiques et les juristes du ressenti de la douleur et de la souffrance par les animaux, même lorsque ces formes de sensibilité biologique sont scientifiquement et juridiquement reconnues pour de nombreuses classes zoologiques. Le code rural, le code pénal et différentes réglementations françaises et communautaires européennes protègent le bien-être des animaux d’espèces domestiques ou sauvages détenus en captivité dans les différentes activités humaines où ces animaux sont utilisés, avec l’exigence de leur épargner toute excitation stressante, douleur, souffrance ou angoisse évitables. Cependant de nombreuses pratiques douloureuses ou génératrices d’émotions négatives pour les animaux sont encore réglementairement admises de manière dérogatoire pour des motifs économiques, culturels, religieux ou scientifiques. De plus, la sévérité des sanctions appliquées par les tribunaux, en cas d’infraction, varie beaucoup en fonction à la fois des juges et des espèces animales selon leur degré de proximité avec l’homme. Quant aux animaux sauvages vivant à l’état de liberté, leur sensibilité n’étant pas juridiquement reconnue, ils ne bénéficient individuellement d’aucune mesure de protection, sauf s’ils appartiennent à une espèce menacée de disparition.
EN :
The diversity of forms of animal sensitivity and the methodological difficulties to seize the aptitude of animals to feel grief or to experience emotions is still the subject of debates, and is even denied by certain scientists. The ethical sensitiveness to animal sensitivity in France still remains socially suspect and demeaning, although infringements of animal sensitivity, especially domestic ones, are morally and legally disapproved. The interest towards animal sensitivity by researchers such as biologists and veterinaries themselves is not always guided exclusively by scientific and ethical considerations. Different sociocultural and economical factors can interfere with these.
The influence of these same factors is very notable on the actual taking into account by policies and jurists of the feeling of animal pain and suffering even when these forms of biological sensitivity are scientifically and legally recognized in several zoological categories. The Rural Code, the Penal Code and different French and European community regulations protect the well-being of domestics or wild species detained in captivity in the different human activities for which these animals are used, with the requirement of sparing them from any stressful stimulus, pain, sufferance or avoidable anguishes. However, numerous painful or negative emotions generating practices for animals are still statutorily allowed on an exceptional basis for economic, cultural, religious and scientific motives. Moreover, the severity of applied sanctions by courts in case of offence greatly varies according to both the judge himself and the kind of animals involved depending on their degree of closeness to man. As for free wild animals, their sensitivity being not legally recognized, they do not benefit from any individual measure of protection, except if they belong to an endangered species.
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A REGULATED REGARD: COMPARING THE GOVERNANCE OF ANIMAL AND HUMAN EXPERIMENTATION
Vaughan Black
p. 237–248
RésuméEN :
Discussion about animal welfare often give rise to observations to the effect that animals are treated differently than humans. Typically these remarks take the form of noting that animals are treated worse than humans are and moreover that law and other regulatory mechanisms permit and facilitate this. In the context of research, however, one sometimes encounters assertions that animals are treated better than humans are and that regimes for the regulation and oversight of such research reinforce this. This paper looks at several examples of the latter form of assertion. It finds them grossly false and goes on to explore why such farcically inaccurate statements continue to proliferate.
FR :
La discussion à propos du bien-être animal donne souvent lieu à des observations à l’effet que les animaux soient traités différemment des êtres humains. Typiquement, ces remarques prennent la forme d’allusions au fait que les animaux soient moins bien traités que les êtres humains et que la loi et les autres mécanismes régulateurs le permettent et le facilitent. Cependant, dans un contexte de recherche, on rencontre parfois des affirmations selon lesquelles les animaux seraient mieux traités que les êtres humains alors que les régimes de régulation et de surveillance de ces recherches renforcent ces conclusions. Cet article se penche sur plusieurs exemples de ce dernier type d’affirmation. L’auteur conclut que celles-ci sont grossièrement fausses et explore les raisons pour lesquelles un tel type de déclarations grotesquement inexactes continuent de proliférer.
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LES GRANDES ÉVOLUTIONS DU RÉGIME JURIDIQUE DE L’ANIMAL EN EUROPE : CONSTITUTIONNALISATION ET DÉRÉIFICATION
Olivier Le Bot
p. 249–257
RésuméFR :
Deux grandes évolutions se dessinent depuis plusieurs années dans les ordres nationaux européens concernant le droit animalier. La première correspond à l’élévation normative du niveau de protection : aux garanties législatives, réglementaires et internationales, viennent s’ajouter des prescriptions de valeur constitutionnelle. La seconde évolution consiste en un changement de qualification de l’animal : celui-ci n’est plus considéré comme un bien mais comme un être. Envisagées séparément, ces deux évolutions présentent une ampleur limitée sur les droits nationaux. Une rupture ne serait de nature à intervenir que si les deux phénomènes étaient liés, à travers une consécration constitutionnelle du statut d’être vivant et sensible de l’animal.
EN :
Two major evolutions have been emerging for many years in European national orders concerning animal law. The first corresponds to the normative elevation of protection: at the level of legislative guarantees, regulatory and international, to which prescriptions of constitutional value are added. The second evolution consists of a change in the qualification of the animal: he is no longer considered as a good but as a being. Separately considered, these two evolutions present a limited magnitude on national law. A rupture would not be such as to intervene except if both phenomena were linked, through a constitutional consecration of the animal’s status as a living and sensible being.
Études
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LE RÉGIME DE RÉPARATION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : ANALYSE DU MÉCANISME EN FAVEUR DES VICTIMES
Edith-Farah Elassal
p. 259–308
RésuméFR :
Cette étude propose une réflexion sur le mécanisme de réparation prévu par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Dix ans après sa création, la Cour a rendu son premier jugement dans l’affaire Lubanga. En mars 2012, la Chambre de première instance a déclaré l’accusé coupable de crimes de guerre. Elle a invité les parties et les participants à soumettre leurs observations sur les principes qu’elle devrait appliquer pour fixer la réparation et sur la procédure à suivre. La phase des réparations est imminente. À la lumière des expériences des instances ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et à celle des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, l’auteure situe la place des victimes dans le procès pénal international (I). Elle analyse des notions complexes du droit substantiel du Statut de Rome, notamment celles des bénéficiaires et des débiteurs de la réparation, des principes applicables, des formes de réparation admises et du caractère individuel et/ou collectif de l’ordonnance de réparation (II). Elle procède ensuite à l’examen des questions liées à la procédure et à l’administration de la preuve (III). L’auteure conclut son étude en abordant les enjeux de la mise en oeuvre de la réparation et le rôle important que le Fonds au profit des victimes pourrait jouer à cette étape décisive (IV).
EN :
This study proposes a reflection on the mechanism of reparation provided by the Rome Statute of the International Criminal Court. Ten years after its creation, the Court has rendered its first judgment in the Lubanga case. In March 2012, the Trial Chamber has found the accused guilty of war crimes. It invited the parties and the participants to submit their submissions on the principles that the Court should apply in determining the reparation and the procedure to follow. The reparations phase is imminent. In light of past ad hoc trial experiences for former Yugoslavia, Rwanda, and the Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia, the author frames the role of victims in the international criminal trial (I). She analyzes the complex notions of the Rome Statute’s substantive law, especially ones related to the beneficiaries and the debtors of the reparations, applicable principles, accepted forms of reparation and the individual and/or collective character of the reparation order (II). She then proceeds with the examination of questions linked to the procedure and management of evidence (III). The author concludes her study by tackling the stakes of implementing reparations and the important role that the Trust Fund for Victims could play at this decisive stage (IV).
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LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE – ÉVOLUTION DES PROTECTIONS ET DES OBLIGATIONS DES SOCIÉTÉS MINIÈRES CANADIENNES DANS LES AMÉRIQUES
Jean-Michel Marcoux
p. 309–347
RésuméFR :
Les récentes innovations juridiques au sein du régime des investissements étrangers dans les Amériques reflètent le dynamisme des règles applicables aux investisseurs et aux investissements étrangers. En considérant plus spécifiquement les sociétés minières canadiennes, l’analyse qui est ici présentée démontre que les initiatives qui ont été mises en oeuvre par les États ne permettent pas de pallier le déséquilibre juridique des accords internationaux d’investissement. En effet, malgré les innovations, celles-ci se traduisent par une conservation des protections juridiques fondamentales des investissements étrangers directs sans que les activités de ces entreprises ne soient encadrées par des obligations juridiquement contraignantes.
EN :
Recent legal innovations in the foreign investment regime in the Americas reflect the dynamism of the rules for investors and foreign investments. Considering more specifically Canadian mining companies, the following analysis shows that the initiatives that have been implemented by states do not relieve the legal imbalance of international investment agreements. In fact, these innovations maintain the fundamental legal protections for foreign direct investments without balancing them with legally binding obligations.
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DIXIÈME ANNIVERSAIRE DES ATTAQUES DU 11 SEPTEMBRE 2001 : BILAN DE LA GESTION DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME PAR LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES
James Mouangue Kobila
p. 349–405
RésuméFR :
Cet article se saisit du problème de la gestion sur la durée de la menace terroriste par un organe dédié aux mesures ponctuelles aux fins du maintien et du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. L’auteur y évalue la gestion de la lutte contre le terrorisme par le Conseil de sécurité à l’occasion du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Sous l’angle du droit international et, plus spécifiquement, du droit institutionnel des Nations Unies, le bilan de la lutte antiterroriste menée par le Conseil de sécurité est très riche. Aussi bien en raison du foisonnement des organes mis en place et de leur restructuration incessante que de la définition recommencée de leurs missions et du passage d’une approche criminologique à une approche sociologique. Le but étant de corriger les mesures initiales et de les adapter à l’évolution du terrorisme international. Cette activité débordante ne permet cependant pas encore de conformer complètement les mesures du Conseil au droit international – les mesures adoptées à ce titre étant à certains égards plus symboliques que réelles – ni de conduire la lutte antiterroriste du Conseil dans un cadre institutionnel parfaitement coordonné. Ces limites empêchent le Conseil d’atteindre son efficacité optimale dans cette lutte. Mais si l’unification des structures de la lutte antiterroriste du Conseil est clairement envisageable, la question de la compatibilité entre cette lutte et le respect du droit international demeure, du fait du pragmatisme qui caractérise la lutte antiterroriste menée par le Conseil.
EN :
This article addresses the problem of management of terrorist threat by a department dedicated to one-off measures in the aims of peacekeeping, peacemaking and international security. The author evaluates the management of actions against terrorism by the Security Council on the occasion of the tenth anniversary of the 9/11 attacks. Under the angle of international law, and more specifically, of the United Nations institutional law, the assessment of the initiatives against terrorism led by the Security Council is very rich. Both because of the abundance of organizational bodies put in place and their incessant restructuration as well as the repeated redefinition of their missions and their passage from a criminological approach to a sociological one. The goal being to correct initial measures and adapt them to the evolution of international terrorism. Nevertheless, this overwhelming activity does not permit the complete confirming of the Council’s measures to international law – measures being adopted as such being in some ways more symbolical than real – nor the leading of the Council’s struggle against terrorism in an perfectly coordinated institutional framework. These limits prevent the Council from reaching its optimal efficiency in this struggle. But if the unification of the Council’s antiterrorist initiatives structures is clearly possible, the question of the compatibility between these initiatives and the compliance to international law remains, because of the pragmatism that characterises the antiterrorist initiatives led by the Council.
Notes et commentaires
Recensions
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SAMANTHA BESSON ET JOHN TASIOULAS, THE PHILOSOPHY OF INTERNATIONAL LAW, OXFORD UNIVERSITY PRESS, 2010
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MAGALI MAYSTRE, LES ENFANTS SOLDATS EN DROIT INTERNATIONAL ; PROBLÉMATIQUES CONTEMPORAINES AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DROIT INTERNATIONAL PÉNAL, PARIS, PEDONE, COLL. PERSPECTIVES INTERNATIONALES N°30
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STRIMELLE, VÉRONIQUE ET FRANÇOISE VANHAMME, DIR. DROITS ET VOIX – RIGHTS AND VOICE. LA CRIMINOLOGIE À L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA – CRIMINOLOGY AT THE UNIVERSITY OF OTTAWA, OTTAWA, PRESSES DE L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA, 2010
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SAYEMAN BULA-BULA, DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE, LOUVAIN–LA NEUVE, ACADEMIA-BRUYLANT, 2010