Résumés
Mots-clés :
- analyse,
- Sylveline Bourion,
- langage musical,
- méthodes,
- plan et style de livre
Keywords:
- analysis,
- book plan and style,
- Sylveline Bourion,
- methods,
- musical language
Les livres dont l’objectif est de fournir les outils permettant d’entrer dans l’analyse des oeuvres tonales ne manquent pas. Parmi les plus remarquables et les plus récents, je citerai ceux de Claude Abromont et Eugène de Montalembert qui portent sur les formes et les genres (2010), où les concepts utilisés sont présentés le plus souvent par ordre alphabétique, ou qui abordent la théorie musicale du point de vue de l’enchaînement historique (2001). D’autres auteurs – Jean- Philippe Rameau, Vincent d’Indy, Rudolph Réti, Heinrich Schenker, Paul Hindemith, Leonard B. Meyer, Eugene Narmour, Fred Lerdahl et Ray Jackendoff – se donnent pour objectif d’exposer les tenants et aboutissants d’une méthodologie particulière, fondée sur une conception spécifique des oeuvres tonales. La stratégie de l’ouvrage de Sylveline Bourion, Analyser le langage tonal, est toute différente. Elle n’en est pas moins admirable, je l’affirme d’emblée. C’est une sorte de boîte à outils dont la succession aborde les éléments fondamentaux de l’édifice musical, du plus étroit au plus large : d’abord la note, l’accord, la cadence et les ornementations ; puis les formules harmoniques qui les organisent, la marche harmonique, la modulation, la phrase et ses éléments constitutifs ; pour déboucher sur les petites et les grandes formes architecturales des oeuvres : la ritournelle, le rondo, les divers types de contrepoint et en particulier la fugue, et finalement, la sonatine et la sonate. Le coup de maître, ici, c’est que chaque nouveau concept proposé pour l’analyse intègre dans l’exposé de son contenu ceux qui ont été précédemment introduits et définis, si bien que ce qui est offert au lectorat, c’est une hiérarchie cumulative et combinatoire des éléments constitutifs du langage tonal. Pour illustrer cette progression, l’autrice ne suit pas leur succession dans le temps – ce qui ne l’empêche pas ici et là de replacer telle forme ou tel genre à un moment précis de l’histoire –, mais de Bach à Debussy, elle cite 384 exemples musicaux empruntés à 25 compositeurs, et tout particulièrement à Bach (31 oeuvres), Beethoven (16), Corelli (8), Haydn (10), Mozart (23) et Schumann (12). Beaucoup lui ont sans doute été fortement suggérés non par la littérature musicologique (cf. p. 10), mais par Luce Beaudet, longtemps professeure d’harmonie à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, qui fait ici l’objet d’un hommage appuyé (dédicace et p. 17) et dont l’enseignement se basait sur la conception de la tonalité mise de l’avant par Richard F. Goldman dans Harmony in Western Music (1965) et fondée sur le cycle des quintes (p. 11, note 4). Pas étonnant que ce livre bénéficie de l’expérience pédagogique accumulée à la Faculté depuis septembre 1974. Chaque chapitre se termine par une suggestion d’exercices pratiques dont l’autrice fournit in fine 14 corrigés (annoncés p. 39). La deuxième particularité du livre, c’est que son objectif n’est pas de présenter les différents modèles qu’offre la théorie musicale pour rendre compte du fonctionnement des oeuvres, mais de retenir les concepts fondamentaux qui permettent d’expliquer, de l’accord à la grande forme et dans cet ordre, le fonctionnement des éléments constitutifs du langage tonal. C’est ainsi que dans le livre et dans la courte bibliographie sélective de 28 musicologues (p. 539-540) et de 36 livres et articles, on ne trouve pas les noms de théoriciens fréquemment cités dans la littérature musicologique, comme Schenker et Lerdahl-Jackendoff, mais ceux de Nicolas Ruwet (1972), à l’origine du concept d’explicitation, et de Jean Molino (2009), promoteur de l’idée de mise en série (p. 11, note 2, et p. 254), présentés comme les deux plus grands principes à la base du livre (p. 11). On peut leur ajouter le …
Parties annexes
Bibliographie
- Abromont, Claude, et Eugène de Montalembert (2001), Guide de la théorie de la musique, avec la collaboration de Philippe Fourquet, Emmanuel Oriol et Brice Pauset, Paris, Fayard/Henry Lemoine.
- Bourion, Sylveline (2022), La voie romaine, Montréal, Boréal.
- Caplin, William E. (2013), Analysing Classical Form. An Approach for the Classroom, New York, Oxford University Press.
- De Montalembert, Eugène, et Claude Abromont (2010), Guide des genres de la musique occidentale, Paris, Fayard/Henry Lemoine.
- Goldman, Richard F. (1965), Harmony in Western Music, New York, Norton & Company.
- Meyer, Leonard B. (1973), Explaining Music. Essays and Explorations, Berkeley/Los Angeles, University of California Press.
- Molino, Jean (2009), Le singe musicien. Essais de sémiologie et d’anthropologie de la musique, Arles, Actes Sud/ina.
- Nattiez, Jean-Jacques (2013), Analyses et interprétations de la musique. La mélodie du berger dans le Tristan et Isolde de Richard Wagner, Paris, Vrin.
- Rosen, Charles (1978), Le style classique. Haydn Mozart Beethoven, trad. Marc Vignal, Paris, Gallimard.
- Ruwet, Nicolas (1972), Langage, musique, poésie, Paris, éd. du Seuil.