Résumés
Mots-clés :
- interdisciplinarité,
- Sergio Leone,
- Ennio Morricone,
- musique à l’image,
- western spaghetti
Keywords:
- interdisciplinarity,
- Sergio Leone,
- Ennio Morricone,
- music for film,
- Spaghetti Western
Corps de l’article
Au cours de mon dernier voyage en Europe, un élément surprenant s’est immiscé dans mon horizon littéraire : un ouvrage collectif de 2022 intitulé Ennio Morricone.Et pour quelques notes de plus… et produit sous la direction de Chloé Huvet, maîtresse de conférences à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne – Paris Saclay. Ce livre, en partie issu d’un colloque organisé en 2021 dans la même université, s’est frayé un chemin au coeur de mon été, se distinguant parmi des ouvrages plus généralistes tels que Ennio Morricone. Entre émotion et raison[1], Ennio Morricone ou le poison d’une oeuvre[2], ou encore Ennio Morricone. Perspective d’une oeuvre[3]. Se décrivant comme « le premier ouvrage scientifique français » dédié au compositeur italien, ce nouveau volume aspire à étudier et honorer l’une des personnalités musicales les plus renommées et productives de l’histoire du septième art. À cet effet, il ambitionne de poser de nouveaux jalons dans la connaissance de l’oeuvre de Morricone, ainsi que de rendre hommage à ce dernier, en remplissant trois objectifs :
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Explorer l’ensemble généreusement varié de sa production musicale ;
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Fournir une vision large et transversale afin d’en saisir ses multiples facettes ;
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Analyser de près l’écriture singulière du compositeur et retracer l’évolution de sa signature musicale en six décennies.
Cet écrit non chronologique s’organise en trois parties, reléguant le début de la carrière de Morricone avec Sergio Leone à la fin du volume, plus précisément après l’étude de ses créations destinées à d’autres genres cinématographiques. Le livre, de type pluridisciplinaire, rassemble 12 chercheurs[4] en musicologie, en études cinématographiques, et des compositeurs pour l’image, tous présentés dans l’efficiente introduction rédigée par Huvet. À la suite d’un court rappel du parcours de Morricone et de son style, celle-ci résume chacune des contributions et expose leurs intentions quant à l’objectif d’appréhender le travail du maestro dans le contexte du film, ainsi que d’étudier ses pièces de concert pour mieux cerner les spécificités, mais également les paradoxes, de son travail. Pour éviter toute répétition, je choisis une approche plus libre qui synthétise ce qui m’a semblé innovant, marquant et éducatif dans chaque apport.
La première partie, « Au coeur des expérimentations Morriconiennes » (p. 25-95), comporte quatre chapitres se concentrant sur le style du compositeur italien, notamment dans le western, ainsi que sur son évolution entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. Le professeur Roberto Calabretto débute ses explications en exposant dans le premier chapitre (« Ennio Morricone, entre musique absolue et cinéma », p. 25-45) certaines techniques et autres procédés d’écriture du compositeur italien, comme ses « partitions modulaires » (p. 32) développées grâce au synthétiseur synket inventé par l’ingénieur Paolo Ketoff et découvert dans le cadre des activités du groupe d’avant-garde Gruppo di Improvvisazione di Nuova Consonanza dont le maestro était un membre fondateur en 1964. Il y cite également « l’immobilité dynamique » (p. 38), technique engendrée par le processus de simplification harmonique présent dans ses oeuvres, dont la description fait grandement écho à l’écriture statique du compositeur français Claude Debussy. Calabretto mentionne aussi les inspirations du maestro qui, se sentant appartenir à une génération post-weberienne, composait en fixant des paramètres précis tels que les hauteurs, les valeurs, les pauses, le timbre, le rythme qu’il traitait de façon rigoureuse à l’instar de la précision de la musique de la seconde école de Vienne. Le compositeur américain John Cage le poussera à considérer que le hasard soit possible en musique. Luigi Nono, son confrère de l’avant-garde italienne, le conduira à trouver un dénouement à la dualité existante entre la rigueur formelle et l’expression sensible par l’absolutisation du timbre. Ces rencontres et son travail avec Nuova Consonanza permettront à Morricone d’approfondir la recherche du timbre de son écriture, et de créer l’emblématique leitmotiv timbral du western spaghetti.
Dans le deuxième chapitre (« Émergence et affirmation d’une esthétique morriconienne du polar dans les films d’Henri Verneuil (1968-1979) », p. 47-71), le chercheur Jérôme Rossi analyse les codes morriconiens du western, puis remarque l’évolution et l’émancipation graduelle qui s’opèrent dans le style du maestro, notamment au travers de sa collaboration avec Henri Verneuil sous le sigle du polar. La présence de nombreux thèmes, l’utilisation de la modalité (particulièrement du mode dorien), l’intervalle mélodique de quinte pour évoquer les plaines américaines, ainsi que le timbre unique grâce à une instrumentation insolite (ocarinas, onomatopées vocales, guitare électrique, sifflet et guimbarde) sont des caractéristiques typiques de l’esthétique western de Morricone. Celui-ci va délaisser peu à peu cette identité musicale au profit d’un éloignement de l’univers tonal, par exemple dans l’oeuvre Le casse (Henri Verneuil, 1971), dont la bande sonore comporte une série dodécaphonique.Se distanciant également de l’approche mélodique, Rossi dénote l’intégration grandissante de langages dissonants, voire atonaux, avec des procédés comme le bruitisme mis sur le devant de la scène. Le compositeur italien conserve cependant, au travers de ces techniques, deux notions fondamentales dans son travail : le sens ou la signification, ainsi que les métaphores musicales en lien avec l’image.
Comme le relève Huvet dans le chapitre suivant (« Le crime était presque parfait. Musique et psychoses meurtrières dans la trilogie animale de Dario Argento », p. 73-94), la plupart de ces paramètres se retrouvent exponentiellement dans les collaborations suivantes du compositeur italien auprès de multiples réalisateurs de gialli[5], avant tout Dario Argento dont les oeuvres contenaient une contiguïté établie entre musique et violence. En plus de la dissonance, Morricone met un pied dans le registre de l’horreur au travers d’une impression de superposition de plans sonores, produite par l’hétérogénéité des timbres, des textures multiples et des lignes instrumentales individuelles. L’autrice relève également l’intégration de ses « partitions multiples » (ou « partitions modulaires[6] »), ainsi que la préférence de timbres métalliques, froids et cristallins qui contrastent avec le reste de l’accompagnement. Toujours en symbiose avec l’image, une notion de pulsation, de rythme, est régulièrement centrale dans les oeuvres cinématographiques de Argento qu’il incorpore dans le montage, et que Morricone retranscrit en musique.
Dans le chapitre 4 (« Grooves et grincements. Le giallo selon Morricone », p. 95-115), l’historien du cinéma Laurent Guido analyse plus en détail le lien de la musique de Morricone avec l’image des gialli. Il y explique notamment que le principe de répétition, fort inhérent au style du giallo et présent dans celui-ci sous la forme d’ostinati mineurs interprétés par des métallophones, prépare quasi physiologiquement l’auditoire à la découverte d’un univers incertain. L’utilisation croissante de la dissonance ainsi que les nombreuses expérimentations complexes permises par le contexte des gialli se révèlent cependant pénibles pour le public. Après une période de réflexion, Morricone opte pour la cessation de cette approche compositionnelle, craignant qu’une persistance dans cette voie ne compromette sa sollicitation par les cinéastes et ne l’oblige à renoncer à sa carrière.
La transition avec la deuxième partie du livre (« Morricone et les musiques populaires. Une palette aux multiples nuances », p. 119-157) est brillamment menée par la doctorante Ondine Razafimbelo en conservant la thématique de l’évolution musicale du compositeur italien dans le chapitre intitulé « Le langage des musiques populaires brésiliennes chez Ennio Morricone. Couleur locale, portraits de femmes et masculinités subversives, du Carnaval des truands à La Cage aux folles » (p. 119-142). L’autrice va s’observer par l’intégration de pièces populaires brésiliennes dans son travail entre 1960 et 1970, en particulier dans le maniement des timbres et des rythmes originaires de ce pays. L’utilisation de formations instrumentales traditionnelles, de choeurs chantés en portugais brésilien, l’écriture proche de véritables sambas permettaient tout d’abord, dans les productions des années 1960, de fournir à l’auditeur un repère musical géographique, un marqueur temporel. Razafimbelo démontre que les compositeurs d’Italie tels que Berto Pisano, Piero Piccioni, Armando Trovaioli et bien sûr Morricone, pousseront ce concept plus loin afin de figurer la sensualité féminine, un symbolisme sous-jacent aux nombreux films d’espionnage notamment, par le biais de styles comme le jazz, la musique afro-cubaine et avant tout la musique brésilienne. Le compositeur italien va s’approprier cette approche en attachant également ces couleurs aux aventures de personnages homosexuels masculins, entrant de la même façon en résonance avec les problématiques progressistes associées aux musiques populaires du Brésil dans les années 1970 à 1980.
Dans son chapitre « Remarques sur la Musique pour l’image et l’imaginaire de Ennio Morricone et Bruno Nicolai » (p. 143-156), le musicologue Franco Sciannameo retrace l’évolution et la diffusion de la « musique d’illustration[7] », un phénomène commercial global ayant dominé le marché musical mondial de 1950 à 1980. Cette tendance a engendré une variété de compositions musicales, toutes catégories confondues, visant à répondre à diverses fonctions selon les préférences des acheteurs, auditeurs et consommateurs. En 1972, la société rca Italiana mandate Morricone et le compositeur italien Bruno Nicolai pour créer 103 pièces ou fragments de musiques électroniques et électroacoustiques, contribuant ainsi à l’ensemble musical déjà riche de la maison de disques italo-américaine. L’auteur analyse l’efficacité pratique des choix de titres tels que Correlativo, Cromosfera, Epiciclo, Magma et Scissione Tangente, empruntés au domaine scientifique par les deux musiciens pour exprimer leur processus de composition et retirer toute connotation possible à leurs oeuvres.
Dans le septième chapitre (« Morricone ou la fabrique artisanale des tubes entre inspiration et techniques savantes », p. 157-170), le directeur de recherche au cnrs Moreno Andreatta explore la dette de Morricone envers la musique savante dans la création et l’arrangement de chansons de variété (« canzonette ») entre 1960 et 1970, qu’il s’appropriera par le biais de l’expérimentation. Le compositeur italien trouvera un équilibre entre la genèse codifiée de la forme chanson et l’indépendance que celle-ci autorise du côté de l’orchestration afin de concevoir de véritables tubes. Les libertés qu’il prit s’observent en outre par l’intégration de musiques concrètes, une orchestration poussée, l’usage du contrepoint en canon, des citations classiques, l’utilisation du processus de « suspension harmonique », des accords dissonants et même la superposition de plusieurs pistes à différentes vitesses. Les chansons, qu’il composait ou arrangeait, conservaient leurs mélodies autour desquelles il pouvait ensuite agrémenter comme il le voulait. Pourtant, le chapitre nous révèle que contrairement à ses travaux sur les gialli[8], le public appréciait énormément ses chansons de variété telles que « Sapore di sale » (1963), « O sole mio » (1963) ou encore « Se telefonando » (1966) (p 162-165).
La troisième partie, « Le western et ses anamorphoses audiovisuelles » (p. 173-257), aborde plus nettement le travail de Morricone sur ce genre musical, son ampleur et son héritage. On y explore notamment avec précision l’importance des éléments thématiques pour le compositeur italien, débutant par le chapitre du musicologue Philippe Gonin (« Construire des archétypes sonores par le timbre et le bruit. Ennio Morricone et le western italien », p. 173-189). Ce dernier étudie la construction de l’archétype sonore du western morriconien, soulignant que ce genre s’érige dans la rencontre de différents horizons, entre musiques pop et de variété, bruitiste ou savante. De la même manière et d’usages généraux, c’est la combinaison des mélodies, de l’harmonie, et du timbre spécifiquement, qui crée l’originalité. Pour ce faire, le chercheur dénote, explique les origines et les effets dans les films de différents timbres comme la guitare électrique, la voix, les flûtes et sifflements, le carillon. Cette démonstration implique la rhétorique suivante : c’est au milieu de ce timbre forgé par Morricone que s’est construite l’emblématique identité archétypique de la musique de western, mais plus encore, au travers de sa collaboration avec Leone. Le réalisateur traitait notamment l’art musical avec la même importance qu’un dialogue, ouvrant la voie aux émotions et surtout à la psychologie de ses personnages. Morricone entendait de la même façon leur synergie, en soutenant que les deux seules façons de concevoir un film étaient par la vue et l’ouïe, soit à 50 % chacun.
Comme le révèle le maître de conférences Gérard Dastugue dans le huitième chapitre (« Ennio Morricone et Sergio Leone. Une écriture musicale du temps », p. 191-209), c’est bien par le leitmotiv que Morricone va opérer dans le temps, permettant de lier ou non les personnages, de démontrer leur évolution ainsi que de bâtir des métaphores musicales en lien avec le scénario. Les thèmes ici sont d’une utilité vitale pour la narration de l’histoire, offrant non seulement d’ancrer celle-ci musicalement, mais également de transmettre la psychologie des protagonistes par la symbolique de ces thèmes, faisant de Morricone un coréalisateur, ou plutôt un « compo auteur[9] ». Morricone et Leone travaillent en combinaison afin que la bande sonore fasse abstraction du temps réellement vécu, telle une suspension consentie de l’incrédulité que l’on retrouve dans Il était une fois dans l’Ouest (1968), où le récit débute en réalité au bout de 43 minutes de film dans lequel on retrouve des personnages (Harmonica et Frank) qui sont musicalement reliés dans l’espace-temps par un instrument de musique. Plus encore, les nombreux points de synchronisation présents entre musique et changements de plans accentuent la tension grandissante lors des scènes de duel.
Selon ce que développe le compositeur Julien Bellanger dans son chapitre « The Thing (1982). Une musique hybride, un matériau thématique commun » (p. 211-232), c’est cette même notion de thème qui va permettre d’obtenir l’unité de la musique du film The Thing, partagée entre les compositions orchestrale et électronique de Morricone et du réalisateur John Carpenter lui-même. Les pièces hybrides de la bande sonore de l’oeuvre de science-fiction horrifique, remplies de métaphores musicales, s’unissent donc sous un thème principal (« Main Theme »). Deux timbres se complètent dans l’oeuvre : l’utilisation de l’électronique pour la Chose, représentant le côté extra-terrestre et inhumain de celle-ci, et, semblable à un changement de point de vue, l’orchestre pour illustrer la condition des humains. Les différentes réitérations du « Main Theme – Désolation » offrent dans un premier temps de dresser le décor puis de relier celui-ci à la Chose. L’inoculation constante de ce thème permet de créer l’équivalent d’un « fusil de Tchekov » en nous présentant la question de l’achèvement du récit posée en fin ouverte par la mise en scène : l’un des deux survivants est-il la Chose ? Le son et la musique servent ici à narrer le récit en soutenant la structure du film par la répétition, suscitant dès lors un affect psychologique fort sur le spectateur. Morricone devient alors une nouvelle fois coréalisateur, dans l’oeuvre de Carpenter.
Le chapitre suivant (« Focale sur le duo Morricone/Tarantino. Le huis clos musical des Huit Salopards, entre western et thriller psychologique », p. 233-256) analyse, sous la plume de la maîtresse de conférences Cécile Carayol, la collaboration entre Morricone et Quentin Tarantino pour le huis clos The Hateful Eight (2015), dont le visuel cherchera à engendrer un sentiment de claustrophobie. La bande sonore s’efforcera de produire la même sensation en restreignant l’ambitus des trois thèmes principaux, entre do-mi bémol-si, partageant l’utilisation de l’intervalle de quarte diminuée. Cet intervalle, mi bémol-si, est déployé pour engager le thème de la diligence et celui de la menace. À l’inverse, c’est ce même intervalle qui délimite le thème de l’oppression comme un étau qui se resserre. La métaphore musicale est accentuée par la manipulation d’un motif de quatre notes (do3-mi3 bémol-si2-ré3), auxquelles s’ajoutent quatre autres (do3-si2-ré3-la2), correspondant aux quatre passagers de la première diligence, puis aux quatre autres de la seconde – en bref, les huit salopards. Les trois thèmes principaux vont, au cours du film, s’entremêler ou se désolidariser en fonction de l’association ou de la division des clans, narrant musicalement le récit à l’instar des habitudes de Morricone qui va même jusqu’à exprimer le style western noir dans ses pièces.
Le maître de conférences Tim Summers, dans le dernier chapitre (« L’ésthétique morriconienne dans le jeu vidéo. Adaptation et réinvention musicale dans Red Dead Revolver et Red Dead Redemption », p. 257-284), explore l’héritage laissé par le compositeur italien en analysant son style dans le médium du jeu vidéo, particulièrement des opus de Rockstar Games, Red Dead Revolver (2004) et Red Dead Redemption (2010). Les westerns spaghetti et le monde du jeu vidéo partagent un point commun : le rôle primordial de l’art musical qui, dans les deux cas, se doit d’être fonctionnel vis-à-vis du scénario ou du jeu. Les deux jeux émulent avec brio l’esthétique western de Morricone en compilant des pièces préexistantes de différents compositeurs issus de western spaghetti pour le premier, et par une bande sonore originale pastichant le style de Morricone par l’harmonie, les textures, le timbre et l’instrumentation pour le second. Cependant, Summers relève un défaut essentiel, soit l’absence totale de mélodies, de thèmes ou de motifs marquants qui puissent rester en tête dans Redemption. Comme l’auteur le souligne : « Cela a pour conséquence de nous priver de l’impression que la musique participe de la construction de l’intrigue, car il n’y a ni thème associé à un personnage ni passages musicaux grandioses identifiés à des thématiques particulières » (p. 276). Ce médium offre la distinction des différents archétypes de séquences musicales morriconiennes (par exemple. la musique de suspense, la musique quasi diégétique, la musique d’action joyeuse et la musique cheyenne ; p. 264), qui permettaient de comprendre la grammaire émotionnelle et le fonctionnement du genre musical western. Il recèle également l’élément central de l’esthétique du maestro, absent dans Redemption : le thème. Ces jeux nous révèlent l’importance et l’impact stylistique de Morricone sur les mondes du cinéma, de la musique, mais surtout sa postérité dans l’imaginaire du public.
En conclusion, ce livre témoigne de l’histoire d’un des plus éminents compositeurs de musique de film et révèle, au travers de l’analyse, des faits essentiels à propos de celui-ci, de son travail avec les réalisateurs, mais également de la réception de ses oeuvres par le public. La publication répond à ses trois objectifs de manière brillante, permettant à la fois de découvrir des facettes variées et ignorées du compositeur, tout en offrant un panorama de recherche propice à l’étude. Le recueil cerne dans le détail les nombreuses spécificités de l’écriture du maestro et son approche de la composition avec un regard moderne, qui permet à tout adepte de la musique d’en tirer des apprentissages incontournables, d’autant plus pour les compositeurs à l’image. L’équilibre quasi chronologique entre son emblématique musique de western et ses autres créations offre de découvrir point par point le personnage du compositeur italien sous un angle différent de celui de ses collaborations avec Leone.
Les observations réalisées en cours de lecture des différents chapitres permettent de mettre en relief de nombreux points majeurs qui concernent la musique de Morricone, la musique de film, mais plus encore, l’art musical. L’ouvrage témoigne de la priorité du sens pour Morricone, qualité première de ses créations qu’il intègre dans la plupart de celles-ci avec minutie. Il insuffle ce sens par des métaphores musicales, souvent présentes dans des motifs et des thèmes généralement simples.Ce sont avant tout ses mélodies incroyables qui lui permettront d’obtenir une notoriété dans le temps, se forgeant une immortalité musicale. En comparant ses travaux pour les différents genres cinématographiques, ce livre nous rappelle un détail important qui n’a jamais quitté l’esprit du compositeur italien : le film, au même titre que la musique, sont tous deux destinés au public. Les oeuvres, qu’elles soient filmiques, musicales, picturales ou écrites, vivent en grande partie dans l’esprit et le coeur des gens qui les appréhendent, et ce sont eux qui hissent les créations au rang de légendes. Il est donc essentiel pour les créateurs, de la même façon que pour un écrit ou un discours, de permettre au spectateur de comprendre, et donc de pouvoir ressentir notre production.
Parties annexes
Note biographique
Guillaume Debay est un compositeur, chef d’orchestre, orchestrateur, chercheur doctorant et pianiste français. Il entre au conservatoire en 2012, où il étudie la pratique instrumentale de la batterie et du piano, le chant lyrique, l’écriture classique, l’orchestration, la direction et la gravure. En plus de ses diplômes de conservatoire, il détient une licence en musicologie et un master en composition de musique de film. Il travaille actuellement sur une thèse de doctorat sous la direction de Danick Trottier, qui portera sur la force des éléments thématiques dans la musique de concert et de film.
Notes
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[1]
Jean-Christophe Manuceau (2020), Ennio Morricone. Entre émotion et raison, Rosières-en-Haye, Camion Blanc.
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[2]
Philippe Grégoire et Olivier Keravel (2020), Ennio Morricone ou le poison d’une oeuvre, Clichy, Éditions Marie B.
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[3]
Jean-Blaise Collombin (2016), Ennio Morricone. Perspective d’une oeuvre, Paris, L’Harmattan.
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[4]
L’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
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[5]
« Le giallo […] est un genre cinématographique principalement italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme qui a connu son âge d’or des années 1960 aux années 1980. » Définition donnée par Wikipédia. L’encyclopédie libre, http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Giallo&oldid=208427241, consulté le 11 octobre 2023.
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[6]
Des pièces qu’il était possible de varier par le mixage à la manière de la musique de jeu vidéo, et que le maestro estimait au même niveau que de l’improvisation.
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[7]
Un genre de musique composée spécifiquement pour être utilisée dans les médias, tels que la télévision, le cinéma, la radio, la publicité et d’autres productions audiovisuelles.
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[8]
Voir Ennio Morricone et Sergio Miceli (2001), Comporre per il cinema. Teoria e prassi della musica nel film, Venezia, Marsilio, p. 209.
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[9]
Notion selon laquelle le compositeur est un auteur au même rang que le réalisateur dans une oeuvre cinématographique, et impacte autant l’histoire que ce dernier. Voir Gérard Dastugue (2020), « Philippe Sarde, l’auteur et le populaire ou les voyages de la mélodie », dans Philippe Gonin et Jérôme Rossi (dir.), Le cinéma populaire et ses musiciens en France, Dijon, eud, p. 312.