Comptes rendus

L’analyse de la musique de film. Histoire, concepts et méthodes, par Jérôme Rossi, Lyon, Symétrie, 2021 (série 20-21), 732 pages[Notice]

  • Delphine Vincent

Professeur de musicologie à l’Université de Tours, Jérôme Rossi consacre la majorité de ses travaux à la musique postromantique et aux relations entre musique et cinéma. Son apport à la recherche musicofilmique est important et se reflète tant dans son rôle de cofondateur du groupe elmec (Étude des Langages Musicaux à l’ÉCran) que dans les ouvrages collectifs qu’il a (co-)dirigés : Musiques de séries télévisées (2015, avec Cécile Carayol), La musique de film en France. Courants, spécificités et évolutions (2016), Du concert à l’écran.La musique classique au cinéma (2019, avec Stéphan Etcharry) et Le cinéma populaire et ses musiciens (2020, avec Philippe Gonin). Avec L’analyse de la musique de film. Histoire, concepts et méthodes, il livre une somme critique et historique consacrée aux pratiques analytiques musicofilmiques. Son étude ambitieuse est servie par une double perspective académique et pratique, puisqu’il est également un compositeur chevronné de musiques pour le cinéma et la télévision. Rossi se propose de rassembler et d’actualiser les connaissances théoriques sur la musique de film. Par le recensement des méthodes et concepts appliqués à l’analyse musicofilmique, il vise non pas à offrir une grille analytique-panacée mais à mettre en lumière la richesse des pratiques analytiques. Sa volonté de souligner les problèmes méthodologiques le conduit à adopter une approche thématique. Après une exposition de l’ontologie de la musique de film (ch. 1, p. 35-84), Rossi détaille ses différentes fonctions dans le film (ch. 2, p. 85-136), puis aborde des questions sémiologiques (ch. 3, p. 137-199 : musique et signification ; ch. 4, p. 201-240 : musique et communication), commente le lien de la musique à la narration (ch. 5, p. 241-305), ainsi que son intégration à une mise en scène audiovisuelle (ch. 6, p. 307-404). Il passe ensuite en revue les paramètres musicaux et la façon dont ils participent à l’oeuvre filmique en considérant le micro-niveau de la séquence (ch. 7, p. 405-516) et le macro-niveau du film (ch. 8, p. 517-588). Il présente enfin les différentes formalisations écrites de l’analyse musicofilmique (ch. 9, p. 589-657). Grâce à une organisation thématique rigoureuse, l’auteur offre la possibilité, suivant les intérêts ou le temps à disposition, de ne lire qu’un chapitre de sa monumentale somme ; un avantage non négligeable, notamment pour un usage pédagogique (l’aide-mémoire des outils techniques pour l’analyse musicofilmique est aussi très intéressant de ce point de vue). Toutefois, l’ouvrage, par comparaison avec des livres de référence comme celui de James Buhler et David Neumeyer (2016), est plutôt adapté aux étudiant·e·s de maîtrise (Master) en raison de sa perspective historiographique mêlée aux aspects analytiques. Dans son introduction (p. 7-34), Rossi rappelle les principales réserves idéologiques qui ont conduit à une difficile reconnaissance de la musique de film comme un champ académique : une conception purement esthétique de la musique qui postule la supériorité de la musique absolue sur la musique fonctionnelle ; la tendance à privilégier le support écrit alors que la finalité de la musique de film est d’être enregistrée ; la focalisation de l’analyse musicale sur des musiques conçues pour le concert ; l’association avec un art populaire ; la notion d’auctorialité mise à mal par le recours fréquent à des personnes qui orchestrent ou arrangent ; un début d’histoire marqué par un langage (post-)romantique jugé passéiste par rapport à la seconde école de Vienne. Ces difficultés sont plus marquées dans la recherche francophone qu’anglophone, comme le montre par exemple l’ouvrage collectif dirigé par Kevin J. Donnelly (2001). Toutefois, cette forte résistance à la musique de film n’implique pas une absence de production théorique, dans laquelle Rossi dégage cinq phases : jusqu’à la fin …

Parties annexes