Comptes rendus

Exposer la musique. Le festival du Trocadéro (Paris 1878), par Étienne Jardin, Paris, Horizons d’attente, 2022, 379 pages[Notice]

  • Yannick Simon

Dans Exposer la musique. Le festival du Trocadéro (Paris 1878), Étienne Jardin consacre un arrêt sur image visuel et sonore à un événement bien mal connu et pourtant symptomatique de l’histoire du concert du dernier quart du xixe siècle en France. Sonore, car il s’agit bien de donner à entendre une musique détachée de tout lien avec une action dramatique ou un culte ; visuel, car c’est précisément la musique et son interprétation qui font spectacle, mais aussi parce que les arts visuels servent de modèle à cette exposition d’un nouveau type consacrée à la musique. Avec son unité de lieu, de temps et d’action, elle peut prétendre à l’appellation de festival, dans l’acception anglaise du terme, rassemblant 111 concerts entre le 6 juin et le 10 novembre 1878 au palais du Trocadéro dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris. Alors que la iiie République vient à peine de voir le jour, la France cherche à montrer qu’elle n’a rien perdu de sa grandeur malgré la défaite de 1871 et inclut la musique dans cette grande exposition, envisageant de faire entendre toute la musique du monde en général et celle produite en France en particulier. État des lieux de la création musicale en France, l’ouvrage s’intéresse aussi à tout ce qui lui donne corps : l’organisation, la salle, les instruments, la constitution des programmes, etc. Pour parvenir à dresser ce tableau, Jardin a exploré des sources inexploitées par les musicologues, celles du ministère de l’Agriculture et du Commerce, l’organisateur de l’ensemble de l’Exposition universelle, conservées aux Archives nationales de France. L’étude de Jardin s’inscrit dans un courant musicologique qui a fait du concert sous toutes ses formes, depuis une vingtaine d’années, la porte d’entrée dans l’histoire de la vie et de la création musicales à partir du xviiie siècle. Les ouvrages collectifs dirigés par Hans Erich Bödeker, Patrice Veit et Michael Werner en fournissent le cadre général à l’échelle européenne (Bödeker et Veit 2007 ; Bödeker, Veit et Werner 2002, 2008 et 2008). Auparavant, la France du xixe siècle, qui nous intéresse ici, avait été au centre des travaux d’Élisabeth Bernard dans les années 1970 (Bernard 1976). Plus récemment, des études ont été consacrées aux principales sociétés de concerts françaises, à l’exception des Concerts Colonne (Holoman 2004 ; Simon 2011 et 2019). Fait aussi défaut une synthèse générale consacrée à l’histoire du concert en France du xviiie siècle à nos jours qui permettrait de situer dans le temps long les travaux comparables à ceux de Jardin. À l’image des études de Bernard et de Holoman, l’auteur associe son projet éditorial à la publication du corpus de concerts qu’il a étudié. Cette pratique faisant d’un livre une publication augmentée doit être encouragée. Elle offre à la communauté des chercheurs une masse d’informations s’inscrivant en complément de l’analyse rédigée, mais aussi pouvant être réinvestie dans un autre projet de recherche. De plus, loin de limiter la rédaction de son corpus à la simple transcription des programmes de salle, comme l’avaient fait avant lui Bernard et Holoman, Jardin exploite les ressources du site Dezède qui, d’une part, reposent sur la normalisation des titres d’oeuvre et des noms d’individu et, d’autre part, se basent sur la méthode critique pour reconstituer les programmes réellement donnés à entendre – et non ceux qui sont annoncés. Outil participatif, Dezède permet aussi d’insérer chaque nouveau dossier, à l’image de celui du festival du Trocadéro, dans une base de données relationnelle constituée d’autres dossiers comparables. Le dossier Exposition universelle de 1878 est désormais inclus dans ce vaste ensemble qu’il enrichit tout en …

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