Comptes rendus

Fidélité et infidélité dans les mises en scène d’opéra, par Jean-Jacques Nattiez, Paris, Vrin, 2019, 311 pages[Notice]

  • Jonathan Parisi

L’ouvrage de Jean-Jacques Nattiez, Fidélité et infidélité dans les mises en scène d’opéra, est publié par la librairie philosophique J. Vrin en 2019 avec le concours du Centre national du livre (cnl) et de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (oicrm). Il naît du constat que les jugements de fidélité et d’infidélité procèdent d’une pluralité de mécanismes encore indéterminés et qu’une théorie de la mise en scène lyrique est nécessaire pour comprendre comment ces jugements se construisent et se justifient. En effet, excepté de rares essais cités par Nattiez dans son premier chapitre et les numéros de L’Avant-Scène Opéra consacrés à la mise en scène, la question précise des rapports entretenus par l’oeuvre musicale et ses avatars scéniques au prisme de la réception critique demeure encore peu traitée par la communauté scientifique. Dans son avant-propos, l’auteur indique que l’ouvrage est « une ample révision et une vaste extension » de son article « Mise en scène lyrique, interprétation et sémiologie » paru en 2007 dans la revue Prétentaine (p. 11). L’étude menée ici s’organise en trois parties et douze chapitres, où des Prémisses (1re partie, p. 19-72) introduisent un dialogue entre Les infidélités inévitables et délibérées (2e partie, p. 73-175) et les questions de Fidélité et liberté dans l’invention scénique (3e partie, p. 177-263). Afin de rester fidèle à une pensée soigneusement architecturée par l’auteur, le choix d’une recension méthodique est ici délibéré. Dans son premier chapitre (p. 21), Nattiez brosse un large état des lieux de la question étudiée en partant du constat d’Alain Perroux selon lequel on s’insurge aujourd’hui d’une dictature du metteur en scène. L’auteur recense aussitôt trois essais qui alimentent le débat : La malscène de Philippe Beaussant (2005), C’est l’opéra qu’on assassine ! de Jean Goury (2007) et Petite philosophie des mises en scène d’opéras aujourd’hui de Dominique Catteau (2012). Après la circonscription d’une polémique relativement récente, il s’agit de définir une double conception de l’opéra héritée de la querelle des Gluckistes et des Piccinnistes qui, déjà au xviiie siècle, oppose les partisans d’un opéra où la musique sert l’action à ceux qui accordent la prééminence au musical. Ce rappel effectué, l’auteur pose un jalon essentiel en définissant le Regietheater. Né dans l’Allemagne des années 1960 du constat que l’oeuvre doit être réinterprétée à la lumière du présent, ce théâtre de mise en scène renégocie la réception publique du spectacle et donne parfois lieu à ce que Didier Plassard nomme « une relation d’agression entre la scène et la salle ». Pourtant, bien que les récentes tendances de la mise en scène s’apprécient par le prisme de cet incontournable leitmotiv de fidélité aux intentions initiales, Nattiez remarque que la critique semble finalement se référer à « un paradis perdu de la mise en scène et de la scénographie, sans que celui-ci soit précisément défini » (p. 45). Une approche sémiologique de l’opéra fait ainsi l’objet du deuxième chapitre (p. 47). L’auteur introduit aussitôt la distinction entre l’interprétation-exégèse et l’interprétation-exécution de l’oeuvre lyrique. Cette conjonction des deux sens du mot souligne non seulement l’idée que toute production artistique n’est qu’une version d’une foule de possibles, mais également que tout geste neuf de mise en scène ajoute inévitablement son propre réseau de significations. L’oeuvre lyrique se trouve définie comme une forme symbolique complexe agençant différents supports et niveaux expressifs en une trace matérielle, mais existant aussi sous une forme symbolique. À son tour, la représentation de l’oeuvre musicale se présente comme une forme symbolique soumise à un modèle sémiologique tripartite. Elle résulte de …

Parties annexes