Comptes rendus

Une musicologie entre textes et arts. Hommages à Béatrice Ramaut-Chevassus et Alban Ramaut, dirigé par Céline Carenco, Anne Damon-Guillot, Jean-Christophe Branger et Pierre Fargeton Paris, Hermann, 2021, 286 pages[Notice]

  • Claude Dauphin

Dans mes lectures estivales partagées entre Boileau-Narcejac, Louis-Ferdinand Céline et Magloire Saint-Aude, le surréaliste haïtien porté aux nues par André Breton en 1945, s’est glissé ce liber amicorum dédié à Béatrice Ramaut-Chevassus et Alban Ramaut intitulé Une musicologie entre textes et arts. Conçu par leurs collègues, disciples et ami∙e∙s musicologues, l’ouvrage reprend, en les approfondissant, diverses thématiques ou champs d’études abordés par les dédicataires au cours de leurs recherches et de leurs enseignements au Département de musicologie de l’Université Saint-Étienne, en France. Pas évident de résumer ce collectif riche et diversifié sans calquer l’efficace introduction de Céline Carenco destinée à en présenter les contributrices et contributeurs ainsi que le contenu de leurs chapitres. Pour éviter toute redite, j’opte pour une démarche plus libre, résumant ce qui m’est apparu d’original, de fort, d’instructif dans chaque contribution, soulignant au passage ce qui donne cette nuance d’interdisciplinarité artistique évoquée dans le titre musicologique du livre, lequel comporte 15 chapitres substantiels regroupés par Céline Carenco sous trois thématiques : L’ouvrage a été élaboré sous la direction de Céline Carenco, Anne Damon-Guillot, Jean-Christophe Branger et Pierre Fargeton. Aux exordes habituels, « Avant-propos » (p. 7) d’Anne Damon-Guillot et « Introduction » (p. 9-12) de Céline Carenco, s’ajoute un prologue de Martin Kaltenecker intitulé « Chants modérés » (p. 13-34) qui donne le ton pluridisciplinaire et dialectique de l’ouvrage. Ce chapitre passionnant s’appuie sur l’idée du musicologue américain tout juste disparu, Richard Taruskin (1945-2022), que la musique savante d’Occident se divise en deux univers dissemblables : l’un, articulé autour d’une latinité non sans complicité avec les esthétiques russe et britannique, subjugué par la narrativité, le paysagisme et la danse, obnubilée par l’élégance de la mélodie, la transparence de l’harmonie, la netteté et l’inventivité du rythme ; l’autre, conditionné par la germanité, préoccupé d’expressivité intérieure, prêt à laisser le maelstrom de l’âme humaine contaminer et assombrir la fluidité du discours musical sans concession au beau platonicien. En ces deux mondes indépendants scintillent néanmoins les sublimités de la littérature agitées par les péripéties de la tragédie surtout quand des compositeurs comme Berlioz ou Massenet se laissent attirer par les insondables tourments goethéens ou par les sirènes du wagnérisme. La première partie du volume, intitulée « Lexicographies et théories esthétiques aux xviiie et xixe siècles », compte quatre chapitres reflétant particulièrement les thématiques chères à Alban Ramaut, l’un des deux dédicataires du livre. Le premier chapitre est signé Malou Haine, musicologue belge dont la réputation n’est plus à faire en matière d’observation de la lexicographie des faits instrumentaux au siècle des Lumières. Sa réflexion lève le voile sur « Deux dictionnaires peu exploités par les musicologues » (p. 38-50) : celui de Jacques Savary (1723) et celui de Philippe Macquer (1766). En effet, il fallait une intuition littéraire aiguisée et une curiosité scientifique affine pour se douter que le Dictionnaire universel de commerce de Savary et le Dictionnaire portatif des arts et métiers de Macquer, déclinés en deux volumes chacun, contenaient une source vive d’informations sur les instruments de musique où s’est abreuvée l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Ces données lexicographiques premières renseignent sur les corporations de fabricants d’instruments, leur répartition entre producteurs, réparateurs et fournisseurs d’accessoires, le négoce approprié à chaque rôle. Haine révèle des choses passionnantes sur l’étendue légale du travail de chaque corps de métier ; sur la hiérarchie des signatures : Steiner, Amati ou Stradivarius ; sur l’origine et la présentation des accessoires : cordes de boyau, filées ou métalliques ; sur la légion des sous-traitants impliqués dans la facture d’orgue. Musicologue avertie, l’autrice examine l’évolution de la terminologie appropriée aux perfectionnements …

Parties annexes