Présentation du numéro[Notice]

  • Caroline Traube et
  • Gilles Comeau

Maîtriser un instrument de musique implique de nombreuses années de pratique quotidienne pour affiner et renforcer les connexions entre les cortex auditifs, visuels et moteurs du cerveau (Bangert et al. 2006). L’aspect physique du jeu, avec son large éventail de mouvements corporels, est considéré comme la porte d’entrée vers une expression musicale épanouie (Bernstein 1991 ; Fink 1992 ; Gerig 2007). Cependant, la pratique d’un instrument de musique impose une demande extrêmement élevée au système musculosquelettique ; des mouvements répétitifs et une pratique intense peuvent souvent entraîner des douleurs et des blessures (Fraser 2003 ; Mark, Gary et Miles 2003 ; Steinmetz, Seidel et Muche 2010). Les mouvements répétitifs (Bejjani, Kaye et Benham 1996) et les efforts prolongés, souvent dans des positions inconfortables, créent ainsi une lourde charge sur le corps (Bruno, Lorusso et L’Abbate 2008 ; Paarup et al. 2011 ; Schaefer et Speier 2012). Le terme « syndrome de surutilisation » est utilisé pour désigner le large éventail de problèmes auxquels les musicien·ne·s sont confronté·e·s (Brandfonbrener 2003 ; Parry 2003 ; Tubiana et Amadio 2000). Ces problèmes peuvent affecter de manière significative une performance musicale en limitant les mouvements et la qualité du son d’un·e musicien·ne. Les musicien·ne·s ressentent également des douleurs (Bejjani, Kaye et Benham 1996 ; Schaefer et Speier 2012 ; Shields et Dockrell 2000) qui peuvent devenir chroniques, se manifestant pendant la pratique, mais qui persistent également pendant les activités quotidiennes et le sommeil (Bruno, Lorusso et L’Abbate 2008 ; Paarup et al. 2011). Des études ont confirmé une prévalence élevée de troubles musculosquelettiques liés à l’exécution musicale (tmem) variant entre 39 % et 47 % chez les instrumentistes professionnel·le·s et 17 % chez les étudiant·e·s en musique du secondaire (Zaza 1998). Des chercheur·euse·s ont rapporté que plus de 60 % des pianistes actif·ive·s, tant professionnel·le·s qu’amateur·rice·s, ont souffert de tmem à un moment donné de leur vie (Bragge, Bialocerkowski et McMeeken 2006 ; Furuya et Kinoshita 2008 ; Furuya et al. 2012 ; Rosety-Rodriguez et al. 2003). Une étude portant sur 57 orchestres du monde entier a rapporté que 56 % des musicien·ne·s avaient souffert de douleurs au cours de l’année précédente ; 19 % ont signalé des douleurs importantes qui ont affecté négativement la qualité de leurs performances et les ont forcé·e·s à arrêter de jouer (James 2000). Les expert·e·s estiment que la fréquence des tmem peut même dépasser 80 % lorsque les douleurs légères sont prises en compte (Knapik et al. 2007). Les tmem constituent un problème urgent, car ils affectent tous les aspects de la vie d’un·e musicien·ne et sont physiquement, émotionnellement, socialement et financièrement dévastateurs et peuvent même mettre fin à une carrière (Bialocerkowski, McMeeken, et Bragge 2004 ; Bruno, Lorusso et L’Abbate 2008 ; Daenen et al. 2010 ; Kenny et Ackermann 2015 ; Miller, Peck et Watson 2002 ; Paarup et al. 2011 ; Steinmetz 2009 ; Steinmetz, Seidel et Muche 2010). À ces problèmes musculosquelettiques peuvent s’ajouter des problèmes de santé auditive (pertes auditives, diplacousie, acouphènes) ainsi que l’anxiété liée à la performance musicale. Cet état mental très fréquent dans le contexte de la représentation en public et/ou devant un jury est une forme de phobie sociale, qui dépend de l’aptitude à la tâche de l’interprète, de la susceptibilité de l’interprète à éprouver de l’anxiété et des caractéristiques de l’environnement (Biasutti et Concina 2014). L’anxiété n’est pas sans conséquence physique, car elle provoque l’augmentation de la fréquence cardiaque, mais aussi une plus grande activation musculaire et …

Parties annexes