Comptes rendus

Queering the Field. Sounding Out Ethnomusicology, dirigé par Gregory Barz et William Cheng, New York, Oxford University Press, 2020, 442 pages[Notice]

  • Kamille Gagné

Il est intéressant de considérer le titre qui chapeaute cette contribution. En effet, on se demande pourquoi les formulations « Queering the Field » et « Sounding Out Ethnomusicology » ont été choisies. À l’image de Wayne Koestenbaum qui, près de 30 ans plus tôt, avait expliqué les définitions variées que couvre l’expression « queering the pitch » – de « To queer the pitch: to interfere with or spoil the business (of a tradesman or showman) » à « To put (one) out; to make (one) feel queer » (Koestenbaum 1994, p. 2-4) –, il faut envisager ici les divers sens que revêt « Queering the Field ». Dans son introduction, Gregory Barz insiste sur l’usage de queer en tant que verbe d’action (to queer) plutôt qu’en tant que substantif ou adjectif qualificatif. To do ethnomusicology devient donc to queer ethnomusicology, d’où le titre du collectif Queering the Field. L’acte de queerer la discipline devient donc une façon de faire de l’ethnomusicologie, et de l’ethnographie, de façon queer, que ce soit par l’identité du·de la chercheur·euse, par la réalité du terrain ou simplement parce que l’on veut adopter un regard queer. Le sous-titre Sounding Out Ethnomusicology est quant à lui justifié par les cas présentés au fil de l’ouvrage, et concerne les contributions présentes et futures dans le domaine de l’ethnomusicologie queer – il faut noter que tou·te·s les auteur·rice·s du collectif ne se réclament pas de cette discipline et qu’il serait peut-être plus juste d’user du mot « ethnographie ». On peut également comprendre le sous-titre de façons variées. En tant que verbe, sounding out renvoie à l’acte de poser des questions, ici à l’ethnomusicologie. On peut également considérer que sounding en tant que nom se réfère à une contestation verbale et out au coming-out des personnes queer. Dans ce dernier cas, Sounding Out Ethnomusicology, plus que questionner la discipline, s’afficherait comme une contestation queer de cette même discipline, contestation verbalisée à grand renfort de chapitres d’auteur·rice·s de sexes, d’identités de genre et d’orientations sexuelles divers. Si la contextualisation du mot queer est si longuement explicitée dans l’introduction de Barz, nul doute que le jeu linguistique du titre n’a pas été laissé au hasard. Barz situe également les méthodes employées dans le collectif en se référant à quatre ouvrages : Self, Sex, and Gender in Cross-Cultural Fieldwork (Whitehead et Conaway 1986), Queering the Pitch. The New Gay and Lesbian Musicology (Brett, Wood et Thomas [1994]2006), Out in the Field. Reflections of Lesbian and Gay Anthropologists (Lewin et Leap [1996]2006), ainsi qu’un numéro spécial de la revue South Atlantic Quartely, After Sex? On Writing Since Queer Theory (Halley et Parker 2007). Parmi ceux-ci, un seul provient du domaine musicologique : Queering the Pitch, ouvrage qui a certes reçu une réception positive, mais qui aborde l’ethnomusicologie dans aucune de ses deux éditions. Faisant ainsi écho à la contribution pionnière apportée par Queering the Pitch à la musicologie – il s’agit du premier collectif gai et lesbien en musique –, Queering the Field comble un vide laissé par son prédécesseur et verbalise les réalités queer présentes en ethnomusicologie afin de mettre un terme au silence qui règne sur la discipline. Si les différent·e·s auteur·rice·s contribuent à l’ouvrage collectif par des études de terrain variées et en nuançant les méthodes qui permettent de queerer l’ethnomusicologie, Queering the Field poursuit en lui-même trois objectifs formulés clairement dès l’introduction : 1) accroître la sensibilisation aux difficultés identifiées comme queer (subjectivité, présence ou absence du coming out dans la discipline, etc.) ; 2) fonder de …

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