Volume 2, numéro 2, 2015 Une relève
Sommaire (12 articles)
Articles
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Matériaux anciens dans la musique contemporaine actuelle. Postmodernisme et modernisme en questions
Liouba Bouscant, Michel Gonneville et Ofer Pelz
p. 1–43
RésuméFR :
Cet article vise à contribuer à la réflexion sur le procédé de l’emprunt thématique dans la composition au XXIe siècle, en étudiant plus particulièrement le cas de deux compositeurs actuels reconnus, établis au Canada : Michel Gonneville né en 1950 et Ofer Pelz né en 1978. Il s’agit de comprendre, après des décennies de structuralisme et de postmodernisme, le sens et l’apport de l’alliance entre le langage contemporain du début des années 2000 et des matériaux thématiques passés issus de la musique savante. Peut-on analyser celle-ci encore comme postmoderne et, si tel n’est pas le cas, quelle alternative apparaît ?
EN :
This article reflects on thematic quotation from past art-music in contemporary composition, after decades of structuralism and postmodernism, by studying particularly two known composers established in Canada: Michel Gonneville, born in 1950, and Ofer Pelz, born in 1978. Could we still analyse these compositional styles as postmodernism and, if this is not the case anymore, which alternative comes up?
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(Re)présenter les œuvres musicales. L’exemple des programmes de concert de la Société de musique contemporaine du Québec
Ariane Couture
p. 44–66
RésuméFR :
À partir du concept de paratexte développé par Genette (1987) et adapté à la musique par Escal (1996), cet article met au jour les modalités de (re)présentation des œuvres jouées par la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) telles que véhiculées par les programmes de concerts produits entre 1966 et 2013. Après avoir effectué une mise en contexte de l’historique, du fonctionnement et de la programmation des œuvres de la SMCQ, les programmes de concerts sont examinés dans une perspective comparativiste afin d’en faire ressortir les similarités et les divergences. En premier lieu, la description formelle de la page couverture, du format et de la mise en page des programmes dirige la réflexion sur les paratextes non verbaux. En second lieu, l’examen des notices écrites des œuvres les plus jouées de la SMCQ permet d’affirmer l’importance accordée à l’autorité des compositeurs, principaux auteurs des paratextes verbaux. Ainsi, l’article permet d’éclairer l’articulation et l’évolution de la pensée musicale de la SMCQ pendant cette période.
EN :
From the concept of paratext developed by Genette (1987) and adapted to music by Escal (1996), this article provides insights on the modalities of (re)presentation of works played by Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) as conveyed by concert’s programs produced between 1966 and 2013. Following historical, organizational and musical programming contexts, concert’s programs are studied in a comparativist perspective to show similarities and differences. First of all, formal descriptions of the front page, format and layout guide the reflection on non verbal paratexts. Second, examination on written notices of SMCQ’s most played works asserts the authority given to composers, principal authors of the verbal paratexts about their own pieces. Thus, this article sheds light on SMCQ’s musical thoughts’ articulation and evolution during this period.
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Musique et effets sonores dans Star Wars : Épisode II – L’attaque des clones. Une alliance conflictuelle ?
Chloé Huvet
p. 67–95
RésuméFR :
De récents travaux consacrés à la saga Star Wars soulignent la contrepartie problématique du perfectionnement sonore : la pléthore des effets sonores ferait passer la musique au second plan voire la rendrait inaudible – en particulier dans ce second épisode. Le compositeur et le concepteur sonore eux-mêmes évoquent dans leurs entretiens une rivalité constante. Notre article propose ainsi d’interroger dans quelle mesure et selon quelles modalités les interactions entre musique et bruitages parviennent à dépasser une simple alliance conflictuelle. Il s’agira aussi de dégager les significations dont elles sont porteuses au regard des images et du dialogue. La fluctuation de la primauté des effets sonores ou de la musique n’est en effet pas anodine, tant sur le plan dramatique que narratif. En outre, on peut observer une musicalisation des bruitages qui, loin d’assumer une simple fonction illustrative ou d’« effet de réel », sont véritablement donnés à entendre pour eux-mêmes.
EN :
Recent publications on the Star Wars saga underline the flip side of sound improvement: the plethora of sound effects is said to eclipse the orchestral score, sometimes to a point of inaudibility – in this second episode in particular. In their interviews, the composer and the sound designer themselves allude to a constant rivalry. This, our article questions to what extent and in which way the interactions between music and sound effects succeed in exceeding a mere conflicting alliance. We will also bring out what significations they bear regarding the images and the dialogue. Indeed, the fluctuation of primacy of sound effects or music is hardly insignificant regarding the narration and the dramatic situation in which they occur. Furthermore, we can notice a musicalization of sound effects which, far from taking on a mere illustrative function or just displaying a “realistic effet,” are truly heard for themselves.
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David Cronenberg et Howard Shore. Bref portrait d’une longue collaboration
Solenn Hellégouarch
p. 96–114
RésuméFR :
Après 45 ans de carrière, la filmographie de David Cronenberg compte 22 films, dont 15 ont été musicalisés par Howard Shore, qui a rejoint l’équipe du cinéaste en 1979. Si l’univers cronenbergien est aujourd’hui bien connu, l’apport de son compositeur demeure peu exploré. Or, la musique semble y jouer un rôle de toute première importance, le compositeur étant impliqué très tôt dans le processus cinématographique. Cette implication précoce est indicatrice du rôle central qu’occupent Shore et sa musique : comment le définir ? Plutôt que de recourir à une analyse des fonctions de la musique au cinéma, cet article explore les processus de création qui lui donnent naissance. Cronenberg et Shore, qui ont « tout appris en commun », présentent ainsi des processus créateurs aux traits similaires, ou plus exactement des figures artistiques communes, ici exposées, les regroupant sous une seule vision artistique : l’autodidacte, l’expérimentateur, l’improvisateur, le peintre/sculpteur et l’artiste-artisan.
EN :
In a career spanning 45 years, David Cronenberg’s filmography includes 22 films. Since 1979, Howard Shore has scored 15 of them. Though Cronenberg’s world is well known now, the weight of the contribution of his composer remains largely unmeasured. And this, despite the fact that music seems to play a primary role in the director’s process since Shore is involved very early on. This unusually early involvement of the composer is indicative of the central role held by Shore and his music: how to define it ? This paper does not seek to determine the functions of film music. Instead, it explores the creative processes that give rise to it. The creative processes of Cronenberg and Shore, who “learned everything together,” thus have similar characteristics. More precisely, they present common artistic figures that gather them into a single artistic vision: the autodidact, the experimenter, the improviser, the painter/sculptor, and the artist-artisan.
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L’analyse des ensembles microrythmiques dans l’Intelligent Dance Music
Anthony Papavassiliou
p. 115–132
RésuméFR :
Nos travaux portés sur l’analyse des œuvres d’Aphex Twin et d’Autechre, figures emblématiques du courant de musiques électroniques semi-expérimentales nommé Intelligent Dance Music (IDM), ont démontrés, par le biais de l’analyse structurale, la présence de caractéristiques communes dans l’organisation d’ensembles microrythmiques (EMR). La fréquence des EMR se situe principalement entre les plus hautes périodicités du rythme (10 à 20 e/s) et le seuil de l’audition humaine (20 à 50 e/s). Caractérisés par leurs fréquences élevées, les « ensembles texturaux » sont dénués de dynamisme lorsqu’ils sont courts et comportent des variations du timbre lorsqu’ils sont longs. L’effet provoqué par ce type d’ensemble est celui d’une texture contrastant avec le contenu rythmique. Les EMR aux fréquences les plus faibles forment les « ensembles gestuels ». Ils sont généralement longs et propices aux regroupements ainsi qu’aux dynamismes. L’effet provoqué par ce type d’EMR est celui qui suggère le prolongement, exprimant ainsi le geste.
EN :
Our recent analyses of Aphex Twin and Autechre works, which are typical of the semi-experimental electronic music current called Intelligent Dance Music (IDM), have revealed, through structural analysis, the presence of shared features in the organization of microrhythmic sets (MRS). MRS frequencies are mostly situated between the highest rhythm periodicities (10 to 20 e/s) and the human hearing threshold (20 to 50 e/s). Characterized by their high frequencies, the “textural sets” are devoid of dynamism when short and include timbre variations when they are long. This type of set generally results in a texture contrasting with the rhythmic content. Low frequency MRS form the “gestural sets.” They are usually long and prone to groupings as well as dynamic variations. The effect caused by this type of MRS is the one that suggests rhythmic continuation or gesture.
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Hybridité, authenticité et atteinte du succès international ; réflexion sur les processus de commercialisation de disques de world music
Ons Barnat
p. 133–153
RésuméFR :
Cet article propose une réflexion critique sur les processus d’internationalisation et de commercialisation de disques étiquetés world music. J’y examine la dialectique des représentations croisées opérée entre producteurs et consommateurs de world music, en faisant un examen historique des différents types de maisons de disques qui emploient cette appellation – au demeurant très controversée depuis son invention par l’industrie du disque en 1987. Ultimement, cet article analyse les liens paradoxaux entre respect d’une « authenticité » et création d’une « hybridité musicale » dans la réalisation de disques commercialisés sous la bannière world music.
EN :
This paper offers a critical analysis of the internationalization and commercialization of world music records. It examines the dialectic of cross representations between producers and consumers, throughout an historical review of the different types of labels that use the world music term—albeit very controversial since its invention by the music industry in 1987. Finally, some issues behind the international success in world music are assessed, revealing the paradoxical relationship between “authenticity” and “musical hybridity” at stake in world music recordings.
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Debus-si e(s)t Pierrot. Rire pour ne pas pleurer
Benjamin Lassauzet
p. 154–177
RésuméFR :
L’une des premières œuvres humoristiques de Debussy est Pierrot (1882), une mélodie répétant sans cesse l’air populaire associé au personnage de la commedia dell’arte : « Au clair de la lune ». Comme de nombreux artistes de son temps, Debussy semble céder à la tentation de se projeter dans le personnage – ce à quoi invite le poème de Banville qu’il met en musique, soulignant cette ambigüité identitaire. Pierrot est aussi l’éternel perdant en amour, Colombine lui préférant toujours Arlequin. Or, Debussy dédie sa mélodie à Marie-Blanche Vasnier, sa première muse, une femme mariée dont il est tombé amoureux, lui offrant une nouvelle occasion de se trouver des points communs avec Pierrot. La musique confirme l’hypothèse de l’autoportrait, puisque Debussy donne un rôle de premier ordre à la note si, qu’il a choisie pour le représenter, correspondant à la dernière syllabe de son nom. Ainsi, derrière l’apparente légèreté, se cache la confession de la souffrance amoureuse de l’artiste.
EN :
One of the first comic works of Debussy’s is Pierrot (1882), a melody consisting of the unceasing repetition of the popular song which is always associated to this commedia dell’arte character: “Au clair de la lune.” Like many artists of his time, Debussy seems to have yielded to the temptation of clothing himself with Pierrot’s costume—which is suggested by the poem written by Banville that he set to music, which underlines this identitary ambiguity. Pierrot is also the victim of a love triangle with Colombine and Harlequin—the female character always choosing the latter. Since Debussy dedicated this melody to Marie-Blanche Vasnier, his first muse, a maried woman he had fallen in love with, he found in the words of the poem some other elements in common with Pierrot. The music confirms this self-portrait hypothesis, since Debussy gave the leading role to the note B (in French, si), matching with the last syllable of his name (-ssy). Therefore, behind a seemingly light-hearted work, the artist hid his suffering for love.
Notes de terrain
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Quels liens établir entre la philosophie praxialiste de David Elliott et le programme de formation de niveau primaire du Ministère de l’Éducation au Québec (PFEQ) dans le domaine de la musique ?
Véronique Daigle
p. 178–189
RésuméFR :
En 1995, David J. Elliott publie Music Matters. A New Philosophy of Music Education. À travers cet ouvrage, l’auteur propose une nouvelle philosophie de l’éducation musicale appelée praxialisme. Cet essai vise à mettre en exergue les liens pouvant être établis entre la philosophie praxialiste d’Elliott et le programme de formation de niveau primaire du Ministère de l’éducation au Québec (PFEQ) dans le domaine de la musique. Cet essai présente les fondements et lignes directrices du praxialisme, notamment en relation avec l’élaboration de programmes de formation. Il s’attache également, afin d’obtenir un portrait éclairé de cette philosophie, aux pour et contre reliés au praxialisme. Enfin, cet essai décrit les points essentiels du PFEQ et met en lumière les différents liens qui peuvent être établis entre la philosophie praxialiste et le PFEQ.
EN :
In 1995, David J. Elliott publishes Music Matters. A New Philosophy of Music Education, based on the praxial philosophy. This essay outlines a brief history of the praxial philosophy in order to better understand Elliott’s motivation to develop this new philosophy of music education. The various foundations and the guidelines of the praxial philosophy are presented, particularly those that concern the elaboration of a music curriculum and the praxial philosophy’s pros and cons are discussed. Finally, the essential foundations of the QEP are described in relation with Elliott’s praxial philosophy.
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Mon regard d’interprète. L’interprétation, un processus indissociable du texte musical
Fabien Genthialon
p. 190–196
RésuméFR :
Le musicologue et l’interprète abordent le texte musical de manières totalement différentes. Si l’approche du musicologue est largement documentée, celle du musicien ne sort au contraire pas de la salle de cours. Un violoncelliste professionnel fait part du regard qu’il porte à la partition, des outils dont il dispose pour accéder à son contenu émotionnel et explore le sens et les implications du travail d’interprétation.
EN :
Musicologists and performers look at the score in very different ways. Contrary to the musicologists’ approach which is well documented, the musicians’ point of view is rarely displayed outside of the teacher/student relationship. A professional cellist explains how he looks at the music, by what means he accesses its emotional contents, and investigates the process and the implications of interpretation.
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Compte rendu du douzième Forum international des jeunes compositeurs
Philippe Béland
p. 197–203
RésuméFR :
Le douzième Forum international des jeunes compositeurs du Nouvel Ensemble Moderne s’est déroulé à la Faculté de musique de l’Université de Montréal du 1er au 21 novembre 2014. Pour cette nouvelle édition, huit jeunes compositeurs provenant des quatre coins de la planète ont composé une œuvre d’une dizaine de minutes pour cet ensemble, qu’ils ont travaillé en présence des musiciens et de sa chef, Lorraine Vaillancourt. Ce texte présente également une courte analyse de la pièce gagnante, Utrecht, du compositeur mexicain Francisco Castillo Trigueros, présentant la forme de l’œuvre, sa structure ainsi que les différents matériaux musicaux la composant.
EN :
The 12th edition of the Forum international des jeunes compositeurs, by the Nouvel Ensemble Moderne (NEM), took place at the Music Faculty of the University of Montreal from november 1st to the 21st, 2014. For this new edition, eight young composers from all around the world composed a piece of 10-15 minutes in duration for the NEM, and worked with the musicians and their conductor, Lorraine Vaillancourt. This paper also presents a short analysis of the winner piece, Utrecht, by the mexican composer Francisco Castillo Trigueros, focusing on the form, structure and musical elements.