Volume 5, numéro 1, 2020 La dimension territoriale des parcours des jeunes. Deuxième partie
Sommaire (6 articles)
Articles
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Présentation du numéro
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Décrochage scolaire en France : quel rôle pour les contextes locaux ?
Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet
p. 4–26
RésuméFR :
Cet article vise à améliorer la connaissance des facteurs de risque du décrochage scolaire en France en prenant en compte les effets du contexte territorial, et ce, par le recours à la modélisation multiniveaux. Son originalité est d’étudier, d’une part, les conséquences potentielles de certaines caractéristiques du territoire sur ce risque et d’examiner, d’autre part, si le milieu d’origine – caractérisé par la catégorie socioprofessionnelle et le diplôme des parents – influe différemment en fonction du contexte territorial. À partir des données de l’enquête Génération 2010 portant sur les jeunes sortis du système éducatif français à cette date, on montre que les origines socio-économiques mais aussi celles culturelles agissent sur le risque de quitter l’école sans diplôme plutôt qu’avec un diplôme de l’enseignement secondaire. En outre, les caractéristiques territoriales que sont le taux de chômage juvénile, le niveau de la pauvreté ainsi que la norme d’achèvement des études ont des effets avérés sur le risque de décrocher et elles interagissent avec le rôle du milieu d’origine, en particulier celui des origines culturelles. Ainsi, les caractéristiques défavorisées du territoire (plus fort taux de chômage juvénile, niveau de pauvreté élevé, norme éducative faible) amplifient l’effet des inégalités sociales sur le risque qu’ont les jeunes de quitter l’école précocement.
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L’action publique jeunesse au Québec : des configurations locales aux usages des services par les jeunes en situation de vulnérabilité
Marie Dumollard, Benjamin Weiss et Martin Goyette
p. 27–49
RésuméFR :
Cet article s’intéresse à l’action publique jeunesse dans sa dimension locale et aux usages qu’en font les jeunes en situation de vulnérabilité dans leur parcours au moment de leur transition vers la vie adulte. À partir d’une étude de cas multiple sur quatre territoires québécois, il analyse la manière dont ces derniers se structurent en matière d’action publique jeunesse dans des systèmes locaux d’action publique particuliers, aux prises avec des enjeux contextuels qui viennent complexifier le travail partenarial des acteurs jeunesse. Face à ces configurations locales particulières qui donnent lieu à une offre de services inégale sur les quatre territoires, les résultats révèlent trois manières bien différentes chez les jeunes en situation de vulnérabilité de mobiliser les ressources locales à leur disposition dans leur parcours. Ce faisant, cet article contribue finalement à la réflexion sur la dimension territoriale des parcours juvéniles.
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Voter à l’échelle municipale au Québec : significations et portée chez certains jeunes électeurs
Sandra Breux et Salomé Vallette
p. 50–70
RésuméFR :
Au Québec, les élections municipales se caractérisent par la faible mobilisation qu’elles suscitent. Cette réalité est encore plus frappante chez les jeunes électeurs. Si les causes de cette abstention demeurent encore largement méconnues, la spécificité de l’échelle municipale est souvent mise de l’avant. Ce constat invite à délaisser les analyses plus traditionnelles du vote pour considérer l’acte électoral comme un geste symbolique d’identification à un territoire, porteur d’un ensemble de valeurs, susceptibles de diverger selon l’âge de l’électeur. L’objectif de notre propos est ainsi de saisir ce que signifie, pour les jeunes électeurs, l’acte de voter à l’échelle municipale. À partir de la passation de questionnaires et de la réalisation de six groupes de discussions avec des électeurs âgés en moyenne de 20,7 ans et étudiant à Montréal, notre recherche met en évidence le rôle crucial que jouent la quantité et la nature de l’information politique dans les représentations des jeunes. Aux yeux de nos répondants, l’échelle municipale est peu lisible, peu accessible et ne sous-tend pas de réel projet politique – contrairement à l’échelle provinciale et dans une moindre mesure et de façon très différente, à l’échelle fédérale. Si l’influence parentale se fait sentir dans la mobilisation de certains, votants ou abstentionnistes affichent leur volonté d’être davantage informés sur ce niveau de gouvernement.
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L'évolution des espaces d’activité lors de la transition vers l’âge adulte (Montréal, Canada)
Anaïs Dubreuil, Julie Vallée, Martine Shareck et Katherine L. Frohlich
p. 71–98
RésuméFR :
Lors de la transition vers l’âge adulte, les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se conforment de moins en moins à un modèle commun. Cette non-linéarité des parcours de vie est largement étudiée dans les travaux récents mobilisant le concept de life course, mais elle n’est guère mise en relation avec les pratiques spatiales et l’évolution des espaces d’activité. À partir d’un corpus de données mixtes issues de la cohorte ISIS (Interdisciplinary Study of Inequalities in Smoking), cet article examine les évolutions des pratiques spatiales quotidiennes de 1359 jeunes adultes montréalais en relation avec leurs parcours scolaire, professionnel, familial et conjugal. En 2011, les lieux d’activités des participants (alors âgés de 18 à 25 ans) étaient en moyenne éloignés de 5,6 km de leur domicile. Quatre ans plus tard, cette distance a sensiblement diminué (-1,1 km). Ce resserrement autour du domicile ne varie guère selon l’âge des personnes interrogées. En revanche, il est bien plus marqué pour les jeunes adultes qui ont connu des changements typiques comme l’arrêt des études, l’entrée dans la vie professionnelle, le départ du foyer parental ou l’installation en couple. À l’heure où le passage à l’âge adulte est de moins en moins « chrono-logique », les parcours scolaires, professionnels, familiaux et conjugaux se révèlent être des clefs d’explication pour comprendre les évolutions des pratiques spatiales lors de la transition vers l’âge adulte.
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Opportunités et mobilités de jeunes des classes populaires de Rio de Janeiro, Brésil
Sabrina Dal Ongaro Savegnago et Lucia Rabello de Castro
p. 99–124
RésuméFR :
Cet article a pour but d´étudier la situation des jeunes des classes populaires de Rio de Janeiro, au Brésil, qui vivent dans des contextes caractérisés par l´incertitude, le manque de garanties et la précarité sociale. L’objectif est d’appréhender la façon dont ces jeunes, qui évoluent dans plusieurs espaces distincts, articulent ce qu’ils font dans le présent avec ce qu’ils désirent et imaginent pour leur vie à venir. Nous utilisons la notion d’opportunité afin de montrer la nature des dispositions subjectives à agir devant les facteurs d’incertitude et d’imprévisibilité de ces contextes. L´échantillon est composé de 51 jeunes (25 jeunes filles et 26 jeunes garçons) – étudiant dans deux écoles appartenant à la mairie de Rio de Janeiro dont l’âge varie entre 14 et 16 ans. Nous avons formé trois groupes de discussion, sous forme d´ateliers. Nous avons pu observer une valorisation des « opportunités du présent » en tant que manière de faire face à l’insécurité amenée par des contextes particulièrement précaires. Par ailleurs, nous présentons les divers intérêts qui sont cultivés par ces jeunes, lesquels ne sont pas nécessairement liés aux demandes de l’école. D’une façon générale, l’action des jeunes vis-à-vis leurs aspirations peut être restreinte par le manque d’opportunités objectives dans leur contexte social, mais dépend également de la façon dont de telles difficultés les mobilisent subjectivement.