International Review of Community Development
Revue internationale d’action communautaire
Numéro 30 (70), automne 1993 L’insécurité. La peur de la peur Sous la direction de Jean-Paul Brodeur et Dominique Monjardet
Sommaire (19 articles)
Présentation
I. Positivité de l’insécurité
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La peur de la peur
Jean-Paul Brodeur
p. 19–27
RésuméFR :
Dans une première partie, l’auteur présente un ensemble de distinctions relatives à l’insécurité, considérée d’abord comme un état puis comme une perception qui peut prendre la forme d’une préoccupation générale ou d’un sentiment d’insécurité lui-même susceptible d’être vécu comme peur informe ou peur concrète. La seconde partie du texte tente de démontrer que le sentiment d’insécurité est un phénomène qui jouit d’une existence propre et dont la réalité est irréductible à ce qu’il serait censé refléter ou à ce qui le produirait. Cette thèse est examinée à la lumière de cinq facteurs qui, pris ensemble, confèrent au sentiment d’insécurité sa réalité autonome : les insuffisances de l’étiologie, l’inversion de la causalité, l’évaluation des programmes d’intervention policière, l’exploitation politique du sentiment d’insécurité et l’autogénération de ce sentiment.
EN :
The author initially sets out a series of distinctions with regard to insecurity, viewed first as a state and then as a perception that can assume the form of a general concern or sense of insecurity, which may in turn be experienced as a vague or specific fear. The second part of the text attempts to show how the feeling of insecurity is a phenomenon that has a life of its own and wherein the reality cannot be reduced to what it supposedly reflects or has apparently caused it. This theory is discussed in light of five factors which together give the feeling of insecurity its independent reality: the inadequacy of etiology, inversion of causality, assessment of policework programs, political exploitation of the sense of insecurity and self-generation of this feeling.
ES :
En una primera parte, el autor presenta un conjunto de distinciones relativas a la inseguridad, considerada tanto como un estado como una percepción, que puede tomar la forma de una preocupación general o de un sentimiento de inseguridad, que puede, a su vez, ser vivido como miedo informe o concreto. En la segunda, el texto trata de demostrar que el sentimiento de inseguridad es un fenómeno que goza de existencia propia, y del cual su realidad es irreductible a lo que se supone que refleja o que lo produce. Esta tesis es discutida a la luz de cinco factores que, tomados conjuntamente, confieren al sentimiento de inseguridad su realidad autónoma: las insuficiencias etiológicas, la inversión de la causalidad, la evaluación de programas de intervención policial, la explotación política de este sentimiento de inseguridad y la autogeneración de este sentimiento.
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Le lien sécuritaire : mettre en ordre le désordre quotidien
Michel Anselme
p. 29–38
RésuméFR :
L’article rend compte d’une recherche menée dans une cité HLM de Marseille sur le thème du sentiment d’insécurité. Cette recherche analyse les processus institutionnels et concrets à travers lesquels des accords partiels et conjoncturels peuvent être obtenus sur le sens à accorder à des faits liés aux troubles de l’ordre public ou à des conflits autour de l’accès à l’espace public. Or, le sentiment d’insécurité paraît demeurer insensible à la confrontation avec la réalité des faits. Dès lors, ce sentiment ne serait-il pas, par suite de l’effondrement des mécanismes de régulation de la vie collective, le seul moyen laissé aux populations agressées de rétablir sur un mode négatif la solidarité sans laquelle toute collectivité se désagrège ?
EN :
This article describes a study on the sense of insecurity in a Marseilles-area low-cost housing neighbourhood. The study examines the public initiatives and actual processes by which limited and situation-specific agreement may be reached on the meaning of certain acts associated with public disturbances or conflicts regarding access to public areas. The feeling of insecurity is apparently unaffected by factual reality. Subsequent to the collapse of social regulatory mechanisms, might this feeling not be seen as the only means groups under stress have to re-establish a form of solidarity needed to avoid the break-up of communities?
ES :
El artículo presenta una investigación realizada en una ciudad de edificios de renta subvencionada de Marsella sobre el sentimiento de inseguridad. Ella analiza los procesos institucionales y concretos que permiten producir acuerdos parciales y coyunturales sobre el sentido que se le asigne a conflictos del orden público o que tienen lugar en espacios públicos. El sentimiento de inseguridad parece insensible a la confrontación con la realidad de los hechos. ¿No será este sentimiento, consecuente al derrumbe de los mecanismos de regulación de la vida colectiva, el único medio restante a las popblaciones agredidas para restablecer de modo negativo la solidaridad, sin la cual toda colectividad se desintegra?
II. Ceux qui font peur
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Terrorisme, drogue, immigration : les nouvelles figures de l’insécurité en Europe
Didier Bigo
p. 43–59
RésuméFR :
Des procédés rhétoriques permettent de fusionner des phénomènes aussi divers que le terrorisme, le trafic de drogue et l’immigration au point qu’ils paraissent ne constituer que les manifestations d’un seul et tentaculaire complot. Ces procédés résident par exemple dans l’énumération sous forme de listes d’événements très diversifiés et dans l’agrégation dans un même discours de faits, de situations et de phénomènes qui n’ont d’autre lien que leur proximité lexicale dans l’espace physique d’un texte. L’auteur illustre de plusieurs exemples la manière dont s’élabore ce nouveau discours sur la menace qui tend à globaliser et à exagérer la dangerosité des phénomènes étudiés.
EN :
Rhetorical devices can be used to meld phenomena as varied as terrorism, the drug traffic and immigration so that they appear to be manifestations of a single and widespread conspiracy. These devices may for example include listing a series of widely divergent occurrences and assembling in a single analysis facts, situations and phenomena that have no other link than their physical and lexical proximity within a text. The author uses several examples to illustrate the way this new analysis of threat is presented, which tends to generalize and exaggerate the danger of the phenomena under study.
ES :
Procedimientos retóricos permiten fusionar fenómenos tan diversos como el terrorismo, el tráfico de drogas y la inmigración, a tal punto que no parecen constituír sino las manifestaciones de un solo complot tentacular. Estos procedimientos residen, por ejemplo, en la enumeración como listas de sucesos muy diversos, y en la agregación en un mismo discurso de hechos, de situaciones y de fenómenos que no tienen otro lazo que su proximidad lexical en el espacio físico de un texto. El autor ilustra con varios ejemplos la manera en que se elabora este nuevo discurso sobre la amenaza, que tiende a globalizar y a exagerar la peligrosidad de los fenómenos estudiados.
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Immigration : de quoi les Québécois ont-ils peur ?
Myriame El Yamani, Danielle Juteau et Marie McAndrew
p. 61–70
RésuméFR :
L’article se propose d’expliciter l’équivocité de la notion d’insécurité en analysant les cinq grandes peurs des Québécois face à l’immigration : peur d’être envahi, de se faire voler « sa job », d’être incapable d’intégrer les nouveaux arrivants, des affrontements interethniques, de la perte d’identité. Il apparaît que le propre de l’insécurité est de jouer avec des mots à double sens, de généraliser la peur en plusieurs lieux du social et de garder le caractère éminent et omniprésent de la menace. Il y a une impossibilité de fixer une cible à l’insécurité. L’article s’interroge notamment sur le rôle des médias dans la vulgarisation de ces peurs. Si les discours médiatiques ont réussi à désapproprier le corps social de sa possibilité de dramatisation, l’insécurité, avec ses multiples peurs, continue, elle, à animer une forme dégradée des rapports sociaux. C’est dans cette perspective que sont analysés les enjeux et les défis de l’immigration pour la société québécoise.
EN :
This article sets out to explain the ambiguity of the notion of insecurity by looking at "Quebecers' five greatest fears regarding immigration": fear of being overrun, of having their jobs taken, of being unable to integrate new arrivals, of intercultural conflict, of losing their identity. It is apparently characteristic with insecurity to use words with two meanings, to generalize fear into a number of social spheres and to repeatedly emphasize the prominent and omnipresent nature of the threat. It is impossible to establish a specific target for this insecurity. The article takes a particular look at the role of the media in spreading these fears. If media analyses have succeeded in robbing society of its capacity to judge, insecurity with its many fears is continuing to foster a debased form of social relationships. The issues and challenges of immigration in Quebec society are examined from this perspective.
ES :
El artículo se propone explicitar la equivocidad de la noción de inseguridad, analizando “los cinco grandes miedos de los quebequenses respecto a la inmigración”: los miedos de ser invadidos, de hacerse robar el trabajo, de ser incapaces de integrar los nuevos inmigrantes, de confrontaciones interétnicas, de perder la propia identidad. Parecería que lo propio de la inseguridad es el jugar con palabras a doble sentido, de generalizar el miedo que existe en varios sitios de lo social, y de conservar el carácter prominente y omnipresente de la amenaza. Hay una imposibilidad de identificar la base de la inseguridad. El artículo se interroga sobre el rol de los medios de comunicación en la vulgarización de estos miedos. Si los discursos de los medios han desapropiado el cuerpo social de su posibilidad de dramatización, la inseguridad, con la multiplicidad de sus miedos, continúa a animar una forma degradada de relaciones sociales. Es desde esta perspectiva que son analizados los problemas y los desafíos de la inmigración para la sociedad quebequense.
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Les motards, hors-la-loi des temps modernes ? La construction d’un mythe d’insécurité
Marc Alain
p. 71–78
RésuméFR :
C’est d’abord et avant tout en invoquant l’insécurité provoquée par le phénomène des groupes de motards que les policiers vont, dès 1947, mener à l’égard de ces groupes une offensive qui se poursuit encore partout en Amérique du Nord. Or, depuis très peu de temps, des éléments nouveaux au dossier permettent de mettre à l’épreuve cette réputation. L’article montre à quel point la réputation construite par les services de police à l’égard des motards semble de moins en moins résister à l’épreuve de ces faits. Pourtant les policiers continuent à s’acharner contre les motards. Est-ce à cause du degré de marginalité affiché par eux ? Ou cet antagonisme pourrait-il être l’expression d’un conflit culturel larvé entre deux clans qui se ressemblent nettement plus qu’il n’y paraît au premier abord ?
EN :
It was primarily in citing the insecurity generated by the phenomenon of motorcycle gangs that police launched their offensive against this group, beginning in 1947 and continuing up to the present day throughout North America. Just recently, that reputation has been tested by new aspects affecting this issue. The article illustrates the extent to which the reputation constructed by police forces regarding motorcyclists is increasingly being challenged by these facts. But police continue their efforts against motorcyclists. Is this due to the group's marginal image? Or could the antagonism reflect a latent cultural conflict between two clans that are far more similar than it would first appear?
ES :
Es sobre todo invocando la inseguridad provocada por el fenómeno de las bandas de moticiclistas que la policía va, desde 1947, a dirigirles unas ofensiva que continúa aún en toda la América del Norte. Es solo hace poco tiempo que se cuenta con nuevos elementos que permiten cuestionar esta reputación. El artículo muestra a qué punto esta reputación, fabricada por los departamentos de policía respecto a esta bandas, no resiste a los hechos. La policía continúa, sin embargo, a encarnizarse contra ellos. ¿Es tal vez por el grado de marginalidad que exhiben estas bandas? Este antagonismo podría ser la expresión de un conflicto cultural larvado entre dos clanes que tienen mas semejanzas que las que aparecen a primera vista.
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Autochtones et insécurité : essai d’articulation
Mylène Jaccoud
p. 79–84
RésuméFR :
Le rapport entre l’insécurité et l’autochtone est esquissé dans cet article par le biais d’une interrogation sur la construction de l’objet de peur. L’auteure renonce à approcher cette construction par le seul détour d’une peur du crime et suggère que l’autochtone a d’abord fait l’objet d’une multiplicité de constructions sociales avant d’émerger de façon souterraine puis collective en objet de peur. Cet essai d’articulation débouche sur l’idée que la construction sociale de l’autochtone en objet de peur est récente et qu’elle doit être appréhendée comme le signe d’un rétrécissement des rapports entre l’État et les Premières Nations, resserrement qui fait naître de nouveaux rapports conflictuels entre une marge devenue ou perçue comme une menace et les fondements de l’ordre économique, politique et social que l’État s’évertue à perpétuer.
EN :
In this article, the relationship between insecurity and Native people is outlined by examining the construction of the object of fear. The author chooses not to approach this construction from the perspective of fear of crime alone, and suggests that Native people were initially the object of a number of social constructions prior to emerging, in an underground and then collective fashion, as an object of fear. This analysis leads to the notion that the social construction of Native people as an object of fear is a recent one and should be understood as a sign of an increasingly simplistic relationship between the State and the First Nations, which is creating new and conflicting relationships between a marginal group that has become and/or is viewed as a threat and the foundations of the economic, political and social order the State is striving to maintain.
ES :
La relación entre la inseguridad y los autóctonos esta bosquejada en este artículo a partir de una interrogación sobre la construcción del objeto del miedo. La autora rechaza el estudiar esta construcción solo a partir de un miedo al crimen, y sugiere que el autóctono ha sido el objeto de una multiplicidad de construcciones sociales, antes de emerger como objeto colectivo de miedo. Este ensayo de articulación desemboca en la idea que la construcción social del autóctono en objeto de miedo es reciente, y que debe ser comprendida como un estrechamiento de relaciones entre el Estado y las Primeras Naciones, estrechamiento que hace nacer nuevas relaciones conflictivas entre una marginalidad percibida como una amenaza y los fundamentos del orden económico, político y social que el Estado trata de perpetuar.
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Politiques publiques et jeunes en difficulté. Une insécurité sociale programmée ?
Francis Bailleau
p. 85–97
RésuméFR :
En cette période de mutations sociales, les politiques publiques en direction des jeunes en difficulté sont au centre de nombreux débats, qu’il s’agisse des politiques qui s’adressent aux jeunes repérés nominativement sous mandat (certaines politiques sociales, les politiques judiciaires, éducatives sous contrôle judiciaire, pénitentiaires) ou de celles qui visent un public plus large (les politiques de l’aide sociale à l’enfance, d’animation sociale et culturelle, de formation professionnelle, d’insertion sociale et professionnelle, de lutte contre la toxicomanie, de santé, de rénovation de l’habitat...), les secondes ayant pour objectif affiché d’éviter la prise en charge de certains jeunes par les premières. En centrant l’analyse sur les jeunes en difficulté aussi bien que sur les politiques visant à limiter les effets du rétrécissement du marché de l’emploi salarié pour les jeunes, l’article cherche à préciser les conditions dans lesquelles ces politiques se sont mises en place et à en mesurer les effets pour ces populations fragilisées.
EN :
In this period of social change, public policies targeting youth in difficulty are the focus of numerous debates, whether involving policies for certain youths under State responsibility (particular social, legal, educational, correctional policies, etc.) or those addressing a wider population (policies on child welfare, social and cultural services, vocational training, social and professional integration, anti-drug strategies, health, housing renewal, etc.), with the second category clearly aimed at preventing the need to care for certain youths within the sphere of the first. By focussing its analysis on youth in difficulty and policies intended to limit the effects of a shrinking job market on young people, the article attempts to identify the conditions in which the policies were implemented and to gauge their impact on these vulnerable groups.
ES :
En esta época de mutaciones sociales, la políticas públicas sobre los jóvenes en dificultad están al centro de muchos debates, ya sea respecto a los jovenes identificados nominativamente como bajo mandato de supervisión (ciertas políticas sociales, judiciales, educativas bajo control judicial, y penitenciarias), o respecto a las que apuntan a un público mas amplio (las políticas de ayuda a la infancia, de animación social y cultural, de formación profesional, de inserción social y profesional, de lucha contra la toxicomanía, de salud, de renovación habitacional...). La segundas tiene como objeto explícito el de evitar que ciertos jóvenes sean sometidos a las primeras. Al centrar el análisis en los jóvenes en dificultad así como en las políticas que buscan limitar los efectos de la constricción del mercado de trabajo salariado para los jóvenes, el artículo trata de precisar las condiciones en que estas políticas han sido estatuídas, y a medir sus efectos en estas poblaciones fragilizadas.
III. Ceux et celles qui ont peur
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Personnes âgées et insécurité : le tournant des années 1990
Marie-Marthe Cousineau
p. 101–106
RésuméFR :
À la fin des années soixante-dix et au courant des années quatre-vingt, les études sur la peur du crime ont montré que, pourtant moins victimisés que d’autres groupes d’âges, les aînés se montraient cependant plus inquiets vis-à-vis du phénomène criminel et vis-à-vis des possibilités de victimisation. Leur mode de vie s’en trouvait affecté. Des programmes de sensibilisation et de prévention ont apparemment permis de redonner, au moins dans une certaine mesure, confiance aux personnes âgées. Cependant, les années quatre-vingt-dix voient surgir de nouvelles sources d’insécurité pour les personnes âgées. La menace ne leur est plus étrangère, elle émane de proches : les enfants, le propriétaire, l’intervenant en centre d’accueil. Quelles avenues de solution privilégier pour contrer ce nouveau fléau ? L’intervention pénale constitue-t-elle une solution ?
EN :
In the late seventies and during the eighties, studies on the fear of crime showed that although less frequently victimized than other age groups, the elderly were more worried by the crime situation and the possibility of becoming a victim. Their lifestyle was affected by this. Through awareness and prevention programs, the elderly were apparently able to regain their confidence, to some degree at least. But with the nineties, new sources of insecurity for older people emerged. The threat was no longer from outside, but from those close to the elderly: their children, landlords, nursing home workers, etc. What are the best means of countering this new plague? Are penal measures a solution?
ES :
Desde fines de los años setenta y durante los ochenta, los estudios sobre el miedo al crimen han mostrado que, a pesar de ser menos victimizadas que otros grupos de edad, las personas de edad se mostraban mas inquietas trente al fenómeno criminal y trente a sus propias posibilidades de ser victimizadas. Su modo de vida se encontraba afectado por ello. Los programas de sensibilización y de prevención parecen haber logrado darles nuevamente un cierto grado de confianza. Los años noventa, sin embargo, ven aparecer nuevas fuentes de inseguridad para las personas de edad. La amenza ya no les es extraña, ahora ella proviene de sus prójimos: los hijos, el propietario, el empleado en el asilo. ¿Qué vías de solución se pueden privilegiar para hacer trente a este nuevo azote? ¿La intervención penal puede ser una solución?
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La peur du crime chez les femmes et les différentes formes de violence qu’elles subissent
Joane Turgeon et Maryse Rinfret-Raynor
p. 107–115
RésuméFR :
Les sentiments d’insécurité des femmes face au crime semblent démesurés par rapport au nombre réel de crimes qu’elles subissent. Même si on reconnaît dorénavant que les femmes sont aussi souvent victimes de crimes que les hommes, il demeure difficile d’expliquer pourquoi elles ont plus peur du crime que les hommes. L’article propose une conception globale de la violence faite aux femmes. Si on tient compte des caractéristiques particulières des crimes contre les femmes et si on s’intéresse à la façon dont leur incidence est évaluée, la peur du crime des femmes devient beaucoup plus compréhensible. La peur du crime a des conséquences néfastes pour la santé mentale des femmes ainsi que pour leur qualité de vie. Ce constat pourrait suggérer le développement de programmes visant la prévention de la peur du crime chez les femmes. Cependant, les conséquences du crime étant beaucoup plus dévastatrices que celles de la peur du crime, il est important que le crime lui-même demeure la cible privilégiée de l’intervention.
EN :
Women's feelings of insecurity regarding crime appear disproportionate to the actual number of crimes committed against them. Although it is now recognized that women are as frequently crime victims as men, it is difficult to explain why they fear crime more than men do. The article posits an overall conception of violence affecting women. In considering the particular nature of crimes against women and the way their occurrence is measured, it is much easier to understand women's fear of crime. This fear has negative effects on women's mental health and quality of life. This finding could influence the development of programs aimed at preventing women's fear of crime. But since the effects of crime are far more devastating than the fear of crime, it is important that crime itself remain the main area targeted.
ES :
Los sentimientos de inseguridad de las mujeres frante al crimen parecen desmesurados en relación al número real de crímenes de los que son víctimas. Aún si se reconoce ahora que las mujeres son víctimas tan frecuentes de crímenes como los hombres, aún es difícil explicar por qué ella tienen mas miedos al crimen que los hombres. El artículo propone una concepción global de la violencia contra las mujeres. Teniendo en cuenta las características particulares de los crímenes contra las mujeres e interesándose al modo en que esta incidencia es evaluada, el miedo al crimen de las mujeres llegar a ser mucho mas comprensible. El miedo al crimen tiene consecuencias nefastas para la salud mental de las mujeres, y para su calidad de vida. Esta constatación puede sugerir el desarrollo de programas que apunten a la prevención del miedo al crimen de las mujeres; pero siendo las consecuencias del crimen mucho mas devastadoras que las del miedo a éste, es importante que el crimen siga siendo el objeto primario de la intervención.
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Le vote Front national ou le syndrome de la peur
Nonna Mayer
p. 117–122
RésuméFR :
Les préoccupations sécuritaires sont une des principales motivations du vote pour le Front National. Elles s’expliquent moins par des facteurs objectifs (victimation, exposition accrue à la violence) que par des facteurs subjectifs, un sentiment d’insécurité personnelle qui déborde largement le domaine du crime et de la délinquance. Quel que soit le risque (sida, atteintes à l’environnement), le niveau de peur des électeurs du FN est systématiquement plus élevé que la moyenne. Ces peurs s’inscrivent dans une vision pessimiste du monde, en relation avec un isolement social et politique marqué : repli sur le milieu familial, faible potentiel associatif, niveau culturel bas, manque de confiance dans les institutions, etc. Elles sont volontairement entretenues et exploitées par les dirigeants du FN, comme en témoignent sa presse, ses tracts, ses conseils aux militants. Mais une proportion croissante de Français voient dans ce parti un danger pour la démocratie et la peur même qu’il inspire est un frein à sa progression électorale.
EN :
Security concerns are one of the main reasons people vote for the Front National. This is not so much due to objective factors (victimization, increased exposure to violence) as subjective aspects, a sense of personal insecurity that goes well beyond the sphere of crime and delinquency. Whatever the risks (AIDS, environmental damage, etc.), the level of fear among FN voters is consistently higher than average. Such fears form part of a pessimistic worldview, tied to a marked social and political isolation: withdrawal into the family, poor capacity for social relations, low level of culture, lack of confidence in institutions, etc. These fears are deliberately encouraged and exploited by FN leaders, as evidenced by FN press material, pamphlets and advice for activists. But a growing number of French men and women view this party as a threat to democracy, and the very fear it inspires is in fact hindering its electoral progress.
ES :
Las preocupaciones por la seguridad son una de las principales motivaciones del voto por el Frente Nacional. Ellas se explican menos por factores objetivos como la victimización o el aumento de la exposición a la violencia, que por factores subjetivos, como un sentimiento de inseguridad personal que desborda ampliamente el campo del crimen o de la delincuencia. Cualquiera sea el riesgo (SIDA, atentados contra el medio ambiente), el nivel de miedo de los electores des Frente Nacional es sistemáticamente mas alto que el promedio. Estos miedos se enraízan en una visión pesimista del mundo, y se relacionan a un aislamiento social y político marcado: repliegue sobre el medio familial, bajo potencial asociativo, bajo nivel cultural, falta de confianza en las instituciones, etc. Estos miedos son voluntariamente mantenidos y explotados por los dirigentes del Frente, como lo evidencian su prensa, sus folletos, sus consejos a sus militantes. Una proporción creciente de franceses ven en este partido un peligro para la democracia, y el miedo que inspira es en sí un freno a su progreso electoral.
IV. Ceux qui contrôlent
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Insécurité, mesures communautaires et contrôle des communautés
Pierre Landreville
p. 127–133
RésuméFR :
Alors que, depuis quelques décennies, on tente de promouvoir des mesures de réinsertion sociale et de mettre sur pied des mesures pénales autres que l’emprisonnement pour favoriser l’inclusion et la réintégration dans la communauté, d’autres forces poussent plutôt vers l’exclusion des délinquants et des marginaux au nom de la communauté que l’on veut protéger. Les groupes qui s’affrontent sur la scène sociale ont des motivations et des intérêts divergents. L’article analyse le contexte et les facteurs macrosociologiques en jeu ainsi que les motivations plus ou moins explicites des différents acteurs sociaux.
EN :
Whereas for several decades there have been attempts to implement correctional measures other than imprisonment to reintegrate offenders into the community, other forces tend to exclude criminals and marginal populations in the name of the communities to be protected. These groups, now confronting one another in the social arena, have divergent motivations and interests. This article looks at the overall sociological context and factors involved and the more or less explicit motivations of the various social players.
ES :
Mientras que desde hace ya varios decenios se intenta promover medidas de reinserción social y de establecer medidas penales diferentes de la prisión, medidas que favorecen la inclusión y la reintegración en la comunidad, otras fuerzas empujan hacia la exclusión de los delincuentes y de los marginales en el nombre de la comunidad que se quiere proteger. Estos grupos que se confrontan en la escena social tienen motivaciones e intereses divergentes. El artículo analiza el contexto y los factures macrosociológicos en juego, así como las motivaciones mas o menos explicitas de los diferentes actores sociales.
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Sécurité, insécurité et prisons
Antoinette Chauvenet, Georges Benguigui et Françoise Orlic
p. 135–143
RésuméFR :
Plus que dans toute organisation, la finalité, les objectifs, les moyens et les règles de fonctionnement de la prison sont définis à l’extérieur de celle-ci. Aussi le rapport entre sécurité, insécurité et prisons est-il directement relié à celui que la société entretient à sa propre sécurité ou insécurité. La prison en tant que lieu d’expulsion du corps social de ceux de ses membres qui mettent en cause sa sécurité est un objet de méconnaissance, un impensé. Pour cette raison même cet impensé favorise la production d’insécurité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et partant alimente les discours et les pratiques d’exclusion. L’article se fonde sur les résultats d’une recherche effectuée auprès de 300 surveillants de prisons françaises.
EN :
More than in any other organization, the ends, objectives, means and operational rules in prison are defined outside the institution. Thus the link among security, insecurity and prisons is directly associated with society's own sense of security or insecurity. Prisons as the social group's expulsion sites for those of its members who threaten its security are a blind spot for society. For this very reason, this lack of knowledge fosters insecurity both inside and outside prison walls and fuels the theory and practice of exclusion. The article is based on the results of a study involving 300 French prison guards.
ES :
Mas que en cualquier organización, la finalidad, los objetivos, los medios y las reglas de funcionamiento de la prisión son definidas desde el exterior. Así también, la relación entre seguridad, inseguridad y prisiones esta directamente relacionada a la que la sociedad establece respecto a su propia seguridad o inseguridad. La prisión como lugar de expulsión del cuerpo social de aquellos miembros que amenazan su seguridad es un objeto de estudio desconocido, no pensado. Por esta misma razón, este objeto no pensado favorece la producción de la inseguridad tanto al interior como al exterior, y alimenta los discursos y las prácticas de exclusión. El artículo se funda en los resultados de una investigación efectuada con 300 guardianes de prisión en Francia.
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L’insécurité en prison
Jean-Claude Bernheim
p. 145–153
RésuméFR :
La violence en milieu carcéral est une réalité difficile à mesurer, tout comme la violence en milieu libre, mais la violence est indubitablement sous-évaluée dans les deux cas. Sur la base des statistiques officielles, il ressort que les détenus, comme le personnel de garde, sont victimisés, les premiers nettement plus intensément que les seconds. En dépit de cette constatation, la victimisation en milieu carcéral ne suscite pas l’intérêt des pouvoirs politiques. Politiquement non rentable, la prise en considération de ce type de violence provoquerait indéniablement un questionnement sur son origine autant que sur le rôle de l’institution carcérale dans ses manifestations. Par conséquent, il n’est pas étonnant que les politiciens refusent de s’intéresser à ces questions sauf lorsque des événements spectaculaires suscitent le scandale ou l’indignation populaire.
EN :
The reality of prison violence is difficult to measure, as with violence in open settings, but it is undoubtedly underestimated in both cases. Official statistics show that prisoners and guards are victimized by it, the first more intensely than the second. Despite this finding, political authorities are not interested in victimization in prison. Politically non-profitable, consideration of this type of violence would clearly lead to a questioning of its origins and the role prisons play in its manifestations. It is not therefore surprising that politicians refuse to get involved in these issues except when spectacular events engender scandal or public indignation.
ES :
La violencia en el medio carceral es una realidad difícil de medir, así como la violencia en ambiente de libertad, pero indudablemente ambas están subvaloradas. Sobre la base de estadísticas oficiales, es evidente que los detenidos, así como el personal de guardianes, son victimizados, los primeros netamente mas que los segundos. A pesar de esta constatación, la victimización en medio carceral no suscita el interés de los poderes políticos. Políticamente poco rentable, la consideración de este tipo de violencia provocaría sin duda un cuestionamiento sobre sus orígenes así como sobre el rol de la institución carceral en sus manifestaciones. Como consecuencia, no es sorprendente que los políticos rehusen de interesarse en estos temas, salvo cuando sucesos espectaculares suscitan el escándalo o la indignación públicas.
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La police communautaire : vers un nouveau paradigme de la prévention ?
Maurice Chalom
p. 155–161
RésuméFR :
Les milieux urbains sont aux prises avec de nouvelles formes de déviance et de criminalité pour lesquelles les pratiques policières usuelles sont de moins en moins efficaces. Face à ce sentiment de ne plus avoir de prise sur la réalité criminelle, les organisations policières repensent leurs stratégies. La police communautaire, qui se présente comme la solution la plus appropriée pour le maintien de l’ordre, la prévention et la répression du crime, se veut plus compatible avec les intérêts du public et s’efforce donc de faire participer la collectivité à ses stratégies. Collectivité et police sont ainsi cogestionnaires de la criminalité et coproductrices de la sécurité.
EN :
Urban areas are struggling with new forms of deviance and criminality against which standard police practices are increasingly ineffective. Faced with this feeling that they are losing their control over the crime situation, police organizations are reassessing their approaches. Community policing, presented as the most appropriate method to maintain order and prevent and check crime, is intended to be more in tune with public interests, and therefore attempts to involve the community in its strategies. The community and the police are thus co-managers of criminality and co-producers of security.
ES :
Los medios urbanos confrontan nuevas formas de desviación y de criminalidad, frente a las cuales las prácticas policíacas usuales son cada vez menos eficaces. Frente a este sentimiento de no poder controlar la realidad criminal, las organizaciones policiales revisan sus estrategias. La policía comunitaria, que se presenta como la respuesta mas adecuada para mantener el orden, asegurar la prevención y la represión del crimen, se ve mas compatible con los intereses del público, y se esfuerza así en hacer participar la comunidad en sus estrategias. Colectividad y policía son así cogestores de la criminalidad, y coproductores de la seguridad.
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Entre ordre et délinquance, brève note sur l’insécurité policière
Dominique Monjardet
p. 163–166
RésuméFR :
Si la « bavure » policière est un incident, c’est au sens de l’incident critique, qui condense et permet donc d’analyser le fonctionnement d’ensemble du système en cause. L’auteur montre ainsi que la polarisation de la culture professionnelle des policiers sur la guerre contre le crime et celle du Prince sur le maintien de l’ordre public se combinent pour détourner la police de s’intéresser à la demande sociale de sécurité, quand elles n’engendrent pas elles-mêmes l’insécurité.
EN :
If police "foul-ups" are incidents, it is in the sense of critical incidents, which condense the functioning of the overall system in question and open it to analysis. It can thus be seen that focussing of the police's professional culture on the war against crime and that of the State on maintaining public order together prevent the police from paying attention to public security, and even themselves generate insecurity.
ES :
Si el error policial es un incidente, lo es como incidente crítico, que condensa y que permite así el analizar el funcionamiento de conjunto del sistema. Se demuestra así cómo la polarización de la cultura profesional de los policías en la guerra contra el crimen, y la del Príncipe, sobre el mantener el orden público, se combinan, para desviar la policía y para interesarse a la demanda social de seguridad, cuando esta polarización no engendra ella misma la inseguridad.
V. Ceux qui rapportent
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Le réel fiction : les émissions « info-crime »
Georges-André Parent
p. 171–180
RésuméFR :
Sous prétexte d’action communautaire et de partenariat avec la police, les médias télévisés propagent l’image d’une criminalité qui fait peur en dramatisant les crimes les plus spectaculaires et en encourageant les méthodes répressives traditionnelles de lutte contre le crime. Paradoxalement, alors que l’idée de police communautaire vise le développement de moyens de réduire le sentiment de peur et d’insécurité dans la société, les programmes télévisés de type Crime Stoppers, qui font l’objet de cet article, misent sur une collaboration communautaire pour dépister les auteurs de crimes, amplifiant du même coup le sentiment de peur et d’insécurité. Tous les efforts de la police communautaire sont ainsi neutralisés par l’action des médias.
EN :
Under the pretext of community action and partnership with police, televised media are spreading the image of alarming criminal activity by dramatizing the most spectacular crimes and encouraging traditional, repressive crime-fighting methods. Paradoxically, whereas the idea behind community policing is to develop ways to reduce fear and insecurity in society, television shows like Crime Stoppers, examined in this article, count on community help to track down criminals, thus intensifying the sense of fear and insecurity. The overall efforts of community policing are thus neutralized by media activity.
ES :
Con el pretexto de una acción comunitaria y de colaboración con la policía, los medios televisivos propagan la imagen de una criminalidad que amedrenta, dramatizando los crímenes mas espectaculares, y favoreciendo los medios represivos tradicionales de lucha contra el crimen. Paradojalmente, mientras que la idea de la policía comunitaria es de buscar el cómo reducir el sentimiento de miedo y de inseguridad en la sociedad, los programas televisivos de tipo Frenos al crimen, que son el tema de este artículo, buscan una colaboración de la comunidad en la identificación de los autores de crímenes, amplificando así los sentimientos de miedo y de inseguridad. Todos los esfuerzos de la policía comunitaria son así neutralizados por la acción de los medios de comunicación.
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Médias et insécurité
Hugues Lagrange
p. 181–195
RésuméFR :
Le criminel est l’équivalent du héros dans un autre ordre. C’est un être d’exception dont l’audace séduit. L’intérêt pour le crime est coextensif à cet attrait pour les comportements exceptionnels. La représentation médiatique de la délinquance remplit une fonction anthropologique discriminante qui spécifie la limite entre l’anormal et le normal et une fonction sociale qui transforme des faits individuels exceptionnels en expérience socialement significative. Les médias contribuent à cristalliser l’inquiétude par rassemblement d’une masse atomisée de craintes sur des objets identiques : les violences emblématiques. Mais ce sont des liens projectifs et non des liens organiques qui sont ainsi créés.
EN :
The criminal is the equivalent of the hero in another context, i.e. an exceptional individual with a captivating boldness. Interest in crime is linked to the attractiveness of exceptional behaviour. Media representations of criminality fulfil an anthropologically discriminating function that sets the boundaries between abnormal and normal, and a social function that turns exceptional individual actions into a socially significant experience: the media help to crystallize our worries by focussing a fragmented mass of fears on identical objects, i.e. emblematic violence. But the relationships thus created are projective rather than socially unifying.
ES :
El criminal es el equivalente del héroe en un orden diferente. Es un ser de excepción, de una audacia seductora. El interés por el crimen es coincidente con esta atracción por las conductas excepcionales. La representación de la delincuencia en los medios de comunicación realiza una función antropológica discriminante, que especifica los límites entre lo anormal y lo normal, y una función social que transforma los hechos individuales excepcionales en una experiencia socialmente significativa: los medios de comunicación contribuyen así a cristalizar la inquietud, reuniendo una masa atomizada de miedos sobre objetos idénticos, como son las violencias emblemáticas; pero éstos lazos que crean son proyectivos y no orgánicos.