Résumés
Résumé
Dans cet article, nous proposons un développement théorique sur le concept de découplage, qui s’avère utile pour analyser les relations industrielles. Beaucoup d’auteurs définissent le découplage comme un processus de réponses des organisations aux pressions institutionnelles. Si le découplage « politique-pratique » décrit par Bromley et Powell (2012) rejoint le cas de figure décrit par Meyer et Rowan (1977), où le choix est intentionnel, associé à un simulacre d’évaluation, le découplage « moyens-fins » rappelle les situations décrites par Reynaud. Dans ce cas, les dirigeants ont l’intention d’appliquer les normes institutionnelles, qu’ils ont reproduites sous forme de procédures, mais échouent à les appliquer sous la pression des opérationnels. Pour autant, la TNI n’explique par le processus sous-jacent au découplage en négligeant la dimension politique dans la production de normes et de règles, ce que la TRS permet à travers le concept de régulation sociale. En quoi le découplage dans les organisations est-il une forme de régulation sociale ? Nous faisons tout d’abord un état de l’art sur le concept de découplage, en particulier les travaux de chercheurs de la TNI inscrits dans une approche épistémologique du constructivisme social, en précisant leurs lacunes. Nous montrons ensuite que la TRS, compatible en partie avec cette dernière approche, apporte une lecture qui rompt avec une analyse multiniveau en considérant les processus de production de règles de tous les groupes sociaux sans les hiérarchiser. Nous montrons que la TRS appréhende ce phénomène comme une forme de régulations disjointes en distinguant trois catégories selon l’existence de négociation et d’accord :
Les régulations disjointes « d’évitement » expliquent le découplage « politique-pratique », où la direction a connaissance de l’écart entre ses normes institutionnelles et les règles des opérateurs et fait le choix d’éviter la confrontation.
Les régulations disjointes « conflictuelles » expliquent le découplage « moyens-fins » avec un alignement des structures voulu par la direction, contrariée par le pouvoir des professionnels.
Les régulations disjointes « de méconnaissance » expliquent le découplage provoqué par une absence de connaissance des règles autonomes par la direction. Les équipes d’opérateurs peuvent aussi ignorer la règle de contrôle.
Ces formes de disjonction entre les espaces sociaux (institutions, sommet stratégique, groupes d’opérateurs) expliquent les différents types de découplages à l’oeuvre dans un secteur économique, ouvrant des pistes de recherches stimulantes pour le futur.
Mots-clés :
- Découplages,
- Théorie néo-institutionnelle,
- Régulations sociales
Abstract
In this article, we propose a theoretical development of the concept of decoupling, which is useful for analysing industrial relations. Many authors define decoupling as a process of organisational responses to institutional pressures. While the 'policy-practice' decoupling described by Bromley and Powell (2012) is similar to the case described by Meyer and Rowan (1977), where the choice is intentional, associated with a simulacrum of evaluation, the 'means-ends' decoupling is reminiscent of the situations described by Reynaud. In this case, managers intend to apply institutional standards, which they have reproduced in the form of procedures, but fail to apply them under pressure from operational staff. What can SRT contribute to the analysis of decoupling? We begin by reviewing the state of the art on the concept of decoupling, and in particular the work of TNI researchers taking an epistemological approach based on social constructivism. We then show that SRT, which is partly compatible with this latter approach, provides an interpretation that breaks with a multi-level analysis by considering the rule production processes of all social groups without ranking them. We show that TRS understands this phenomenon as a form of disjointed regulation, distinguishing three categories according to the nature of the negotiations:
Disjointed 'avoidance' regulations explain the 'policy-practice' decoupling, where management is aware of the gap between its institutional norms and operators' rules and chooses to avoid confrontation.
Conflictual" disjointed regulations explain the "means-ends" decoupling, with an alignment of structures desired by management but thwarted by the power of professionals.
Ignorance" disjointed regulations explain the decoupling caused by management's ignorance of autonomous rules. Teams of operators may also be unaware of the control rule.
Keywords:
- Decoupling,
- Neo-institutional theory,
- Social regulation
Corps de l’article
1. Introduction
La théorie néo-institutionnaliste (TNI), qui n’est pas un courant homogène, a vécu un questionnement profond sur ses fondements après des années de développements portant sur l’encastrement institutionnel des acteurs des organisations (Lecas, 2006). Une partie des chercheurs de ce courant, devenu « hégémonique » (Alvesson et Spicer, 2019), a appelé à établir des fondements microsociaux, dans une perspective constructiviste (Powell et Colyvas, 2008 ; Tolbert et Darabi, 2020). Ils reconnaissent, par ce fait même, « l’agentivité » des salariés à modifier la « structure »[1], notamment à travers une « perspective comportementale » (Haack, Sieweke et Wessel, 2020), sans pour autant s’écarter d’une analyse par niveau social, qui traite insuffisamment les relations de pouvoir (Willmott, 2015).
La théorie de la régulation sociale (TRS) évite ce travers en inscrivant au coeur de son analyse les relations de pouvoir dans les organisations entre les groupes sociaux, sans les hiérarchiser, dans leurs régulations sociales (Reynaud, 1997 ; 1999). Ce processus d’intervention sur les règles est paradoxalement abordé de manière peu approfondie par la TNI (Gray et Silbey, 2014).
La confrontation des deux théories se révèle particulièrement utile pour analyser le phénomène de découplage, qui est l’objet de nombreuses recherches ces dernières années, portant sur les relations industrielles de plusieurs secteurs économiques. Pour autant, rares sont les recherches qui s’y hasardent (Klarsfeld et Delpuech, 2008).
Beaucoup d’auteurs s’appuient sur les travaux théoriques de Bromley et Powell (2012) et Pache et Santos (2010) en définissant le découplage comme un processus de réponses des organisations aux pressions institutionnelles. Si le découplage « politique-pratique » décrit par Bromley et Powell (2012) rejoint le cas de figure décrit par Meyer et Rowan (1977), où le choix est intentionnel (parfois avec cynisme), associé à un simulacre d’évaluation, le découplage « moyens-fins » rappelle les situations décrites par Reynaud (1997). Dans ce cas, les dirigeants ont l’intention d’appliquer les normes institutionnelles, qu’ils ont reproduites sous forme de procédures, mais échouent à les appliquer sous la pression des opérationnels (Mainhagu, 2015). Cependant, la TNI n’explique pas suffisamment la nature du mécanisme du découplage à travers son analyse multiniveau centrée sur les contraintes normatives institutionnelles (Vo, Culié et Mounoud, 2016). L’objectif de cet article théorique est de combler cette lacune, en mobilisant le concept de régulation sociale de la TRS, d’où notre question de recherche : en quoi le découplage dans les organisations est une forme de régulation sociale ?
À partir d’une revue de littérature critique sur le traitement par une branche de la TNI des processus microsociaux du découplage, nous montrons les possibilités qu’offre la TRS pour dépasser une approche multiniveau, en considérant ce phénomène comme des régulations disjointes. Les situations de dualité des règles correspondant aux découplages peuvent en effet être appréhendées comme une double régulation sociale, à l’égard des agents institutionnels, d’une part, et à l’égard des usagers des biens et services, d’autre part. Nous distinguons trois types de régulations disjointes, selon la nature des interactions, que nous associons aux différentes formes de découplage décrites par les chercheurs de la TNI. Nous représentons enfin dans un modèle théorique le découplage considéré comme des disjonctions entre des espaces sociaux non hiérarchisés, où la TRS s’enrichit de la perspective de la TNI, centrée sur les pressions institutionnelles, et réciproquement. Ces apports théoriques ouvrent des pistes de recherches stimulantes dans le domaine des relations industrielles pour permettre de mieux comprendre le fonctionnement des secteurs économiques.
2. L’état de l’art sur les découplages
2.1 Définition du découplage
Dans presque tous les articles que nous avons mobilisés pour constituer cette revue de littérature, les auteurs font référence à la définition de Meyer et Rowan (1977), qui présentent le découplage comme une situation de faible alignement entre la structure et l’activité (faible intégration de l’organisation). C’est un état particulier d’organisations qui sont influencées par des agences institutionnelles, notamment celles émanant de l’État. La conformité aux exigences des institutions (pression pour l’application de normes) par l’organisation est alors purement symbolique. Le plus souvent, il s’agit d’un fait résultant d’un choix délibéré des dirigeants (Westphal et Zajac, 1994 ; Weaver et Trevin, 1999). Le but est de protéger les opérateurs d’un risque d’inefficacité et d’incohérence. Le sommet stratégique accepte une absence d’application de la réglementation. Il y a donc une décision de « l’organisation » (ce terme est souvent choisi comme si elle se résumait à son sommet stratégique). Oliver (1991) l’appréhende comme une des tactiques de la stratégie d’évitement, détachant les activités techniques de tout contact avec l’extérieur (notion de tampon).
On observe cependant une évolution conceptuelle depuis quelques années. Pour plusieurs chercheurs, le découplage n’est pas un état, mais un processus, notamment de prise de décision stratégique. Beaucoup d’auteurs se basent sur les travaux de Bromley et Powell (2012) qui distinguent :
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le découplage « politique-pratique », qui est une forme de « régulation sélective » effectuée par les dirigeants, qui affichent symboliquement les normes institutionnelles pour contenter les agents institutionnels, sans volonté réelle de les appliquer,
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du découplage « moyens-fins », où les opérateurs imposent une application symbolique des normes malgré le souhait du sommet stratégique de s’y conformer.
Ces deux stratégies de découplage conduisent les dirigeants à séparer leur structure prescriptive de leur structure opérationnelle (Marquis et Qian, 2014). Elsbach et Sutton (1992) avaient déjà montré à travers le cas d’Act up que la direction peut choisir de créer deux structures juridiques pour répondre à des demandes institutionnelles contradictoires (adhérents et État). Les dirigeants ont trouvé une solution, devant les contradictions des logiques institutionnelles, en divisant en deux entités la forme de l’organisation, comme le soulignent également Pache et Santos (2013). Cette évolution de la définition du découplage s’inscrit dans le projet de refondation de la TNI.
2.2 L’enjeu des recherches sur les découplages
L’analyse du découplage est apparue comme un enjeu théorique important après que les fondateurs de la TNI ont exprimé le souhait « d’ouvrir la boite noire » de l’organisation et de mieux considérer l’agence. En effet, une partie des chercheurs, ayant investi le thème du découplage ces dernières années, répondent à l’appel de Powell et Colyvas (2008) à un retour aux fondations de la TNI, parfois associé à l’article de George et ses collègues (2006), en apportant des fondements microsociaux à la TNI. Ils renouent ainsi avec l’approche du constructivisme social, qui était celle des fondateurs de ce courant, prenant leur distance avec les chercheurs de la TNI ayant une posture positiviste et analysant les processus macrosociologiques, comme les isomorphismes, à travers des données quantitatives.
Ces chercheurs sont cependant divisés sur la pérennité des découplages. L’enjeu est de taille puisque si le découplage n’est que temporaire, l’ancrage macrosocial de la TNI n’est plus aussi facilement contestable. Bromley et Powell (2012) conditionnent le découplage à l’existence d’un environnement institutionnel opaque, c’est-à-dire dans lequel il est difficile pour les observateurs d’évaluer les pratiques et d’établir des causalités entre les politiques et ce qui est mesuré. La complexité institutionnelle (Greenwood, Raynard, Kodeih, Micelotta, et Lounsbury, 2011) et l’opacité des pratiques favorisent pour ces auteurs un découplage durable « moyens-fins » (Luo, Wang et Zhang, 2017). Wijen (2014) étudie les normes environnementales qui, d’après lui, constituent des règles du jeu servant à définir les pratiques sociales, à attribuer des rôles et à guider des interactions. Or, la grande opacité du champ rend l’implémentation des normes institutionnelles impossible. Le risque de non-conformité est grand lorsqu’il est complexe d’expliquer causalement les résultats des organisations, lorsque la diversité des pratiques adoptées est élevée et que les difficultés d’observer les pratiques sont grandes. Haack et ses collègues (2015) contestent les affirmations de Wijen. Pour eux, l’analyse du découplage proposé éloigne la TNI de ses racines constructivistes, car les analystes négligent les processus microsociaux, en ne prenant pas en compte les représentations des salariés qui s’engagent dans des transformations des pratiques de l’organisation.
2.3 Les trois perspectives microsociales du découplage
C’est dans cette perspective qu’Haack, Sieweke et Wessel (2020) ont réuni plusieurs chercheurs proposant une explication microsociale des phénomènes décrits par la TNI, notamment celui du découplage. Ils distinguent trois perspectives, dont nous nous sommes servis pour catégoriser les publications recensées sur le découplage en fonction de leur méthodologie (tableau1).
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Dans la perspective cognitive, les dirigeants possèdent des barrières mentales qui produisent des contraintes informelles de méconnaissance des situations opérationnelles, les empêchant de réussir l’implémentation des normes institutionnelles. La méconnaissance des logiques institutionnelles fragmentées est alors soulignée. Parfois, le rôle des émotions est considéré dans le processus cognitif, en montrant comment les managers censés appliquer les normes institutionnelles gèrent leurs sentiments concernant le découplage (Vo, Culié et Mounoud, 2016). Certains s’en accommodent pour réussir leur carrière, d’autres pas. Misangyi (2016) insiste sur ces expériences cognitives des normes institutionnelles qui varient dans les organisations, expliquant les découplages, notamment des normes de RSE dans le secteur de la finance (Sendlhofer, 2020). Les dirigeants s’accommodent d’une justification symbolique par les managers du temps partiel des femmes (Dick, 2015).
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Dans la perspective communicationnelle, les chercheurs montrent que la rhétorique des dirigeants permet de légitimer les croyances sur la raison d’être des normes, ce qui peut contraster avec l’absence de volonté réelle de les appliquer du fait de moyens insuffisants, expression d’un couplage symbolique (Boiral, 2007). Haack et Schoeneborn (2012) décrivent les récits des dirigeants des banques, des ONG et des analystes financiers sur l’application de « normes éthiques », qui influencent la situation de découplage (voir aussi Garcia-Sanchez et al, 2021). Pour Weaver et ses collègues (1999), les dirigeants utilisent dans leur communication des guides institutionnels de bonnes pratiques, sans les appliquer, entretenant les découplages.
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Dans la perspective comportementale, les auteurs appréhendent les découplages comme des processus microsociaux d’interaction entre les membres du sommet stratégique, d’une part, et entre ces derniers et les autres acteurs de l’organisation, d’autre part. Cette troisième perspective, majoritaire, utilise le plus souvent des méthodes qualitatives, portant davantage sur les secteurs non marchands, où l’on trouve fréquemment des « organisations hybrides », propices aux découplages (tableau 1). Nous la développons, car elle offre le plus de proximité avec la TRS, également centrée sur les interactions sociales.
Tableau 1
Publications sur le découplage selon les approches, méthodes et secteurs
Quatre types d’interactions de nature conflictuelle ou d’entente y sont analysées :
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Les rivalités entre dirigeants provoquent des découplages « évasifs » ou « émergents », du fait de l’incertitude quant aux perceptions des institutions (Crilly, et al., 2012). Elles sont basées sur des arguments idéologiques, affichant des identités différenciées (Tilcsik, 2010). L’influence des croyances sur le choix du découplage par les dirigeants repose aussi sur la possession du pouvoir par une coalition (Binder, 2007 ; Westphal et Zajac, 2001), dans un contexte de dépendance aux instances gouvernementales (Marquis et Qian, 2014). Le découplage permet alors de composer avec une complexité institutionnelle, qui crée des tensions, avec des situations parfois paradoxales (Smith et Lewis, 2011), causées par des niveaux d’exigences institutionnelles différents, comme dans l’application des normes de RSE (Luo, et al., 2017). Il apparait alors comme une « trêve » entre les dirigeants de l’organisation, qui se réfèrent à des logiques différentes que leur inspire un environnement institutionnel hybride, composite et complexe (Schildt et Perkmann, 2017 ; Vermeulen, Zietsma, Greenwood et Langley, 2016), notamment dans le secteur social (Bromley, Hwang et Powell, 2012 ; Pache et Santos, 2013 ; Urasadettan, 2015). La coexistence de plusieurs logiques en leur sein en fait des « organisations hybrides » (Battilana, Sengul, Pache et Model, 2015). Les agents institutionnels peuvent accepter, voire favoriser les découplages selon leur relation avec les dirigeants (Heese, Krishnan, et Moers, 2016 ; Talbot et Boiral, 2023).
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Les conflits d’interprétations des normes institutionnelles sont susceptibles d’opposer les opérateurs et les managers-gestionnaires et de provoquer des découplages (Sandholtz, 2012 ; Kern, Laguecir et Lecas, 2017 ; De Bree et Stoopendaal, 2018). Hengst et ses collègues (2020) montrent des ingénieurs et des chefs de produits qui provoquent la stratégie de découplage de la RSE de leur entreprise (baisse de consommation d’énergie des produits fabriqués) au nom de leurs valeurs associées à leur activité professionnelle (fiabilité, authenticité, véracité, compétitivité des produits fabriqués).
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Les alliances entre les experts sont également documentées. Brandl et ses collègues (2020) montrent comment les professionnels de la GRH acceptent que les normes soient de simples affichages de façade en réalisant un travail collaboratif avec les managers, qui les appliquent, pour trouver des solutions et maintenir la confiance dans l’organisation.
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Les alliances entre les dirigeants et les opérateurs sont évoquées également. Kellogg (2009) montre par exemple comment les professionnels de santé s’allient avec la direction des hôpitaux pour lutter contre le découplage, moralement insupportable pour eux. La responsabilité morale des salariés n’est pour autant pas toujours active dans toutes les entreprises pour empêcher les découplages symboliques. Comme le soulignent Palermo et ses collègues (2017), la complexité institutionnelle induit des normes avec lesquelles les opérateurs doivent se « débrouiller » en cherchant à les rendre applicables.
En analysant les multiples interactions sociales dans les organisations (conflits et ententes), ces recherches participent bien au renouvellement de la TNI. Elles lui apportent des fondements microsociologiques, en soulignant l’agentivité des salariés.
2.4 Les lacunes de la TNI
Cependant, plusieurs critiques peuvent être formulées :
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Les publications décrivant les interactions des membres du sommet stratégique avec les opérateurs réduisent le plus souvent le rôle de ces derniers à appliquer ou non les règles prescrites ; en effet, rarement il est indiqué qu’ils en produisent eux-mêmes. La définition du découplage moyens-fins n’évoque pas cette possibilité. Or, le découplage peut être compris comme une lutte de légitimité entre des règles pour faire fonctionner l’organisation, qui repose notamment sur des arguments techniques pour plus d’efficacité, idéologiques afin de respecter des valeurs et politiques dans le but de préserver le pouvoir (Mainhagu, 2015). Sandhotz (2012) souligne « le niveau d’analyse manquant » dans les travaux sur la standardisation qui oublient le rôle des groupes d’experts qui produisent leurs propres normes. Les consultants sont par exemple reconnus dans leur capacité à changer l’usage des concepts à la mode dans leur pratique en fonction des situations qu’ils gèrent (Heusinkveld, Benders, Hillebrand, 2013). Cette prise en compte du rôle des groupes d’experts permet de mieux comprendre le découplage des organisations hybrides. Toutefois, il apparait réducteur de ne pas attribuer ce pouvoir à tous les groupes d’opérateurs.
La plupart de ces auteurs proposent une analyse du découplage multiniveau, comme préconisé par Haack et ses collègues (2020). Même Sandholtz (2012) propose une représentation par niveaux hiérarchisés des espaces sociaux. Les groupes de salariés se trouvent dans des espaces sociaux inclus dans l’organisation, où ils résistent aux pressions institutionnelles de l’environnement relayées par leurs dirigeants. Cet enchainement de dépendance du haut vers le bas, dont cherchent à se défaire les groupes d’opérateurs, est contradictoire avec une approche constructiviste. Cette dernière reconnait seulement l’existence d’espaces de construction de sens par les acteurs localement, sans les hiérarchiser (Kilduff, Melira et Dun, 2011). Les normes sont produites dans des espaces sociaux à des temporalités différentes et leurs contextes de production de règles peuvent être indépendants (Reed, 1997). La genèse des règles contrôlant l’activité des groupes de salariés diffère de celles qu’ils ont créées pour fonctionner (Archer, 1995).
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Peu d’études de la TNI analysent le découplage à travers le processus de régulation des agences institutionnelles. Guillèm et Capron (2016) montrent, par exemple, l’efficacité des régulateurs institutionnels dans l’adoption de normes de protection des actionnaires, qui interdisent l’existence de découplage, même « moyens-fins ». Ils considèrent que les agents de l’État possèdent une capacité contraignante pour empêcher les découplages. Talbot et Boiral (2023) montrent comment les agences gouvernementales intègrent les recommandations d’audit sur la soutenabilité environnementale et justifient le découplage auprès des organisations. De même, Heese et ses collègues (2016) montrent des choix délibérés de membres d’une agence de santé de ne pas sanctionner les hôpitaux qui ne respectent pas les normes en mobilisant des principes moraux de justice. Ce qui peut paraitre comme une forme d’incompétence est en réalité l’expression de régulation au sens d’un ajustement au contexte marqué par des buts et un environnement institutionnel complexe et fragmenté. Le découplage n’est donc pas toujours dénoncé, d’autant plus que les agents institutionnels savent qu’une communication sur cette déviance affaiblirait la légitimité des normes qu’ils ont créées (Hensel et Guerard, 2020). Cependant, on ne sait rien sur les situations de négociation des normes.
Pour contourner ces trois écueils, la TRS est susceptible d’apporter des réponses en adéquation avec l’approche constructiviste, avec laquelle elle est en accord sur de nombreux points.
3. Expliquer les découplages par la TRS
3.1 Les découplages comme l’expression de régulations disjointes
Le phénomène de découplage décrit par la TNI n’est pas étranger à Reynaud, qui évoque les situations de « régulations parallèles » dans ses écrits (Reynaud et Reynaud, 1994). Rappelons qu’il définit la régulation sociale comme un ensemble d’actions sur les règles, consistant en leur « création, suppression, transformation et maintien » (Reynaud, 1997, p.19). Plus largement, les activités de régulation permettent un ajustement entre éléments contradictoires. Comme l’indique Canguilhem (2002, p. 583) : « La régulation, c’est l’ajustement, conformément à quelque règle ou norme, d’une pluralité de mouvements ou d’actes et de leurs effets ou produits, que leur diversité ou leurs successions rendent d’abord étrangers les uns aux autres ». Les règles produites dans les organisations servent à « réguler les relations d’emploi » (Flanders, 1968, p.8). Les différents groupes sociaux qui composent l’organisation et les institutions portent des logiques parfois contradictoires. La régulation organisationnelle constitue alors une manière d’ajuster entre elles ces entités sociales plurielles, parfois étrangères entre elles, qui ont fabriqué leurs propres règles du jeu.
Influencé par l’analyse stratégique des acteurs, Reynaud s’inscrit dans l’épistémologie phénoménologique à travers l’individualisme méthodologique pour lequel les règles sont avant tout un construit social résultant des interactions. La contrainte de la « structure » est reconnue puisque les salariés sont socialisés avec des règles qu’ils n’ont pas toujours inventées. Mais pour la TRS, cet héritage est transformé par les agents dans leurs confrontations avec le contenu de leur travail, expériences qui forgent leur identité professionnelle au sein d’espaces sociaux aux temporalités et contextes différents (Reynaud et Richebé, 2009). Les capacités d’agent sont donc centrales pour la TRS dans la production de règles de groupes sociaux, qui sont en relation de concurrence : chacun cherche à imposer ses règles à l’autre dans l’organisation. L’analyse part des interactions entre les groupes sociaux : « partir non de l’unité de la société, mais de la pluralité et de l’opposition des acteurs sociaux, non de l’effet unifiant de l’institution, mais du compromis symbolisé par le contrat ; non de l’hypothèse d’une conscience collective, foyer moral et religieux d’unité (ou ce qui revient au même, d’un système de valeurs commun), mais d’une dispersion des intérêts, des préférences et des valeurs qui trouvent des points de rencontre et établissent ainsi des règles mutuellement admises ; non d’une régulation générale de la société, mais d’un ensemble ni cohérent ni continu de régulations conjointes ponctuelles par des acteurs sociaux » (Reynaud, 1999, p. 112). En ce sens, la TRS est conforme à une approche constructiviste, où les organisations sont considérées comme des systèmes ouverts, à l’instar de ce que propose Scott (1987) comme projet fondateur de la TNI.
Reynaud distingue deux types de conceptions de règles qui se concurrencent :
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La régulation de contrôle correspond à la situation où la règle est élaborée de manière rationnelle par un groupe social qui l’impose à un autre pour s’assurer que l’activité de travail soit conforme à ses prescriptions.
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La régulation autonome correspond au cas de figure où le groupe des opérateurs produit une règle, non pas pour prescrire le fonctionnement d’un autre groupe, mais pour mener à bien les buts qui lui sont donnés. Elle est établie à partir d’une expérience collective pour faire fonctionner une unité de production de biens ou de services, parfois pour composer avec les difficultés rencontrées afin d’appliquer la règle de contrôle (Reynaud, 2003). La règle autonome met en position de transgression les opérateurs qui risquent alors d’être sanctionnés (Babeau et Chanlat, 2008).
Dans les faits, les régulations organisationnelles n’appartiennent jamais complètement à la catégorie du contrôle ni au type autonome. Lorsque la négociation débouche sur une seule règle commune, légitimée dans toute l’organisation, un équilibre social momentané est obtenu, stabilisant les échanges et favorisant la réalisation du projet collectif. Ce cas de figure correspond à la troisième catégorie de régulation de Reynaud dite « conjointe ». Mais les cas les plus fréquents sont ceux d’une dualité des règles, entre celles produites par les régulations de contrôle et celles autonomes, qui sont émises parallèlement (Reynaud et Reynaud, 1994, p. 232 ; Reynaud, 1997, p. XVII et XIX ; 2003, p. 110). Les deux régulations sont alors « disjointes ».
Ainsi, Reynaud propose un cadre d’analyse permettant d’appréhender les fondements des décalages persistants entre les normes institutionnelles et la réalité des pratiques dans les organisations que sont les découplages. Il considère que l’absence d’accord ou de négociation entre les groupes sociaux est la situation la plus courante. Il est en effet fréquent que la règle officielle de contrôle soit maintenue alors qu’elle n’est pas (ou plus) appliquée (ou partiellement). La règle effective utilisée par les opérateurs pour faire fonctionner l’activité – et donc atteindre les buts de l’organisation – n’est pas pour autant légitimée par le sommet stratégique. Il s’agit d’une régulation duale puisque l’existence de deux règles pour une même activité permet, d’une part, l’ajustement des différents opérateurs pour répondre aux besoins des usagers des biens et services, d’autre part, une adaptation de l’organisation à l’environnement institutionnel. Les régulations autonomes et de contrôle sont « parallèles » (Reynaud et Reynaud, 1994). La régulation est double puisque l’ajustement de l’organisation peut se faire à l’égard de l’environnement dans la recherche de ressources auprès des agents institutionnels et des usagers par les opérateurs qui tentent de mener correctement leurs missions (Mainhagu, 2016). Il est donc possible de considérer le découplage comme une manifestation de régulations disjointes, assez commune, qui lie les groupes sociaux, producteurs de leurs propres règles.
Cette forme particulière de régulation sociale avait déjà été proposée par Moisdon (2012), mais celui-ci ne précise pas le mécanisme à l’oeuvre. Un effort de définition de ce concept a été entrepris par Mainhagu (2016), qui établit un lien avec le découplage (sans le développer), en l’illustrant par des soignants qui refusent d’appliquer les règles des entretiens annuels émises par la direction après négociation avec eux. Ils en appliquent d’autres qui sont davantage en adéquation avec leur idéal professionnel, ce qui préserve leur pouvoir. Les deux autres régulations disjointes parallèles et conflictuelles, assez communes dans le secteur de la santé (Mainhagu, 2022), se révèlent également des situations de découplage, puisque caractérisées par une dualité de règles. La TRS apparaît alors susceptible de contribuer à l’analyse de la TNI sur les découplages.
3.2 Les apports de la TRS aux recherches sur les découplages
Ainsi, la TRS peut contribuer à dépasser les lacunes repérées sur le traitement du découplage par la TNI (notamment dans une perspective comportementale qui met, comme elle, les interactions au coeur de l’analyse), et ce, par trois apports :
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Le premier apport de la TRS est le concept de régulation sociale appliqué à l’analyse des organisations (on peut parler de régulations organisationnelles), mettant au coeur de l’analyse les processus de production de règles. Nous avons montré que la TNI n’explicite pas suffisamment le mécanisme du découplage et ne reconnait pas aux opérateurs la capacité à produire des normes ou des règles. La TRS permet de mieux le faire à travers ce concept. Ce processus de régulation duale permet de supporter les tensions paradoxales produites par des logiques d’acteurs distinctes, que ce soit dans les agences institutionnelles ou dans les organisations (Pache et Santos, 2013). Ce faisant, nous apportons une évolution à la TNS puisque celle-ci n’inclut pas les agents institutionnels dans l’analyse comme le fait la TNI.
En tirant les enseignements de cette confrontation entre les deux théories, nous pouvons représenter schématiquement le découplage dans un secteur économique (figure 1), en considérer les régulations sociales dans trois espaces sociaux où s’opère un « ajustement, conformément à quelque règle ou norme » (Canguilhem, 2002, p. 583) :
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l’agence institutionnelle où sont créées des normes pour ajuster le secteur à son contexte (régulation institutionnelle sectorielle),
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le sommet stratégique où sont créées des règles de contrôle pour ajuster l’organisation productrice de biens et services à son contexte, notamment institutionnel (régulation organisationnelle managériale),
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le groupe d’opérateurs où sont créées des règles autonomes pour ajuster leur unité de production au contexte (régulation organisationnelle opératoire).
Figure 1
Le modèle des régulations disjointes
Ces trois types d’acteurs sont présents dans tous les secteurs économiques. Dans le secteur de la santé, l’État est représenté par les Agences Régionales de Santé, la Haute Autorité de Santé et le ministère de la Santé. À ces institutions, on peut ajouter les représentants des offreurs de service que sont par exemple les fédérations de l’hospitalisation publique et privée, qui produisent également des normes institutionnelles, en négociant avec les représentants des salariés dans les branches professionnelles. Les secteurs industriels ou tertiaires sont aussi caractérisés par des institutions étatiques (ministère, agences, organismes de certification, etc.) et de branches qui ont en commun de produire des normes censées réguler l’action des entreprises. Au sein des entreprises, on distingue schématiquement le sommet stratégique (les dirigeants ou managers qui produisent la stratégie) et le centre opérationnel (les professionnels de santé dans le secteur sanitaire par exemple ; les ouvriers dans l’industrie ; les vendeurs dans le commerce ; etc.) avec leurs représentants syndicaux.
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Le deuxième apport de la TRS est de proposer une analyse plus fine du fonctionnement des organisations en considérant que tous les groupes sociaux sont susceptibles de produire des règles, c’est-à-dire générer de la structure. La diversité des situations de régulation est grande. Les équipes d’opérateurs sont autant productrices de règles que le sommet stratégique de l’organisation. Contrairement au schéma simplifié de la TNI, la régulation sociale n’est pas du seul pouvoir des agences institutionnelles (Gray et Silbey, 2014 ; Guillen et Capron, 2016 ; Bouville et Schmidt, 2019). Les normes de la formation professionnelle imposant les entretiens professionnels aux entreprises, récemment établies par l’État français à la suite des négociations entre le MEDEF et les syndicats représentant les employés, ont pu conduire à des pratiques avec des règles différentes, notamment dans les PME (Mainhagu, 2023). Dans les entreprises, les accords d’entreprise sont des exemples de règles qui sont négociées (régulation conjointe), mais le management peut en créer de manière unilatérale en fonction de leur pouvoir, comme les équipes d’opérateurs, de manière plus ou moins clandestine. En effet, avec la TRS, les opérateurs sont reconnus dans leur pouvoir de fabrication de la règle de manière autonome, parfois en transformant la règle de contrôle, parfois indépendamment de celle-ci, à partir d’une réflexion collective des opérateurs pour organiser leur travail et répondre aux besoins des usagers. Boiral (2007) nous montre l’exemple d’une entreprise industrielle, où une démarche pour réduire les effets délétères de la production sur l’environnement existait déjà avant l’adoption par la direction des normes de certification ISO 14001. La règle autonome construite par les services de production est alors un élément de structure, qui contraint le sommet stratégique dans son projet de se conformer aux normes de certification. Celui-ci peut tenter dans un second temps de la transformer (régulation de contrôle). Les effets de structure et l’agentivité peuvent donc être considérés comme s’exerçant dans tous les groupes sociaux à travers leurs interactions.
Dans cette représentation proposée par la TRS, les trois groupes sociaux sont dans des relations de pouvoir, cherchant à imposer leurs règles avec plus ou moins de réussite selon les capacités d’agents développées. Il n’y a pas forcément une norme ou une règle qui détermine celle des autres groupes sociaux, elles peuvent être produites dans des temporalités et contextes différents dans une volonté d’ajustement (Archer, 1995). Au sein de l’organisation, les membres du sommet stratégique et les équipes d’opérateurs (ou leurs représentants) produisent, dans des espaces distincts et selon leurs logiques, des régulations de contrôle et autonomes, qui se rejoignent lorsqu’un accord est trouvé (régulation conjointe). Dans ce cas, les règles de contrôle et les règles autonomes se diluent dans la nouvelle règle institutionnalisée dans l’organisation qui peut être une réponse de conformité aux normes prônées par les agences institutionnelles. On observe alors un alignement des structures. Mais le cas le plus commun est l’absence d’accord (voire de négociation), les tensions entre les deux régulations persistent et restent disjointes (figure 1). L’alignement des trois espaces de régulations sociales s’avère d’autant plus improbable que les contextes de négociation dans leur temporalité diffèrent fortement, car les acteurs y développent leurs propres intérêts, idéaux et compétences (Alter, 2003).
En reprenant la typologie des découplages de Bromley et Powell (2012), trois formes de régulations disjointes peuvent être distinguées :
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les régulations disjointes « d’évitement » expliquent le découplage « politique-pratique », où le sommet stratégique a connaissance de l’écart entre ses normes institutionnelles et les règles des opérateurs et fait le choix d’éviter la confrontation. Les deux régulations rivales vivaient en mauvaise intelligence, ou plutôt ne survivaient ensemble qu’en s’efforçant de s’ignorer (Reynaud, 2003, p. 110-111). Il y a alors une stratégie de double « évitement », à l’égard des opérateurs et des agents institutionnels. La régulation opératoire autonome est alors disjointe de la régulation managériale de contrôle et de la régulation sectorielle conjointe. Cependant, pour que cette situation fonctionne, il est nécessaire qu’il existe un accord même s’il est implicite, sinon les salariés risquent de la dénoncer. Vo et ses collègues (2016) décrivent des situations observées dans des entreprises industrielles où la direction impose le « knowledge management ». Finalement, la complexité du dispositif et l’existence de règles informelles de diffusion des savoirs ont entraîné une application symbolique de ces outils que la direction ne cherche pas à imposer. Les règles autonomes perdurent et les règles de contrôle ne sont pas appliquées. Dans ce cas, il y a un accord, mais pas de négociation.
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Les régulations disjointes « conflictuelles » expliquent le découplage « moyens-fins ». L’alignement des structures voulu par le sommet stratégique est contrarié par le pouvoir des opérateurs, parfois soutenu par leur encadrement de proximité, situation que favorise l’opacité de leurs activités (Luo et al., 2017). Crilly et ses collègues (2012) montrent comment les salariés d’une entreprise s’opposent aux normes de RSE, qui se révèlent pour eux inapplicables et remettent en question leurs règles de fonctionnement produites à l’issue d’un processus d’apprentissage. L’opposition frontale de la ligne hiérarchique a été fatale à l’application de ces normes RSE voulues par le sommet stratégique, mais qui restent en suspens. Dans ce cas, la négociation entre ces groupes sociaux ne débouche pas sur un accord. On observe alors une absence d’alignement des structures.
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Les régulations disjointes « de méconnaissance » expliquent un cas extrême de découplage (non mentionné par la TNI), sans stratégie délibérée, provoqué par une absence de connaissance des règles autonomes par le sommet stratégique. La direction n’est pas au courant de l’existence de cette régulation autonome (ou ne cherche pas à le savoir). Baret et ses collègues (2011) décrivent la situation d’une DRH d’un hôpital, qui, lors de la mise en place de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, a découvert l’existence de règles de fonctionnement basées sur ce principe dans les services de soin. Les régulations des deux espaces sociaux se développent « parallèlement » (Reynaud et Reynaud, 1994). La dualité de règles est associée à une absence de négociation et d’accord.
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Le troisième apport de la TRS est de considérer le même processus de régulation sociale dans les agences institutionnelles. Reynaud (1999) a étudié les branches professionnelles où se négocient des accords amendant la convention collective sectorielle. Les institutions, comme les organisations productrices de biens et de services, sont composées de plusieurs groupes sociaux qui ont des buts et cultures spécifiques avec des contraintes opératoires qui ne sont pas les mêmes. C’est le cas de la Haute Autorité de Santé, où siègent des représentants des professionnels de santé et des dirigeants des établissements, qui s’entendent sur des normes de qualité. Ce schéma est celui de toutes les branches professionnelles où sont définies des règles inscrites dans la convention collective. La production de normes institutionnelles est avant tout associée à des interactions sociales propres à ces entités, qui sont influencées par leurs enjeux, évitant comme la TNI de tout considérer comme des institutions (Alvesson et Spicer, 2019).
Ainsi, chaque groupe social (agents institutionnels, dirigeants des organisations de biens et services, groupes d’opérateurs) est susceptible de produire de la structure en développant sa propre régulation sociale et d’opter pour plusieurs types de stratégie pour répondre aux tensions paradoxales découlant de cette pluralité de règles. La multitude des régulations engendre des conflits de temporalité (Alter, 2003). Plus les missions et contextes internes des groupes sociaux sont spécifiques, moins les régulations sociales convergent. La probabilité que les structures s’alignent n’est donc pas élevée. Le découplage est d’autant plus commun que l’environnement est complexe. Les normes sont ambigües et les organisations hybrides (Battilana et al., 2015), caractérisées par un partage équilibré du pouvoir entre le sommet stratégique et les opérateurs avec des cultures très différenciées (Pache et Santos, 2010).
3.3 Des pistes pour la poursuite des recherches
Ces développements théoriques ouvrent quatre pistes de recherche prometteuses pour analyser les découplages.
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La première concerne les formes de régulation sur le plan institutionnel. Comment les agents à ce niveau établissent-ils des règles ? Les TNI ne traitent pas souvent des processus de régulation qui entrent en jeu dans l’élaboration des règles au sein des institutions (Benham et Mac Lean, 2011 ; Heese, et al., 2016 ; Guillèm et Capron, 2016 ; Talbot et Boiral, 2023). Il serait utile de mener d’autres études sur les formes de régulation dans ces organisations particulières.
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Une deuxième voie de recherche serait d’étudier la manière dont les réseaux de gestionnaires et d’opérateurs sur le plan institutionnel diffusent les règles et les normes de l’institution à leurs collègues sur le plan organisationnel par le biais de processus qui génèrent de l’isomorphisme. Il serait intéressant de connaitre ce qui est intégré par les acteurs des organisations comme allant de soi sur le plan cognitif et politique, et ce qui n’est pas pris en compte comme influence, compte tenu de ce qu’ils vivent dans leur unité pour réaliser leurs missions. Cela inclut la diffusion des différentes interprétations faites des règles et des normes institutionnelles, un processus qui implique les logiques professionnelles. Comment les processus, par lesquels les employés s’identifient à leur profession ou à leur métier, ou du moins à leur emploi, les amènent-ils à considérer comme évidente une interprétation des règles et normes institutionnelles ? Les recherches dans ce domaine pourraient se concentrer sur les interactions entre les agents institutionnels et les employés des organisations. Les capacités d’agent découlent-elles du fait que les salariés doivent composer avec une réglementation par le biais de contrôles dans le cadre de leur travail ? Ces derniers sont-ils ainsi amenés à réfléchir sur le sens de leurs actions et à organiser des actions collectives, indépendamment de leurs représentants institutionnels ? Une analyse distincte de ces processus améliorerait notre compréhension de « l’agentivité » des salariés et des dirigeants.
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Une troisième voie de recherche porte sur la forme de régulation adoptée par les managers qui ne se contentent pas de mettre en place une forme de régulation par des contrôles conformes aux normes de l’institution, mais qui adoptent des stratégies d’affrontement (Oliver 1991 ; Sandholtz, 2012), notamment en raison de leurs problèmes techniques. Les gestionnaires sur le plan institutionnel sont-ils aveugles aux défauts des normes institutionnelles ? Un examen des déconnexions persistantes entre les espaces sociaux où les règles sont établies et ceux où elles sont censées être appliquées fournirait des informations utiles tant aux chercheurs qu’aux gestionnaires.
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Un quatrième axe de recherche pourrait aborder la question de l’appropriation des règles. Comment une forme de régulations disjointes devient-elle conjointe, et vice-versa ? Les facteurs politiques, culturels et techniques utilisés dans les explications pourraient être mieux compris et articulés dans un modèle général de régulation. Ces pistes de recherche sont susceptibles de stimuler autant les chercheurs de la TNI que de la TRS.
Conclusion
Cette recherche a permis d’apporter des indications sur ce que peut offrir la TRS à l’analyse du phénomène de découplage de la TNI. La TRS permet de mieux appréhender « l’agentivité » des opérateurs, producteurs de règles, au même titre que tous les groupes sociaux. Elle aide aussi à mieux appréhender les relations entre les organisations et les institutions de manière moins déterminée et hiérarchique. Les chercheurs de la TRS sont également invités à investir davantage le thème des relations entre les institutions et les organisations productives de biens et de services, en étendant le concept de régulation sociale à l’analyse des processus d’ajustements par les règles des actions de groupes sociaux parfois étrangers les uns aux autres, du fait de contextes techniques, d’intérêts et de cultures divergents. Ces analyses pourront aider les chercheurs dans le champ des relations industrielles en apportant un éclairage sur les formes de régulations disjointes observables dans les secteurs économiques, en proie à une frénésie d’élaboration de règles, dans des espaces sociaux aux contextes trop éloignés pour les faire converger.
Parties annexes
Note
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[1]
Terme utilisé par Giddens que Reed (1997) définit comme l’ensemble des normes, règles, codes, lois, statuts…
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Liste des figures
Figure 1
Le modèle des régulations disjointes
Liste des tableaux
Tableau 1
Publications sur le découplage selon les approches, méthodes et secteurs