Relations industrielles / Industrial Relations
Volume 78, numéro 1, 2023
Sommaire (9 articles)
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Les attentes des cadres du secteur parapublic québécois à l’égard de leur représentation collective
François Bolduc et Jean-Noël Grenier
RésuméFR :
La question de la représentation collective des cadres a été remise à l’ordre du jour récemment, à la suite de l’initiative de l’Association des cadres de la Société des casinos du Québec ainsi que de l’Association professionnelle des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec, qui ont obtenu l’autorisation du Tribunal administratif du travail de se constituer en syndicats, malgré le statut de cadre de leurs membres. Cette décision, qui a été confirmée en février 2022 par la Cour d’appel du Québec, soulève de nombreux questionnements sur le futur de la représentation collective de cette catégorie de travailleurs. Cet article entend contribuer à la réflexion sur ce thème, en mettant en lumière les attentes qu’entretiennent les cadres du secteur parapublic québécois à propos de leurs associations représentatives et de leurs modes d’action. Pour ce faire, nous mobilisons des résultats provenant de deux recherches réalisées auprès de cadres du secteur de la santé et des services sociaux, membres de l’AGESSS, et du secteur de l’éducation, membres de l’AQCS. Ces cadres expriment leur accord face à d’éventuelles modifications de l’encadrement législatif de leurs relations de travail. Cela dit, ils ne manifestent pas pour autant une volonté de se syndiquer. Qui plus est, ils sont ambivalents quant à l’utilisation éventuelle de modes d’action revendicateurs. Nous posons l’hypothèse que ce rapport au syndicalisme est une affirmation identitaire, qui s’explique, entre autres, par la façon dont le Code du travail définit les acteurs des relations du travail.
Précis
En mobilisant un cadre théorique inspiré des écrits de Hyman (1997; 1998), nous analysons les résultats de deux recherches à propos de la représentation collective des cadres du secteur parapublic québécois. Ces résultats proviennent de deux sondages, réalisés auprès des cadres des secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation, membres de l’AGESSS et de l’AQCS. Il appert que les cadres sont en accord avec d’éventuelles modifications à l’encadrement législatif de leurs relations de travail; cependant, ils n’expriment pas le désir de se syndiquer ni celui d’utiliser des modes d’action revendicateurs.
EN :
The question of the collective representation of managerial staff was put back on the public and political agenda following a decision by the Appeal Court of Quebec in February 2022. This decision raises many questions about the future of collective representation for this category of workers. With this article, we want to contribute to the debates on this theme, by highlighting the managers expectations about their representative associations and their modes of action. To do this, we mobilize results from two studies carried out with managers from the Quebec public sector, members of AGESSS and AQCS. These results underline the fact that managers want changes to be made to the legislative framework of their labor relations, but they reject the possibility of unionizing and they are ambivalent about the possible use of strike. We make the assumption that this rejection of trade unionism is an affirmation of identity, which is explained, among other things, by the way in which the Labor Code defines the actors of labor relations.
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Assessing MSDs before Introduction of a Cobot: Psychosocial Aspects and Employee’s Subjective Experience
Emma Cippelletti, Soufian Azouaghe, Damien Pellier et Aurélie Landry
RésuméEN :
Musculoskeletal disorders (MSDs) are one of the main causes of work disability (EU-OSHA, 2019; WHO, 2019). Several solutions, including the cobotic system (EUROGIP, 2017), have been put forward to improve unhealthy working conditions and prevent MSDs. We sought to identify the MSD risk factors of workers on a screen-printed glass production line prior to introduction of a cobot. We used a mixed data collection technique: video observations and assessment of MSD risk factors by expert ergonomists, and then self-confrontation interviews with six production-line operators and subjective perception of risk factors. The two types of assessment (by experts and by operators) showed that the most demanding risk factors were physical (e.g., work posture) and psychosocial (e.g., mental workload). Certain risk factors were viewed differently by the experts and the operators. One question remains: How can a cobot make work more meaningful for operators?
FR :
Les Troubles Musculo-squelettiques (TMS) représentent la plus grande cause d’invalidité au travail (EU-OSHA, 2019; WHO, 2019). Plusieurs solutions sont proposées pour réduire la pénibilité du travail, ses difficultés et prévenir les TMS, parmi elles, figure la cobotique, c’est-à-dire l’implantation en situation de travail de robots coopératifs (EUROGIP, 2017). Dans ce contexte, la présente étude porte sur l’évaluation initiale des facteurs de risques de TMS dans une ligne de production de sérigraphie sur verre avant l’implantation d’un robot coopératif (cobot). Notre étude s’est basée sur une méthode mixte de recueil de données : observations filmées et analyse des facteurs de risque de TMS par des experts en ergonomie, puis entretiens d’auto-confrontation avec les 6 opérateurs de la ligne de production et perception des facteurs de risques par les opérateurs. Les résultats montrent que les facteurs de risques jugés comme les plus pénibles correspondent à la charge physique (e.g. les postures) et à la charge psychosociale (charge mentale) pour les 2 types d’évaluateurs (expert et opérateur). Mais les résultats montrent que les opérateurs entre eux ont des perceptions différentes de certains facteurs de risques. Ces résultats posent la question de comment le cobot pourra soulager les opérateurs des facteurs de risques au regard du sens du travail des opérateurs.
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Bâtir une GRH inclusive en PME au travers des relations de don/contre-don entre dirigeant et salariés
Ludivine Adla et Virginie Gallego-Roquelaure
RésuméFR :
Évoluant dans des contextes économique et géopolitique turbulents, des questions sociales s’ajoutent aux difficultés quotidiennes des PME. Certains dirigeants sont donc amenés à concilier leurs différentes préoccupations, tout en replaçant les salariés au coeur de l’organisation. Autrement dit, il s’agit de mieux prendre en compte leurs attentes et de les faire participer aux décisions relatives à la gestion des ressources humaines. Dans cette optique, l’émergence d’une GRH inclusive, favorisant l’épanouissement professionnel et la reconnaissance de chaque salarié, s’invite en PME.
Ainsi, notre étude exploratoire apporte des éléments de réponse à sa construction, tout en remettant en question certaines croyances établies. En effet, à travers la logique du don, nous montrons que cette GRH repose principalement sur des relations d’échange, qui ne sont pas exemptes de difficultés.
Résumé
Cet article vise à comprendre l’émergence et le développement d’une gestion des ressources humaines (GRH) inclusive en PME. Le concept d’inclusion renvoie à l’épanouissement professionnel et à la reconnaissance des salariés (Bonneveux et al., 2020). Cette forme de GRH comporte une visée intégrative dans la mesure où elle offre la possibilité d’améliorer la collaboration notamment entre le dirigeant et ses salariés. Dans cette optique, nous avons mobilisé de façon originale la logique du don de Mauss, couplée à la littérature sur la GRH en PME afin de proposer une nouvelle grille de lecture. À partir du cas emblématique d’une PME, une étude qualitative longitudinale a été menée sur une période de 8 ans.
Les résultats soulignent le décalage entre les contre-dons attendus et ceux réellement réalisés par le dirigeant, qui conditionnent in fine l’adonnement des salariés. Ce déséquilibre dans la relation amène à la construction d’une GRH inclusive.
EN :
This article aims to understand the emergence and development of inclusive human resource management (HRM) in SMEs. The concept of inclusion refers to the professional fulfillment and recognition of employees (Bonneveux et al., 2020). This form of HRM has an integrative aim insofar as it offers the possibility of improving collaboration, particularly between the manager and his employees. In this perspective, we have mobilized in an original way Mauss's logic of gift, coupled with the literature on HRM in SMEs in order to propose a new reading grid. Based on the emblematic case of an SME, a longitudinal qualitative study was conducted over a period of 8 years.
The results underline the gap between the expected counter-gifts and those actually provided by the manager, which ultimately condition the employees' adoration. This imbalance in the relationship leads to the construction of an inclusive HRM.
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Transformed or Transferred? How Workers Perceive Managerial Control over Home Telework. Some Insights from an Italian Case
Francesco Eugenio Iannuzzi et Francesco Campolongo
RésuméEN :
We examined how home-based teleworkers perceived managerial control in an Italian context in order to gain insight into some of the organizational changes brought on by the COVID-19 pandemic. Drawing on studies of changes to managerial control over the past few decades, we show how workers have experienced the reconfiguration and hybridization of control practices and methods in home telework. Our results cast doubt on the widely held belief that telework is revolutionizing managerial control and work procedures. Organizational and power dynamics at work are key to determining how telework affects employee experiences.
Summary
We investigated the impact of the COVID-19 pandemic on labour relations, specifically by examining how teleworkers perceived control within various occupations in an Italian context. Telework has long been touted as having the power to displace traditional managerial control structures in favour of less hierarchical forms of supervision. However, scholars are still divided over whether it promotes greater employee autonomy or, on the contrary, results in greater managerial control. Research has frequently been influenced by specific circumstances. In earlier decades, the low prevalence of telework encouraged neither thorough research nor the ability to compare various organizational structures. Additionally, there has been a long-standing tendency to treat teleworkers as a homogeneous group, with little regard for within-group differences. Disparities among workers and among organizations can lead to inconsistent results.
Our study was conducted mainly during the first waves of the pandemic in Italy, with a view to understanding if, how, to what extent and on what basis telework modifies managerial control processes and systems. We looked at how workers experienced managerial control in various occupations that differ in organizational form and managerial culture.
In line with Storey’s (1985) concept of “layers of control” and, more generally, with studies on transformations of managerial control in labour processes, we argue that the emergency restructuring due to home telework caused a transfer of organizational conditions, these being a combination of existing methods, standards and forms of control. Our findings show how employees dealt with the hybridization, overlapping and differentiation of various forms of control during a time of widespread telework. In this way, we cast doubt on the simplistic association between telework and reduction of control, as well as on the potential of telework to bring fundamental change to organizational processes.
FR :
Cet article étudie les changements dans les relations de travail provoqués par la pandémie de Covid 19 par l’examen des perceptions de contrôle des télétravailleurs dans diverses professions en Italie. Le télétravail a longtemps été présenté comme ayant le pouvoir de déplacer les structures traditionnelles de contrôle managérial en faveur de formes de supervision moins hiérarchiques. Cependant, les chercheurs sont toujours divisés sur la question : le télétravail favorise-t-il une plus grande autonomie des employés ou, au contraire, s'il entraîne un plus grand contrôle de la part des managers? La faible prévalence du télétravail au cours des dernières décennies n'a pas favorisé les recherches approfondies et la capacité à comparer différentes structures organisationnelles. En outre, il existe une tendance de longue date à traiter les télétravailleurs comme un groupe homogène, en accordant peu d'attention aux différences internes. La recherche critique, quant à elle, a démontré comment les disparités entre les travailleurs et les organisations peuvent être liées à des résultats d'étude incohérents.
Cet article est basé sur les résultats empiriques d'une recherche qualitative menée principalement au cours des premières vagues de la pandémie en Italie, visant à comprendre si, comment, dans quelle mesure et sur quelle base le télétravail modifie les processus et les régimes de contrôle managérial. Nous avons étudié la manière dont le contrôle managérial était vécu par les travailleurs dans différentes professions, qui reflétaient différentes formes d'organisation et cultures managériales.
Dans la lignée théorique de la notion de "couches de contrôle" de Storey (1985) et, plus généralement, des études sur les transformations du contrôle managérial dans les processus de travail, l'article affirme que la restructuration d'urgence par le biais du télétravail à domicile implique un transfert des conditions organisationnelles par le biais d'une combinaison de méthodes, de normes et de formes de contrôle existantes. Les résultats empiriques illustrent la manière dont les employés ont géré l'hybridation, le chevauchement et la différenciation de diverses formes de contrôle dans le contexte du télétravail généralisé. Nous remettons ainsi en question l'association simpliste entre le télétravail et la réduction du contrôle, ainsi que le potentiel du télétravail à modifier fondamentalement les processus organisationnels.
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Éclairage par le commun des conditions organisationnelles pour la pérennité des communautés de pratique
Kévin Pastier, Victor Combes, Michel Dalmas et François Silva
RésuméFR :
Objectif de la recherche : Cet article interroge la pérennité des communautés de pratique (CoP), généralement considérée par des approches déterministes, en utilisant le cadre théorique des communs. Cet article propose donc par analogie d’analyser les CoP en tant qu’organization et organizing. Cette approche doit permettre d’identifier les conditions internes pour une reproduction d’une CoP. L’objectif de cette recherche est ainsi de comprendre les conditions d’auto-organisation et de pérennité d’une CoP. Méthodologie : Pour ce faire, nous utilisons une méthodologie mixte. Après une étude qualitative de plusieurs mois à observer et analyser deux CoP, nous nous appuyons sur une étude quantitative menée auprès de sept CoP au sein d’une entreprise, MUTUALIS. Un questionnaire permettant d’analyser l’organization et l’organizing des CoP a été envoyé aux membres. 76 réponses ont été retenues et analysées avec SMART PLS. Contribution : Si cet article identifie un potentiel de reproduction interne des CoP et donc de pérennité, il souligne également que celle-ci demeure partielle par son usage instrumental. En raison de ce dernier, les CoP minimisent leur reproduction organisationnelle et donc leur auto-organisation. Pour dépasser cette limite, le cadre du commun propose in fine une approche intégrative de l’organisation d’une action collective auto-organisée qui nous amène à penser la démocratisation à une échelle multiniveaux. Finalement, cette étude démontre l’impératif d’une transformation organisationnelle plus générale de l’entreprise qui ne peut être réduite à des dispositifs ou des communautés sporadiques.
Précis
Les communautés de pratique (CoP) semblent aujourd’hui amplement étudiées par la littérature académique depuis une vingtaine d’années, en particulier leur rôle en knowledge management. Cependant, parfois considérées comme des formes auto-organisées et émancipatrices au sein de l’entreprise, les approches traditionnellement développées concernant leur pérennité nous semblent discutables. Elles proposent en effet une conception déterministe : les CoP sont vouées à dégénérer, soit à se banaliser par contrôle de la structure managériale soit par banalisation interne. Cet article propose alors une relecture de la pérennité des CoP, à l’aide d’une approche renouvelée en sciences de gestion et non déterministe de l’action collective organisée : les communs.
EN :
Research objective: This article examines the sustainability of communities of practice (CoP), which are typically considered through deterministic approaches, using the theoretical framework of the commons. By analogy, this article proposes to analyze CoPs as organizations and organizing. This approach should identify the internal conditions for the reproduction of a CoP. The objective of this research is thus to understand the conditions of self-organization and sustainability of a CoP. Methodology: To do so, we use a mixed methodology. After a qualitative study of several months observing and analyzing two CoPs, we rely on a quantitative study of seven CoPs within a company, MUTUALIS. A questionnaire analyzing the organization and organizing of CoPs was sent to members. 76 responses were retained and analyzed with SMART PLS. Contribution: While this article identifies the potential for internal reproduction of CoPs and therefore sustainability, it also emphasizes that this remains partial through instrumental use. The more instrumental it is, the more CoPs minimize their organizational reproduction and self-organization. To overcome this limit, the framework of the commons ultimately proposes an integrative approach to the organization of a self-organized collective action that leads us to think about democratization at a multi-level scale. Finally, this study demonstrates the imperative of a more general organizational transformation of the company that cannot be reduced to sporadic devices or communities.
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Resilience and Post-Traumatic Growth after Discriminatory Job Loss: The Case of Academics Dismissed after Turkey’s 2016 Coup
Erhan Atay et Serkan Bayraktaroglu
RésuméEN :
This study is about the impact of discriminatory job loss (DJL) on individual attitudes. It is based on interviews with 36 academics who were inequitably and involuntarily fired, and aggressively and punitively discriminated against. We extend previous research on workplace discrimination by exploring the effects of discriminatory job loss on a skilled workforce and by going beyond the job loss itself to examine coping mechanisms, resilience and post-traumatic growth. We found that gratitude, patience and optimism or pessimism about one’s future and career were leading individual factors in the ability to cope with discriminatory job loss. Such coping mechanisms, and their roles in resilience and post-traumatic growth, were described to us by academics in Turkey and abroad.
Summary
This study of DJL (discriminatory job loss) is a contribution to the literature on job loss and workplace discrimination. In particular, we aim to improve understanding of the psychological outcomes of job loss and termination while exploring their specific causes. Unlike previous studies, this one shows a hidden, unknown and veiled side of DJL, as changes in attitudes are hard to notice, or in some cases unnoticeable, until individuals act or speak out. We extend previous workplace discrimination research by exploring the effects of discriminatory job loss on skilled workers and by providing a broader perspective that includes positive aspects, such as resilience and post-traumatic growth. We found that gratitude, patience and optimism or pessimism about one’s future and career were leading determinants of the ability to cope with discriminatory job loss. Among academic victims of DJL, the ability to cope was key to resilience and strategies for post-traumatic growth.
Thus, unfair firing and punitive discrimination do not necessarily stop highly skilled workers from having hopes, expectations and plans for the future. They struggle to reduce external negative outcomes by combining resilience and PTG strategies with internal attitudes of optimism, gratitude and patience. On a practical note, workplace discrimination may be prevented through resilience and PTG strategies.
FR :
Discuter de la perte discriminatoire des emplois (PDE), plus spécifiquement des licenciements et de la discrimination collective peut contribuer de manière significative à la littérature sur la perte d'emploi et la discrimination au travail. L'étude actuelle vise à combler certaines lacunes dans la compréhension du phénomène de la perte d'emploi et à explorer les déclencheurs spécifiques derrière ces attitudes. Contrairement aux études précédentes, cette étude dévoile le côté caché, inconnu et voilé de la PDE, car les changements d'attitude sont difficiles à remarquer, ou dans certains cas, imperceptibles, jusqu'à ce que les individus agissent ou s'expriment. Ainsi, nous approfondissons les recherches antérieures en explorant les effets de la perte d'emploi discriminatoire sur une main-d'oeuvre qualifiée. Nos explorations montrent que la gratitude, la patience et les attitudes optimistes et/ou pessimistes envers leur avenir et leur carrière étaient les principaux impacts internes de la perte d'emploi discriminatoire. Les travailleurs et travailleuses académiques emploient des mécanismes d'adaptation basés sur la résilience et des stratégies de croissance post-traumatique.
Notre constat théorique est qu’être victime d’un licenciement inéquitable et de discrimination punitive pourrait ne pas empêcher une main-d'oeuvre hautement qualifiée d'avoir de l'espoir, des attentes et des plans pour l'avenir. Le personnel académique lutte pour réduire les impacts négatifs en utilisant des stratégies de résilience, des attitudes optimistes, reconnaissantes et patientes. En pratique, la discrimination sur le lieu de travail peut être réduite grâce à la résilience et aux stratégies de GCP.
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Managers et syndicats : duel ou duo ?
Juliette Fronty
RésuméFR :
Dans un contexte d’affaiblissement du dialogue social en général et de la légitimité des syndicats en particulier, nous proposons dans cet article de renouveler notre regard sur le binôme managers et syndicats à travers un changement de perspective.
Dans le cadre d’une recherche qualitative approfondie menée au sein de l’industrie aéronautique française, nous nous sommes intéressée au dialogue informel quotidien entre les middle-managers et délégués syndicaux à l’échelle de l’atelier (Kochan, Katz et McKersie, 1994). Nous avons cherché à identifier la nature et les conditions du dialogue entre managers et syndicats dans leur activité quotidienne.
Pour ancrer ce changement de perspective, nous utiliserons le concept de dialogue relationnel (Cunliffe et Eriksen, 2011) permettant de dépasser l’approche traditionnelle de dialogue social et pour en éprouver autrement l’effet.
Nous montrerons alors que le dialogue relationnel, qui est basé sur une qualité relationnelle, une approche processuelle du dialogue et sa dimension polyphonique, permet aux middle-managers d’anticiper les tensions dans les équipes et d’améliorer leurs décisions managériales. Or, ce dialogue relationnel n’est pas perçu de manière positive par toute l’organisation, notamment les responsables des ressources humaines, qui tentent d’en réduire l’impact grâce à la mise en place d’outils de gestion empêchant les arbitrages plus informels issus du dialogue entre les managers et les syndicats.
S’inscrivant dans l’évolution récente des recherches en RI s’enrichissant de cadres conceptuels venant des organizations studies, cet article contribue à tester le concept de dialogue relationnel non pas entre le manager et ses collaborateurs, mais avec des responsables syndicaux. Nous avons ainsi pu identifier des conditions organisationnelles de ce dialogue, ce qui n’avait pas encore été fait. En effet miroir, l’application du concept de dialogue relationnel dans une situation de relations professionnelles permet d’enrichir l’approche pluraliste en soulignant à la fois ses potentialités et l’importance des conditions nécessaires à ce type de dialogue.
Précis
En partant du concept de dialogue relationnel développé par Cunliffe et Eriksen (2011), nous proposons un changement de perspective dans l’étude du duo manager-syndicat. Sur la base d’une recherche qualitative menée dans une industrie aéronautique (31 entretiens), nous avons étudié la nature et les conditions du dialogue entre managers et syndicats dans leur activité quotidienne. Nos résultats permettent d’illustrer les trois dimensions du dialogue relationnel, à savoir un dialogue basé sur la qualité relationnelle, qui prend en considération sa dimension processuelle qui s’étend dans le temps et qui est de nature polyphonique prenant en compte les différents points de vue qui peuvent s’exprimer. À partir de ces dimensions, il appert que deux conditions sont nécessaires pour que le dialogue relationnel entre les managers et les syndicats puisse effectivement avoir lieu : l’autonomie des managers et l’existence de marges de manoeuvre plus informelles qui permettent au dialogue de s’inscrire dans une réalité, en autorisant des arbitrages qui n’auraient pas eu lieu sans ce dialogue, ou pas de la même manière.
EN :
In a context of weakening social dialogue in general and the legitimacy of trade unions in particular, we propose in this article to take a fresh look at the manager/trade union pairing through a change of perspective.
In the framework of an in-depth qualitative research in a French aeronautical industry, we are interested in the daily informal dialogue between middle-managers and union representatives at the shop floor level (Kochan, Katz and McKersie, 1994). This reversal allows us to develop a new perspective on the role and legitimacy of unions in an organisation.
To anchor this change of perspective, we will use the concept of relational dialogue (Cunliffe and Eriksen, 2011) to go beyond the traditional approach of social dialogue and to test its effect in another way.
We will then show that relational dialogue, which is based on relational quality, a processual approach to dialogue and its polyphonic dimension, enables middle managers to anticipate tensions in teams and improve their managerial decisions. However, this relational dialogue is not perceived positively by the whole organisation, especially by human resources managers, who will try to reduce its impact by implementing management tools that prevent the more informal arbitrations resulting from the dialogue between managers and unions.
As part of the recent evolution of IR research, enriched by conceptual frameworks coming from organization studies, this article contributes to test the concept of relational dialogue not between the manager and his employees but with trade union officials. We were thus able to identify the organisational conditions of this dialogue, which had not yet been done. The application of the concept of relational dialogue in an industrial relations situation enriches the pluralist approach by underlining both its potential and the importance of the conditions necessary for this type of dialogue.
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The Story of Work, A New History of Humanity by Jan Lucasssen – a book review
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Moulin, Stéphane (éd.). 2021. Perceptions de justice et santé au travail. L’organisation à l’épreuve. Collection Inégalité et justice sociale. Presses de l’Université Laval.210 pages ISBN : 978-2-7637-5475-8