Christian Maroy est sociologue et professeur à l’Université de Montréal et à l’Université de Louvain. L’école québécoise à l’épreuve de la gestion axée sur les résultats : sociologie de la mise en oeuvre d’une politique néolibérale se présente comme une critique de l’extension de la gestion axée sur les résultats (GAR) au sein de l’école québécoise. Maroy s’inspire des théories néo-institutionnelles américaines et de la sociologie de l’action publique pour examiner la GAR comme « […] une entreprise de changement institutionnel de la gouvernance du système éducatif québécois » (p. 4). L’ouvrage analyse les modifications légales, cognitives et instrumentales que la GAR insuffle depuis son arrivée à différents niveaux dans le milieu québécois de l’éducation. Plusieurs questions se retrouvent au centre de l’ouvrage : quelles personnes, institutions et médiations, quels processus gouvernent l’extension de la GAR au sein du système éducatif québécois ? Quelles modifications institutionnelles sont poursuivies dans la mise en oeuvre de la GAR au sein des commissions scolaires et des directions d’école ? Quelles réponses offrent les enseignants aux attentes des commissions scolaires et des directions d’établissement en lien avec la GAR ? Un double dispositif méthodologique est mobilisé par Maroy pour répondre à ces questions. Le premier, de type quantitatif, documentaire et descriptif, utilise les résultats de plusieurs enquêtes menées par la Chaire de recherche du Canada en politiques éducatives (entre 2010 et 2017) dont l’auteur est titulaire. Le second dispositif est qualitatif. Il s’appuie sur les résultats obtenus lors d’entretiens semi-dirigés (n = 104) réalisés auprès d’enseignants du secondaire et de cadres de commissions scolaires et d’écoles secondaires. Les résultats de cet important travail de recherche montrent que l’extension de la GAR au sein du système éducatif québécois s’inscrit plus largement dans un processus néolibéral d’intensification de la concurrence interétablissement. Cette extension se traduit par un renforcement de la régulation verticale de l’État sur le système scolaire québécois ainsi que par la multiplication des règles, outils de suivi, instruments d’encadrement des pratiques et des résultats qui reposent sur des justifications positives. Au nom de la réussite scolaire de tous les élèves, la GAR fait appel notamment à la quantification, à la transparence et à la comparaison, qu’elle présente comme favorisant la responsabilité et la réflexivité des enseignants ainsi que l’amélioration de leurs pratiques pédagogiques. Au sein des commissions scolaires et des écoles, la GAR donne lieu à deux dispositifs qui permettent aux directions de concilier leurs fonctions administratives avec les attentes de leadership et de résultats pédagogiques. 1) Un dispositif contractuel institutionnalise progressivement un vocabulaire et de nouvelles normes lors des activités quotidiennes – comme les assemblées générales, les comités d’établissement et les rapports d’évaluation. Ce dispositif contribue à redéfinir l’établissement comme un milieu « mobilisé », qui produit « activement » des apprentissages pouvant être certifiés et quantifiés. 2) Un dispositif de régulation pédagogique du travail des enseignants estime, par le prisme de la comparaison, la valeur du travail des enseignants, mais aussi des départements, des années d’études et des écoles, en tablant sur leur capacité à produire les résultats ciblés. Les relations entre les directions et les enseignants deviennent dans la foulée plus hiérarchiques, alors que les premières ont accès à davantage de légitimité et de mesures pour appuyer leurs demandes d’amélioration des performances. Les conseillers pédagogiques se transforment en « experts » en soutien aux objectifs de performance des commissions scolaires et des directions d’école, tandis que l’expertise des enseignants se retrouve, elle, passablement remise en cause. Les directions d’établissement les sollicitent en faisant appel à leur réflexivité en lien avec les résultats des élèves et les cibles de performance à atteindre. …
L’école québécoise à l’épreuve de la gestion axée sur les résultats : sociologie de la mise en oeuvre d’une politique néolibérale, Par Christian Maroy, (2021). Québec, Presses de l’Université Laval, 295 p. ISBN : 978-2-7637-3834-5[Notice]
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Jonathan Binet, Ph. D., T.S.I.
Professeur remplaçant au rang d’adjoint École de service social, Université d’Ottawa