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Le modèle cybernétique du contrôle de gestion : vers une anthropologie du contrôle de gestion, Par Benoit Pigé, (2020) Caen, EMS, 260 p. ISBN : 978-2-37687-340-2[Notice]

  • Marie-Pierre Bourdages-Sylvain

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Les outils de contrôle de gestion ont connu une forte expansion au cours des dernières décennies, sous l’impulsion des mutations du capitalisme et de la complexité croissante des environnements dans lesquels gravitent les organisations, qui suscitent de nouveaux besoins en matière de coordination et de contrôle des activités et des processus. D’abord diffusé dans les entreprises privées, ce nouvel appareillage de gestion s’est rapidement déployé dans un nombre croissant d’organisations, sans égard à la taille ou aux secteurs d’activité, comme en témoigne sa diffusion dans les organisations publiques où il est devenu légion. Dans son ouvrage Le modèle cybernétique du contrôle de gestion : vers une anthropologie du contrôle de gestion, Benoit Pigé, professeur des universités enseignant en science de gestion à l’Université de Franche-Comté, s’intéresse à ces outils, dont le développement s’est accéléré au gré de celui des technologies de l’information et de la communication. Contrairement au discours dominant qui les présente souvent comme autant de voies objectives contribuant à l’efficience des organisations, Pigé propose une lecture plus nuancée, en mobilisant la cybernétique afin de « déterminer dans quelle mesure l’outil s’impose aux dirigeants, dans quelle mesure l’outil, par les techniques qu’il met en jeu, conduit les dirigeants à adopter une approche de la réalité dont ils ne sont pas nécessairement conscients » (Pigé, 2020 : 18). Cette approche cybernétique permet une analyse fine qui ne cherche pas à inscrire la primauté d’un phénomène sur l’autre, mais plutôt à témoigner de la façon dont les phénomènes se nourrissent mutuellement. Alors que la rhétorique scientifique associée à la quête d’efficience a contribué à ce que la dimension anthropologique soit évacuée du contrôle de gestion, le modèle cybernétique proposé par l’auteur remet la dimension sociale au centre de l’analyse, permettant ainsi de surpasser l’opposition classique entre la pensée et l’action et de considérer les interrelations par lesquelles les acteurs adaptent leurs actions aux contextes. Cette approche permet de porter un regard dynamique sur le double rôle des outils de gestion, qui contribuent à produire une information nécessaire non seulement à la coordination des processus, mais également à les transformer, grâce à l’agencéité des acteurs qui adaptent leurs comportements en fonction des informations obtenues et de l’interprétation qu’ils en font. Les deux parties qui composent l’ouvrage visent à répondre à deux interrogations « autour de l’action et du retour d’information : qui décide ? Que rend-on compte ? » (Pigé, 2020 : 24). Dans la première partie (chapitres 1 à 3), l’auteur s’intéresse à la position du décideur, qui joue un rôle de transmetteur d’information, mais également de traducteur, puisqu’il doit transformer une série de données scientifiques abstraites en des informations signifiantes pour les parties prenantes (qu’elles soient employés, bénéficiaires, clients ou sous-traitants). Après avoir retracé les conditions d’émergence (et de justification) du système formel de contrôle, l’auteur s’intéresse au critère d’efficience, qui s’est imposé au cours du xxe siècle comme réponse scientifique à la rareté des ressources et à l’arbitrage de leur utilisation, ainsi qu’au processus par lequel il a été promu comme vertu cardinale ayant préséance sur les autres critères de gestion. Il se questionne également quant à la maîtrise des relations de causalité, à leur (im)possible contrôle, aux rôles des prix et des marchés et, dans une position plus critique, aux possibles dérives des relations marchandes. Dans le deuxième chapitre, une attention soutenue (et bienvenue) est portée au facteur humain comme élément constitutif d’une organisation, ainsi qu’aux principaux enjeux qui y sont liés. De fait, le travail ne saurait être réduit à une dimension rationnelle et recouvre une dimension sociale importante, qui tend à être gommée par …

Parties annexes