Relations industrielles / Industrial Relations
Volume 76, numéro 1, hiver 2021
Sommaire (12 articles)
Articles
Français
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Coopératives de travailleurs autonomes : du jeu dans les règles au jeu sur les règles, éléments de comparaison Belgique, France et Italie
Marie-Christine Bureau, Antonella Corsani et Bernard Gazier
p. 3–24
RésuméFR :
La situation et l’activité de nouveaux travailleurs indépendants qualifiés (« I-Pros ») en Belgique, France et Italie font l’objet dans cet article d’une investigation en trois étapes, à la focale de plus en plus resserrée. Tout d’abord, une comparaison des contextes nationaux fait ressortir leur inconfort et leur précarité au sein d’une « zone grise » entre salariat et travail indépendant. Face à ce défi, l’article explore, ensuite, les logiques d’action de divers collectifs de travailleurs dont l’originalité est souvent d’intervenir simultanément dans une multiplicité de domaines. On détaille, enfin, les trajectoires de trois entreprises d’entrepreneuriat coopératif, chacune dans un des pays retenus.
Prolongeant une recherche internationale sur l’organisation des travailleurs indépendants en Europe (Recherche « I-Wire »), l’article utilise les données et les analyses obtenues dans ce cadre et les complète tant sur le plan théorique (en mobilisant le concept de « travail instituant ») que sur le plan empirique (en enrichissant le corpus dans le domaine des coopératives de travailleurs autonomes). La méthode adoptée combine l‘analyse des institutions et organisations, et les interviews individuelles et collectives d’acteurs.
De ces premiers repérages au sein d’un paysage complexe et mouvant, il ressort un résultat principal : les « I-pros » sont souvent au coeur d’un jeu simultanément dans les règles et sur les règles. Notamment, les travailleurs des trois coopératives examinées sont engagés dans un intense « travail instituant » qui passe par la révision des règles de droit, mais aussi par la fabrication de nouveaux imaginaires. Les trajectoires fortement convergentes, mais néanmoins distinctes, des trois organisations permettent de déceler des référentiels à dominante économique, qui valorisent les projets professionnels et l’entrepreneuriat, et des référentiels à dominante politique, qui insistent sur l’idée de coopération citoyenne.
EN :
This article is an investigation into the situation and activity of an emerging group of self-employed skilled workers (called “I-Pros”) in Belgium, France and Italy. The focus is initially broad: the analysis begins with a brief comparison of the national contexts of self-employment and the existing challenges for these workers in the three countries. Next, the focus is narrowed, and the authors identify and discuss the various forms of logic that underlie the action of several organizations that protect and represent “I-Pros.” Finally, the analysis deepens with a study of the trajectories and strategies of three worker cooperatives: one from each of the countries under study.
The article builds on previous European research: the I-WIRE project, which was centred on the needs and social protection of the self-employed in Europe. Here, its results are used and enriched on the theoretical level (through the concept of “instituting work”) and on the empirical level (by gathering additional material and making additional interviews). The method involves combining analysis of institutions and organizations with individual or group interviews of relevant individuals.
The research remains exploratory because its object of study is complex and changing. However, one main result can be identified: the “I-pros” often play simultaneously within the rules and with the rules. In particular, the workers at the three cooperatives under study are engaged in an intense effort to “institute” their work not only by changing the legal rules but also by imagining new ways of being and doing. The three organizations have strongly convergent but nonetheless distinct trajectories. It is thus possible to distinguish between primarily economic frames of reference, which emphasize career plans and entrepreneurship, and primarily political ones, which stress the idea of citizen cooperation.
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Un encadrement de proximité en recomposition : Les « managers de rayon » dans la grande distribution
Florent Racine
p. 25–45
RésuméFR :
Cet article porte sur les salariés des grandes surfaces alimentaires en France. Si la littérature existante sur le secteur porte essentiellement sur les caissières et utilise la monographie, notre approche s’intéresse aux managers de rayon. Porter le regard sur les managers de rayon, premier niveau d’encadrement en magasin, permet de mieux comprendre les logiques qui traversent le secteur. Mais contrairement à l’approche habituelle qui utilise la monographie, notre approche combine les échelles d’analyse (micro, méso et macro) afin d’ancrer les observations du terrain au sein de l’histoire sectorielle et de la conjoncture.
Cela nous conduits à associer la sociologie du travail et de l’emploi avec la sociologie des groupes professionnels pour montrer que les managers travaillent au sein de deux principaux segments professionnels : les rayons alimentaires, d’une part, et les rayons non alimentaires, d’autre part. Sur chaque segment, les conditions de travail ne sont pas tout à fait les mêmes : la situation économique des groupes intégrés étant préoccupante, ces derniers ont procédé à une réorganisation des rayons. Par conséquent, les conditions d’emploi sont également différentes.
En effet, si le processus de centralisation-décentralisation des tâches et la sélection d’un nouveau profil de managers sont bien mis en oeuvre de façon homogène dans les rayons alimentaires, deux rayons non alimentaires conservent leur particularité. Au rayon parapharmacie tout d’abord, le titre de docteur constitue une barrière à l’entrée dans ce marché du travail fermé. Parallèlement, les récentes réorganisations permettent à ce dernier de s’emparer des rayons des collègues, faisant de ce manager le grand gagnant des mutations actuelles. Aux rayons brun-blanc-gris ensuite, les managers sont dans une situation plus difficile : plus que partout ailleurs, ces rayons qui perdent de l’argent ont été réorganisés ou supprimés, annonçant la « mort » progressive de ce groupe.
EN :
This article offers a new perspective on the study of supermarket employees in France. Until now, publications have mainly focused on cashiers. Focusing on department managers, i.e., the first level of management in stores, allows a better understanding of the methods in this industry. Contrary to the usual approach, which relies on monographs and focuses on the same types of employees, our approach combines different scales of analysis (micro, meso and macro) in order to understand field observations in relation to the history of the sector and the economic context.
This approach led us to bring together the sociology of work and employment with the sociology of occupational groups in order to show that the managers work in two major professional segments: food departments on the one hand and non-food departments on the other. In each segment, the working conditions are not exactly the same. Because integrated groups are in an economically worrisome situation, they have reorganized supermarket departments. Consequently, working conditions are also different.
Although the process of centralization-decentralization of tasks and the selection of a new management profile have both been uniformly implemented in the food departments, two non-food departments have retained their specific characteristics. First, in the drugstore department the title of doctor constitutes a barrier to entry into this closed labour market. Second, in departments for brown-white-gray goods (consumer electronics, major appliances, small appliances), managers could disappear due to financial losses.
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Les conditions de performativité du discours autour de la création de valeur partagée
Eric Persais
p. 46–68
RésuméFR :
Le concept de création de valeur partagée (Creating Shared Value, CSV) proposé par Porter et Kramer ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Pourtant, il bénéficie d’une certaine popularité chez les chefs d’entreprises qui voient dans ce concept le moyen de répondre efficacement aux enjeux du développement durable et indirectement de réconcilier économie, social et écologie. Si l’utilisation de la CSV dans les déclarations du dirigeant permet de rassurer l’ensemble des parties prenantes sur l’objectif poursuivi par l’entreprise, celle-ci ne trouve pas obligatoirement des effets dans les pratiques organisationnelles.
Basant sa recherche sur une étude de cas unique inscrite dans une perspective longitudinale, l’auteur s’intéresse ici au passage du discours aux actes. Il s’interroge sur le caractère performatif de la CSV et met en évidence des conditions de performativité spécifiques au discours sur la création de valeur partagée.
Au terme de cette recherche, trois facteurs ont pu être mis en évidence comme des éléments facilitateurs : l’absence de théorie concurrente, la mise en oeuvre d’un processus d’acceptation sociale, l’inscription de la CSV dans une perspective plus globale touchant à la raison d’être de l’entreprise. Les résultats ainsi obtenus, qui devront cependant être confirmés par une étude à plus grande échelle, complètent les travaux précédents sur les conditions de performativité du discours stratégique en l’adaptant au concept de CSV aujourd’hui largement utilisé dans les milieux d’affaires.
EN :
The concept of Creating Shared Value (CSV), proposed by Porter and Kramer, does not have unanimous support within the academic community. Yet it does enjoy some popularity among company managers, who see it as an effective way to meet the challenges of sustainable development and, indirectly, to reconcile economic, social and ecological goals. By referring to CSV in company discourse, a manager can reassure all the stakeholders about what the company is aiming to achieve, but effects are not necessarily produced in its organizational practices.
Using data from a longitudinal single case study, the author is interested here in the process of going from talk to action. He examines the performativity of CSV and identifies some performativity conditions that are specific to CSV discourse.
From this research, three factors can thus be identified as facilitators: not having a competing theory; implementing a social acceptance process; and placing CSV within a more comprehensive approach to the company’s reason for being. These findings, which of course should be confirmed by a larger-scale study, build upon preceding studies on the performativity conditions of strategy discourse by adapting it to the CSV concept now widely used in the business community.
Anglais
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Institutional Experimentation, Directed Devolution and the Search for Policy Innovation
David Peetz
p. 69–89
RésuméEN :
One response to the employer’s search for “flexibility” (most evident in the “platform economy”) may be “institutional experimentation,” i.e., changes to institutions and how they relate to organizations and labour standards. Our question: “What form of institutional arrangement can best enable the lessons of policy experimentation to be learned and disseminated?”
Under directed devolution, as proposed here, legal entitlements or obligations would be set at a higher level (say, a national jurisdiction). A lower level (“subsidiary bodies”) would be required to work out detailed implementation of those standards, with a view to protecting the affected workers’ interests. The subsidiary bodies might cover specific industries or groups of industries. They may need to be quite innovative. Results would be evaluated and ideas generated. By emphasizing flexibility and learning, directed devolution enables actors to learn from the experiments of other actors. One such example is the regulation of New York’s road passenger transport industry in 2019, a highly innovative attempt to convert a high-level time-based minimum standard into a practical, local solution.
Directed devolution is a form of multi-level policy-making, with some similarities to the concept of subsidiarity, but more tightly integrated. Other relevant but distinct forms of multi-level bargaining include the ILO Conventions, the Bangladesh Accord and several forms of regulation adopted in Australia. Actors and policy-makers should have long-term strategies, be careful in their processes of selecting institutional members, and be prepared to deal with powerful opposition.
Directed devolution can be useful wherever establishing enforceable general principles is important and can make a real difference, but there are complications with implementation if circumstances vary considerably among organizations or industries. Devolution can be achieved without losing enforceability, and this can be done without shifting power away from those with less power. Directed devolution is a complement to, not a substitute for, specific regulatory interventions.
FR :
Une réponse à la recherche de ‘flexibilité’ par l’employeur (plus évidente dans l’économie des plateformes numériques) peut être ‘l’expérimentation institutionnelle’, c’est-à-dire les changements apportés aux institutions et à leurs relations avec les organisations et les normes de travail. Notre question est la suivante : « Quelle forme d’arrangement institutionnel peut le mieux permettre de tirer et de diffuser les leçons de l’expérimentation politique ? »
Dans le cadre de la « décentralisation dirigée » (directed devolution en anglais), telle que proposée ici, les droits ou les obligations juridiques seraient fixés à un niveau supérieur (par exemple, une juridiction nationale). Toutefois, un niveau inférieur (« organes subsidiaires ») devrait élaborer la mise en oeuvre détaillée de ces normes, notamment en vue de protéger les intérêts des travailleurs concernés. Les organes subsidiaires pourraient couvrir des industries ou des groupes d’industries spécifiques. Ils pourraient devoir être assez innovants. Les résultats seraient évalués et des idées seraient générées. En mettant l’accent sur la flexibilité et l’apprentissage, cette « décentralisation dirigée » permettrait aux acteurs de tirer des enseignements des expériences des autres acteurs. Un exemple en est la réglementation du secteur du transport routier de passagers à New York effectuée en 2019, qui fut une tentative très innovante de convertir une norme nationale minimale relative au temps en une solution pratique et locale.
La « décentralisation dirigée », qui est une forme d’élaboration de politiques à plusieurs niveaux, présente certaines similitudes avec le concept de subsidiarité, mais elle s’avère plus étroitement intégrée. Parmi les autres formes pertinentes, mais distinctes, de négociation à plusieurs niveaux figurent les Conventions de l’OIT, l’Accord du Bangladesh et plusieurs formes de réglementation adoptées en Australie. Les acteurs et les décideurs politiques doivent avoir des stratégies à long terme, être prudents dans leurs processus de sélection des membres institutionnels, ainsi qu’être prêts à faire face à une opposition puissante.
La « décentralisation dirigée » peut être utile chaque fois qu’il est important d’établir des principes généraux applicables et elle peut faire une réelle différence. Toutefois, sa mise en oeuvre se complique lorsque les circonstances varient considérablement d’une organisation ou d’un secteur à l’autre. La décentralisation peut être réalisée sans perdre son caractère exécutoire, et ce sans enlever le pouvoir à ceux qui en ont moins. La « décentralisation dirigée » constitue donc un complément, et non un substitut, aux interventions réglementaires spécifiques.
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Profit Sharing and Workplace Productivity Growth in Canada: Does Teamwork Play a Role?
Tony Fang, Morley Gunderson et Richard J. Long†
p. 90–114
RésuméEN :
The purpose of this study is to contribute to knowledge of profit-sharing by utilizing a before-and-after analysis of panel data to assess whether the effects of profit-sharing adoption on productivity growth vary, depending on whether a profit-sharing adopter utilizes work teams or not, while controlling for numerous variables that may affect these results within a carefully constructed sample of Canadian establishments. To our knowledge, this is the first study to examine the moderating role of teamwork in the relationship between profit-sharing and productivity growth. Besides the implications for profit-sharing, ascertaining whether profit-sharing and work teams are complementary practices would have important implications for understanding how to develop more effective work teams, a topic of ongoing interest.
We utilized a longitudinal research design to compare within-firm productivity growth during the three-year and five-year periods subsequent to profit-sharing adoption and within-firm productivity growth during the same periods in firms that had not adopted profit-sharing. Overall, our results suggest that use of team-based production plays an important moderating role in the success of employee profit-sharing—at least in terms of workplace productivity growth. Establishments that had adopted profit-sharing showed a substantial and highly significant increase in workplace productivity over both the three-year and five-year periods subsequent to adoption, but only if they had work teams.
These findings are in line with the notion that work teams help to mitigate potential shirking behaviour in profit-sharing firms (Freeman, Kruse and Blasi, 2010) and are also in line with the argument that work teams serve as an effective mechanism to help translate the purported motivational and other benefits of profit-sharing into tangible productivity gains (Heywood and Jirjahn, 2009).
FR :
L’objectif de cette étude est de contribuer à la connaissance de la participation aux bénéfices en utilisant une analyse avant-après de données recueillies au moyen d’un panel afin d’évaluer si les effets de l’adoption de la participation aux bénéfices sur la croissance de la productivité varient selon qu’on utilise ou non des équipes de travail, cela tout en contrôlant les nombreuses variables qui peuvent affecter ces résultats au sein d’un échantillon soigneusement construit d’établissements canadiens. À notre connaissance, il s’agit de la première étude à examiner le rôle modérateur du travail d’équipe dans la relation entre la participation aux bénéfices et la croissance de la productivité. Outre les implications pour la participation aux bénéfices, déterminer si les équipes de travail constituent des pratiques complémentaires aura des implications importantes pour comprendre comment développer des équipes de travail plus efficaces, un sujet d’intérêt permanent.
Nous avons utilisé un plan de recherche longitudinal afin de comparer la croissance de la productivité au sein d’entreprises au cours de périodes de trois et cinq ans suivant l’adoption d’un « Plan de participation aux bénéfices » à celle d’entreprises n’en ayant pas adopté au cours des mêmes périodes. Dans l’ensemble, nos résultats suggèrent que le recours à la production en équipe joue un rôle modérateur important dans le succès de la participation aux bénéfices des salariés, du moins en termes de croissance de la productivité sur le lieu de travail. Les établissements ayant adopté la participation aux bénéfices ont enregistré une augmentation substantielle et très significative de la productivité sur le lieu de travail au cours des trois et cinq années qui ont suivi son adoption, mais seulement s’ils y avaient des équipes de travail.
Ces résultats sont conformes à l’idée que les équipes de travail contribuent à atténuer les comportements de non-participation dans les entreprises ayant un « Plan de participation aux bénéfices » (Freeman, Kruse et Blasi, 2010) et ils sont également conformes à l’argument selon lequel les équipes de travail constituent un mécanisme efficace pour aider à traduire les prétendus avantages motivationnels et autres de la participation aux bénéfices en gains de productivité tangibles (Heywood et Jirjahn, 2009).
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Excavating Organizational Assumptions about Cultural Change: The Unintended Consequences of Safety Committee Initiatives
Dora Gosen et Michelle Mielly
p. 115–142
RésuméEN :
This study contributes to the emerging literature on the interplay between safety committees and employee perceptions of organizational safety culture. Creating, managing and maintaining a safety culture in organizations involves significant investment in the establishment of safety committees. The role of such committees in improving safety culture perceptions has remained underexplored in the safety management and organizational literature.
This study addresses that gap and focuses on a safety committee within the facilities management operations of a large American academic institution. The objective is to generate understandings of how a committee can influence organizational cultural change and impact employee perceptions of safety.
Using Schein’s organizational culture model as a prism, we unpack the employees’ implicit cultural beliefs. Data from over sixty employee interviews revealed that formation of the Safety Committee resulted in unintended consequences in terms of employee perceptions.
Employees attributed most safety-related actions to the committee when, in fact, the managers and supervisors had actually carried them out. This overestimation of committee activities and concomitant underestimation of managerial actions by employees was an unintended consequence of establishing a committee. Employees, in fact, collectively attributed all positive changes in the organizational culture to the committee. The committee ultimately influenced the employees’ basic assumptions, such change being, according to Schein, a prerequisite for organizational cultural change.
This study, therefore, contributes to the literature by proposing that unintended consequences can operate in three different ways to support organizational change. First, unintended consequences can promote positive outcomes; second, they can reveal a new understanding of committees, which under certain circumstances can act as a proxy for management and encourage positive perceptions of managerial commitment. Lastly, unintended consequences can provide a means to detect and ‘excavate’ hidden, implicit assumptions that drive organizational culture’s deepest layers.
FR :
Cette étude contribue à la littérature émergente sur l’interaction entre les comités de sécurité et la culture de sécurité organisationnelle. La création, la gestion et la maintenance d’une culture de sécurité dans une organisation requièrent un investissement significatif de ressources, notamment pour la création d’un comité de sécurité. L’impact de celui-ci dans l’amélioration des perceptions sur la sécurité est resté jusqu’alors relativement sous-étudié dans la littérature.
Cette étude s’intéresse à cette problématique et examine le rôle d’un comité de sécurité dans le département des opérations d’une grande université américaine. Notre objet est d’ouvrir de nouvelles perspectives quant à l’influence et l’impact de ces comités sur les perceptions des collaborateurs dans un processus global de changement de culture organisationnelle.
En déployant le modèle de culture organisationnel de Schein, nous avons sondé les croyances implicites d’une soixantaine de salariés interviewés. Les données recueillies ont révélé que l’allocation de temps et de ressources dans le comité ont créé une perception positive sur l’engagement managérial vis-à-vis de la sécurité. Les employés ont, ainsi, attribué au comité la majorité des actions relatives à la sécurité, alors qu’en réalité les initiatives concernées ont été portées par les managers et superviseurs travaillant directement sur le terrain. Une telle surestimation de l’activité du comité et sous-estimation concomitante de l’activité par les managers directs est une conséquence inattendue de la création du comité de sécurité. En effet, les employés ont collectivement attribué tout changement positif au comité.
Ceci a permis à celui-ci d’exercer une influence sur les postulats fondamentaux des employés; un prérequis, selon Schein, pour réaliser un changement de culture organisationnelle. Cette étude contribue donc à la littérature en avançant la notion que les conséquences inattendues peuvent fonctionner de trois manières différentes pour soutenir le changement organisationnel. Premièrement, elles peuvent promouvoir des résultats positifs; deuxièmement, elles peuvent révéler le pouvoir légitimant d’une ‘main invisible’ managériale; et, troisièmement, elles peuvent servir d’outil pour détecter et déterrer les postulats de base de la culture organisationnelle.
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Strategies Used by Middle Managers to Support Employees Carrying Out Emotionally Demanding Work: Which Strategies and Why Those Ones?
Emma Pelletier-Bosshard, Andrew Freeman, Nathalie Jauvin et Nancy Côté
p. 143–165
RésuméEN :
Many areas of practice in health and social services are emotionally demanding. This type of work can be associated with psychological health problems and middle managers play a key role in reducing such risks for their staff. Although the importance of providing this support is recognized, attaining such an objective is not necessarily straightforward because of the multiple demands that managers must juggle.
Using an ergonomic perspective, this qualitative research study, which was conducted in a regional child protection service in Quebec (Canada), aimed to identify the strategies used by middle managers to support staff whose work is considered emotionally demanding. The results reveal that managers use a range of support strategies, which fall into seven categories. Although the strategies are distributed along two axes, proximity (direct, indirect) and time (short-term, long-term), they tend to be more direct and short-term (e.g., provide emotional support). The choice of strategies is influenced by various facilitating or constraining organizational, interpersonal and individual factors. A strong influence appears to be time availability.
This study provides a detailed picture of the strategies used by middle man-agers and the complexity with which these individuals are confronted in providing their staff with support. Further research is required, for example, to better understand the impact of certain factors on the choice of support strategies and to evaluate the impact of support strategies from a staff perspective.
FR :
L’une des caractéristiques importantes de nombreux domaines de pratique dans le secteur de la santé et des services sociaux est leur nature émotionnellement exigeante. Les cadres intermédiaires ont un rôle-clé à jouer pour réduire les risques de problèmes de santé psychologique pouvant être associés à ce type de travail chez leur personnel. Cependant, bien que l’importance d’offrir ce soutien soit reconnue, il s’agit d’un objectif qui n’est pas nécessairement simple en raison des exigences multiples avec lesquelles doivent composer les gestionnaires.
En se basant sur une perspective ergonomique, l’objectif de cette recherche qualitative, qui a été menée dans un service régional de protection à la jeunesse au Québec (Canada), était d’identifier les stratégies utilisées par les cadres intermédiaires pour soutenir les employés dont le travail est considéré comme émotionnellement exigeant. Les résultats ont révélé que les gestionnaires utilisent un éventail de stratégies de soutien, qui ont été classifiées selon sept catégories. Bien que ces stratégies soient réparties sur deux axes, soit les axes de proximité (directe, indirecte) et temporel (à court terme et à long terme), elles ont tendance à être plus directes et à court terme (par exemple, fournir un soutien émotionnel). Le choix des stratégies est influencé par divers facilitateurs ou contraintes organisationnels, interpersonnels et individuels. Le temps disponible semble fortement influencer les stratégies adoptées.
Cette étude a fourni un profil détaillé des stratégies utilisées par les cadres intermédiaires et de la complexité à laquelle ces individus sont confrontés en matière de soutien à leur personnel. Des recherches supplémentaires s’avèrent nécessaires dans le but, par exemple, de mieux comprendre l’impact de certains facteurs sur le choix des stratégies de soutien ou, encore, d’évaluer l’impact de ces stratégies selon la perspective des employés.
Recensions / Book Reviews
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Le régime des décrets de convention collective au Québec. Quel avenir ?, Par Jean Bernier (2018) Montréal : Éditions Yvon Blais, 217 pages. ISBN : 978-2-89730-452-2.
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Les pathologies au travail, Par Élisabeth Grebot (2019) Paris : Dunod, 293 pages. ISBN : 978-2-10-079134-7.
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How Innovation Works: And Why It Flourishes in Freedom, By Matt Ridley (2020) New York: Harper, 416 pages. ISBN: 978-00629-165-94.
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The Socialist Challenge Today, By Leo Panitch and Sam Gindin (2018) London: Merlin Press, 102 pages. ISBN: 978-08503-674-09.
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Evil Geniuses: The Unmaking of America: A Recent History, By Kurt Andersen (2020) New York: Random House, 464 pages. ISBN: 978-1984-801-340.