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Les identités au travail: analyses et controverses Coordonné par Jean-Yves Causer, Jean-Pierre Durand et William Gasparini, Paris: Octares, Collection « Le travail en débats », 2009, 333 p., ISBN 978-2-915346-71-8; ISSN 1771-9046.[Notice]

  • Martine D'Amours

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  • Martine D'Amours
    Université Laval

Voici un ouvrage collectif produit suite aux deuxièmes Journées d’études du réseau thématique 25 (Travail, Organisation, Emplois) de l’Association française de sociologie, résolument inscrit dans la tradition sociologique française des travaux sur les identités professionnelles. Pour Renaud Sainsaulieu qui fut, comme le rappellent en introduction William Gasparini et Jean-Yves Causer, « l’un des premiers à travailler en profondeur le lien entre l’individuel et le collectif à l’aide des notions d’identité et de culture », l’identité au travail désigne des « modèles culturels » ou des « logiques d’acteurs en organisation » mais dont les effets culturels dépassent la seule sphère du travail. La question centrale, à laquelle tentent de répondre les quelque 35 contributions réunies dans l’ouvrage, pourrait être résumée comme suit : quel est l’impact des transformations du capitalisme (nouvelles formes de travail, montée des activités de service, individualisation de la relation d’emploi, perte d’influence du syndicalisme) et des structures contemporaines d’organisation du travail (nouvelles formes de management visant à impliquer et à mobiliser les salariés, coopération, polyvalence), sur les identités au travail ? La plupart des auteurs abordent la question à partir d’enquêtes de terrain, trop nombreuses pour qu’il soit possible de les résumer ici. Elles sont organisées autour de six sections, précédées chacune d’une introduction : c’est avant tout de ces textes introductifs, précieux pour comprendre la logique des contributions et les matières sur lesquelles elles entrent en débat, dont la présente recension rend compte. La première partie, plus théorique, est introduite par François Aballéa. Elle s’intéresse à l’impact des identités sur les relations au travail et réciproquement, à l’incidence de la nature des relations au travail sur la construction des identités. Selon l’auteur, la question centrale posée par cette articulation est celle des rapports (en tension) entre la stratégie des collectifs de salariés pour promouvoir ou défendre leur identité singulière et la stratégie de l’entreprise pour homogénéiser ces identités dans une culture commune. Aballéa identifie ensuite cinq cas de figure, qui renvoient à des situations traitées dans des textes subséquents : dans le premier de ces cas, l’entreprise entretient et mobilise les identités professionnelles pour les mettre au service de ses propres objectifs; dans le second cas, l’entreprise tente au contraire de limiter l’impact des identités professionnelles vues comme obstacles à l’intériorisation de sa propre culture; dans un troisième cas, le groupe professionnel s’appuie sur l’institution pour définir sa propre identité; dans le quatrième, l’identité professionnelle est mobilisée par les salariés pour résister aux nouvelles logiques managériales; le cinquième cas concerne une identité « délocalisée » s’appuyant sur des valeurs universelles comme les droits humains ou le développement durable. La deuxième partie, introduite par Danièle Linhart, porte sur les résistances des salariés en contexte d’individualisation de la gestion, de personnalisation de la relation au travail, de tensions générées par l’injonction de concilier qualité et productivité, d’exigence d’excellence et d’évaluation permanente. Parmi les textes qui composent cette section, l’auteure recense deux catégories de pratiques : d’une part des pratiques de résistances individuelles de la part des salariés (mises en oeuvre dans le but de pouvoir « souffler », se protéger, se préserver), sans support de collectifs stables et donc sans identités collectives porteuses de projets alternatifs; d’autre part des pratiques autonomes par lesquelles les salariés dont les entreprises sont menacées de fermeture cherchent à défendre leurs emplois et qui, sans être porteuses de contestation de l’ordre social, demeurent ancrées dans une logique collective. Selon Linhart, seules les formes collectives de résistance recèlent un potentiel de remise en question du modèle d’organisation en entreprise, « même si ce questionnement n’est pas toujours conscient ni intentionnel », alors que …