RecensionsBook Reviews

La précarité : une relation entre travail, organisation et santé, Coordonné par Gilbert de Terssac, Corinne Saint-Martin et Claire Thébault, Toulouse : Octarès Éditions, Collection Le travail en débats, 2008, 226 p., ISBN 978-2-915-34656-5.[Notice]

  • Martine D’Amours

…plus d’informations

  • Martine D’Amours
    Université Laval

S’appuyant sur des travaux issus de diverses disciplines (sociologie, ergonomie, psychologie, gestion, économie), cet ouvrage collectif regroupe une douzaine de contributions autour du thème de la précarité. Son aspect original réside dans le fait que la précarité y est envisagée non pas sous l’angle du rapport à l’emploi et à la protection sociale mais sous celui du rapport au travail et des vulnérabilités qu’il engendre pour le sujet qui l’accomplit, se traduisant notamment par des impacts délétères sur la santé. Les auteurs critiquent la banalisation de la précarité au travail et la tendance à renvoyer à l’individu tant la responsabilité de sa souffrance que celle d’apprendre à la « gérer ». Au premier rang de leurs analyses, ils ciblent les pratiques organisationnelles qui médiatisent les relations entre travail et santé. En introduction, Corinne Saint-Martin identifie un certain nombre de paradoxes propres au travail contemporain et sur lesquels les travaux regroupés autour de six sous-thèmes tentent d’apporter un éclairage. Parmi ces paradoxes : une activité cognitive intense mais une perte de sens du travail; un travail abstrait et intelligent mais une augmentation des pathologies imputables à l’intensification de l’activité; une mobilisation des compétences individuelles assortie d’une mise en concurrence interindividuelle engendrant de fortes pressions relationnelles; des formes de travail axées sur la création, l’autonomie et la responsabilité mais au prix d’une contrainte à l’inventivité permanente et de contrôles serrés sur les résultats. Les travaux se rapportant au premier sous-thème interrogent le paradoxe de l’attachement au travail face à son intensification. Si, de manière générale, le niveau et la conception du bonheur au travail sont relatifs au statut social, les travaux de Michel Gollac mettent en évidence le fait que la souffrance au travail n’est que faiblement corrélée aux variables du statut social de l’individu ou aux caractéristiques de son emploi, mais qu’elle est fortement associée aux caractéristiques du travail lui-même, notamment son intensité. La contribution de Serge Volkoff présente l’intensité au travail comme le produit d’un enchevêtrement de contraintes – de temps, de qualité, de réponse aux besoins du client – que chaque individu doit tenter de concilier au mieux. L’effet, difficilement mesurable, de cette intensité croissante du travail est le rétrécissement des marges de manoeuvre permettant aux travailleurs de déployer des stratégies de protection de leur santé. Le deuxième sous-thème regroupe trois textes portant sur les liens entre vieillissement, usure au travail et usages de la santé. Le premier de ces textes, signé par Jean-Claude Marquié et David Ansiau, soutient l’idée que les ressources, notamment cognitives, qui fondent les compétences que les individus mobilisent dans leur activité productive et au-delà, sont directement tributaires du contenu du travail et de l’organisation du travail. Leurs travaux illustrent en quoi certaines organisations et conditions de travail entraînent l’érosion de ces ressources alors que d’autres favorisent leur développement durable, un rappel opportun dans un contexte de vieillissement de la main-d’oeuvre. Nathalie Lapeyre et Claire Thébault analysent quant à elles les facteurs et les effets de l’usure physique, psychique et organisationnelle chez des travailleurs de 50 ans et plus en milieu hospitalier et dans une entreprise du secteur de l’aéronautique. Si les facteurs associés aux deux premiers types d’usure sont bien connus, les auteures considèrent qu’ils peuvent être déclenchés ou accentués par « l’usure organisationnelle », « produite par une forme d’organisation qui s’use, qui se dérègle, qui se rigidifie, qui manque de souplesse, qui est en crise ». Ce phénomène est lié, selon les auteures, à la diffusion de nouvelles formes d’organisation du travail, à la fois plus décentralisées et plus contrôlées, aux situations de pénurie de personnel qui forcent à travailler perpétuellement en …