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L’argent noir des syndicats, Par Roger Lenglet, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, Paris : Fayard, 2008, 297 p., ISBN 978-2-213-63282-7.[Notice]

  • Mona-Josée Gagnon

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  • Mona-Josée Gagnon
    Université de Montréal

Voilà un ouvrage très franco-français, dépourvu de toute ambition scientifique, qui s’inscrit dans le sillage du scandale récent (2008) sur les versements de fonds qui auraient transité d’une organisation patronale (Union des industries et des métiers de la métallurgie) vers des organisations syndicales représentatives et cela au plus haut niveau. Pour qui suit l’actualité syndicale hexagonale, la question du financement des syndicats français n’est pas nouvelle. Comment en effet les syndicats français peuvent-ils survivre de façon indépendante sur le plan financier dans un contexte de taux de syndicalisation anémique (sous la barre des 10 %), alors que les organisations syndicales françaises demeurent des acteurs politiques importants, négocient au sommet de l’État, sont à l’initiative (ou semblent l’être) de mobilisations assez larges, systématiquement surexposées médiatiquement. C’est un secret de polichinelle que le syndicalisme français ne peut vivre à partir des cotisations syndicales (contrairement au modèle nord- américain), et qu’il dépend donc officiellement d’autres modes de financement, d’origines étatique ou patronale, directs ou indirects (par exemple, par l’intermédiaire des comités d’entreprise). L’idée d’assurer un financement public institutionnalisé refait même surface périodiquement. C’est sur cette toile de fond que le trio susnommé, constitué d’un journaliste d’investigation et de deux responsables syndicaux (FO et CGT) ont décidé de publier un livre de « révélations ». Qu’en est-il ? L’ouvrage se présente en deux parties, intitulées respectivement « Les véritables secrets de famille », qui concernent le cas de liens financiers patronaux-syndicaux (onze cas relatifs à des entreprises et des syndicats précis) et « La débandade » (trois chapitres consacrés à des cas plus « macro »). En pratique, la distinction n’est pas si évidente à la lecture. Dans la première partie, des chapitres sont ainsi consacrés à des secteurs/syndicats. Il s’agit souvent d’anecdotes non vérifiables, qu’aucun chercheur scientifique n’avait relevées. Voilà des entreprises qui mettent en place des caisses antigrèves qui profitent à des syndicalistes, des comités d’entreprises contrôlés par des syndicalistes qui disposent des fonds à leur guise, des syndicats sous influence patronale dans un secteur difficile (nettoyage), une entreprise péripublique où parties patronale et syndicales vont main dans la main, des licenciements dorés (quand même pas des parachutes) de syndicalistes dont les employeurs souhaitent le départ, des mairies de gauche qui abritent des emplois fictifs (syndicalistes payés pour des tâches en principe non syndicales), des détournements de fonds à partir des caisses officielles de formation professionnelle… La lectrice s’interroge forcément sur la représentativité des cas choisis. Je ne suis pas de ceux et celles qui pensent que les ouvrages non scientifiques et non bardés de références ne sont pas crédibles. Et je suis par ailleurs intimement convaincue que les états financiers des organisations syndicales ne présentent pas la transparence voulue et gagneraient à être discutés, au nom de la démocratie syndicale. La première partie de cet ouvrage fait injure à quelques principes de l’écriture scientifique. Procès d’intentions, mélange des genres (description/analyse), généralisations abusives, accablement d’organisations jouissant de monopoles… Mais nombre de cas d’abus étalés sans complaisance, et dont on ne sait pas s’ils sont vérifiables, renvoient les connaisseurs du syndicalisme d’autres pays, à commencer par le Québec, à des exemples similaires… La corruption syndicale existe partout, qu’il s’agisse d’abus de fonds ou de « changement de carrière », des variations dans la proportion adhérents ou membres/conseillers syndicaux qui défient souvent les principes de bonne gestion, des employeurs qui ont parfois une influence indue sur les vocations syndicales, des détachements de fonctionnaires au profit des organisations syndicales en France qui constituent une véritable manne et le fait est connu. Et je ne saurais prétendre que les auteurs n’expriment pas des intuitions bien formulées, …