RecensionsBook Reviews

Transnational Tortillas: Race, Gender, and Shop-Floor Politics in Mexico and the United States, Par Carolina Bank Muñoz, Ithaca, New York : Cornell University Press, 2008, 216 p., ISBN 978-0-8014-4649-8 (cloth).[Notice]

  • Carole Tremblay

…plus d’informations

  • Carole Tremblay
    Université de Montréal

Les questions de discrimination en fonction de l’origine ethnique et du sexe continuent de faire couler beaucoup d’encre, malgré les 60 ans déjà sonnés de la Déclaration universelle des droits de l’homme : Transnational tortillas ajoute à cette littérature. L’ouvrage dont il est question ici propose en fait que le néo-libéralisme, dont sont empreintes les nouvelles politiques, contribue au maintien sinon au renforcement de la ségrégation ethnique et sexuelle aux États-Unis et au Mexique. Le livre veut mettre en lumière l’impact crucial des politiques étatiques sur le quotidien des travailleurs, à l’encontre de la tendance de plusieurs auteurs ces dernières années à minimiser le rôle de l’État dans un contexte de mondialisation tentaculaire. En fait, l’auteure démontre comment les politiques de l’État, les conditions du marché du travail et les politiques des entreprises interagissent avec des variables telles que l’origine ethnique et le sexe, voire la classe, pour produire des régimes d’emploi différents de chaque côté de la frontière américo-mexicaine. Pour ce faire, elle a entrepris une recherche ethnographique qui s’est étalée sur quatre années, dans deux usines d’une même entreprise multinationale, l’une se situant en Californie (États-Unis) et l’autre en Basse-Californie (Mexique). L’ouvrage se divise en sept chapitres. Le premier présente les cadres théorique et conceptuel de la recherche. On y comprend que l’auteure se base principalement sur le travail de Burawoy (1985), un sociologue qui s’intéresse au concept de classe – à l’instar de Marx – et aux politiques de l’État pour expliquer l’organisation du travail, et qui a su identifier en regard de l’histoire une typologie des régimes d’emploi : a) despotique au 19e siècle (caractérisé par la coercition); b) hégémonique dès le début du 20e siècle (basé sur les droits et le consentement des travailleurs); et c) hégémonique despotique depuis la mondialisation des marchés (période de menaces et de concessions, malgré les droits existants). L’auteure capitalise également sur le travail d’autres chercheurs davantage intéressés aux liens entre l’État, l’organisation du travail et le sexe, dont Lee (1998), Salzinger (2003) et McKay (2006). L’apport de Bank Munoz sera d’ajouter à cette littérature les variables de l’origine ethnique et du statut d’immigration pour expliquer les différents régimes d’emploi, selon les définitions établies par Burawoy. Les chapitres suivants proposent une mise en contexte économique et politique du terrain où se déroule l’étude. Le chapitre deux raconte l’évolution de l’industrie du maïs et des tortillas, au Mexique comme aux États-Unis. On y apprend, entre autres, que la consommation de tortillas au pays d’où elle tire son origine a diminué récemment, alors que sa consommation a augmenté plus au Nord, résultat d’une série de décisions politiques qui sont passées en revue : adoption de l’ALÉNA, fin du contrôle du prix de la tortilla par le gouvernement mexicain, fin de la subvention mexicaine pour ce marché, etc. Le chapitre trois, quant à lui, nous introduit spécifiquement aux politiques d’immigration et du marché du travail américaines et mexicaines, et à leurs effets sur la vie quotidienne des travailleurs qui en dépendent. Seront passées ici en revue les politiques d’immigration américaines récentes et moins récentes (ex. : IRCA, Operation Gatekeeper, IIRIRA, etc.), procédé qui aboutit à démontrer qu’à travers le temps, ces politiques ont façonné de manière désavantageuse le marché du travail pour les personnes immigrantes : création d’un bassin de main-d’oeuvre à rabais, criminalisation croissante des travailleurs illégaux davantage que de leurs employeurs, diminution des droits sociaux, etc. Les politiques mexicaines seront également présentées comme ayant eu des effets négatifs sur la main-d’oeuvre; on y parlera entre autres de la régression des droits du travailleur mexicain, conséquence des plans de restructuration …