Pourquoi, comment et jusqu'à quelle limite l'arbitre de grief devrait-il savoir distinguer les droits subjectifs d'un salarié des droits collectifs relevant en propre du syndicat accrédité ? Si le salarié est partie d'un tout (l'unité d'accréditation), ce tout est néanmoins plus, ou autre, que la simple somme des salariés qui le constituent. La situation inversée est aussi vraie, à savoir que la personne du salarié demeure distincte sous de multiples aspects de celle du syndicat. Il nous faut aussi reconnaître que ces mêmes distinctions ne sont guère toujours claires et il subsiste effectivement un danger de confusion des genres en raison même de leurs intimes et complexes rapports. Ce glissement, ou ce dérapage conceptuel plus ou moins conscient, est parfois l'effet d'une simple métonymie consistant à prendre la partie pour le tout ou l'inverse, soit le tout pour la partie. Dans le domaine des relations du travail, comme en bien d'autres milieux, nous commettons souvent de semblables confusions langagières. Ne dit-on pas, au sens propre ou figuré, à titre d'exemples, que : Ces façons de dire, ces formules elliptiques, ces contractions langagières ou outrancières, ces assertions globales et parfois radicales résultent de sous-entendus, de conventions implicites ou de communes connivences. Souvent, elles sont entretenues ou amplifiées par les médias d'information qui, par recherche de concision, emploient à tort des formules elliptiques mais fausses. Il est vrai que ce rapport « collectif/individu » est souvent complexe et, sous de multiples aspects, insécable. Ce collectif ou ce groupe comprend et est formé de salariés et sans eux, il n'y aurait pas de telle collectivité structurée, constituée et agissante. Mais il est tout aussi vrai que sans cette structure organisationnelle, ce faisceau de salariés demeurerait, semblable à l'anémone de mer, sans forme fixe ni couleur propre. Si des salariés se sont formés en groupes distincts disposant respectivement, à ce titre, de moyens d'expression et d'actions unifiés et cohérents, n'est-ce pas parce qu'ils prirent d'abord conscience, à des degrés divers il est vrai, qu'ils partageaient forcément les mêmes contraintes et, notamment, des besoins et des pressions d'ordre socio-économique ? Face à l'unicité structurelle et d'actions de leur employeur, les salariés sont individuellement d'autant plus faibles qu'ils sont remplaçables les uns par les autres et que chacun est distinctement placé sous l'autorité de la même personne, leur employeur commun. N'est-ce pas en raison de cette même trame socio-économique étayée par le droit que provient cette nécessité d'établir des réseaux collectifs de rapports du travail ? Par cette dernière voie, on tente de faire ensemble ce que isolément chaque salarié ne peut faire, soit participer à l'élaboration de ses conditions de travail par un réel exercice de sa liberté contractuelle. Tel est d'ailleurs le sens enfin reconnu par la Cour suprême du Canada de la liberté d'association. Ces relations collectives du travail, pour être efficientes, exigent de la part des salariés discipline, ordre et cohérence. De semblables qualités ne peuvent s'acquérir que par une prise de conscience et une volonté d'agir ensemble alors que le système juridico-économique confère pareils attributs (discipline, ordre et cohérence) à l'entrepreneur et ce, dès qu'il le devient, et de ce seul fait. Pour cette première raison, on ne saurait croire, imposer ou juger tous les actes d'un salarié à l'aide des mêmes critères d'évaluation que ceux applicables à leur employeur, lequel a pu et peut encore exercer sa liberté contractuelle. Les contraintes et les libertés respectives des salariés sont à ce point différentes de celles de l'employeur qu'il leur faut acquérir ensemble une « égalité » fonctionnelle pour pouvoir exercer par ce biais collectif leur liberté contractuelle. Notre première question consiste …