Le présent ouvrage collectif s’inscrit dans la continuité des travaux de recherches du CRISES (Centre de recherche sur les innovations sociales). Les deux directeurs le présentent d’ailleurs comme la suite de deux ouvrages importants publiés dans les années 1990 sur le même sujet par l’équipe du CRISES : La modernisation sociale des entreprises, publié en 1994, sous la direction de Paul R. Bélanger, Michel Grant et Benoît Lévesque, aux Presses de l’Université de Montréal et Nouvelles formes d’organisation du travail, publié en 1997, sous la direction de Michel Grant, Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, aux éditions de l’Harmattan. Les directeurs soulignent à la fois ce qu’ont en commun ces livres et ce qui distingue ce présent ouvrage des deux premiers. Comme les deux livres précédents, ce dernier s’intéresse aux innovations sociales mises de l’avant dans les entreprises et dans les organisations pour sortir de la crise du taylorisme et du fordisme qui marque nos sociétés depuis une trentaine d’années. Il propose aussi, comme les deux autres, des réflexions théoriques comme des recherches empiriques permettant d’avancer notre compréhension de cette crise, et de cette sortie de crise. Le présent ouvrage continue dans cet esprit mais, comme le soulignent les deux directeurs, les textes « se déplacent vers les facteurs de diffusion d’innovations sociales » (p. 4) plutôt que de se concentrer principalement sur leurs conditions d’émergence. Ils montrent aussi la fragilité des innovations sociales et la difficulté de les maintenir en place. Finalement, ils mettent l’accent sur des types d’organisation et de travail plus variés que les premiers ouvrages qui se concentraient surtout sur les entreprises et le travail industriels. On explore ici davantage le domaine des services (les centres de la petite enfance), les travailleurs du savoir dans une bureaucratie (le Centre de recherches pour le développement international) et l’emploi atypique (les journalistes pigistes). Les directeurs ont donc raison de parler d’une continuité mais aussi d’une extension du domaine couvert par le CRISES. Dans la première partie, nous trouvons un ensemble de textes très cohérents sur les nouveaux modèles de travail. Le premier texte, de Paul-André Lapointe, Guy Cucumel, Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, propose un bilan des innovations sociales dans les usines qui est, en quelque sorte, la suite attendue aux deux ouvrages précédents publiés par Bélanger, Grant et Lévesque. En fait, à partir d’une vaste enquête réalisée en milieu de travail sur les innovations sociales auprès de 628 dirigeants d’usine (364 syndiquées et 264 non syndiquées) et 260 représentants syndicaux, les auteurs tracent un portrait « de la diffusion des innovations sociales et des modèles de travail dans le secteur manufacturier au Québec » (p. 4). Ils constatent une très forte pénétration des innovations sociales, qu’ils regroupent autour des notions de participation et de partenariat, dans les entreprises : « à l’exception des cellules de production, dont le taux de diffusion est de deux fois inférieur, les changements à la gestion de production et de la qualité sont présents dans 60 % à 70 % des milieux de travail; la flexibilité organisationnelle a été introduite dans 70 % des milieux de travail tandis que les équipes de travail et les groupes de résolution de problèmes se retrouvent dans des proportions variant entre 40 % et 60 % des usines » (p. 18). En classant et en synthétisant leurs résultats, ils arrivent à identifier quatre modèles d’organisation du travail (modèle traditionnel, modèle de partenariat sans participation, modèle de participation sans partenariat et modèle de démocratie salariale) dans les entreprises. Ils concluent leur article sur l’identification d’un paradoxe, à savoir « la faible diffusion du modèle …
Innovations sociales dans le travail et l’emploi : recherches empiriques et perspectives théoriques, sous la direction de Paul-André Lapointe et Guy Bellemare, Québec : Presses de l’Université Laval, 2006, 330 p., ISBN-10 : 2-763783-14-7.[Notice]
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Jean-Pierre Dupuis
HEC Montréal