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Le principe du droit au travail : juridicité, signification et normativité, par Dominic Roux, Montréal : Wilson & Lafleur, 2005, 563 p., ISBN : 2-89127-742-2.[Notice]

  • Rodrigue Blouin

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  • Rodrigue Blouin
    Université Laval

Dominic Roux propose à la réflexion une question audacieuse. Le droit au travail est-il réellement, comme il le prétend, un principe général de droit et, au surcroît, un principe constitutionnel dans le droit applicable au Québec ? Le moins qu’on puisse dire est que l’auteur ne ménage aucun effort intellectuel pour nous convaincre du bien-fondé de son hypothèse. D’emblée, une remarque s’impose. La proposition est susceptible d’atterrer les positivistes classiques pour qui l’ordre normatif juridique se confine dans le droit explicitement reconnu et sanctionné par l’État. Seules les normes du droit positif ont droit de cité. Puisque le droit au travail n’est consacré ni par la législation générale, ni par la constitution, le projet de D. Roux ne saurait être à leurs yeux que fabulation. Ce serait oublier que le Code civil du Québec « régit, en harmonie avec […] les principes généraux du droit, les personnes […] ». La question de recherche soulève dès lors un vif intérêt. Qu’en est-il en droit régissant le travail ? Le pari de l’auteur de convaincre la communauté juridique québécoise de son point de vue apparaît certes fort risqué à la case de départ. Mais D. Roux démontre magistralement qu’il n’y a rien à perdre et tout à gagner à épouser sa cause. Le droit au travail dont il s’agit ici est celui qui se situe dans le périmètre de l’emploi, c’est-à-dire celui qui met en cause la relation d’employeur à salarié dont l’élément caractéristique est la subordination juridique. Sont exclues de l’étude toutes les formes d’exécution d’une prestation de travail par un travailleur autonome, un entrepreneur dépendant ou encore, quelque personne subordonnée économiquement à un donneur d’ouvrage. Il est donc question des seules situations de travail saisies traditionnellement par le droit du travail. Cette coïncidence des rapports observés emporte-t-elle nécessairement l’inclusion du droit au travail dans le domaine du droit du travail ? Le premier est-il à toutes fins utiles essentiellement l’antichambre du second ? De par son hypothèse de travail, l’auteur se refuse à opposer l’un et l’autre, d’y voir deux droits autonomes. Cela étant, il se positionne en porte-à-faux en regard de l’observation d’un comité d’experts, de droit international, dans un rapport sur l’application de la Convention C158 : « […] ses normes […] le moyen de concilier dans la pratique la mise en oeuvre du droit au travail […] avec le droit du travail […] » Soit ! D. Roux reconnaît d’ailleurs en fin d’ouvrage que son « hypothèse témoigne d’une inconvenance qu’il est désormais possible de lever » (p. 477). Qu’à cela ne tienne, mais sa recherche lui donne indéniablement raison. Il s’explique de façon implacable. Le droit au travail est un droit structurant du droit du travail, à tout le moins dans le droit applicable au Québec. Pour suivre l’auteur dans son cheminement, il faut accepter de s’inscrire dans une démarche de toute évidence apparentée au constructivisme juridique. Selon cette vision, il est possible pour la doctrine de contribuer à l’élaboration et à l’adaptation du droit positif en agissant notamment sur ses règles, concepts et théories. D. Roux soutient avoir abordé le principe du droit au travail au moyen d’un « positivisme juridique élargi » (p. 46), ce qui est prédominant dans la seconde partie de l’ouvrage. Néanmoins, globalement et en raison de son argumentaire, son propos participe dans une certaine mesure de l’herméneutique juridique. Quoiqu’il en soit, l’auteur convainc à terme le lecteur de la possibilité d’interférer dans la compréhension de la positivité du droit. L’aventure proposée est enthousiasmante. Inutile cependant pour le disciple inconditionnel du normativisme d’accepter l’invitation, sinon au risque de sombrer dans le …