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La publication de cet ouvrage collectif s’inscrit dans la poursuite de la mission du Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail [GAIHST], soit de jouer un rôle conseil auprès des organisations dans l’implantation et la mise à jour de politiques de prévention et de sensibilisation du harcèlement et le soutien aux personnes aux prises avec cette problématique. Le présent guide est en fait la deuxième édition d’un premier ouvrage intitulé Ça fait pas partie d’la job, paru en 1996, revu et bonifié sur la base des expériences et des observations du collectif. Cette seconde parution vise plus spécifiquement à informer et à outiller le lecteur à mieux reconnaître les manifestations de harcèlement, à réaliser l’implantation d’une politique interne et à mettre en place des mécanismes d’intervention sur la problématique.
D’entrée de jeu, l’ouvrage circonscrit la double problématique du harcèlement sexuel et psychologique. Il faut en effet être en mesure de reconnaître le harcèlement sous toutes ses formes pour le prévenir dans sa globalité. Les auteures se proposent également de répondre à certaines questions épineuses entourant la nature même du harcèlement : quelle est la limite entre l’acceptable et l’inacceptable en matière de harcèlement? Où commence véritablement le harcèlement, soit-il sexuel ou psychologique? Ces questions demeurent pour la plupart d’entre nous complexes et, quand on y pense bien, sans réponse facile. Néanmoins, des critères permettant de départager le harcèlement sexuel d’autres conduites nocives sont proposés, à savoir le caractère non sollicité du geste et la répétition ou les conséquences du geste. Les auteures appuient à cet égard leur proposition de plusieurs exemples saisissants, rappelant d’ailleurs à quel point ces conduites recèlent un caractère dégradant. Le second chapitre propose une typologie, voire le profil, de différents harceleurs présents dans les milieux de travail. Ces profils se distingueraient sur la base des différentes personnalités associées au harcèlement. Comme le précise l’introduction de la section, bien que certaines personnes semblent être des harceleurs sur une base continue, il faut faire ici attention à ne pas catégoriser trop rapidement les responsables de ces conduites. Des facteurs circonstanciels (par exemple, des conflits relationnels ou des difficultés personnelles) peuvent aussi expliquer l’agir d’une personne. Il demeure aussi difficile dans plusieurs épisodes de catégoriser les individus comme étant uniquement « un harceleur » ou « une personne harcelée ». La documentation scientifique suggère d’autant plus que près du deux tiers des agissements violents dans les organisations seraient liés aux conditions de travail en vigueur dans ces milieux. Sans mettre de côté les facteurs individuels, ce serait plutôt leur combinaison aux conditions de travail et à la qualité des relations au travail qui expliquerait l’adoption de conduites violentes par une personne.
Le troisième chapitre expose les formes de manifestation du harcèlement, basé sur les regroupements observés par le GAIHST. Quoique chaque livre contienne ses propres formes de regroupements, cet ouvrage présente en plus des catégories habituelles, des conduites plus insidieuses et moins souvent répertoriées, comme le chantage. On constate par ces propositions toute l’étendue des moyens pris par les auteurs de ces conduites pour arriver à leurs fins. Le dernier chapitre de la première partie est quant à lui un véritable coup de poing. Il dérange en effet par l’ampleur des méfaits associés au harcèlement. Cette première section fait en somme la synthèse des connaissances cumulées par le collectif au cours des dernières années et nous mène directement et inévitablement par des faits explicites et des réalités tangibles à un principal constat : ces conduites sont inacceptables dans nos milieux travail.
La seconde partie du guide établit clairement le fait que pour des raisons morales, légales et économiques l’adoption d’une politique est devenue une action incontournable pour les employeurs. Soucieuses que cette action soit efficace, les auteures indiquent clairement plusieurs conditions gagnantes à la réussite de l’implantation d’une telle politique. Cette insistance n’est pas sans motif, puisque pour qu’une politique fonctionne et soit efficace, elle doit être adoptée par ses destinataires. On retrouve en appui d’ailleurs plusieurs outils appréciables, dont un exemple de politique qui guidera sûrement de nombreux responsables de la rédaction d’une telle politique. L’élaboration et la diffusion d’une politique de prévention des conduites de harcèlement est un des principaux véhicules de sensibilisation et d’information pour prévenir les conduites antisociales au travail. Et, en ce sens, le contenu d’une telle politique devient crucial car, en plus de prévoir les mécanismes de recours, il établit clairement ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas dans un milieu de travail. Bref, il fixe les règles du jeu pour tous. En ce sens, ces deux chapitres expliquent bien comment développer et faire adopter cette mesure préventive. Toutefois, les lecteurs devraient aussi se documenter et considérer d’autres mécanismes de prévention du harcèlement (par exemple, la formation), avenues peu discutées dans cet ouvrage. C’est en fait la combinaison de nombreuses mesures préventives qui modifieront à terme la mentalité des personnes visées, la culture de certaines organisations et les conduites qui en découlent.
La troisième et dernière partie de ce livre traite efficacement de la gestion d’une plainte de harcèlement. Cette section comprend de bonnes indications sur le déroulement de l’évaluation d’une plainte et sur les précautions que prendront les responsables de l’enquête. Plusieurs exemples parlants appuient encore ici les propositions des auteures. Les lecteurs y retrouveront aussi des modèles, des grilles et des outils pratiques susceptibles avec quelques aménagements d’appuyer une démarche d’enquête adaptée à leur contexte de travail. De plus, on retrouve à la fin de l’ouvrage un cas avec des questions invitant à la réflexion. La lecture du cas et la réalisation de l’exercice assure une bonne intégration de la matière théorique et pratique dans une situation des plus réalistes. On aurait apprécié lire également un solutionnaire du cas ou quelques éléments de réponse aux questions posées par la situation. Néanmoins, cette dernière section de l’ouvrage souligne de façon fort appropriée l’importance de bien mener une enquête interne. Pour ce faire, de nombreuses précautions doivent effectivement être prises. Il est d’ailleurs recommandé de former de façon rigoureuse les personnes qui assureront à l’interne cette partie importante du processus de gestion des conduites de harcèlement.
En tout, cet ouvrage offre une bonne initiation aux principaux enjeux du harcèlement sexuel et psychologique. Les réflexions et les propositions des auteures débordent d’illustrations percutantes et représentatives d’une bien triste réalité, celle des victimes de harcèlement. En plus d’y trouver de nombreux conseils et des outils pertinents, la lecture de cet ouvrage devrait sensibiliser bien des gestionnaires et des responsables « du dossier harcèlement », et ce, peu importe le secteur d’activité économique. Au plan de l’écrit, l’ouvrage est accessible, convivial et directement orienté vers l’intervention. Son contenu devrait donc répondre à bien des questions posées les gestionnaires et représentants syndicaux impliqués dans le développement de politiques internes visant la responsabilisation des acteurs à l’égard du harcèlement. Les auteures profitent également adroitement de l’occasion pour sensibiliser le lecteur au fait qu’il ne s’agit pas d’un « dossier RH » comme les autres mais bien de vies humaines en jeux, de carrières ou, minimalement, une question de savoir-vivre et de respect envers autrui.
Trop peu de livres ou d’études sont encore publiés à ce jour sur le harcèlement, problème grave pourtant présent dans tous les secteurs de l’activité économique québécoise. Malgré des efforts marqués au cours des dernières années et le nombre croissant d’acteurs sensibilisés à la problématique, le harcèlement et la violence gagnent encore du terrain dans plusieurs entreprises. En ce sens, chaque publication, intervention publique ou privée pour contrer ce fléau compte. Le collectif d’auteures du Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail atteint donc dans Prévenir et gérer les plaintes de harcèlement au travail ce double objectif de sensibiliser et d’informer la population sur les manifestations et actions à prendre pour soutenir les personnes aux prises avec ces conduites malveillantes.