Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 60, numéro 4, automne 2005 La citoyenneté au travail ? Réflexions sur le milieu de travail de l’avenir Citizenship at Work? Thinking the Workplace of the Future ¿La ciudadanía laboral? reflexiones sobre el medio laboral del futuro Sous la direction de Gregor Murray et Michel Coutu
Sommaire (18 articles)
Articles
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After Industrial Citizenship: Market Citizenship or Citizenship at Work?
Judy Fudge
p. 631–656
RésuméEN :
This article sketches the rise and fall of industrial citizenship in Canada, and presents two very different models of citizenship that might replace it. It begins by defining the concept of citizenship, and explaining how industrial citizenship has conventionally been understood. It then traces the genealogy of industrial citizenship in Canadian labour law, and how the processes of feminization, deregulation, and globalization have challenged it as a normative ideal and undermined the conditions that have sustained it. The article concludes by considering two scenarios for industrial citizenship in the future: one in which the substance of citizenship is circumscribed by an emphasis on the market, and the other in which citizenship is extended beyond employment to work.
FR :
Cet essai retrace la montée et le déclin de la citoyenneté industrielle au Canada et il décrit deux modèles différents de citoyenneté susceptibles de la remplacer. En établissant la généalogie de la citoyenneté industrielle dans le monde du travail canadien, il souligne les exclusions afférentes à la citoyenneté industrielle, plus particulièrement sa faible institutionnalisation et la manière dont elle est sexuée. En débutant par une exploration de la notion de citoyenneté, l’essai trace les contours de la conception de Marshall (1950) des éléments de la citoyenneté, conception qui, par ailleurs, bénéficie d’une large audience. Le compte rendu de Marshall sur l’évolution de la citoyenneté moderne décrit la façon dont en général elle est conçue et, en particulier, la manière dont elle est comprise. La citoyenneté industrielle aborde une contradiction au coeur du capitalisme libéral, celle de l’inégalité des classes sociales au sein du marché et du caractère démocratique de la citoyenneté, de l’égalité des droits dans la sphère politique.
La citoyenneté industrielle est un état qui vient limiter l’utilisation des personnes en emploi comme si elles étaient des marchandises : elle se présente sous la forme de l’acquisition de droits chez les salariés dans leur relation d’emploi, qui surviennent par le jeu de forces extérieures et qui vont au-delà d’un statut auquel les salariés seraient en mesure d’accéder seulement par le jeu du marché du travail. Ces droits s’étendent des droits individuels à certaines normes du travail et à des droits collectifs de représentation par des institutions autonomes au sein des relations employeurs-employés. Historiquement, les droits de citoyenneté dans les sociétés libérales s’arrêtaient au travail. Après la Seconde Guerre mondiale, la citoyenneté industrielle accorda aux travailleurs des droits de représentation par le biais de lois protégeant et facilitant la liberté d’association, la négociation collective, et imposant des limites à la liberté de marchandage par le truchement des normes du travail et des droits sociaux. La citoyenneté industrielle est intimement liée au développement de l’État-providence et des droits sociaux. De plus, elle se présente comme un élément important dans la tentative d’établir un pont entre la citoyenneté et la classe sociale.
La citoyenneté, dans les travaux sur le droit du travail au Canada, prend une signification très particulière, très bien saisie par Harry Arthurs dans un article publié en 1967 et qui fait encore autorité : « Promouvoir la citoyenneté d’entreprise : un défi pour le deuxième siècle du Canada ». Jusqu’à un certain point, la citoyenneté industrielle au Canada s’est développée dans un système de relations industrielles en parallèle avec les normes étatiques et leur application, sans en dépendre. Elle était construite sur trois piliers : le soutien de famille masculin dans une relation d’emploi standard, l’engagement envers les droits sociaux qui venaient tempérer les aspects irritants de la classe sociale, et l’État-nation souverain d’allure keynésienne. La fin des années 1960 et le début des années 1970 représentent la période de l’âge d’or de la citoyenneté industrielle au Canada. Cependant, même à son apogée, elle est restée limitée dans son étendue, excluant les femmes, fortement dépendante du pouvoir du marché et faiblement institutionnalisée.
La dimension sexuée de la citoyenneté industrielle et son faible degré d’institutionnalisation sont importants pour comprendre la manière dont le processus de mondialisation, de déréglementation et de féminisation se présentèrent comme un défi à son idéal normatif et vinrent miner les conditions qui la supportaient. L’accord industriel et politique qui lui servait d’assise commença à s’amenuiser au cours des années 1980, au moment où le gouvernement fédéral endossa le néo-libéralisme, signa l’Accord de libre-échange et fit de la privatisation une alternative au service public.
Vers la fin des années 1980, et au cours de la décennie suivante, les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada ciblèrent les salariés du secteur public en les invitant à la retenue. L’attaque législative contre les syndicats du secteur public et l’érosion croissante des droits de négociation collective dans le secteur privé coïncidaient avec une réanimation des forces du marché et y conduisaient. La poussée de la mondialisation vint accélérer la restructuration de l’économie; alors, les taux de syndicalisation commencèrent à chuter, les inégalités au plan salarial augmentèrent et les conditions de travail se sont détériorées. La mondialisation de concert avec le néo-libéralisme s’est présenté comme un défi au caractère central de l’État-nation qui, traditionnellement, favorisait la protection des travailleurs et la promotion de leurs institutions par une participation démocratique à l’élaboration des objectifs importants de la législation du travail. La déréglementation devenait alors une réponse néo-libérale à la restructuration, causant une érosion de la relation normale d’emploi et du modèle de soutien de famille masculin. Depuis le début des années 1980, la relation standard d’emploi s’est effritée, alors que la proportion des femmes dans la main-d’oeuvre s’approchait du taux de participation des hommes et que les formes atypiques d’emploi se sont répandues. En bout de ligne, davantage d’hommes se sont retrouvés dans des emplois auparavant identifiés au travail féminin, quoique les femmes ont continué à être surreprésentées dans les emplois précaires. Les forces de la mondialisation et de la déréglementation, de même que la féminisation du travail ont érodé le soutien fragile de la citoyenneté industrielle au Canada.
Le lent déclin de la conception traditionnelle de la citoyenneté industrielle avec l’homme comme soutien de famille apparaît inévitable. Les piliers qui l’ont soutenue au départ étaient faibles et le terrain qui lui servait d’assise a glissé. Cependant, ce qui va remplacer la conception traditionnelle de la citoyenneté industrielle demeure une question ouverte.
Notre essai trace les contours de deux scénarios visant une reconfiguration de la citoyenneté industrielle à l’avenir. Ces scénarios ne sont pas les empreintes, ni la carte, de régimes de citoyenneté, mais ce sont plutôt des modèles conçus en vue de saisir les bouts d’un spectre politique, sans l’éventail des diverses options. Ils sont conçus de façon à mettre en évidence les approches opposées à la régulation du marché du travail et ils renvoient en gros à des approches libérales et sociales démocrates en matière de droit du travail et de citoyenneté industrielle. Le premier modèle est celui d’une citoyenneté propre au marché; le deuxième, de la citoyenneté au travail.
Dans le premier modèle, l’accès aux attributs de la citoyenneté est réduit et les responsabilités en sont élargies. Les droits sociaux contrant le marchandage du travail ont été sévèrement tronqués et l’obligation d’occuper un emploi s’est intensifiée et elle s’est répandue. Les citoyens sont sur une base individuelle responsables des risques qu’ils prennent. Les droits à la citoyenneté industrielle diminuent pour prendre un caractère résiduel. L’emploi s’apparentant à un contrat commercial s’accentue et la négociation collective n’est plus perçue comme un droit fondamental. Le contrat individuel devient le mécanisme privilégié dans l’établissement des conditions de travail, de même que l’accès à la syndicalisation libre et à la négociation collective devient plus apparent que réel.
À l’autre extrême, le scénario d’une citoyenneté au travail prolonge les attributs de la citoyenneté au-delà de l’occupation et englobe un éventail beaucoup plus large de travaux : ceux qui sont socialement nécessaires, incluant le soin des membres de la famille, comme étant une contribution à la communauté. L’ensemble des droits sociaux que l’État devrait garantir inclut la non-discrimination, le salaire minimum, les droits collectifs, l’assurance d’un accès égal à des services publics courants de haute qualité. Ces modèles ne sont qu’une illustration des visions qui s’opposent sur un aspect de la citoyenneté — les attributs qui résultent d’un engagement dans l’accomplissement de ce qui est considéré comme un travail valable socialement. Les systèmes actuels de citoyenneté, bien qu’ils s’inspirent d’idéaux et de modèles différents, sont le résultat de nombreux facteurs et le poids de l’histoire contribue à tracer leur cheminement.
ES :
Este artículo realiza un bosquejo de la emergencia y la caída de la ciudadanía industrial en Canadá, y presenta dos modelos muy diferentes de ciudadanía capaces de remplazarla. Para comenzar, se define el concepto de ciudadanía y se explica cómo se ha comprendido tradicionalmente la ciudadanía industrial. Luego, se esboza la genealogía de la ciudadanía industrial en la legislación laboral canadiense y la manera como el proceso de feminización, desregulación y globalización ha cuestionado la ciudadanía industrial y ha quebrantado las condiciones que la habían sustentado. El artículo concluye considerando dos escenarios para la ciudadanía industrial en el futuro; uno en el que la sustancia de la ciudadanía está restringida por un énfasis en el mercado y el otro en el que la ciudadanía depasa el campo del empleo y se se extiende al campo laboral.
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Dignity at Work for Low Wage, Low Skill Service Workers
Peter Berg et Ann C. Frost
p. 657–682
RésuméEN :
Using responses from a telephone survey of 589 low wage, low skill workers in US hospitals, the authors investigate the workplace features that influence workers’ perceptions of dignity at work. Both work organization variables and union representation are investigated as potential factors affecting workers’ perceptions of fair treatment by their employer, intrinsically satisfying work, and economic security. Work organization and union representation have little effect on dignity at work with the exception of their association with higher wages and therefore a greater degree of economic security. Results indicate that higher pay, adequate levels of staffing and resources, and access to training are the variables that are most closely associated with dignity on the job.
FR :
On a récemment accordé beaucoup d’attention à l’inégalité croissante des gains et aux conditions économiques qui se détériorent chez les travailleurs à faibles revenus (Levy et Murnane, 1992; Johnson et Kuhn, 2004). En plus de faibles revenus, ces travailleurs doivent aussi affronter de mauvaises conditions de travail : insécurité d’emploi, traitement arbitraire et absence de représentation. De plus en plus, en relations industrielles, on cherche comment améliorer la vie au travail de ces travailleurs. La dignité au travail est devenue un sujet de ralliement, non seulement pour les syndicats, comme ce fut traditionnellement le cas, mais aussi pour les décideurs politiques et les intellectuels.
Dans cet article, nous avons voulu évaluer les effets de certaines caractéristiques des lieux de travail sur les perceptions que les travailleurs se font de la dignité au travail, en recourant à une enquête auprès des personnes occupant des postes peu qualifiés et peu rémunérés dans le secteur des services. De plus, nous nous sommes demandés si la représentation syndicale ou des changements dans l’organisation du travail associés à des pratiques de haut rendement au travail affectent ou non la perception de ces travailleurs de la dignité en emploi.
Les données proviennent d’une enquête effectuée dans quinze hôpitaux communautaires américains. Ce type d’hôpitaux constitue la majeure partie des hôpitaux aux États-Unis, et nous avons retenu le groupe le plus représentatif, c’est-à-dire ceux qui comptent entre 200 et 400 lits. Les hôpitaux sont répartis dans presque toutes les régions du pays. L’étude a débuté à l’été de l’année 2000 et elle s’est terminée au printemps de 2002.
Notre analyse s’appuie sur une enquête téléphonique auprès de 589 travailleurs, dans les quinze hôpitaux retenus, et comprend des questions sur tous les aspects du travail accompli et de la carrière. Nous avons aussi visité chaque hôpital où nous avons interviewés des gestionnaires, des surveillants et des représentants syndicaux. En recourant à l’analyse multivariée, nous avons ensuite analysé l’effet de la syndicalisation et des pratiques de travail sur la perception de la dignité au travail dans les établissements. Pour estimer la perception de la dignité au travail par les travailleurs, nous avons retenu trois variables dépendantes clés : la sécurité d’emploi, la satisfaction intrinsèque au travail et le traitement équitable de la part de l’employeur. Nos variables indépendantes incluent une mesure de l’enrichissement du travail, la participation à des comités de résolution de problèmes, la formation sur le tas ou d’ordre institutionnel, le champ d’action du syndicat, la perception de la suffisance du personnel et des ressources matérielles, la charge de travail ainsi que diverses variables de contrôle.
Nous avons posé l’hypothèse que le fait de bonifier le travail, soit par un élargissement des tâches, soit par un accroissement du niveau d’habiletés requises, par l’offre de participation à la solution des problèmes au travail, par l’offre d’occasions de formation et le fait de disposer d’une représentation syndicale sur le lieu de travail devraient être liés de façon positive à des niveaux plus élevés de perception de la dignité au travail. Nos données nous indiquent qu’à l’exception des effets positifs de la formation, ni la restructuration du travail, ni la représentation syndicale ne présentaient des effets dans le sens anticipé. Dans le cas de ces travailleurs du secteur des services, les emplois sont si faiblement rémunérés, si exigeants physiquement et si peu gratifiants que le fait de les redessiner n’améliore pas la situation. Ce qui semble améliorer la perception de la dignité au travail est plutôt lié à l’accès à la formation, au fait de pouvoir compter sur du personnel en nombre suffisant et sur du matériel adéquat et en quantité suffisante et aussi de ne pas se faire demander d’accomplir plus que ce qu’on peut faire.
Cependant, des modifications dans l’organisation du travail et la représentation syndicale ont été associées avec un niveau plus élevé de rémunération, une mesure de dignité particulièrement importante chez cette catégorie de travailleurs. Bien que la restructuration du travail, la formation et la représentation syndicale sont sources de hausses salariales, elles ne contribuent pas à l’ajout d’une valeur intrinsèque au travail, pas plus qu’à l’impression d’un traitement équitable de la part des employeurs. Ces deux effets sont plutôt liés à des enjeux inhérents au procès de travail, tels que la charge de travail, la présence d’un personnel suffisant et de ressources matérielles adéquates. Seule la formation demeure liée aux trois aspects de la dignité au travail.
Ainsi, les changements dans la nature du travail, comme les travaux sur la promotion de la dignité au travail en relations industrielles le laissaient entendre, présentent peu ou pas de relation avec cette dernière variable chez cette catégorie de travailleurs à faibles revenus et peu qualifiés. L’enrichissement du travail, de même que la participation à des comité de résolution de problèmes ou la représentation syndicale n’améliorent pas la perception de dignité au travail chez ces travailleurs. Cependant, des salaires plus élevés, du personnel en nombre suffisant et la formation contribuent à une meilleure perception de la dignité au travail. Par conséquent, les politiques axées sur la formation et les qualifications des travailleurs peu rémunérés sont plus susceptibles d’avoir un impact important sur leur emploi et leurs perspectives d’avenir. De plus, les syndicats pourraient davantage aider leurs membres en négociant non seulement des salaires plus élevés, mais aussi du personnel en nombre suffisant et des ressources adéquates pour que les travailleurs et les travailleuses puissent bien accomplir leurs tâches.
ES :
A partir de una encuesta telefónica con 589 trabajadores hospitalarios de Estados Unidos caracterizados por sus bajos salarios y nivel bajo de calificación, los autores investigan las características del medio laboral que influyen las percepciones de dignidad en el trabajo. Tanto las variables relativas a la organización del trabajo como aquellas de la representación sindical son investigadas como factores potenciales que afectan las percepciones de los trabajadores a propósito de lo que es un tratamiento justo de la parte de su empleador, la satisfacción intrínseca en el trabajo y la seguridad económica. La organización del trabajo y la representación sindical tienen poco efecto sobre la dignidad en el trabajo excepto cuando está asociada con los salarios elevados y por tanto, con un nivel mas elevado de seguridad económica. Los resultados indican que las remuneraciones mas elevadas, los niveles adecuados de personal y de recursos así como el acceso a la formación, son las variables que están mas fuertemente asociadas con la dignidad en el trabajo.
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Droits de la personne, relations du travail et défis pour les syndicats contemporains
Marie-Josée Legault
p. 683–708
RésuméFR :
Les chartes des droits de la personne, les lois protégeant ces mêmes droits et la jurisprudence qu’elles engendrent provoquent des bouleversements dans les milieux de travail régis par le droit des rapports collectifs de travail et dans les règles de fonctionnement syndical. Les cas des femmes intégrant des secteurs d’emploi non traditionnellement féminins par le truchement des programmes d’accès à l’égalité et des associations regroupant les syndiqués contestant les effets des clauses de disparité de traitement sont ici utilisés pour illustrer la profondeur du choc entre les nouvelles règles fondées sur l’équité qu’introduisent les droits de la personne et les règles de l’égalité formelle entre syndiqués qui ont traditionnellement régi le fonctionnement syndical.
EN :
Since the 1980s, and especially since the 1990s, European and North American researchers have been examining what is referred to as a “crisis” in the labour movement. This “crisis” contrasts with the unity and representative power that seemed to characterize organized labour up until the late 1970s. Local trade unions and union confederations seem to be having more and more difficulty recognizing and aggregating common interests.
This situation is closely linked to the emergence of new factors contributing to the segmentation of labour, which in turn may have the effect of segmenting unionized workers. Some of the sources of segmentation stem from human resource management decisions: promoting flexibility, increasing the number of atypical workers, introducing variable forms of compensation, and the consequent disparities in status and pay. Other sources of segmentation originate in the workers themselves or are appropriated and promoted by them.
Under human rights charters and the case law that results from them, some categories of workers or target groups demonstrate specific interests that are distinct from those of the larger group of unionized workers to which they belong, sometimes to the point of contesting what are regarded as important gains for the union or certain union choices based on majority votes. Two relevant target groups are women hired through affirmative action programs and employees paid according to two-tier wage systems, known as “orphan clauses” in Québec.
This article attempts to show how the demands made by these two target groups are sometimes so distinct from those of the majority in the local union that they affect solidarity and lead to conflicts. These cases raise important questions because they challenge a major political assumption in a unionized setting: that of the formal equality of all union members and the corollary duty of treating them all in the same way and, specifically, of giving them the same weight in collective decision making. Indeed, the demands made by these target groups call into question the whole concept of union democracy, based as it is on the primacy of a majority vote in union meetings.
The charters, on the other hand, incorporate a line of reasoning and promote an approach based on equity with respect to targeted or designated groups. According to this approach, it is sometimes necessary to consider inequality at the point of departure and to treat individuals from different groups differently in order to give them an equal chance to arrive at the finish line, at least until a situation of equality of results has been established.
The primary objective of the trade union movement, historically, has been to fight against competition between individual workers in order to build common cause for dealing with employers who act according to a uniform logic. Unions have therefore tended to downplay socio-professional differences, to deny the existence of generational, sexual and ethnic cultural gaps.
Some researchers have recently highlighted the contrast between organized labour and the new social movements. These new social movements are generally better suited to support the claims of new groups of recruits who have an important identity component: groups of women, young people (the group Force jeunesse in Quebec, for instance, which is known for its opposition to two-tiered wage scales) and people from ethnic communities. The presence of these new groups fosters the development of centrifugal forces within unions that makes it more difficult for them to maintain unity—even though this unity is crucial for achieving union objectives.
The two cases considered in this article share several points in the way they challenge union executive committees: they divide the wage-earning group, increase the number of intra-union conflicts, sometimes lead to a movement to disaffiliate from the union and have recourse to human rights provisions. They also express, and I am only slightly exaggerating here, a new claim for “union citizenship” of marginal workers: women in traditionally male job categories and young people or other victims of two-tiered wage scales in the two cases under investigation. By extension, the same argument could apply to immigrants, persons with disabilities, etc.
As a result, where the strength of organized labour has traditionally been based on the solidarity of the group, it is now seeing its legitimacy challenged by these new categories of workers and is faced with demands for transformative change. Admittedly, the two examples discussed here are taking place in a general context of cost reduction and the negotiation of concessions, which provides an important backdrop to the conflicts under consideration. Nonetheless, deciding who is entitled to a job or where concessions are to be made will necessarily involve tackling the question of equality.
ES :
Las cartas de derechos de la persona, las leyes que protegen esos mismos derechos y la jurisprudencia que se deriva, están provocando conmociones en los medios de trabajo regidos por el derecho colectivo de trabajo y afectan también las reglas de funcionamiento sindical. El caso de las mujeres que se han integrado a los sectores de empleo tradicionalmente no femeninos con la ayuda de los programas de acceso a la igualdad y el caso de las asociaciones de trabajadores sindicalizados que contestan los efectos de las clausulas « huérfanas », son los dos casos utilizados aquí para ilustrar la intensidad del choque entre las nuevas reglas fundadas sobre la equidad que introducen los derechos de la persona y las reglas de la igualdad formal entre sindicalizados que rigen tradicionalmente el funcionamiento sindical.
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Co-operative Values, Institutions and Free Riding in Australia: Can It Learn from Canada?
David Peetz
p. 709–736
RésuméEN :
While there is a strong logic favouring co-operation, it faces a central problem: the “free rider” or “cheat.” Collectives find ways of promoting norms of solidarity and seek regulation to prevent free riding. Around two-fifths of Australian employees covered by collective agreements are free-riding non-members. Evidence suggests that the recent growth of free riding reflects institutional changes and not the decline of co-operative values and the ascendancy of individualism. The Canadian solution to the cheating problem, which is the Rand formula, inspired Australian unions to introduce (excessive) “agency fees” into collective agreements. These were eventually stopped by the state. Alternative models include “social obligation fees”—provisions for employees covered by the agreement to make a contribution to a voluntary organization of their choice.
FR :
La citoyenneté industrielle comporte à la fois des droits et des responsabilités pour les citoyens. Ceux-ci englobent le droit de participer à une activité collective, telle que la négociation et le besoin de se sentir responsable envers des membres d’une collectivité ou d’un groupe. Un des principaux problèmes inhérents à la coopération et à l’action collective est celui du resquillage, c’est-à-dire du fait de bénéficier des avantages d’une action collective sans apporter sa quote-part, plus précisément, en relations du travail, de bénéficier des avantages de la convention collective sans payer de cotisations syndicales. Cet essai traite des valeurs de la coopération, discute du problème du resquillage (free riding) et des changements institutionnels en Australie où, au cours des dernières années, ce problème a pris de l’ampleur. Il fait aussi ressortir le contraste avec le Canada, où la formule Rand a été introduite pour contrer le resquillage en relations du travail et cet arrangement pourrait fournir à l’Australie un modèle à imiter.
Le collectivisme renvoie à la façon dont les intérêts, les orientations et les comportements trouvent en grande partie leurs assises dans un groupe plutôt que dans les individus pris séparément. Les attitudes propres au collectivisme comprennent trois éléments principaux : la conscience d’une identité sociale commune, des valeurs de coopération partagées (ce qui est le sujet de cet essai) et un sens de l’efficacité collective (une croyance en un pouvoir) chez les membres d’un groupement. On peut concevoir les valeurs de coopération en termes de réciprocité et d’altruisme. Même si, pour quelques-uns, l’altruisme peut sembler un paradoxe, la théorie de l’évolution nous incite à penser qu’il est non seulement un important mécanisme de survie, mais aussi qu’il a joué un rôle clef dans l’évolution. Plus que beaucoup d’autres espèces, les humains reconnaissent les bienfaits d’un comportement coopératif. Alors qu’il existe une logique solide en faveur de la coopération, elle doit cependant faire face au sérieux problème que posent les resquilleurs, aussi appelés les parasites (free riders). Sans mécanisme pour les identifier et les punir, l’altruisme risque de disparaître. Il faut tenter d’atténuer cette forme de tricherie par l’adoption de lois et le développement d’institutions et de normes de comportement. Les groupements doivent trouver des façons de promouvoir la solidarité et de contrer le resquillage. La réponse habituelle des syndicats à cet égard consiste à s’assurer que tous ceux qui bénéficient des avantages de la syndicalisation en défraient les coûts. Un des grands défis des syndicats est donc celui de surmonter les tensions entre ce besoin de s’assurer que ceux qui reçoivent des avantages de l’action collective y contribuent équitablement, tout en évitant les malaises de l’adhésion syndicale obligatoire.
Il existe en général deux approches pour évaluer l’ampleur du resquillage. L’une d’elle utilise les données officielles pour comparer les évaluations de la densité syndicale et le champ d’application de la convention collective. L’autre approche consiste dans la conduite d’enquêtes auprès des salariés pour vérifier s’ils sont membres de l’unité syndicale et s’ils sont couverts par la convention collective (ou, du moins, s’il y a un syndicat auquel ils peuvent adhérer dans leur lieu de travail). Selon ces deux approches, les deux cinquièmes des salariés en Australie, assujettis à une convention collective, seraient des non-membres parasites, avec une pointe dans le secteur public, chez les femmes et chez les salariés dans des emplois atypiques ou à temps partiel. Le nombre de ces parasites se serait également accru au cours des dernières années.
Le contrôle des resquilleurs dépend de la présence soutenue de valeurs et d’institutions qui pourraient décourager ou empêcher un tel comportement. Est-ce que la croissance du resquillage signifie le déclin des valeurs coopératives et la montée de l’individualisme, ou encore est-elle le signe de changements institutionnels ? En Australie, même si ce n’est pas très évident dans l’imagerie populaire, il semble qu’en général les valeurs de l’individualisme ne sont pas préférées à celles de la coopération et il est fort possible qu’on se soit éloigné de l’individualisme au lieu de s’en être rapproché. En fait, un nombre croissant d’Australiens appuie les politiques de redistribution sociale. Pas plus qu’il n’existe une preuve d’un individualisme rampant, lorsqu’on considère plus particulièrement les attitudes à l’endroit des enjeux en relations industrielles, qui sont devenues plus favorables au syndicalisme au cours des dernières décennies. Dans la même foulée, on observe que le bénévolat s’est accru au cours des années 1990.
Les changements institutionnels rendent mieux compte du phénomène du resquillage. Les aménagements apportés à l’atelier syndical ont été rescindés au niveau fédéral et des provinces de façon à empêcher l’adhésion syndicale obligatoire ou la préférence syndicale. Ces lois ont contribué au déclin de l’effectif syndical de trois manières. En premier lieu, les recrues réfractaires n’ont plus à adhérer à un syndicat. En deuxième lieu, c’est devenu plus facile pour les entreprises de décourager l’appartenance à un syndicat. Enfin, le resquillage n’est plus restreint. En fait, parce qu’il n’existe plus de moyens chez les « coopérateurs » d’imposer des sanctions aux resquilleurs ou parasites, ces changements les ont plutôt encouragés. Les développements des années 1990 doivent être envisagés dans le contexte du rôle qu’ont joué les politiques de relations du travail à la frontière du conflit politique de classe en Australie. Plus qu’au Canada, les politiques en matière de relations industrielles ont connu un glissement radical au plan de la législation à cause d’une conscience plus aiguë de l’efficacité d’un changement législatif pour promouvoir un programme économique et politique.
La solution canadienne au problème des parasites a été l’adoption, dans les entreprises de juridiction fédérale et dans plusieurs juridictions provinciales, de ce qui est communément appelé la formule Rand (c’est-à-dire l’obligation faite à l’employeur, par la législation ou la convention collective, de déduire de la rémunération de tous les travailleurs d’une unité de négociation, qu’ils soient ou non membres du syndicat, un montant égal à la cotisation syndicale et de le remettre au syndicat ou, selon certaines juridictions, pour des motifs religieux, à une organisation charitable). La Cour suprême du Canada a statué que les dispositions de la formule Rand n’étaient pas incompatibles avec la Charte canadienne des droits et des libertés. Le problème du resquillage est ainsi devenu un enjeu mineur en train de disparaître au Canada. D’autres expériences à l’échelle internationale sont également instructives. L’Afrique du Sud a introduit la possibilité d’ateliers syndicaux en 1995. On retrouve ces derniers dans un certain nombre d’États américains. La représentation et la négociation collective ne sont pas les seules activités utilisant les ressources d’un syndicat; ainsi, de nombreuses décisions des cours de justice aux États-Unis imposent des limitations à l’usage des fonds amassés par le biais des aménagements d’ateliers syndicaux.
En s’inspirant de la formule Rand, quelques syndicats australiens depuis la fin des années 1990 ont tenté d’introduire des droits d’entrée d’atelier dans les accords d’entreprise (au niveau d’une corporation ou d’un lieu de travail). Des syndicats ont essayé d’établir des droits d’entrée d’atelier à un taux plus élevé que celui des cotisations syndicales, leur conférant ainsi de ce fait l’apparence d’une forme de syndicalisation obligatoire. Ils se sont vus servir un traitement mitigé de la part des cours et des tribunaux, jusqu’à ce qu’ils soient éventuellement arrêtés par une loi et par un avertissement de la Cour supérieure.
Par delà les cotisations d’atelier, il peut être possible de concevoir des régimes qui viennent minimiser l’incitation à jouer aux parasites. L’un serait la permission d’inclure dans les conventions des cotisations de type « obligation sociale » : des dispositions qui exigeraient des salariés couverts par une convention collective de faire une contribution à une organisation volontaire au choix du salarié. Le montant de cette contribution devrait être fixé plus bas que celui des cotisations syndicales, reflétant ainsi les avantages privés qui s’accumuleraient chez les membres d’un syndicat. Ceci étant dit, on constate que le problème des resquilleurs reflète en grande partie la faiblesse du pouvoir syndical. En bout de ligne, les syndicats devront convaincre de leur pouvoir les membres éventuels; cela signifie qu’il faut appliquer de façon efficace les principes d’organisation syndicale. Avec la liberté du principe de non-adhésion ancrée dans le régime politique australien, des approches créatrices à la solution de ce problème de non-paiement des cotisations sont nécessaires.
ES :
Si hay una fuerte lógica que favorece la cooperación, esta se enfrenta a un problema central: el « beneficiario libre » (« free rider ») o « parasito » (« cheat »). Los colectivos encuentran maneras para promover normas de solidaridad e intentan obtener la regulación para impedir el estatuto de beneficiario libre. Aproximadamente dos quintos de los trabajadores australianos cubiertos por los pactos colectivos son beneficiarios libres sin ser miembros. La evidencia sugiere que el reciente crecimiento de beneficiarios libres refleja los cambios institucionales y no el deterioro de los valores cooperativos ni el ascenso del individualismo. La solucion canadiense al problema de « parasitismo » (« cheating ») es la formula Rand, lo que ha inspirado a los sindicatos australianos a introducir (de manera excesiva) las cuotas institucionales (« agency fees ») en los pactos colectivos. Estas fueron finalmente anuladas por el estado. Los modelos alternativos incluyen las cuotas de obligación social – disposición destinada a los empleados cubiertos por la convención para que hagan una contribución voluntaria a una organización de su elección.
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Work and Citizenship in Mexico in the Era of Globalization
Arnulfo Arteaga García
p. 737–761
RésuméEN :
This article analyzes the case of Mexico in order to provide an overview of citizenship at work in the context of a dependent regional economy in a global era. It examines the framework of rights (civil, political and social) linked to the condition of the working class in a state-corporatist labour regulation model. It also explores the repercussions for workers, both at work and beyond the workplace, of current transitions from this model as well as looking at the redefinition of labour rights now taking place. Four different segments of the labour force are used to illustrate the nature of the historical and continuing deficit in the exercise of citizenship at work. This preliminary exploration leads to the identification of some paths for future research.
FR :
Cet essai se veut une analyse de la reformulation du concept de citoyenneté au travail au Mexique. L’objectif est d’inventorier les effets de l’intégration économique régionale sur les travailleurs, tant au travail qu’en dehors des lieux de travail, et de mettre en perspective, dans les diverses sphères du monde du travail, la redéfinition des droits des travailleurs et leur influence sur l’exercice de la citoyenneté dans une économie régionale dépendante, à l’ère de la mondialisation. Le caractère préliminaire de cette recherche ne se prête pas au développement de tous les aspects de cette relation, mais il dégage certaines avenues pour d’autres recherches.
Notre étude débute par le rôle du travail selon la définition classique qu’en donne Thomas Humphrey Marshall (1950) et la manière dont on s’en sert dans l’analyse de l’accumulation successive des droits civiques, politiques et sociaux dans l’établissement d’une citoyenneté. Ensuite, Mann (1987) souligne la nécessité d’approfondir les aspects spécifiques de différentes formations socio-économiques, les processus d’institutionnalisation des conflits de classes et de justification des inégalités en prenant comme point de départ la reconnaissance des droits des citoyens. Pour ce faire, Mann met au point une typologie en vue d’analyser les sociétés caractérisées par un niveau élevé de développement économique. Même si cette typologie s’avère très utile, elle ne permet pas de saisir correctement la réalité des formations socio-économiques dépendantes comme celle du Mexique.
L’histoire de la citoyenneté au Mexique, telle que relatée dans la seconde partie de cet essai, doit être comprise dans le contexte de la Révolution mexicaine de 1910–1917, plus précisément, au moment de l’adoption de la Constitution de 1917. Celle-ci s’est traduite dans plusieurs réformes sociales concernant la régulation des relations du travail. L’article 123 reconnaît, entre autres, des droits fondamentaux aux hommes et aux femmes incluant le salaire minimum, l’encadrement du travail des enfants et des femmes et la participation des travailleurs dans les entreprises et les services. La loi fédérale sur le travail ouvrier de 1931 a permis l’établissement et le contrôle des moyens de défense des travailleurs, ce qui est devenu par la suite une forme de corporatisme d’État et un compromis de classe, au sein du Parti révolutionnaire mexicain au cours de la période du mandat du président Lázaro Cárdenas del Río (1934–1940). Cette courte histoire sous-estime l’importance du concept d’un modèle de régulation du travail de type corporatisme d’État (Bensusán, 2000). Il reflète l’institutionnalisation du conflit et la création d’un encadrement des droits propres aux conditions de la classe ouvrière dans un État corporatiste.
On soutient que, dans le contexte des transformations économiques et politiques actuelles vécues au Mexique, on peut déceler les signes d’un déclin et d’un épuisement de l’approche du corporatisme d’État. C’est ce qu’illustre la troisième partie de cet article en procédant à l’analyse de quatre groupes de travailleurs; chacun de ces groupes provenant d’un secteur particulier de l’économie lié à la transformation du modèle politique et économique du Mexique. Le premier groupe englobe les travailleurs des secteurs les plus modernes de l’organisation de la production et du travail, notamment les travailleurs de l’automobile et de l’industrie Maquila. Le deuxième regroupe des travailleurs dans le secteur des technologies des communications et de l’information. Le troisième groupe est constitué des travailleurs au noir. Il représente entre 40 et 50 % de la main-d’oeuvre mexicaine et leurs activités s’étendent au secteur manufacturier, à ceux du commerce et des services; quelques-unes prennent aussi un caractère illégal, telles que le commerce de la drogue et la contrefaçon. Ce groupe est habituellement caractérisé par l’absence d’obligations et l’absence de droits fondamentaux normalement associés à une relation normale d’emploi. Ces gens ont plutôt opté pour développer leur propre « légalité », qui comporte des processus organisationnels et politiques, parfois visibles et, à d’autres moments, invisibles. Enfin, le quatrième groupe analysé est celui des travailleurs mexicains migrants, qui sont importants autant pour l’économie mexicaine que pour celle des États-Unis. Ces travailleurs se voient privés de leurs droits dans leur propre pays et, plus souvent qu’autrement, de leurs droits au travail aux États-Unis, lorsqu’ils sont engagés dans du travail au noir.
Bien que tous les aspects de ces cas ne puissent être intégrés à une analyse de la citoyenneté au travail, il est possible tout de même d’étudier quelques-uns des changements économiques et politiques au Mexique en les plaçant en relation avec des droits au travail et un répertoire plus vaste de droits inhérents à la citoyenneté. Cette analyse des différents groupes fournit un reflet du monde du travail mexicain qui est de plus en plus polarisé. Elle permet également une compréhension du déficit historique au plan de l’exercice de la citoyenneté, tel que le droit à la liberté d’association, le droit de choisir un syndicat, l’élection de représentants syndicaux et une multitude d’autres droits liés à la protection du travail dans l’entreprise. De manière paradoxale, les transformations politiques et économiques au Mexique signifient que les leviers antérieurs dominants du corporatisme d’État perdent de leur capacité à servir d’intermédiaire entre le « sommet » (l’État et les employeurs) et la « base » (ceux des intermédiaires identifiés antérieurement). Dans chaque cas, cependant, il est possible de constater l’émergence de nouvelles formes que peuvent prendre les droits de citoyenneté. De plus, puisque les segments de la main-d’oeuvre observés sont particulièrement sensibles aux processus de mondialisation et à ceux de l’intégration de l’économie mexicaine à celle des États-Unis, ils fournissent des jalons particuliers dans la compréhension de la citoyenneté au travail dans une économie régionale dépendante à l’ère de la mondialisation. Ces conclusions sont nécessairement provisoires, mais, en autant que chacun de ces cas nous incitent à nous intéresser aux droits dans les lieux de travail et à leur impact sur la sphère plus vaste de la citoyenneté, ils délimitent un plan d’action qui permettra de pousser plus avant la recherche sur le sujet.
ES :
Este articulo analiza el caso de México con el fin de proporcionar una visión general de la ciudadanía laboral en el contexto de una economía regional dependiente, en la era de la globalización. Se examina la estructura de los derechos (civiles, políticos y sociales) respecto a las condiciones de la clase trabajadora en un modelo estatal-corporatista de regulación del trabajo. Se explora también las repercusiones de las transiciones de este modelo sobre los trabajadores en lo que respecta el trabajo y los medios laborales. Se observa igualmente las consecuencias de la redefinicion de los derechos laborales que se están llevando a cabo. Cuatro diferentes segmentos de la fuerza de trabajo son utilizados para ilustrar la naturaleza del déficit histórico y actual en el ejercicio de la ciudadanía laboral. Esta exploración preliminar conduce a la identificación de algunas pautas para futuras investigaciones.
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La citoyenneté et la reconnaissance du travail féminin : une convergence souhaitable et nécessaire ?
Yves Hallée
p. 762–791
RésuméFR :
Cet article se veut une réflexion sur la mise en relation de l’équité salariale avec le concept de citoyenneté. Ainsi, la pérennité de l’équité salariale serait tributaire du partage des valeurs associées au travail féminin et de la reconnaissance collective du « care », le travail centré sur autrui, qui le caractérise. À partir d’un questionnement sur le caractère universel et inclusif de la citoyenneté et sur sa présomption d’égalité, le texte converge vers une représentation citoyenne susceptible de légitimer davantage le travail féminin. De plus, l’impulsion donnée par sa croissance, couplée à une identité imprégnée de valeurs associées au « care », pourraient contribuer à une meilleure reconnaissance salariale. L’équité salariale serait l’expression cohérente et effective d’une citoyenneté, qui passe par une reconnaissance juste et équitable du travail centré sur autrui.
EN :
This article argues that the sustainability of pay equity is directly linked to the recognition of values associated with women’s work and, more specifically, to the recognition of the concept of “care,” a concept that characterizes more generally so much of women’s professional activity.
In Quebec, for example, companies are legally required to ensure that jobs that are mostly occupied by women receive equal pay to jobs of an equivalent value and level that are mostly occupied by men. Moreover, such pay equity must be maintained over time, irrespective of changes affecting the firm in which people are employed. Maintaining pay equity has thus become an integral part of the dynamics of the regulation of work. Above and beyond the narrow and often legalistic framework governing labour relations, companies must now operate in a larger context that influences the regulation of work. According to this “societal effect,” national particularities are seen to influence the behaviour and strategies of different social actors. The way that companies manage their workforce is subject to the broader influence of social relations within their community. In principle, at least, practices at the level of firms should be consistent with the values of the society of which they are part.
The concept of citizenship is especially interesting because it refers both to a series of rights and obligations and to membership of a community guided by common goals and values. All members of a community enjoy a status as full members of that community as a result of their citizenship. Equality is therefore implicit in the concept of citizenship. However, in thinking about the evolution of citizenship rights, it is clear that women are largely absent. The universal model of social citizenship and its corollary—social rights—should imply the equal treatment of all citizens, including women. The notion and practice of citizenship, however, have been monopolized by men, notably because of the sharp dichotomy between public and private spheres. For women to participate in citizenship, they generally must do so according to a male frame of reference.
We can distinguish three approaches to citizenship in terms of the space available for women’s citizenship. First, there is gender neutral citizenship, which is based on equality in both rights and obligations. Having abandoned the idea that women are naturally inferior to men, contemporary thinkers accept the idea that women, just like men, should be considered as free and equal beings, endowed with a sense of justice, and able to participate in both the political sphere and the labour market.
Yet, women constantly have to adapt to male institutions. Equality can never be reached if women continually have to conform to dominant criteria defined by men. That is why a second approach to citizenship posits the transformation of the practice of citizenship in order to take account of women’s experiences rather than seeking to render women more compatible with male forms of citizenship. This gender-differentiated citizenship emphasizes the values and characteristics of women through the introduction of new human characteristics in the public sphere.
While agreeing that certain female characteristics and values are linked to maternity and reproduction, many feminists, however sympathetic with this gender-differentiated view of citizenship, think that such an “ethic of solicitude” or care is not necessarily limited to women but instead captures the very essence of human interdependency. They therefore suggest that the so-called female sensibility is in fact quite rational and universal in scope. A third form of citizenship—gender pluralism citizenship—thus seeks to abolish the dichotomy between the sexes in order to affirm the essence of this equality. Gender pluralism is therefore not based on gender but rather on the acceptance of difference. This approach ideally suggests the possible coexistence of identities: universalism as opposed to marginalization, which thus emphasizes the importance of mechanisms of inclusion.
At first glance, it is the differentiated citizenship approach that seems to be most easily reconciled with pay equity. From recognition of the value of women’s experiences and the specificity of female values centred on the family, this type of citizenship especially emphasizes the importance of women’s work, characterized as it is by domestic activities and care. Moreover, the ethics of solicitude, universal in nature, enrich citizenship with maternal values such as the preservation and protection of human life and of the environment, and compassion and non-violence. These values should transcend the private domain in order to gain public recognition, so that women can attain an equivalent citizenship or, in other words, an equitable and continuous recognition of their contribution. The idea of bringing solicitude and care into the public domain offers a way of moderating if not abolishing the dichotomy between the sexes and, in so doing, suggests that the way to achieve real equality transcends the social construction of gender. The domination of masculine values and practices and the perpetual adaptation to these criteria can only reinforce the distinctions associated with women. Instead of accentuating this difference, it is necessary to develop inclusiveness whereby there is an effective, formal and egalitarian coexistence of social identities. That is why the universality and the absence of oppression associated with pluralist citizenship is so compelling. In particular, this universalistic model of the concept of citizenship is more likely to reflect the pluralism inherent in the composition of contemporary society and the need to accept difference.
One of the fundamental problems with the devaluing of women’s work is the idea that activities involving care, particularly the education of children, are naturally women’s work and inherent to their reproductive functions. Linked to the family and requiring emotional and relational skills, which are therefore subjective in nature, care activities have historically been confined to the private rather than the public domain. This lack of recognition of domestic work or the care of dependant persons has multiple repercussions at an organizational or firm level when evaluating women’s work. The qualities associated with women’s work are often undervalued in the workplace because they are so closely tied up with familial roles, where work is often invisible and generally done for free. The enrichment of the notion of citizenship therefore requires that values related to care should be specifically acknowledged and that care activities must be shared more equitably between the sexes.
The notion of citizenship therefore offers a basis of discussion and a bridge for tackling the problem of how to articulate particular identities—that of women—with a larger collectivity. This in turn provides a key to understanding pay equity. In a society where values associated with so-called women’s work are widely shared, then firms would ostensibly be likely to make more significant investments in making pay equity work. Moreover, in the light of its importance for society as a whole, it seems that value of care should receive specific economic and social recognition, in the same way that so much of men’s work already does. Beyond narrow legal structures, pay equity could then be seen as the effective development, at an organizational level, of the egalitarian ambitions of a larger notion of citizenship but this first requires the recognition of the importance of care.
ES :
Este artículo se propone una reflexión sobre los vínculos entre la equidad salarial y el concepto de ciudadanía. Así, la perennidad de la equidad salarial dependerá de la posibilidad de compartir los valores asociados al trabajo femenino y del reconocimiento colectivo de la « relación de ayuda » que lo caracteriza. A partir de un cuestionario sobre el caracter universal e inclusivo de la ciudadanía y sobre su presunción de igualdad, el texto converge hacia una representación ciudadana susceptible de legitimar mucho mas el trabajo femenino. Es más, la impulsión dada por su crecimiento, acompañada de una identidad impregnada del valor asociado a la « relación de ayuda », podrían contribuir a un mejor reconocimiento salarial. La equidad salarial sería la expresión coherente y efectiva de una ciudadanía que pasa por un reconocimiento justo y equitativo de la « relación de ayuda ».
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Conflict between Liberal Economic Ideology and Citizenship at Work
Georgina Murray
p. 792–816
RésuméEN :
Citizenship in work is a continuous process of sustaining and fighting for just social rights. The argument here is that currently a major impediment to this democratic process at work is the practical and ideological imposition of economic liberal policy, conceived for and by dominant class interests. This article discusses the idea of citizenship, its antithesis economic liberalism and its synthesis Keynesianism and the welfare state. Then it asks what these and other ideas bring to the debate about citizenship and work in a global society?
FR :
La citoyenneté au travail est un processus continu de lutte pour les droits économiques et sociaux et de maintien de ces mêmes droits. Nous soutenons ici qu’une entrave majeure à ce processus démocratique au travail réside dans l’emprise d’une politique économique libérale au service d’une classe économique dominante et conçue par cette dernière. Cet essai se veut une discussion de l’idée de citoyenneté, du libéralisme économique comme son antithèse, du keynésianisme faisant figure de synthèse et, enfin, de l’État-providence. Nous cherchons également à savoir si ces idées et d’autres ont ou non une incidence sur le débat concernant la citoyenneté et le travail dans la société mondiale.
Le caractère souhaité d’une notion démocratique de la citoyenneté au travail, servant de guide aux politiques publiques et à l’action privée, dépend de sa capacité à faire reconnaître sa légitimité dans le discours public et chez les décideurs politiques. Il existe deux sources importantes de résistance à cette notion de citoyenneté au travail. Une première, qui origine d’une pensée de gauche est à l’effet que, dans un système capitaliste voué à la recherche du profit pour un petit nombre, l’idée de citoyenneté démocratique au travail est impossible. Une deuxième source vient d’une idéologie de la droite. Enracinée fortement, bien alimentée et largement soutenue, cette source de résistance prétend que la citoyenneté démocratique au travail conduit à une perte de profits et, par conséquent, elle est indéfendable. Comme la droite détient le pouvoir économique, elle possède aussi les moyens d’ériger en idéologie dominante sa logique anti-démocratique et hostile aux travailleurs qui est celle du libéralisme économique.
Comment ces notions de citoyenneté et de travail sont-elles définies ? Dans un premier temps, il faut rappeler que la conception marxiste du travail renvoie à celle de l’exploitation des travailleurs. Celle-ci est inhérente au système capitaliste, parce que les employeurs rémunéreront les travailleurs seulement de façon à ce qu’ils puissent se reproduire, eux et leurs familles, indépendamment des profits que les entreprises peuvent réaliser. Dans un système aussi hautement compétitif, les employeurs vont nécessairement déprécier le travail. La technologie, plus précisément celle de la ligne d’assemblage, fonctionne de manière à aliéner les travailleurs, à les priver d’une activité créatrice. Des travailleurs aliénés sont plus faciles à manipuler, jusqu’au moment où ils forment des associations et revendiquent des droits afférents à la citoyenneté.
Dans un deuxième temps, la notion de citoyenneté est un statut conféré à des personnes nées dans un pays donné ou naturalisées. Ces personnes vont partager des droits réciproques, des responsabilités, des privilèges, des obligations et des besoins de supports et de services. La citoyenneté, sous l’angle d’une théorie en évolution, est souvent associée à la pensée sociale-libérale de Marshall (1950), qui soutient que la demande des travailleurs pour la reconnaissance de droits politiques et sociaux transformera l’identité de classe en une nouvelle identité prétendument fondée sur la citoyenneté; cependant, les libéraux prétendent qu’une telle transformation représente des coûts trop élevés.
Les principales théories à l’enseigne du libéralisme économique viennent contrer ces idées de citoyenneté et cette conception du travail par celles du travail qu’on retrouve dans les théories de l’avantage absolu, de l’avantage comparatif et de l’avantage concurrentiel. L’idée d’avantage absolu tire son fondement de l’édification de la richesse d’un État-nation sur l’efficacité de l’activité de travail, non pas sur le commerce comme le soutiennent ceux qui partagent une vision mercantiliste. L’activité de travail devient spécialisée dans le procès de travail inhérent à la fabrication d’un produit reposant sur la division du travail. Les entreprises, également, s’organisent autour du principe de la division du travail en fabriquant de façon coopérative des produits meilleurs que ceux qu’elles produiraient individuellement. L’avantage comparatif renvoie à l’idée d’une exploitation plus poussée des travailleurs et de la mécanisation du travail; elle implique cependant une différenciation de la production d’un pays à un autre. Les entreprises vont mener à bien l’avantage comparatif dont elles disposent et organiser leurs activités commerciales en fonction de ce dernier. L’avantage concurrentiel réside dans une standardisation aux plus bas coûts de production, plus particulièrement, des coûts de main-d’oeuvre, pour que les entreprises puissent se donner un avantage concurrentiel dans un marché mondial.
Quelle incidence ces théories ont-elles sur la citoyenneté et le travail ? Les principales idées libérales au coeur des trois types d’avantages (absolu, comparatif et concurrentiel) comportent toutes une recherche optimale de profits pour les propriétaires d’entreprises. Keynes soutient que ces politiques économiques libérales accentuent la crise. Leur antithèse, c’est-à-dire l’intervention radicale dans le marché pour amorcer la demande, est une façon de promouvoir la production, d’appuyer financièrement l’État-providence, d’établir une rémunération à caractère social et de reconnaître des droits aux travailleurs. Ceci, mais non la doctrine économique « stricte » des libéraux, est en accord avec la thèse de Marshall (1950) qui revendiquait la justice au travail dans son combat pour la reconnaissance de droits protecteurs.
Que peut-on faire alors ? La première chose à faire est d’élargir la conception dépassée et restreinte de la citoyenneté chez Marshall. Ceci représente un bon point de départ. Cependant, comme les droits sont conçus ici comme provenant du sommet vers la base, les travailleurs deviennent des sujets passifs, reconnaissants de ce que le système leur procure. Pour que la typologie de Marshall puisse fonctionner, elle doit inclure le travail rémunéré, plutôt que l’appartenance à une société, comme étant la base de la citoyenneté sociale. Ceci implique un combat pour les droits économiques et les droits des travailleurs tels qu’on les retrouve à l’intérieur du cadre de protection de l’Organisation internationale du Travail reconnaissant les droits d’association, de négociation collective, d’élimination du travail obligatoire ou forcé, l’abolition du travail des enfants et l’élimination de la discrimination sur les lieux de travail.
Nous devons passer au crible les irritants du libéralisme économique afin de saisir plus précisément ce qui constitue l’idéal d’une citoyenneté internationale. La notion d’une citoyenneté au travail, si elle est conçue à l’intérieur d’un cadre théorique cohérent, pourrait servir de base à une vision politique alternative qui viendrait remettre en question la légitimité de l’idéologie libérale et constituerait le coeur du défi à la suprématie libérale.
ES :
La ciudadanía en el trabajo es un proceso continuo de fundamentación y lucha por los derechos de justicia social. El argumento aquí es que, actualmente, un obstáculo mayor a este proceso democrático en curso es la imposición practica e ideológica de la política económica liberal, concebida por y en función de los intereses de la clase domínate. Este artículo discute la idea de ciudadanía, sus antítesis del liberalismo economico y sus síntesis del keynesianismo y el estado providencia. Se interroga entonces, ¿en qué esa y otras ideas contribuyen al debate sobre la ciudadanía y el trabajo en una sociedad global?
Recensions / Book Reviews
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Fighting for a Living Wage, by Stephanie Luce, Ithaca and London: ILR Press, an imprint of Cornell University Press, 2004, 288 pp., ISBN 0-8014-8947-4.
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The Blue Eagle at Work: Reclaiming Democratic Rights in the American Workplace, by Charles J. Morris, Ithaca N.Y.: Cornell University Press, 2005, 328 pp., ISBN 0-8014-4317-2.
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Le travail non qualifié : permanences et paradoxes, sous la direction de Dominique Méda et Francis Vennat, Paris : La Découverte, Collection « Recherches », 2004, 426 p., ISBN 2-7071-4468-1.
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The Economics of Affirmative Action, edited by Harry J. Holzer and David Neumark, Cheltenham: Edward Elgar, 2004, 688 pp., ISBN 1-84376-117-3.
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L’aveuglement organisationnel ou comment lutter contre les malentendus, par Valérie Boussard, Delphine Mercier et Pierre Tripier, Paris : CNRS Éditions, 2004, 183 p., ISBN 2-271-06279-9.
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The Internet in the Workplace : How New Technology is Transforming Work, par Patricia Wallace, New York : Cambridge University Press, 2004, 301 p. ISBN 0-521-80931-2.