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Bien que rédigé par un collectif d’auteurs réuni autour de Gérard Hébert, on ne saurait considérer cet ouvrage comme une réédition ou une simple mise à jour du célèbre Traité de la négociation collective publié en 1992 par le regretté professeur. Tout en respectant la structure générale de l’ouvrage de 1992 et « bien que puisant largement dans les matériaux rassemblés par le professeur Hébert », les auteurs ont produit un livre neuf qui se distingue à bien des égards de son prédécesseur. En effet, le lecteur se trouve en présence d’un ouvrage allégé, mis à jour et enrichi.
Il faut bien convenir que le Traité avait beaucoup vieilli, ce qui n’a rien d’étonnant ni de déshonorant dans un domaine qui évolue aussi rapidement que celui du monde du travail. Parmi la somme de connaissances et de données qu’il réunit, certaines conservent toute leur actualité, notamment les longs rappels historiques qu’Hébert écrit en introduction à presque tous les thèmes qu’il touche. Cependant, une réédition ou, à tout le moins, une mise à jour s’imposait depuis un bon moment, ne fusse qu’en raison des modifications apportées à plusieurs lois du travail, en particulier au Code du travail, au cours des dernières années. Le livre avait aussi le défaut de ses qualités. Le fait, par exemple de regrouper dans un même livre les questions relatives au contenu de la convention collective et celles qui sont plutôt pertinentes à la négociation collective avait pour effet d’en faire un ouvrage lourd et coûteux pour les étudiants, du moins pour ceux qui devaient se le procurer comme ouvrage de base dans un cours portant seulement sur l’un ou l’autre des deux grands thèmes abordés par le livre.
En faisant le choix de mettre leurs efforts sur la seule partie traitant de la convention collective comme instrument de détermination des conditions de travail des salariés et de définition des rapports entre les parties signataires, les auteurs ont fait oeuvre utile permettant de mettre entre les mains de l’étudiant comme du praticien un ouvrage centré sur un seul objet principal, laissant le soin à d’autres d’aborder (ce qui est déjà fait) la question de la négociation collective comme telle, des pratiques qui la caractérisent et des diverses théories susceptibles d’en expliquer les contours. Ils ont également fait le bon choix en mettant moins d’insistance sur de longs développements à caractère historique qui marquaient le Traité de même que sur les références ou comparaisons constantes avec la situation prévalant aux États-Unis. Ce que le chercheur y perd en termes de rappel historique ou d’approche comparative et qu’il pourra trouver ailleurs de toutes manières, l’étudiant de premier cycle et le praticien y gagnent en actualisation de la présentation des différents sujets en regard de la situation qui prévaut au Québec.
En plus de présenter certains « aspects généraux de la convention collective » (définition et rôle, structure et rédaction, types et importance numérique), l’ouvrage aborde les principales dimensions du cadre juridique de l’instrument : évolution du cadre, conditions d’existence et effets de la convention collective pour les parties signataires et pour les salariés, durée et renouvellement des conventions collectives. Mais, suite à la présentation de ces éléments essentiels à une bonne compréhension de l’ensemble, la plus grande partie de l’ouvrage est consacrée au contenu de la convention collective comme tel et aux diverses clauses ou familles de clauses qui s’y retrouvent. C’est ainsi qu’en autant de chapitres différents, il traite successivement des droits de la direction, du régime syndical, du règlement et de l’arbitrage des griefs, des mesures disciplinaires, de l’ancienneté, de la gestion et de la protection de l’emploi, de l’organisation de la production et du travail, de la formation de la main-d’oeuvre, des heures de travail, du contenu et de l’évaluation des emplois, des salaires, des avantages sociaux, de la santé et sécurité au travail. En conclusion, l’ouvrage propose quelques réflexions sur les tendances et les orientations de la convention collective au Québec.
L’auteur de chacun des chapitres s’applique à présenter et à décrire les éléments de contenu de la convention collective pertinents au thème qu’il s’est vu assigner. Le tout est abondamment illustré d’exemples de clauses tirés d’une sélection d’une vingtaine de conventions collectives en vigueur dans des entreprises comptant généralement plus de 50 salariés dans divers secteurs d’activité. Enfin, l’ouvrage est bien documenté, chaque chapitre s’appuyant sur une abondante et récente bibliographie.
L’ouvrage permet donc au lecteur de faire un tour d’horizon passablement complet du contenu de la convention collective. Cependant on peut regretter que la plupart des auteurs n’aient pas la préoccupation de développer chez le lecteur, en particulier chez l’étudiant, une attitude critique face aux problèmes posés ou susceptibles d’être posés par la présence ou la mise en oeuvre de certaines clauses de la convention collective.
Les diverses contributions sont inégales malgré le soin que les auteurs disent avoir mis à se concerter pour que chaque chapitre soit enrichi des commentaires et suggestions des autres.
Si certains chapitres dépassent largement le niveau événementiel pour présenter une analyse substantielle de la question de façon à mettre en lumière les tenants et aboutissants de l’objet, d’autres s’en tiennent plutôt à une présentation descriptive des clauses pertinentes de la convention sans mise en contexte ni interrogation sur les problèmes que soulèvent soit la présence, soit la mise en oeuvre de telles clauses.
À titre d’exemple et sans prétendre à l’exhaustivité, dans le chapitre sur le régime syndical, qui a pour objet de présenter les diverses formes de reconnaissance syndicale, de même que les clauses relatives à l’adhésion syndicale et à la contribution financière des salariés, il semble que la présence de certaines de ces clauses de même que leur application soulèvent des questions fondamentales. On se serait attendu à ce que soit montré en quoi le précompte syndical généralisé et obligatoire (d’ailleurs faussement appelé et présenté comme Formule Rand) constitue une sorte de compromis entre l’exercice des libertés individuelles et les droits collectifs et que soient au moins évoqués les arrêts pertinents à la question du refus de contribuer. De la même façon, sont présentées les clauses dites de sécurité syndicale, dont l’atelier fermé, sans que ne soient soulevés ni même simplement mentionnés les problèmes que de telles clauses peuvent poser en pratique eu égard à la liberté de travail ou encore les difficultés, voire les abus, auxquels a pu parfois donner lieu la mise en oeuvre de telles clauses.
De la même façon, le chapitre consacré à l’évaluation des emplois aurait dû débuter par une brève présentation des divers modes d’évaluation des emplois et de quelques problèmes de fond que certains n’ont pas manqué de poser, notamment la difficulté d’éliminer les biais sexistes souvent présents dans les grilles utilisées. Le lecteur non averti est plutôt conduit à découvrir au moyen d’exemples les concepts de base pertinents à cette technique sans que ceux-ci n’aient été autrement définis ou présentés.
Sans mettre en doute la qualité de l’information qui est exposée, il demeure que le chapitre sur la santé et la sécurité au travail se distingue des autres en ce qu’il porte bien davantage sur la législation en vigueur plutôt que sur l’apport de la convention collective en ce domaine ou sur la capacité de cet instrument juridique de prendre en compte avec efficacité ce type de problème. Par sa facture, il s’inscrit dans une perspective bien différente de celle des autres chapitres.
Malgré quelques lacunes, dont quelques-unes ont été rappelées dans les paragraphes précédents et qui pourront peut-être se voir comblées lors d’une prochaine édition, il demeure que ce collectif d’auteurs met entre les mains des étudiants et des praticiens un ouvrage de grande qualité, à jour et qui présente une vision complète des principales dimensions de la convention collective de travail. Quant aux enseignants, ils disposent d’un ouvrage qui répond largement à ce qu’ils peuvent attendre d’un livre de base et qui peut contribuer de façon adéquate à la formation des étudiants en relations industrielles, en droit ou en gestion.