Note critiqueReview Essay

Syndicalisme et négociation collective en France à l’aube du XXIe siècleLes syndicats en miettespar Jean-François Amadieu, Paris : Éditions du Seuil, 1999, 217 p., ISBN 2-0203-6054-3.Sociologie des syndicatspar Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Paris : La Découverte, collection Repères, 2000, 122 p., ISBN 2-7071-3257-8.Les espaces de la négociation collective, branches et territoirespar Annette Jobert, Toulouse : Octarès Éditions, 2000, 187 p., ISBN 2-9067-6966-5.[Notice]

  • Reynald Bourque

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  • Reynald Bourque
    Université de Montréal

Les deux dernières décennies ont mis en évidence l’une des facettes de « l’exception française » dans le domaine des relations industrielles, le déclin de la syndicalisation allant de pair avec un élargissement de la négociation collective dans ce pays. Ces notes de lecture rendent compte de trois ouvrages sociologiques qui permettent de mieux saisir la dynamique de cette évolution paradoxale de la syndicalisation et de la négociation collective en France, ainsi que leurs perspectives d’avenir. Deux publications récentes (Amadieu 1999 ; Andolfatto et Labbé 2000) offrent des analyses convergentes de l’ampleur, des causes et des effets de la désyndicalisation au cours des trois dernières décennies en France. Les taux de syndicalisation qui atteignaient environ 40 % au sortir de la Seconde Guerre mondiale se sont maintenus entre 20 % et 25 % de 1958 à 1983, pour ensuite chuter drastiquement entre 1983 et 1998 (Andolfatto et Labbé, p. 29). Amadieu évalue à environ 6,5 % le taux de syndicalisation de la main-d’oeuvre salariée non agricole en France en 1998, alors que Andolfatto et Labbé estiment que le nombre de cotisants syndicaux représente à la fin des années 1990 entre 8 % et 10 % de la population active salariée. Quelle que soit la mesure exacte du taux actuel de syndicalisation en France, il s’avère l’un des plus faibles des pays industrialisés, se rapprochant davantage des taux enregistrés dans les pays en voie de développement comme le souligne Amadieu. L’ouvrage d’Andolfatto et Labbé présente une synthèse des études sur l’adhésion syndicale menées dans les années 1980 et 1990 par l’équipe dirigée par Dominique Labbé au CÉRAT de Grenoble, de même que des données récentes sur la densité syndicale par secteurs d’activité. Celles-ci montrent que les secteurs à forte syndicalisation (plus de 15 % de syndiqués) regroupent les entreprises publiques dont les salariés disposent d’un statut (EDF-GDF, SNCF, RATP, mines, transport aérien), certaines administrations publiques (PTT, enseignement, finances, impôts, policiers et gardiens de prison) et quelques branches du secteur privé (livre, marine marchande, ports et docks, verre). Les secteurs à syndicalisation moyenne (8 % à 15 % de syndiqués) correspondent à la fonction publique et à quelques branches manufacturières fortement concentrées (sidérurgie, construction navale, chimie et caoutchouc). Enfin, les secteurs à faible taux de syndicalisation (moins de 8 % de syndiqués) incluent notamment l’automobile, la fabrication électrique et électronique, les banques et les assurances, le commerce et les services marchands, l’agroalimentaire et le bâtiment. Andolfatto et Labbé notent que parmi les cinq grandes confédérations syndicales françaises, la Confédération générale du travail (CGT) compte le plus grand nombre d’adhérents à la fin des années 1990, suivie de la Confédération démocratique du travail (CFDT), de Force Ouvrière (FO), de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et enfin de la Confédération générale des cadres (CGC) qui est le syndicat catégoriel des ingénieurs et cadres salariés. En marge des grandes confédérations syndicales, on retrouve des syndicats « indépendants » dans le secteur privé (p. ex., la Confédération des syndicats libres dans le secteur de l’automobile), et des syndicats « autonomes » dans le secteur public, tels Fédération de l’éducation nationale (FEN) et la Fédération syndicale unitaire (FSU) dans l’enseignement, et les syndicats SUD (Solidaires, Unis, Démocratiques) aux Postes et dans la fonction publique. Les listes présentées par les grandes confédérations syndicales obtiennent une majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles (conseils de prud’homme, comités d’entreprise et d’établissement, délégués du personnel), mais elles ont subi depuis le début des années 1970 un recul graduel au profit des candidats non syndiqués. La CGT demeure la principale organisation syndicale parmi les ouvriers du secteur privé, et …