Corps de l’article
La série Cap-Management par l’auteur et consultant Jean-Louis Langevin se présente sous deux coffrets. Le premier contient un volume de base portant sur quelques concepts importants et les pratiques fondamentales qui permettent de les traduire dans le quotidien ainsi qu’un fascicule qui traite du pilotage du management, c’est-à-dire de la mise en oeuvre des pratiques dans les équipes de travail et le suivi qu’il faut leur assurer. Le deuxième coffret comprend six fascicules, reprenant les six cibles de consolidation qui sont en fait un regroupement des pratiques observables. Nous donnerons ici un compte-rendu du volume de base qui demeure le plus important et le plus intéressant pour ceux qui s’intéressent avant tout aux nouveautés en gestion des entreprises et des équipes de travail.
La vision de la gestion qu’on cherche à diffuser repose sur quelques généralisations que nous formulons de la manière suivante : la performance d’une entreprise repose avant tout sur l’obtention de résultats utiles, sur des processus efficaces et sur des personnes satisfaites. Chaque ingrédient de la performance renvoie à trois valeurs fondamentales : ce qui est utile, ce qui est efficace et ce qui procure une satisfaction aux gens impliqués.
En gardant à l’esprit ces concepts fondamentaux, le lecteur serait avisé de commencer par le neuvième chapitre, comme le suggère l’auteur, pour continuer avec le chapitre suivant sur les pratiques observables et revenir au besoin sur chacun des chapitres.
Partant du constat à l’effet qu’on porte peu attention au management, alors qu’on le fait lorsqu’il s’agit de budget, de qualité, de ressources humaines, l’auteur dans ce neuvième chapitre décrit en quoi consiste le gestion du management, une expression qu’il avait annoncée dans son introduction et qui en surprendra plusieurs, étant habitués à considérer comme interchangeables les termes de gestion et de management.
De fait, la gestion du management consiste dans la mise en place à l’échelle de l’entreprise et des équipes de travail de cinq éléments ou clés de la gestion : une liste de pratiques qui spécifient clairement ce qui est attendu ; l’obligation pour tous de se conformer ; des indicateurs de mesure ; un suivi périodique et systématique ; une présence visible de la direction. Sous cet aspect, le management se présente donc comme un métier ou une profession, une séquence logique d’activités qui renvoie à des concepts de base, à des règles et à des pratiques fondamentales, au lieu de le laisser varier trop en fonctions des attributs personnels des gestionnaires, ce qui serait le cas présentement.
Puisqu’il s’agit avant tout de pratiques fondamentales à mettre en oeuvre et dont il faut assurer un suivi, le chapitre suivant se veut une présentation de ces pratiques regroupées sous sept aspects de la gestion ou cible de consolidation. Ces regroupements sont les suivants : la responsabilité dans la relation client-fournisseur ; la gestion des objectifs et de la performance ; le soutien et le développement des individus ; le soutien et le développement de l’équipe ; la santé, la sécurité et l’environnement ; le suivi et le développement des méthodes et des pratiques ; enfin, la qualité du service au client. Sous chacun des regroupements apparaissent les pratiques pertinentes au nombre de huit ou neuf pour se prêter à une évaluation en termes de points forts et de points faibles ; cet aspect étant repris avec plus de précision dans le second volume traitant du pilotage du management.
Maintenant familiarisé avec les concepts de base et la nature des pratiques fondamentales qui donnent corps à cette vision nouvelle de la gestion, le lecteur peut revenir au deuxième chapitre où l’on présente regroupées sous des décennies pertinentes les étapes de l’évolution de la gestion, qui vont du taylorisme, passent par l’école des relations humaines pour terminer avec l’importance que prennent la relation client, la participation, la qualité totale dans la survie d’une entreprise. Sans vouloir faire oeuvre d’historien du management, l’auteur reprend avec beaucoup de concision les écoles de pensée en management, à un point tel que l’approche système ou la théorie des systèmes reçoit peu d’attention, alors qu’elle sert de base à la présentation d’une vision de l’entreprise intégrant la notion de culture-client, qui fait l’objet d’un cinquième chapitre. Le troisième chapitre cherche à faire saisir ce que signifie être manager aujourd’hui, une idée déjà annoncée dans un premier chapitre, où l’auteur se sert d’une anecdote pour mettre en évidence le management comme profession et pour inviter les dirigeants à se percevoir comme tels et non comme membres d’une profession libérale ou traditionnelle faisant appel à une expertise et à un code d’éthique.
« Gérer, c’est créer la clarté ». Voilà un énoncé lapidaire qui est le titre d’un quatrième chapitre. L’auteur cherche à démontrer que la clarté se véhicule à l’aide d’un modèle visuel ou d’un cadre de référence qui permet de mieux saisir chacun des aspects importants de la réalité et aide les collègues à accéder à une même vision, ce qui facilite la communication.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, le cinquième chapitre traite de la culture-client en faisant la distinction entre quatre types de clients : ceux qui achètent le produit ou le service, les actionnaires, le personnel à l’interne et les membres de la communauté. L’auteur reprend le concept de l’entreprise performante (PEP), déjà présenté dans un ouvrage antérieur, pour mettre cette fois l’accent sur l’importance des processus qui doivent être conçus en fonction de l’obtention de résultats et non uniquement en fonction des ressources dont l’entreprise dispose à un moment donné. Ce faisant, l’auteur fait appel à une conception systémique de l’entreprise et de sa gestion : le produit, les processus, les ressources, le feedback, les fournisseurs et les clients.
Puisqu’une des valeurs fondamentales de la gestion renvoie à la satisfaction des personnes impliquées, l’auteur, dans un sixième chapitre, fait appel à la hiérarchie des besoins de Maslow et à la distinction établie par Herzberg entre les facteurs de motivation et ceux reliés à la satisfaction au travail. Il poursuit sa réflexion en explicitant en quoi consiste l’autonomie et la responsabilité et en décrivant comment traduire ces concepts dans la réalité. Pour ce faire, il introduit ici le concept de « manager-coach », qu’on retrouve dans la littérature actuelle en gestion et l’opérationnalise en recourant aux notions d’équipe-projet, équipe-métier et équipe-activité.
L’implication des personnes ne saurait être complète sans la présence d’équipes de travail performantes, dont la description fait l’objet d’un septième chapitre. On a vu que la performance d’une entreprise découle de trois ingrédients : les résultats ou produits, les processus et les personnes. Dans cette perspective, l’équipe de travail devient le premier outil de la performance et la mise en marche d’une équipe implique la réalisation de sept étapes bien caractérisées allant de la définition de la mission de l’équipe jusqu’à l’élaboration des critères ou des indicateurs de réussite.
Le huitième chapitre au premier abord ne semble pas s’intégrer à l’ouvrage en faisant état du contexte de l’entreprise actuelle et des exigences de la mondialisation. Cependant, il gagne beaucoup d’importance lorsqu’on songe à la nécessité pour les entreprises dans un tel contexte de se donner une culture qui transcende les sous-cultures particulières à chacun des secteurs de l’entreprise ou aux professions traditionnelles qu’on y retrouve. Il met également en évidence l’importance de structurer l’information, alors que certaines équipes de travail peuvent être composées de personnes qui sont dispersées partout sur la planète et dont la coordination exige le partage d’une même information.
Le dernier chapitre porte sur les étapes de mise en oeuvre d’un bilan des pratiques observables et celles de la consolidation des pratiques, c’est-à-dire l’analyse des pratiques qui sont utiles et qui doivent être retenues pour passer à celles qui doivent être abandonnées. Ce chapitre annonce le deuxième volume où ce sujet est repris pour être traité avec plus de précision en fournissant les grilles d’analyse propres à cet exercice.
Tout en présentant une vision nouvelle de la gestion, c’est-à-dire différente de celle qu’on retrouve dans les volumes qui la ramènent aux quatre activités de planification, d’organisation, de direction et de contrôle, l’ouvrage échappe à une structure explicite de pensée, laissant probablement au lecteur la discrétion de faire les liens qui s’imposent entre les différents chapitres. Cette faiblesse ne peut nous empêcher de signaler la plus grande qualité du volume, celle d’être rédigée dans un langage simple, accessible à tout le monde, à tous les niveaux de la hiérarchie de l’entreprise pyramidale ou celle qui opère en réseau et qui ne connaît pratiquement plus de frontières. De plus, chaque chapitre est agrémenté d’anecdotes et de dessins qui permettent de mieux véhiculer les messages en les rendant plus vivants.