Résumés
Abstract
Efforts by CAMI, a unionized Suzuki-General Motors auto plant in Ontario, to construct a workplace characterized by worker commitment and cooperative labour-management relations are examined. Why did these efforts fall? Why, of all the Japanese or joint-venture transplants in North America, was it at CAMI that industrial conflict occurred? Does the experience hold important implications for worker and union responses to lean production in other settings? The findings presented are the result of a longitudinal investigation conducted over a two year period by the CAW Research Group on CAMI. The researchers had an unusual degree of access to the shopfloor, and base many oftheir observations on data drawn from a randomly selected sample of workers.
Résumé
Les auteurs examinent les efforts de CAMI, une entreprise conjointe de General Motors et de Suzuki qui opère en Ontario, afin de favoriser l'engagement des salariés et le développement de relations patronales- syndicales caractérisées par la coopération. Quelles sont les causes de cet échec? Pourquoi, de tous les transplants nord-américains, est-ce à CAMI que les rapports de travail ont évolué vers le conflit ouvert? Quelles sont les implications de la production allégée (lean production) pour les salariés et quelles sont les réponses syndicales à ce système de production?
Les conclusions présentées dans cet article sont le résultat d'une enquête longitudinale réalisée sur une période de deux ans par le Groupe de recherche des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) sur CAMI. Une attention particulière a été portée aux rapports sociaux de travail et à l'organisation du travail. Les résultats de l'enquête auprès d'un échantillon de salariés tirés au hasard alimentent les conclusions des auteurs.
L'entente collective signée initialement entre CAMI et la section locale 88 des TCA reconnaissait plusieurs des caractéristiques des méthodes japonaises de gestion. La direction de l'entreprise a déployé des efforts considérables pour favoriser le développement d'une force de travail engagée envers la compagnie et ses valeurs. Les résultats de l'enquête montrent l'évolution de l'attitude des salariés à l'égard des politiques, des pratiques et des valeurs de la compagnie sur une période de deux ans, soit entre l'ouverture de l'usine et la grève de 1992. À chaque nouvelle ronde d'entrevues, les répondants ont fait preuve d'un scepticisme croissant envers les valeurs de la compagnie.
Le nombre de salariés qui n'ont indiqué aucun engagement symbolique à l'égard de CAMI a presque doublé au cours de la période d'enquête. Durant la période qui a suivi l'ouverture de l'usine, les relations du travail étaient relativement harmonieuses et l'environnement de travail assez détendu. Cette situation devait changer lorsque la production a atteint son plein régime. L'insatisfaction des salariés a augmenté avec l'intensification du travail, la réduction des temps de cycle, la standardisation du travail et une politique de rotation des tâches qui ne favorisait pas vraiment la polyvalence des salariés. Les exigences associées à la réduction des coûts de production par l'intensification du travail ont coupé court à la participation des salariés au programme d'amélioration continue (Kaizen), surtout que l'organisation du travail ne conduisait pas à des tâches plus stimulantes pour les salariés.
Les chefs d'équipes, les représentants syndicaux et les cadres ont exprimé leur désillusion face à l'écart croissant entre les idéaux véhiculés par CAMI et la réalité quotidienne. L'article rejette la proposition à l'effet que les problèmes vécus à CAMI peuvent être attribuables à l'adoption partielle du système de production allégée ou à une mauvaise stratégie d'implantation de ce système. Au contraire, les auteurs soutiennent que les problèmes de production et le style de gestion observés sont le fruit de ce système de production. Les problèmes éprouvés à CAMI résultent de l'implantation intégrale et non partielle d'un système qui cherche à maximiser la production avec une force de travail réduite au minimum.
En plus des résultats de l'enquête par questionnaire, l'article s'appuie sur l'observation de comportements et d'actions qui expriment un déclin de l'engagement des salariés. La participation aux cercles de qualité, au programme de suggestion et aux rencontres d'équipe a diminué. Le nombre de griefs a augmenté alors que les ralentissements de la cadence de travail et les refus d'affectation devinrent plus courants. De plus en plus, les équipes agissaient de façon solidaire dans leur opposition aux stratégies managériales de réduction de main-d’œuvre et, de façon plus générale, aux politiques de la compagnie.
Le syndicat local, affaibli par une première convention collective qui limitait sa capacité d'intervention, mais supporté par les politiques et les conseils du syndicat national des TCA, appuyait et prenait dans bien des cas l'initiative de diverses formes de résistance aux politiques de la direction. Les auteurs examinent ensuite les litiges qui ont débouché sur une grève de cinq semaines en septembre et octobre 1992. Bien sûr, les conditions monétaires moins avantageuses que chez les trois grands producteurs de l'industrie représentaient une considération importante pour les syndiqués, mais ce sont surtout les questions relatives à l'organisation du travail qui ont conduit au déclenchement de la grève. Considérant que les idéaux et les valeurs véhiculés par la compagnie ne ce sont pas traduits dans le réalité, ces questions sont devenues les enjeux primordiaux pour les salariés.
La nouvelle convention collective d'une durée de trois ans témoigne du succès du syndicat à résister aux tentatives de la compagnie de se détacher de la négociation type (pattern bargaining) et de lier la rémunération à la performance économique de l'entreprise. L'entente conclue comprend un ensemble de gains importants en ce qui a trait à l'organisation du travail, tels l'élection des chefs d'équipe (à titre expérimental pour une période d'un an), des restrictions quant aux normes de production et à la cadence de travail, le renforcement du rôle du syndicat en matière de santé et sécurité au travail ainsi la création d'équipes volantes pour remplacer les travailleurs absents.
Les phénomènes observés dans cette usine ne constituent pas un cas isolé. Même parmi les promoteurs du système japonais de production, certains admettent que les salariés doivent alors composer avec une pression forte et un travail stressant. Les conditions de travail observées à l'usine CAMI sont sensiblement les mêmes que celles rapportées chez d'autres transplants aux États-Unis, qu'ils soient syndiqués (par exemple l'usine Mazda à Fiat Rock au Michigan) ou non syndiqués (telle l'usine SIA Subaru-Isuzu en Indiana).
Aux États-Unis, les efforts concertés des dirigeants des usines transplantées pour amadouer les syndicats locaux et en faire des partenaires avec les employeurs pour la promotion des approches consensuelles auprès de leurs membres ont été facilités par le syndicat des United Auto Workers (UAW) qui rejetait les stratégies de confrontation et appuyait la coopération patronale-syndicale. Adoptant une position différente, l'exécutif national des TCA a fait connaître son opposition à ce nouveau système de production s'il entraînait l'érosion de l'autonomie syndicale et la dégradation des conditions du travail, tout en donnant son aval à d'importantes modifications aux règles de travail usuelles en contrepartie de la syndicalisation des salariés de CAMI. Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile a encouragé la section locale de CAMI à se forger une identité distincte de la compagnie et à défendre et promouvoir les intérêts des salariés.
Bien que ces différences idéologiques entre les TCA et le UAW aient en effet important sur l'évolution des relations du travail au sein des transplants, les enquêtes menées jusqu'à présent portent à croire qu'il ne s'agit pas du facteur décisif. Alors que l'usine NUMMI, en Californie, semble représenter le pôle extrême de l'harmonie sur un continuum des relations industrielles dans les transplants, la distance qui sépare celle-ci de son pôle opposé, représenté par CAMI en Ontario et Mazda au Michigan, ne paraît pas aussi grande qu'on le suggère parfois. En ce sens, l'usine CAMI ne représente pas un cas exceptionnel dans les rapports de production au sein des usines transplantées en sol nord-américain.
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