Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 47, numéro 4, 1992
Sommaire (23 articles)
Articles
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Unions' Collective Bargaining Agenda on Women's Issues: The Ontario Experience
Pradeep Kumar et Lynn Acri
p. 623–653
RésuméEN :
This paper examines the bargaining agenda of major Canadian unions in Ontario with respect to women's issues, and evaluates their efforts towards incorporating specific clauses pertaining to these issues into their collective agreements. The study reveals that union efforts to achieve a better deal for women have had mixed success.
FR :
Le présent texte examine le contenu des négociations se déroulant au sein de la majorité des syndicats canadiens en Ontario relativement à la condition féminine et évalue leurs efforts en vue d'intégrer des dispositions particulières se rapportant à cette question dans leurs conventions collectives. L'étude porte surtout sur le programme d'équité du Congrès du travail du Canada (CTC) et de la Fédération du travail de l'Ontario (FT), ainsi que sur les objectifs en matière de négociation et les stratégies de six importants syndicats: SCFP (Syndicat canadien de la Fonction publique), SEFPO (Syndicat des employés de la Fonction publique de l'Ontario), STCC (Syndicat des travailleurs en communication du Canada), TCA (Travailleurs canadiens de l'automobile), MUA (Métallurgistes unis d'Amérique) et AIO (Association des infirmières de l'Ontario). Deux autres syndicats, l'AFPC (Alliance de la Fonction publique du Canada) et la FAEO (Fédération des associations d'enseignantes de l'Ontario), font également l'objet de l'étude en ce qui a trait au contenu des négociations; ces deux derniers sont toutefois exclus de l'analyse des résultats obtenus en matière de convention collective en raison du manque de renseignements.
L'étude montre que le principe d'égalité et d'autres questions d'intérêt féministes reliées au travail, dominent les programmes centrés sur la relance et les politiques socio-économiques du mouvement syndical canadien. La fédération nationale et provinciale et ses organismes affiliés, poursuivent leur action en vue d'atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés en matière d'égalité sociale et appliquent leurs stratégies à cet égard grâce à des pressions exercées pour favoriser l'adoption d'une législation progressiste, la formation d'une coalition, une plus grande participation des femmes au processus décisionnel au sein des syndicats et la négociation de dispositions justes et équitables dans les conventions collectives. Les syndicats mentionnés ci-dessus ont élaboré des politiques détaillées ainsi que des programmes de relance portant sur des questions fondamentales pour les femmes: l'équité salariale et l'équité dans l'embauche; les soins de garde aux enfants; les dispositions relatives aux congés familiaux; la sécurité d'emploi en cas de changements technologiques; le respect de l'égalité des droits des travailleurs à temps partiel qui sont en majorité des femmes.
Un décompte des dispositions, dans les conventions collectives, concernant des questions présentant un intérêt particulier pour les femmes indique que les efforts des syndicats, en vue de conclure des contrats collectifs de travail plus avantageux pour ces dernières, ont connu un succès mitigé. Quoique les syndicats aient été en mesure d'obtenir des gains considérables en négociant les dispositions contenues dans les conventions collectives qui traitent de l'interdiction d'exercer toute forme de discrimination basée sur le sexe, du maintien de l'ancienneté pour les femmes en congé de maternité, en congé d'adoption ou en congé pour des raisons personnelles, de consultation, de préavis, de formation et de recyclage en cas de changements technologiques, on observe encore fort peu de progrès à bien d'autres égards.
Les syndicats, notamment, ont été incapables d'obtenir des services de garde financés par l'employeur, des avantages sociaux proportionnels pour les travailleurs à temps partiel, des programmes pour promouvoir l'engagement de groupes cibles et des dispositions visant à fournir une protection aux victimes de harcèlement sexuel. L'étude montre également que la performance individuelle des syndicats varie considérablement sur ces questions.
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Pay Knowledge and Referents in a Tiered-Employment Setting
James E. Martin et Raymond T. Lee
p. 654–672
RésuméEN :
This study examines both the main and the interaction effects of knowledge of the pay structure and social and self pay referents on pay attitudes in a setting with wage andjobduty tiers. Knowledge of the pay structure when hired and expected pay were among the most important predictors of pay fairness and pay satisfaction. The significant interaction effects found across tier levels indicated pay knowledge had a differential impact on pay attitudes. The interaction effects, however, did not support the assumption that the reason attitudes differ among employees on various tier levels is that they use différent referents.
FR :
Les recherches sur les structures salariales à double échelle montrent que les attitudes des employés face à la rémunération varient selon leur position dans cette hiérarchie. Ces études présument que l'utilisation de différents points de référence par les employés d'une ou l'autre des échelles (référants) pour juger de l'équité expliquerait cette variation dans les attitudes. Toutefois, aucune recherche n'a vérifié cette affirmation jusqu'à présent et peu de travaux empiriques ont été entrepris pour examiner l'effet combiné de la structure salariale à double échelle et des référants sur les attitudes. La présente étude va donc plus loin que celles déjà réalisées et, ce, à bien des égards. D'abord, elle tient compte de variables sur la connaissance du salaire, du fait qu'elles sont théoriquement sensées être liées à l'usage de référants et qu'elles pourraient aider à prédire les attitudes vis-à-vis le salaire. Elle inclut également de nombreux points de référence sur les salaires, tant individuels que sociaux.
Ainsi, nous avons analysé les impacts de la connaissance du salaire et des référants sur les attitudes. Nous avons aussi voulu vérifier les effets de deux interactions: (1) la connaissance du salaire lors de l'embauche dans une structure à double échelle et (2) les référants utilisés par les groupes appartenant à chacune des échelles (groupes salariaux).
En mars 1986, les questionnaires d'enquête étaient envoyés à l'ensemble des employés de cinq établissements d'une chaîne d'alimentation. Cette chaîne avait implanté une structure salariale à double échelle depuis 1964. Celle-ci répartissait les employés en deux groupes: produits alimentaires et autres produits. Les tâches effectuées au sein des deux départements étaient similaires bien que les employés aux autres produits recevaient un salaire moindre. En 1978, les parties négociaient la permanence de cette structure salariale. On venait donc de créer quatre groupes salariaux pour les deux départements. L'enquête incorporait des données démographiques et des échelles pour mesurer la connaissance actuelle et passée du salaire. À partir de la littérature et des entrevues réalisées auprès de membres du syndicat, nous avons retenu 36 référants salariaux. Ensuite, les sujets étaient interrogés sur l'importance qu'ils accordaient à chaque référant pour apprécier l' équitabilité du salaire qu'il recevait. Une analyse factorielle suivait où neuf échelles de mesure distinctes ont été élaborées, cinq portant sur des référants sociaux et quatre sur des référants individuels. Du fait que les structures salariales à double échelle fixent des niveaux de salaire différents et que les points de références s'adressent spécifiquement au salaire, l'équité salariale et la satisfaction salariale agissaient comme variables dépendantes.
L'analyse à sens unique de la covariance de l'équité et de la satisfaction était significative pour les quatre groupes salariaux. Les Tests-T, dont le recours avait pour fin l'ajustement des deux variables, ont révélé une différence importante entre le département des produits alimentaires et celui des autres produits. Qui plus est, les écarts entre les groupes à bas salaire et à haut salaire n'étaient significatifs que pour les produits alimentaires. Quant à l'analyse par régression, elle indiquait que plus le salaire hebdomadaire était élevé et plus la connaissance du salaire antérieur était grande, plus les attitudes face au salaire étaient positives. Le seul référant social relié au salaire était interne. Quant aux points de référence individuels, les attitudes étaient plus positives lorsque le référant salarial historique était élevé et que le référant du salaire attendu était moins important. Le peu d'importance accordée aux besoins économiques était aussi un prédicateur de la perception d'équité.
Les résultats de la régression démontraient aussi que les référant sociaux et individuels étaient étroitement liés aux attitudes vis-à-vis le salaire, rendant ainsi leur étude accessoire. Les conclusions de la recherche à l'effet que les points de référence internes pouvaient prédire les attitudes face au salaire et que les référant externes n'avaient pas cette qualité suggèrent que les employés de l'ensemble des groupes salariaux étaient davantage préoccupés par l'équité interne qu'externe. Le fait que les référant individuels étaient des prédicateurs des attitudes vis-à-vis le salaire suggère aussi que les employés évaluent leur traitement à la lumière des gains passés et des attentes futures ainsi que selon la capacité de satisfaire leurs besoins financiers avec le salaire actuel.
L'effet interactif de la connaissance du salaire à l'embauche par chacun des groupes salariaux avaient un effet significatif sur les attitudes de chacun des deux groupes. Pour les groupes à bas salaire, une faible connaissance salariale des échelles salariales favorisait des attitudes plus négatives qu'une meilleure information. Quant aux groupes à haut salaire, la bonne et la moins bonne connaissance du salaire à l'embauche correspondaient à des attitudes plus positives. Ces deux effets en interaction supportent donc la proposition voulant qu'une faible connaissance du salaire à l'embauche suscite chez les groupes à moindre salaire des attitudes plus négatives face à celui-ci que chez les groupes à haut salaire. De plus, rien ne supportait l'hypothèse voulant que les variations dans les attitudes des groupes salariaux pourraient être attribuables à l'utilisation de points de référence différents pour juger de l'équité ou de la satisfaction. Au contraire, il semblerait que les différences d'attitude s'expliqueraient plutôt par la connaissance des employés de leur appartenance à l'une ou l'autre des échelles lors de leur embauche.
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Une étude empirique sur les rôles de base des services de ressources humaines
Christiane Labelle et Lee Dyer
p. 673–689
RésuméFR :
Cette recherche concerne un sujet peu étudié dans la littérature en gestion des ressources humaines. Il s'agit des rôles de base d'un «service» de ressources humaines. Théoriquement, un certain nombre de rôles fondamentaux lui sont attribués par divers auteurs, aussi bien aux États-Unis, au Canada, en France qu'en Grande-Bretagne. Cependant, il n'existe pratiquement pas d'études empiriques pour appuyer ces rôles tels que conçus. La présente recherche a permis, dans un premier temps, de développer un modèle servant à circonscrire le domaine concernant les rôles des services de ressources humaines. Un questionnaire portant sur six rôles considérés fondamentaux d'après ce modèle a par la suite été élaboré et administré à un échantillon de 264 organisations américaines de divers secteurs industriels.
EN :
This research investigates a neglected area: the basic roles played by personnel/human resource departments. These organizations refer to the administrative unit - called for instance "human resource department" or "personnel and labor relations department" - which provides services to managers and employees in various areas such as recruitment and hiring, wage and salary administration, labor relations, and so forth.
A number of basic roles are proposed by human resource management textbooks in such countries as the United States, Great Britain, France and Canada, but there is practically no empirical study to support their claims. The few empirical studies that exist on the subject tend to be limited to a few roles (e.g., strategic, vs operational or marketing vs production) without a clearly defined theoretical framework behind. This lack of research is surprising when considering the vast amount of normative articles on the subject. This shows that, so far, the interest for the subject has come primarily from the practitioners.
But the literature may be misleading without clearly defined concepts. For example the department roles, i.e. the "entity's" roles (macro level) tend to be confused with those of the professionals (micro level). Thus, there is a need to fill a gap both in theory and in practice.
As a first step towards this goal, this research proposes a challenge response theoretical model to help indentify basic roles. Basic roles constitute dynamic responses that help HR departments adapt to their environment. They are called "basic" because it is thought that only a few key roles are essential to the entity's survival. The model in Figure 1 shows that the departments exist to answer at least three basic types of needs: (1 ) roles towards the organization (or business roles) (2) towards clients (service roles), and (3) towards HR management as a specialized activity in the organization (functional roles). Two roles were identified for each dimension.
A questionnaire measuring the six roles identified was developed and administered to a randomly selected sample of 1000 organizations in various industries. A total of 264 questionnaires (26,4 %) was used in the analysis. The largest representation in the sample comes from manufacturing (61,6 % or 162 companies), followed by finance (11 % or 29 companies). Transportation and utilities (10,6 % or 28 companies), services (6,8 % or 18 companies), retail and Wholesale trade (6,1 % or 16 companies), and organizations in the primary sector, such as agriculture (3,8 % or 10 companies) accounted for smaller proportions in the sample. Exploratory factor analysis (common factor model, principal axis factoring, VARIMAX rotation) was chosen because the concepts are not well known.
Six factors (or basic roles) emerged from factor analysis. Some (strategic and operational roles) were close to the roles anticipated, while the others (service to line managers, service to employees, and quality management) differed partly and one was left uninterpreted. A reliability coefficient (Cronbach Alpha) was calculated for the five roles retained. The results are as follows: 0,89 for the strategic role, 0,88 for the operational role, 0,83 for both service to employees and quality management roles, and 0,75 for service to line managers.
These results are considered acceptable at this stage of knowledge development. The article concludes with a discussion on theoretical and practical issues regarding the study of personnel/human resource department roles. In particular, the study of roles has been useful in another study in identifying various types of HR departments based on a configuration of roles (or relative emphasis on roles).
Such studies will eventually contribute to the development of a theory on HR departments. From a practical point of view, a better knowledge of HR department types will facilitate subsequent studies on their effectiveness. For instance does a particular type of HR department with a given configuration of roles (e.g. strong on operational, strategic, quality management roles) more effective than one with another configuration (e.g. strong on operational, service to employees, and quality management)? or to what extent is a given type of HR department more appropriate given a particular context (e.g., organization strategy)? Evaluating HR department's contribution is already an area where practitioners hope to receive some guidance from academics. It is clear, thus, that much more remains to be done both in theory and in practice.
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Time Delays in Grievance Arbitration
Allen Ponak et Corliss Olson
p. 690–708
RésuméEN :
This paper examines the issue of time delays in grievance arbitration. Previous studies, as well as new data from the Province of Alberta, show that delays are increasing and that the average grievance takes approximately one year from its filing to its resolution by an arbitrator. Factors associated with delay include use of three person boards (versus sole arbitrators), sector, and type of issue. A conclusing section discusses the implications of these findings.
FR :
Le but de notre exposé est d'analyser le bien-fondé de l'une des critiques adressées le plus fréquemment au processus d'arbitrage des griefs, soit les délais indus.
La première section constitue un retour sur quelques études portant sur ces délais, dont nous confrontons les résultats à des données nouvelles. La seconde section s'intéresse plus précisément au cas albertain afin de mettre en lumière des variables exerçant une influence significative sur l'étendue des délais, comme par exemple le type de grief. La dernière partie du texte résume les résultats de nos analyses, tente d'expliquer la persistance des délais et sur cette base, suggère des moyens visant à les abréger.
Le lecteur trouvera au tableau 1 des données tirées de dix études portant sur le temps écoulé entre la formulation d'un grief et la sentence arbitrale qui en dispose. Ces études ne tiennent compte que des griefs ayant donné lieu à une sentence arbitrale. Des analyses les plus récentes, il appert qu'approximativement une année s'écoule entre la formulation du grief et la sentence. On constate de plus que ces délais ont tendance à s'allonger: de 256 jours en Ontario, au début des années 70, à 342 jours dans la même province en 1983; de 214 à 345 jours en Alberta entre 1975 et 1988; de 223 jours aux États-Unis en 1975 à 345 au milieu des années 80; et finalement de 283 jours à 428 dans les causes citées par Labour Arbitration Cases (L.A.C.) entre 1975 et 1988.
Le tableau 1 indique clairement que la portion la plus importante du délai global se situe entre la formulation du grief et la tenue de l'audition. En effet, une fois que cette dernière a eu lieu, la sentence est rendue assez rapidement. La moyenne arithmétique masque certaines caractéristiques intéressantes des données. Une analyse plus détaillée de celles-ci indique qu'un petit nombre de cas associés à des délais exceptionnellement longs induisent une distorsion dans l'image reflétée par la moyenne. Cet effet de distorsion devient apparent si l'on ventile les données albertaines, ainsi que celles tirées de L.A.C, selon la durée du délai total de traitement. Le tableau 2 indique qu'en Alberta, dans la moitié des cas, une sentence arbitrale fut rendue en dix mois et moins (médiane 308 jours) et que dans les deux tiers des cas, une décision fut rendue en un an ou moins. Dans 4% des cas (25 dossiers sur un total de 600) le délai fut de deux ans et plus. Si nous éliminons ces cas d'exception, le délai moyen passe de 345 à 319 jours, comme le souligne le tableau 3.
Il est possible d'enrichir notre analyse à l'aide du tableau 4 qui reprend les résultats de cinq études qui classifient les données brutes en quatre catégories ou phases: (1 ) la procédure de grief (de la formulation du grief à la décision de le soumettre à l'arbitrage); (2) le choix de l'arbitre (de la décision de le soumettre à l'arbitrage au choix d'un arbitre); (3) la détermination d'une date d'audition (de la sélection de l'arbitre à la tenue de l'audition); (4) la préparation de la sentence (de la fin de l'audition à la décision de l'arbitre). Quatre de ces études concernent le processus régulier d'arbitrage des griefs, alors que la cinquième nous donne l'occasion d'utiliser des données issues du processus d'arbitrage accéléré, en vigueur en Ontario (Rose 1986).
Dans le système normal d'arbitrage, cinq à sept mois sont consacrés au choix de l'arbitre ainsi qu'à la détermination d'une date d'audition. Le temps requis pour franchir ces deux étapes représente la moitié (en Ontario et aux États-Unis) ou presque les deux tiers (en Alberta) de la durée de l'arbitrage dans son ensemble. Les données concernant le Québec montrent une tendance presqu'identique à celle détectée en Alberta.
Il est évident, à la lecture du tableau 4, que la procédure accélérée ontarienne d'arbitrage des griefs fait réaliser aux parties une économie de temps appréciable au niveau du choix de l'arbitre et de la détermination de la date d'audition. En effet, ces deux étapes sont franchies en deux semaines dans le cadre de l'arbitrage accéléré. On note que ce système exerce cependant peu d'influence sur l'étape au cours de laquelle les parties sont susceptibles de régler elles-mêmes le litige, ainsi que sur la période de réflexion suivant l'audition et aboutissant à la sentence. En somme, le tableau 4 suggère que la durée totale du processus d'arbitrage des griefs pourrait être significativement abrégée si les parties parvenaient à choisir un arbitre plus rapidement et si la détermination d'une date d'audition était facilitée.
La seconde section évalue l'influence de certaines variables indépendantes. L'analyse repose essentiellement sur les données albertaines, colligées entre 1985 et 1988. Les variables retenues sont: le secteur (privé ou public), le type de tribunal (un seul arbitre ou un arbitre et deux assesseurs), le nombre d'avocats impliqués dans la cause, la charge de travail de l'arbitre, le type de la cause et le dispositif de la sentence. L'influence de ces facteurs est analysée au tableau 5.
Le processus d'arbitrage des griefs exige beaucoup de temps et cette tendance à l'extension des délais s'accentue. Dans les années 70, les parties passaient de la formulation du grief à la sentence en moins de sept mois. Vers le milieu des années 80, le processus exigeait une année pour atteindre son terme. Il est raisonnable de croire qu'entre autres choses, la complexité grandissante des cas soumis à l'arbitrage justifie l'extension des délais. Il convient néanmoins de s'interroger sur l'opportunité d'essayer de modifier une tendance qui, si elle est laissée à elle-même, conduira à un délai total anticipé de 18 mois vers le milieu des années 90 et de deux ans vers l'an 2 000. Bien que les spéculations sur l'avenir soient hasardeuses, la régularité de la tendance récente à l'extension des délais d'arbitrage n'en demeure pas moins une source de préoccupations.
Si l'on désirait réduire les délais indus, il faudrait agir sur les portions «compressibles» du cycle dans son ensemble. En effet, le processus d'arbitrage peut être scindé en trois étapes : (1) la procédure de traitement des griefs; (2) le choix d'un arbitre; (3) la détermination d'une date d'audition; (4) le stade final de la décision. Plus de la moitié de la durée totale requise par le processus est accaparée par la seconde et la troisième étape. Cela devrait retenir l'attention des parties intéressées; de fait il ne semble pas approprié de modifier la première ainsi que la dernière étape du processus.
En effet, il est avantageux de laisser aux parties la possibilité de résoudre leur différend entre elles, avant qu'il ne soit déféré à un arbitre. Bien que ces discussions informelles exigent des efforts et du temps, il demeure que la plus grande partie des litiges de ce type trouvent une solution au cours de cette phase initiale du processus. De la même façon, il est souhaitable de laisser à l'arbitre tout le temps requis pour peser le pour et le contre d'une décision. Il paraît plus approprié d'abréger les deux autres phases (le choix de l'arbitre et la fixation d'une date d'audition). Ces deux étapes pourraient être écourtées sans affecter la qualité du processus d'ensemble ou desservir les intérêts des parties.
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The Duty to Accommodate Disabled Employees
Daphne G. Taras
p. 709–728
RésuméEN :
Drawing on recent legal decisions involving disabled workers, this paper assesses the trends and implications regarding duty to accommodate. In the first section, four specific issues are developed to illustrate the evolution of human rights principles as they are interpreted through tribunals and arbitrations. The second section applies the issues to a specific group of people, diabetic shiftworkers. The focus on diabetic shiftworkers offers a vivid example of adverse effect discrimination, and demonstrates the impact of human rights decisions.
FR :
Certaines pratiques managériales, même celles qui sont imposées sans
préjudice à l'ensemble des employés, peuvent avoir un effet particulier sur la santé et le rendement de quelques employés handicapés. De récentes décisions judiciaires et arbitrales touchant la discrimination pourraient entraîner une limitation des droits de la direction.
Cet article est divisé en deux sections. D'abord, un ensemble de questions juridiques particulièrement épineuses sont décrites en autant qu'elles touchent les travailleurs handicapés. La seconde section fait l'application de ces problèmes à l'expérience spécifique des travailleurs diabétiques qui travaillent sur des quarts. Cette application pratique permet de fournir un exemple de discrimination et de démontrer l'impact des décisions en matière de droits de la personne.
L'obligation de l'employeur d'accommoder les employés handicapés aura un impact majeur sur les pratiques de gestion. Autant les employeurs que les syndicats auront avantage à prendre la direction suggérée par la Cour suprême du Canada dans sa décision importante dans l'affaire Central Alberta Diary Pool (1990). Afin de présenter une défense de bonne foi sur les qualifications occupationnelles, à rencontre d'une accusation de discrimination, l'employeur doit d'abord satisfaire à l'obligation d'accommoder. La décision Binder a ainsi été renversée.
Afin de montrer les complexités pratiques et légales qu'impliquent les cas touchant les handicapés, quatre problèmes ont été retenus: d'abord, comment les arbitres ont-ils fait la différence entre le handicap d'un employé donné et les caractéristiques communes de cette maladie? On tend à s'éloigner de l'évaluation basée sur les caractéristiques communes. L'employeur doit présenter sa preuve en regard de la performance spécifique d'un employé handicapé donné et ne peut pas refuser de l'accommoder en se référant aux normes communes applicables à la maladie dont celui-ci est affligé.
En second lieu, qui a le fardeau de prouver qu'un handicapé peut ou ne peut pas nuire au rendement? D'abord, l'employé est responsable d'informer son employeur des problèmes qu'il connaît suite à une maladie et il doit également demander une accommodation. Sans aucun doute, les employés handicapés accroissent leur probabilité de justifier l'accommodation s'ils présentent une position convaincante à l'employeur. Après que cette demande aura été faite, le fardeau de preuve incombe à l'employeur qui doit accommoder l'employé ou refuser sa demande.
Troisièmement, dans quelle mesure l'application des principes applicables aux droits de la personne dans les arbitrages change-t-elle l'admissibilité d'une preuve montée après le congédiement? Les arbitres semblent divisés sur ce sujet. Il est essentiel ici de consulter la convention collective applicable au milieu de travail en question et d'examiner très étroitement les décisions antérieures de l'arbitre concerné. Plusieurs arbitres sont réticents à s'attaquer à des problèmes qui sont en dehors de la juridiction que la convention collective leur accorde explicitement, alors que d'autres vont jusqu'à récrire cette convention collective pour respecter les lois visant l'équité.
Finalement, comment le concept d'accommodation raisonnable va-t-il être intégré à l'intérieur des sentences arbitrales? Les arbitres commencent à utiliser la notion de devoir d'accommodation raisonnable comme étant un critère à être appliqué au rendement futur et non seulement comme une base pour évaluer si l'employeur s'est trompé ou non dans ses pratiques antérieures. Une revue de la jurisprudence démontre que les arbitres sont de plus en plus enclins à imposer un changement dans les termes et les conditions de travail. Une telle position est formulée comme une condition nécessaire pour la réintégration d'un travailleur handicapé qui a été injustement congédié.
La question des droits de la personne et particulièrement le devoir d'accommoder sont des notions difficiles d'application. De façon générale cependant, l'interprétation juridique favorise l'application de mesures de plus en plus rigoureuses en faveur des employés handicapés: la préférence de l'information sur un individu plutôt que sur le groupe, le fait de mesurer le risque spécifique et non le risque hypothétique, et le devoir d'accommodation avant d'en arriver à une défense de bonne foi sur les qualifications occupationnelles. Il devient alors obligatoire pour tous ces acteurs qui établissent des pratiques d'emploi, que ce soit l'employeur, le syndicat ou le gouvernement, de suivre de très près les développements en matière de droits de la personne.
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Unionism and the Job Attachment of Canadian Workers
Robert Swidinsky
p. 729–751
RésuméEN :
The analysis in this paper is based on the 1986-87 Labour Market Activity Survey (LMAS) longitudinal data made available by Statistics Canada. It presents evidence of the effect of unionism on job tenure and job separation rates derived from regressions which control for the effects of wages, pension rights, firm size and other factors. Job separations and job tenure provide different perspectives of job attachment in that the former represents decision-making at a single point in time whereas the latter over extended periods. This paper also addresses the questions of bias inherent in selectivity and the simultaneous determination of wages and tenure.
FR :
Cet article présente des résultats confirmant l'effet «voice», ou la voie
d'expression offerte par le syndicalisme, sur le comportement de défection des travailleurs canadiens. Théoriquement, les syndicats peuvent influencer le comportement de défection non seulement via le modèle de monopole syndical, mais aussi grâce à un mécanisme d'expression des préférences et de résolution des griefs. Toutes autres choses égales par ailleurs, les travailleurs bénéficiant d'un tel mécanisme institutionnel pour la résolution des problèmes vécus sur les lieux de travail auraient moins fréquemment recours à la défection (option «exit») et maintiendraient plus longtemps leur lien d'emploi avec l'entreprise. Ainsi, une première prédiction découlant de ce modèle est à l'effet que les travailleurs syndiqués auraient des taux de défection au travail plus bas et des liens d'emploi plus longs que ceux de travailleurs non syndiqués de même type, et ce, en tenant compte du contrôle des syndicats sur les salaires. Le support économétrique utilisé dans les hypothèses de type «exit-voice» est toujours dominant aux États-Unis, mais il n'y a pas eu, à toutes fins pratiques, de support à la vérification d'hypothèses impliquant l'usage de données britanniques. A ce jour, il n'existe toujours pas d'étude portant sur l'effet des syndicats sur le comportement de défection des travailleurs au Canada.
La présente analyse est basée sur des données longitudinales colligées par Statistiques Canada en 1986-1987. L'échantillon utilisé se limite à 25 058 salariés qui occupaient un emploi en date du 1er janvier 1986. Le comportement de défection vis-à-vis de ce premier emploi est considéré en tenant compte des quatre éléments suivants: (1) la continuité du lien d'emploi; (2) la terminaison du lien d'emploi (1986-1987); (3) la défection volontaire; (4) les autres formes de défection. En moyenne, les travailleurs syndiqués ont des liens d'emploi plus longs et un taux de défection plus bas que les travailleurs non syndiqués.
Les principales variables explicatives renvoient aux statuts des syndicats ainsi qu'aux régimes de retraite et d'assurance salaire. La variable dichotomique du statut syndical englobe le mode particulier d'expression collective des syndicats rendu possible par la procédure de règlement des griefs et la négociation collective, alors que les deux variables suivantes servent à évaluer l'impact du contrôle syndical sur les mécanismes compensateurs en cas de défection. D'autres variables contrôle incluent la taille de l'entreprise, le type d'industrie et d'occupation, la région ainsi qu'une gamme de caractéristiques personnelles. Les équations de régression sont évaluées en fonction de diverses catégories d'âge et de sexe.
En général, les statuts syndicaux, les régimes de retraite et d'assurance salaire ont tous un effet marquant et positif sur la durée du lien d'emploi. L'effet du contrôle des salaires est relativement faible une fois comparé à l'effet «voice» des syndicats. Par exemple, un contrôle de 80% des gains salariaux pour l'ensemble des travailleurs représentés par un syndicat serait nécessaire pour obtenir le même effet sur l'attachement organisationnel que celui obtenu grâce à l'option «voice». En contraste, l'introduction d'un régime de retraite accroîtrait l'attachement organisationnel de 2,1 fois plus qu'à l'occasion du changement du statut non syndiqué pour le statut syndiqué. Un régime de retraite pour employés constitue un moyen plus efficace pour assurer l'attachement organisationnel que tout gain salarial ou que l'obtention du statut syndical.
Bien que demeurent certaines variations, les résultats exposés cidessus tendent à conserver leur validité lorsque les données sont ventilées selon l'âge et le sexe. De la même façon, les résultats demeurent fondamentalement les mêmes lorsque la variable dépendante est redéfinie comme la durée du lien d'emploi complété (1986-1987). Comme prévu, le fait d'ajuster les données en fonction de la simultanéité de la détermination des salaires et du lien d'emploi accorde aux coefficients estimés une signification moindre, mais cela ne renverse pas pour autant le résultat premier à l'effet que l'option «voice» a un effet positif marquant sur la durée du lien d'emploi.
Les résultats découlant de l'analyse des défections montrent, même après avoir pris en considération les effets de compensation, que les travailleurs syndiqués ont moins tendance à abandonner leur emploi que leurs vis-à-vis non syndiqués. Les régimes de retraite et d'assurance salaire exercent également des effets négatifs sur la propension à la défection, mais les effets sont passablement modestes lorsque comparés avec ceux résultant de l'option «voice». D'autre part, l'importance du facteur «statut syndical» dérivé de l'analyse des «autres types de défection» est non seulement moindre en grandeur, mais s'avère aussi, plus généralement, non significatif. Ces résultats suggèrent que l'effet du syndicalisme sur le lien d'emploi tend principalement à réduire les défections volontaires plutôt que les défections involontaires.
Néanmoins, la relation observée entre le syndicalisme et le comportement de défection peut simplement refléter une forme de sélectivité découlant d'une préférence chez les syndicats vis-à-vis de la syndicalisation d'une main-d'oeuvre foncièrement plus stable. Dans cette étude, le problème du biais induit par la sélectivité est éliminé grâce à un modèle d'«effet fixé» qui relie les changements dans la durée du lien d'emploi (abandonné volontairement pour un autre emploi) avec les changements dans le statut syndical et un nombre restreint de variables exprimant les différences premières. Considérant les données traitées suivant ce modèle, l'effet du statut syndical sur le lien d'emploi complété en 1986-1987 est approximativement à demi moindre que celui évalué par les méthodes de régression. Cela suggère que le biais introduit par la sélectivité peut être un facteur significatif dans l'estimation des effets du syndicalisme sur le comportement de défection. Toutefois, étant donné la taille relativement réduite de l'échantillon à partir duquel ils furent déduits, les résultats du modèle d'«effet fixé» devraient être traités avec passablement de réserves. Mais bien que ces derniers résultats soient fiables, ils ne mettent pas en doute le fait que l'option «voice» ait un effet significatif sur l'attachement organisationnel.
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The Nature of Technological Change: Its Implications for Work and Labour Regulation
A.E. Smith
p. 752–777
RésuméEN :
This paper applies an analytical framework which, in contrast to most recent research, takes into account the independent influence of the characteristics and capabilities of new technologies. Drawing on evidence from a survey of 435 firms in Atlantic Canada, it concludes that an analysis of the independent influence of technology is a necessary compliment to an examination of the way outcomes of change are a product of choice and negotiation.
FR :
Il est d'abord souligné dans cet article que le changement technologique implique un processus de décision et de négociation qui, sous certaines contraintes, donne l'occasion aux directions, aux syndicats et aux salariés de jouer un rôle significatif dans la décision d'introduire ou non le changement et, le cas échéant, dans son implantation et ses aboutissements. Ces prémisses tendent à remettre en question l'opinion déterministe selon laquelle le changement technologique conduirait inévitablement à la déqualification ou à la requalification des travailleurs. Néanmoins, doit-on en conclure que le changement technologique, parce qu'ayant fait l'objet de négociations, n'ait pas d'influence directe?
Cet article, à contre-courant de nombreuses recherches récentes, soutient que l'analyse de l'influence directe de la technologie est un complément nécessaire à l'examen des voies suivant lesquelles sont choisies et négociées les issues du changement. Comment alors cet argument peut-il être mis en relation avec les préoccupations plus traditionnelles de la régulation du travail que sont la qualification, le contrôle, l'effort, etc.? Il est suggéré que le changement technologique ne puisse guère être expliqué en termes de stratégies managériales d'exploitation de la technologie nouvelle visant à contrôler les travailleurs ou à gagner leur consentement. Nous présumons qu'il le serait davantage si mis en relation avec les préoccupations premières des employeurs, soit les stratégies de développement de produits et de mise en marché. Le potentiel technologique rend possible certains choix concernant ses voies d'application futures et c'est là que les questions abordant la régulation du travail trouvent leur sens.
Puisant ses sources d'une étude de 435 entreprises des provinces atlantiques canadiennes, cet article propose une catégorisation des divers facteurs utiles à l'établissement des paramètres concernant les mécanismes de prise de décisions appliqués à la régulation du travail. Les facteurs-clés de l'analyse relèvent de ce que la position concurrentielle de l'entreprise dépende soit de la maximisation de la performance, soit de la maximisation des ventes ou de la minimisation des coûts de production.
Les entreprises œuvrant au sein d'un marché du produit relativement jeune sont plus susceptibles de rechercher l'amélioration de leur compétitivité en faisant usage d'une nouvelle technologie dans le but de maximiser leur performance plutôt que de chercher à réduire leurs coûts de production. Ces entreprises introduiront le plus souvent des politiques visant à développer les qualifications et l'expertise de leur main-d’œuvre et, partant, améliorer la qualité et développer de nouveaux produits et services. Sous un autre angle, les entreprises appartenant à un marché en pleine croissance chercheront davantage à maximiser leur niveau de ventes en utilisant une nouvelle technologie permettant d'améliorer l'efficience et la continuité de la production. Ceci implique, pour la régulation du travail, que les politiques managériales puissent être dirigées pour s'assurer à la fois d'un contrôle accru sur le travail et de l'acceptation, chez les salariés, d'une continuité du changement technologique. Finalement, les entreprises œuvrant au sein de marchés stables chercheront pour leur part à maintenir leur position concurrentielle en faisant usage d'une nouvelle technologie dans le but de réduire leurs coûts de production. Là où les coûts de la main-d’œuvre constituent une source de préoccupations majeures, l'on n'hésitera probablement pas à développer des politiques qui tendront à améliorer la productivité du travail et son utilisation.
Toutefois, il ne va pas de soi qu'une organisation introduisant une technologie nouvelle dans l'une ou l'autre de ces circonstances développera nécessairement la stratégie d'affaires ou l'approche appropriée à l'égard de la régulation du travail. Nous croyons davantage en la capacité médiatrice du processus de «choix stratégique». En ce sens, la stratégie globale d'affaires développée par une organisation en réponse aux changements en cours dans les environnements économique et technique pourrait, au mieux, être perçue comme un outil de gestion qui établit les paramètres à l'intérieur desquels les acteurs développent et modifient les approches dans l'implantation du changement technologique.
Information
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