Résumés
Abstract
This paper deals with some of the basic problems created by the adoption of collective bargaining, procedures by faculty at Canadian colleges and universities.
Résumé
La négociation collective chez les professeurs des universités et des collèges canadiens est devenue un fait acquis, mais les professeurs demeurent toutefois perplexes à ce sujet. Bien qu'ils soient conscients de la nécessité d'une action collective, ils ne semblent pas s'être engagés avec enthousiasme dans les procédures de la négociation traditionnelle, plus particulièrement en Ontario et en Colombie britannique où l'on a recherché des formules de remplacement. Ce qui arrive, c'est que les professeurs, tout en considérant que l'action collective est le seul moyen de mettre un frein à la dégradation de leur condition économique, se préoccupent en même temps de leur situation particulière tant dans l'institution que dans la société. Le dilemme qui se pose à eux est le suivant : est-il préférable de défendre leur condition économique au risque de mettre en péril leur statut actuel ou vaut-il mieux conserver celui-ci au risque d'une détérioration plus marquée de leur position économique ? Ce dilemme comporte plusieurs facettes.
Les professeurs se considèrent comme des « professionnels » bien plus que comme des employés et s'attendent à jouir de beaucoup de latitude dans l'exécution de leurs tâches. Sous-jacente à cette notion de « professionalisme », se cache une forte dose d'individualisme. Faut-il s'orienter vers la négociation collective en sacrifiant un peu d'individualisme ? On redoute qu'elle conduise à une réglementation circonstanciée des rapports entre le corps professoral et l'institution, surtout en ce qui a trait aux heures de travail. On craint aussi qu'elle contrecarre la fixation des traitements selon le mérite et en tenant compte des taux du marché du travail extérieur.
Toutefois, la négociation collective n'est pas nécessairement incompatible avec l'esprit d'individualisme à condition que les parties acceptent qu'on permette jusqu'à un certain point l'établissement de traitements fondés sur la valeur de l'individu. Une convention collective n'exige pas obligatoirement non plus une réglementation stricte des heures de travail. Les expériences contraires ne manquent pas. Que la rémunération au mérite se continue, la chose dépend du degré de confiance des professeurs dans l'appréciation du mérite. Si les professeurs se rendent compte que l'appréciation du mérite est équitable, il est concevable que les conventions collectives déterminent qu'une certaine tranche des salaires soit établie d'une façon discrétionnaire.
La question des taux de salaire sur les marchés du travail pose un problème plus difficile, étant donné qu'on ne peut les justifier dans les cadres du système de valeur de l'institution, mais uniquement en faisant intervenir les forces extérieures du marché. Même si la masse des professeurs peut ne pas être désireuse de négocier un traitement spécial pour ceux qui peuvent obtenir davantage sur le marché, la chose peut s'imposer afin d'empêcher le prestige d'une faculté de se dégrader par le départ d'une partie de ses effectifs. On pourrait y arriver par des compromis qui confirmeraient certains écarts.
Un aspect important des rapports entre les professeurs et l'institution réside dans la volonté de ceux-ci de participer à la direction de l'université. Est-ce que le processus ordinaire de négociation collective, fondé sur la prémisse qu'il doit exister une dichotomie bien tranchée entre les intérêts de l'employeur et les intérêts des employés, est incompatible avec la participation du corps professoral à la direction de l'université ? D'une part, on peut répondre que la participation à la négociation collective et la participation à la direction de l'institution touchera des groupes différents de professeurs, mais ceci soulève la possibilité de voir se développer une dichotomie entre ces deux groupes de professeurs. D'autre part, cependant, il peut arriver que la véritable négociation ne se fasse pas avec l'université, mais avec le gouvernement. La difficulté serait alors qu'elle supposerait une forme de négociation fort différente de la négociation traditionnelle entre un employeur et ses salariés.
Une autre source de conflit peut se soulever : les exclusions des unités de négociations. À cause de la conception que l'on a de l'autorité à l'université, il est difficile de savoir où commence véritablement l'exercice de l'autorité. La négociation collective traditionnelle exige une identification précise de l'autorité, d'où il peut résulter que la structure de l'université doive être modifiée de façon à l'ajuster à la structure de la négociation collective.
Les institutions d'enseignement secondaire un peu partout au pays font face aujourd'hui à de rigoureuses contraintes financières par suite de changements dans l'ordre des priorités de l'État. L'effet de la négociation collective sur la sécurité d'emploi traditionnelle des professeurs reste donc à mesurer. Du point de vue de la liberté d'enseignement, elle pourrait assurer la sécurité des professeurs pris individuellement parce que les agents négociateurs auront intérêt à se faire les champions des droits des professeurs, mais si l'on considère la question sous l'angle des compromis économiques à la table des négociations, la sécurité d'emploi pourrait être laissée pour compte. Il s'est avéré que le succès d'un agent négociateur se mesure en augmentations de salaire et en avantages sociaux et non par le nombre des emplois qu'il réussit à sauvegarder. Tout comme les agents négociateurs dans les autres secteurs, les agents négociateurs des professeurs d'université préféreront l'amélioration des traitements au maintien des emplois. Ceci soulève le problème du choix des professeurs qui devront partir. N'est-il pas normal, par ailleurs, de relier la sécurité d'emploi à l'ancienneté ? Si le critère de l'ancienneté est appliqué rigoureusement, il est possible que les institutions post-secondaires perdent beaucoup de leur valeur. Le critère d'ancienneté contrecarra en outre les politiques nouvelles d'engagement qui visent à accroître la représentation féminine au sein des corps professoraux.
L'obstacle le plus sérieux peut-être qui se pose aux professeurs, c'est la participation directe du paie-maître, c'est-à-dire du gouvernement, à la négociation. Un des dangers, c'est que le gouvernement, s'il est le vis-à-vis, sera enclin à exercer un contrôle plus strict sur les institutions post-secondaires. Ce danger peut être exagéré, puisqu'il n'est pas clair que la négociation collective aura pour résultat de mener à une surveillance plus marquée des institutions que celle qui existe déjà ou qui adviendra de toute façon.
Plus dangereuse cependant la possibilité d'une impasse entre les professeurs et l'État. Beaucoup de professeurs considèrent la grève impraticable, soit parce qu'une bonne partie de la population estime les professeurs surpayés, soit qu'un débrayage de leur part lui indiffère. À l'heure actuelle, les professeurs n'ont pas tellement le coût de faire la grève. Si telle est la situation, la grève peut-elle être autre chose qu'une action puérile ?
On pourrait éviter une confrontation avec le gouvernement en confinant la négociation collective à l'institution. Mais sans la présence du paie-maître à la table des négociations, celles-ci ne peuvent être qu'un simulacre. La confrontation directe peut encore être écartée par l'arbitrage des conflits d'intérêts. Le gouvernement, cependant, peut avoir de la réticence à déléguer une partie de son autorité de gestionnaire à un arbitre, principalement là où il a la possibilité de fixer unilatéralement les traitements. En fait, pour que la négociation soit vraiment efficace, les professeurs doivent affronter le gouvernement.
Une autre possibilité, c'est le recours au système de négociations à double palier qui est actuellement à l'étude en Ontario. Ce système vise à des négociations provinciales entre les professeurs et les universités au niveau provincial qui précéderaient les négociations avec le gouvernement. On en arriverait à un accord qu'on présenterait ensuite au gouvernement par un organisme-tampon. Question capitale : s'agirait-il là d'une négociation collective ? Au premier palier, il est difficile de considérer les parties comme des opposants, puisqu'ils n'y a guère d'intérêt pour les universités à résister aux positions des professeurs. Au deuxième palier, on aurait un front commun des employeurs et des employés qui négocieraient contre le gouvernement. À quels moyens de solution pourra-t-on recourir si l'on tombe dans une impasse ? Il est fort douteux que les universités en tant qu'elles sont employeurs favorisent la suppression des services. S'il en était ainsi le deuxième palier de négociation équivraudrait plus à une forme de lobby qu'à une véritable négociation collective. Ce système de négociation à double balcon serait-il autre chose que la manifestation au grand jour du dilemme actuel ?
Les professeurs se rendent compte qu'une action collective est nécessaire pour assurer leur situation économique, mais ils sont conscients qu'elle peut compromettre leur position sociale traditionnelle. Ce dilemme demeure sans solution au moment où les professeurs se trouvent aux prises avec la question de savoir s'ils doivent s'engager pour de bon dans la négociation collective traditionnelle.