Résumés
Abstract
In this paper, the author supports the idea that collective bargaining presents some real dangers to academic freedom on the campuses of Canadian Universities.
Résumé
La négociation collective présente certains risques pour la liberté académique dans les universités canadiennes. Mais, au préalable, il est nécessaire d'y aller de quelques distinctions de manière à ne pas verser dans la confusion. Il faut distinguer, entre autres choses, l'association de professeurs du syndicat conventionnel.
Depuis la deuxième guerre, les associations de professeurs ont connu un grand développement, ce qui a conduit à un glissement de l'autorité du bureau des gouverneurs vers le personnel d'enseignement et de recherches. Ce ne fut pas une révolution mais une évolution rapide. Les principaux responsables de cette transformation ont été les associations de professeurs qui ne sont pas des syndicats dans le sens ordinaire du terme.
Leur bien-fondé, leur structure, leurs méthodes, leurs objectifs, leurs oeuvres leur étaient propres.
Leur bien-fondé découlait de la nature même de l'université, conglomérat d'activités scolaires exercées par un ensemble de savants, d'humanistes, de professeurs et de chercheurs visant à répondre aux besoins d'une société en effervescence. Aussi, à cause de l'intérêt que lui manifeste un public de plus en plus vaste et à cause de la pression qui s'exerce sur les budgets publics, les dirigeants politiques sont enclins à intervenir dans les affaires internes des universités et à exiger que leurs administrateurs rendent compte de leur gérance.
Les associations de professeurs surgirent dans ce contexte pour affronter les problèmes des professeurs en tant qu'employés mais aussi pour être un instrument apte à déplacer une partie du pouvoir décisionnel des administrateurs aux enseignants.
C'est ce deuxième objectif qui distingue les associations des syndicats ordinaires dont le but est de déterminer avec les employeurs les conditions d'emploi et de salaires qui se fixent par la convention collective, où l'on trouve aussi les mécanismes de règlement des réclamations et le départage des droits et des obligations des employeurs et des salariés. Aussi est-il important de souligner que le syndicat ne détruit pas le rôle et l'autorité de l'employeur mais les insère dans un cadre juridique, ce qui donne lieu à la mise en place d'un contrat écrit. La convention conclue, la direction gère l'entreprise comme auparavant, sauf qu'elle doit respecter les droits et les obligations convenus. Le syndicat participe à la fixation de la réglementation, mais il ne dirige pas.
Au contraire, les associations de professeurs sont engagées dans une activité plus fondamentale, voire plus révolutionnaire. Elles ont en quelque sorte envahi tout le domaine des prérogatives de l'employeur en ne confinant pas leur rôle à la transformation del’absolutisme enconstitutionalisme comme les syndicats industriels mais en jetant un voile sur la distinction entre le corps professoral et l'administration des universités. Elles n'y sont pas arrivées en assumant les fonctions de l'administration mais en transformant la structure hiérarchique de l'université. En réalité, les universités sont peut-être devenues les institutions les plus démocratiques de la société occidentale. Ce processus est beaucoup plus marqué dans certaines universités que dans d'autres et il ne semble pas faire de doute que la transformation est plus apparente dans les institutions privées que dans les universités d'Etat. La raison en est que les statuts des premières sont modifiés de l'intérieur, tandis que la révision des secondes exige l'intervention des gouvernements provinciaux, quoiqu'il faille noter que ces dernières ont aussi passablement évolué dans la voie d'une démocratisation accrue. Bref, ne faut-il pas convenir que le rôle primordial des associations de professeurs a été de pousser à la démocratisation de la vie universitaire.
On ne peut pas oublier non plus l'aspect des structures de l'université dont la principale unité administrative est le département ou, en certains cas, la faculté. L'accès au département est ouvert à tous les membres du personnel enseignant.
La structure de l'université réfléchit les distinctions entre les diverses disciplines académiques et non les besoins de la production d'un complexe industriel ou commercial. Les chimistes, les physiciens, les historiens ou les politicologues sont groupé parce qu'ils sont chimistes, physiciens, historiens ou politicologues, ce qui est bien différent de l'entreprise ordinaire où tous concourent à la production et subissent l'autorité centrale, n'ayant aucune voix au chapitre et obéissant aux ordres des contremaîtres. Dans les circonstances, il n'y a pas lieu de s'étonner que les associations de professeurs se soient tellement intéressées à l'accroissement de l'autorité des facultés. Ce n'est pas le cas dans l'entreprise privée où les prérogatives patronales demeurent généralement indemnes.
Dans l'ensemble, il importe de retenir que les universités gardent à un degré remarquable la liberté d'innover, de rejeter certaines suggestions du public et du gouvernement, de dire leur mot dans l'établissement des programmes et des méthodes. La négociation collective permettra-t-elle de conserver cette liberté d'action ?
Depuis l'époque médiévale, le rôle de l'université n'a-t-il pas été la transmission des connaissances et la découverte de nouvelles connaissances, la transmission de la sagesse des âges et l'ajout de la sagesse du présent. Enseigner et découvrir, telles sont les raisons d'être de l'université, fonctions qui exigent une liberté d'expression qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans la société.
Certes, il est difficile de décider ce que signifie la liberté d'enseignement. On peut en identifier cinq éléments : la liberté de choix des professeurs, la liberté d'établir les programmes d'études, la liberté de décider des méthodes d'enseignement, la liberté de sélectionner et de promouvoir les étudiants et la liberté de choisir les projets de recherches.
Deux aspects de ces éléments retiennent l'attention. Prises collectivement, ces libertés doivent concourir à la transmission et à l'accroissement du savoir. En second lieu, elles ne sont pas des objectifs accessoires. En d'autres mots, il ne s'agit pas d'activités commerciales visant à fabriquer un produit. La preuve en est que quelques-unes des meilleures universités, jugées en fonction de la transmission et de l'accroissement de la connaissance, sont souvent en difficulté financière alors que les plus mauvaises présentent des surplus.
L'auteur examine ces cinq libertés en rapport avec le droit de les exercer.
D'abord, qui choisit les professeurs ? Autrefois, cette responsabilité revenait à la direction ; aujourd'hui, les professeurs sont choisis par leurs pairs sujets à l'approbation du bureau des gouverneurs. La même règle s'applique aux promotions. Fondamentalement, l'exercice de cette liberté reste entre les mains du corps enseignant et il n'est pas besoin de l'appui d'un syndicat pour protéger cette liberté.
Qui établit les programmes ? Sans doute la société joue-t-elle un certain rôle dans la fixation des programmes, parce que la majeure partie des revenus des universités proviennent des gouvernements ou de fonds privés. De plus, la participation de l'université à la vie collective est devenue essentielle au fonctionnement de l'industrie, de l'Etat et de nombreux services. Aussi serait-il naïf de penser que les universités seraient capables, sans tenir compte des besoins de la société et de l'État, d'avoir les mains absolument libres dans le choix des programmes. Mais, d'autre part, sauf en ce qui a trait aux programmes des écoles professionnelles qui peuvent être influencées par leur corporation respective, le personnel enseignant jouit d'un degré de contrôle remarquable sur l'organisation des cours.
Qui décide des méthodes d'enseignement ? On peut dire sur ce point que la liberté est à peu près totale, d'où il ressort qu'aucun syndicat n'a de rôle à jouer en ce domaine.
Qui choisit les étudiants ? Les universités ont perdu beaucoup de terrain sous ce rapport. De plus en plus, les institutions d'État et les institutions privées doivent accepter les normes établies par les pouvoirs publics. Personne aujourd'hui ne peut s'opposer au droit de regard de l'autorité publique dans ces choix. Il est cependant dans l'intérêt de l'État et du public de reconnaître que les universités doivent conserver cette liberté si l'on veut que leur enseignement garde un certain niveau d'excellence. Mais l'introduction de la négociation collective peut-elle être sous ce rapport d'un certain support ?
Qui détermine les programmes de recherches ? Il y a motif à inquiétude de ce côté, et encore une fois c'est l'argent qui est l'origine du mal. Étant donné queles gouvernements sont devenus les principaux pourvoyeurs des fonds de recherche, ce sont eux qui constituent la première menace. Mais, ici encore, la formation de syndicats et la négociation collective traditionnelle ne peuvent pas aider.
En résumé, toutes ces libertés doivent être protégées, surtout en ce qui concerne l'élaboration des programmes ainsi que la sélection et la promotion des étudiants. Toutefois, la négociation collective n'offre pas de solution valable. Il faut regarder dans d'autres directions.
Selon l'auteur, la négociation collective est un excellent instrument là où il y a une ligne de démarcation bien nette entre les administrateurs et les administrés, là où le régime d'autorité met les employés en danger et là où du moins leur situation personnelle peut être sérieusement touchée par des décisions prises hors de leur contrôle. Le seul recours alors, s'ils veulent protéger leur emploi, est de s'associer et de négocier collectivement. La raison d'être de ce système, c'est le conflit d'intérêts entre travailleurs et employeurs qui comprend trois éléments : le salaire, l'état de subordination juridique et l'instabilité de l'emploi, qui peuvent influer sur le bien-être et les aspirations personnelles.
La situation du professeur d'université diffère. La raison d'être principale des associations n'est pas de réglementer les conditions de travail, mais de placer le processus décisionnel entre les mains du personnel enseignant ; et elles ont jusqu'ici obtenu beaucoup de succès en ce sens. Ainsi, est-on amené à conclure que les universités sont bien en avant de l'industrie. Il n'existe pas de conflit d'intérêts entre une faculté et son doyen.
Un syndicat groupe les mécontents qu'il représente, combat l'employeur et essaie d'obtenir des concessions. Le conflit et l'affrontement n'ont jamais de fin. À l'université, la ligne de combat entre le dirigeant et le dirigé est peu visible à cause du contrôle exercé par le personnel enseignant et la démocratisation du processus de décision. Voilà les motifs pour lesquels l'association de professeurs est l'organisme tout désigné pour assurer la transformation de l'université.
Le syndicalisme conventionnel a obtenu l'appui des professeurs dans beaucoup d'universités et il faut convenir que, dans bien des cas, les personnes détenant l'autorité ont été mises à l'échart des unités de négociation. Il y a là une coupure, une rupture des liens. On assiste aussi à la lutte pour l'obtention d'unités de négociations distinctes pour chacune des écoles et des facultés.
À l'heure actuelle, deux questions majeures se posent aux universités : la menace qui pèse sur la liberté d'enseignement et la défense des droits des professeurs en tant qu'employés.
Quant à la première, on peut se demander si la négociation collective ne présente pas un grand danger en divisant le corps professoral en dirigeants et en employés, ce qui aura tendance à faire des premiers des agents des gouvernements provinciaux plutôt que des porte-parole des universités. On sera ainsi amené à la négociation directe de syndicats de professeurs regroupés avec les gouvernements. Les professeurs deviendront alors des fonctionnaires, ce qui, pour ainsi dire, en ferait encore davantage des salariés. Si cela se produit, on aura réussi à éluder l'autorité proprement scolaire devenue inutile. De plus, la préparation des budgets se trouvera politisée, ce qui est une invitation aux hommes politiques à scruter toutes les activités universitaires par le truchement des postes budgétaires. Est-il quelque chose qui puisse être plus dangereux pour la liberté de l'université ?
Un mot finalement du problème des droits des professeurs. C'est la crainte de voir se produire un déclin de l'appui de la population pour l'expansion des universités et l'effondrement partiel de la confiance dans l'enseignement universitaire, causes d'insécurité d'emploi, qui a poussé les professeurs à la syndicalisation. N'y a-t-il pas une autre façon d'envisager le problème ? Dans la mesure où l'université pourra présenter un front commun du personnel enseignant, il y aura moyen de résister aux pressions des gouvernements pour transmuer les professeurs en fonctionnaires. De son côté, l'université, pour préserver la liberté, doit prendre des décisions difficiles en matière de qualité de l'enseignement. Lorsque le pouvoir de décision était concentré entre les mains des recteurs et des bureaux de direction, il arrivait que des injustices étaient commises. Avec l'accroissement de l'autorité des facultés, ce malaise a été passablement éliminé. Toutefois, si l'idée syndicale de la protection des emplois venait à l'emporter, l'université en souffrirait. La note passable n'est pas un critère suffisant pour l'enseignement universitaire. Le choix, la promotion et le renvoi des professeurs sont les bases même de la liberté d'enseignement.
L'auteur conclut qu'il devient de plus en plus difficile pour les universités dans une société contestataire de conserver sa liberté d'action. De par la nature des choses, seul le personnel enseignant y est directement intéressé. Depuis un quart de siècle, la plupart des universités ont subi une transformation fondamentale au cours de laquelle un système fort autocratique a fait place à une grande décentralisation démocratique, et il ne fait pas de doute que la liberté d'enseignement y a beaucoup gagné. Ces progrès sont menacés du dedans et du dehors. À ce stade, l'avènement du syndicalisme industriel à l'université, l'accréditation, la négociation collective sont de nature à diviser les corps professoraux, à restaurer les droits des bureaux de direction et à mettre l'accent sur le caractère de salarié des professeurs. Les bureaucrates des gouvernements se réjouissent de cette tendance alors que le travail constructif des associations de professeurs est sapé par l'établissement d'un type de syndicalisme industriel qui rétablira d'une façon plus rigide encore les conditions qui prévalaient avant la « révolution » des années '50 et '60.