Résumés
Summary
A comparative study of arbitral decisions rendered in the United States, the Canadian Common Law Provinces and Quebec over grievances arising in the contest of collective agreements that contain no specific provision on the subject out of Management's action of arranging with an outside firm to have it perform work hitherto done by members of the bargaining unit. The possible effect of new section 10a of the Quebec Labour Relations Act on this practice of contracting out will also be considered.
Sommaire
L'auteur, dans un premier article, se propose d'examiner les théories arbitrales relatives au droit de la gérance, puis d'étudier les solutions apportées par les arbitres, tant aux États-Unis que dans les provinces de langue anglaise, aux griefs relatifs à l'octroi de sous-contrats par des entrepreneurs qui ont signé une convention collective. Les décisions arbitrales rendues dans le Québec à ce sujet feront l'objet d'un second article; il faudra également tenir compte de la portée possible du nouvel article 10A de la Loi des relations ouvrières, S.R.Q., 1941, Chap. 162A.
En l'absence d'une disposition expresse régissant l'octroi de sous-contrats dans la clause des droits de la gérance, cette dernière pour dire qu'elle a le droit d'accorder des sous-contrats, s'en remet habituellement au pouvoir général qu'on y énonce, de diriger son entreprise. A défaut de telle clause, la gérance invoque son droit implicite de diriger l'entreprise, droit qui comporte, selon elle, celui d'octroyer des sous-contrats. L'agent négociateur, pour sa part, prétend généralement que les droits de la gérance doivent être exercés de façon à ne pas détruire les autres clauses de la convention collective. L'octroi de sous-contrats, selon lui, dans bien des cas, permet à la gérance de se soustraire aux conditions de travail qui ont fait l'objet des négociations et a pour effet de détruire en partie l'unité de négociation. L'agent négociateur invoque habituellement son titre de représentant exclusif des salariés et fait remarquer que certaines clauses de la convention collective, par exemple la clause relative à l'ancienneté, peut devenir sans effet à la suite de l'octroi du sous-contrat.
En somme, l'octroi de sous-contrats n'est qu'un aspect du problème plus vaste des droits de la gérance dans un régime de convention collective.
A ce sujet, deux théories s'opposent. La théorie des « droits réservés » est à l'effet que la direction a le droit de faire tout ce qui n'a pas été l'objet d'une exclusion expresse dans la convention collective et que l'agent négociateur n'a que les droits qui sont formulés dans la convention. La théorie dite « des limites implicites », pour tenter de la résumer, est à l'effet que l'agent négociateur et l'entrepreneur sont deux partenaires égaux lors des négociations et que, par conséquent, ni l'un ni l'autre ne peut prétendre à des droits qu'il aurait pu avoir avant que ne s'établisse le régime des négociations collectives. Ce régime, par ailleurs, a donné lieu à des précédents dont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit d'interpréter la convention collective. Certains arbitres, cependant, surtout aux États-Unis, n'accordent pas une grande importance à ces théories et préfèrent rendre une décision basée sur une analyse circonstanciée des faits. On peut dire que, chez nos voisins, la théorie « des droits réservés », à l'effet que seule une défense expresse dans la convention collective peut empêcher la gérance d'accorder un sous-contrat, n'a plus cours dans les milieux arbitraux. Ces derniers acceptent à sa place une conception modérée de la théorie des « limites implicites ». Pour eux, le fait qu'un employeur ait signé une convention collective comportant une clause de reconnaissance, ou encore une clause d'ancienneté, n'entraîne pas nécessairement un empêchement absolu à l'octroi de sous-contrats sous le seul prétexte de préserver l'intégrité de l'unité de négociation. Il s'agit, au contraire, d'y voir un obstacle à l'octroi de sous-contrats qui ont pour effet d'affaiblir l'agent négociateur en permettant à l'entrepreneur d'éviter les taux de salaires et autres conditions de travail qu'il s'est engagé à respecter à la signature de la convention collective. Pour en arriver à la conclusion, dans chaque cas particuliers, que l'entrepreneur a octroyé un sous-contrat pour se soustraire aux dispositions de la convention collective, ou pour trouver, au contraire, qu'il a posé ce geste dans le but d'abaisser les coûts de production, en ayant recours à une entreprise spécialisée, les arbitres américains sont portés à considérer quelques-uns des facteurs suivants:
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D'une façon générale: La décision de l'entrepreneur d'octroyer un sous-contrat doit avoir été prise de bonne foi. Elle ne doit pas être un moyen d’éviter les dispositions de la convention collective.
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Pour déterminer s'il y a, ou non, telle bonne foi, on peut considérer:
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L'effet du sous-contrat sur l'agent négociateur: s'agit-il de discrimination contre tel représentant collectif? Le sous-contrat at-il pour effet de porter atteinte à l'intégrité de l'unité de négociation?
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L'effet sur les employés: des membres de l'unité de négociation sont-ils déplacés, mis-à-pied, en encore, perdent-ils l'occasion de faire du travail supplémentaire?
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Le genre de travail dont il s'agit: ainsi, l'octroi d'un sous-contrat ayant pour objet un travail de nature permanente porte plus facilement atteinte à l'agent négociateur que n'est susceptible de le faire, l'octroi d'un sous-contrat ayant pour objet un travail de nature temporaire. On peut aussi se demander si c'est la coutume, dans une industrie donnée, de faire appel à des entreprises spécialisées.
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L'urgence de la situation.
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Le manque d'employés qualifiés, d'équipement spécialisé ou de compétence technique dans l'entreprise qui accorde le sous-contrat.
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L'octroi de sous-contrats, dans le passé, et sans grief de la part de l'agent négociateur. Ce dernier verra également sa position affaiblie à l'arbitrage, si durant les négociations, il n'a pas réussi à faire inclure dans la convention une défense expresse d'octroyer des sous-contrats.
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Au Canada, ailleurs qu'au Québec.
Ici, les arbitres, à l'opposé de leurs confrères américains, ont disposé des griefs relatifs à l'octroi de sous-contrats, en faisant appel, dans la quasi totalité des cas, aux deux théories relatives aux droits de la gérance déjà énoncés. Ils ont eu tendance à agir de la sorte, que le grief ait porté sur la décision de l'employeur d'avoir recours à des contremaîtres ou autres personnes exclues de l'unité de négociation pour effectuer du travail jusque là fait par des membres de cette dernière, ou qu'il se fût agi de sous-contrats au sens strict du mot, c'est-à-dire, d'ententes en vertu desquelles l'employeur a recours aux services d'une entreprise de l'extérieur, qui se spécialise dans un travail donné.
Dans ces derniers cas, on peut dire que c'est la théorie des « droits réservés » qui a été appliquée, et ce, avec rigueur. Le principe alors énoncé est à l'effet qu'une défense expresse doit exister dans la convention si on veut que l'entrepreneur ne puisse accorder de sous-contrats. On conçoit alors l'octroi de sous-contrats comme une prérogative de la gérance. A ces décisions, il faut en ajouter deux autres qui se réclament de la même doctrine, mais qui l'adoucissent en faisant appel à certains critères, tels la bonne foi de l'entrepreneur ou le fait que l'octroi du sous-contrat n'a pas pour effet d'engendrer des mises-à-pied. Toujours parmi ces décisions rapportées, il y en a trois qui font appel à la théorie dite « des droits implicites ». L'une d'entre elles, il est vrai, a été prise en faisant appel aux termes d'une disposition expresse qui régissait l'octroi de sous-contrats, tandis que dans une autre, on a procédé à l'analyse des circonstances dans lesquelles était placé l'entrepreneur. On peut dire, toutefois que cette doctrine a été exposée dans plusieurs rapports d'arbitres dissidents. Le petit nombre de décisions relatives à l'octroi de sous-contrats rapportées chaque année ne permet pas de déceler une évolution de la pensée arbitrale. En somme, on ne peut qu'affirmer qu'il y ait consensus à l'effet qu'une disposition expresse dans la convention collective soit nécessaire pour empêcher la gérance d'octroyer des sous-contrats. Ceci constitue une première différence par rapport aux décisions rendues aux États-Unis, ces dernières étant évidemment considérées dans leur ensemble. L'autre différence est le peu d'importance qu'attachent les arbitres canadiens à l'analyse des circonstances dans lesquelles est placé le sous-contractant.
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Parties annexes
Biographical note
VERGE, PIERRE, avocat, LL.L. (Laval), M.A. (Economique) (McGill).