Résumés
Résumé
La revue de littérature et l’analyse clinique des profils intellectuels de sept enfants et adolescents porteurs d’un Syndrome de Shwachman-Diamond (SDS) au Wechsler Intelligence Scale for Children - IV (WISC-IV) mettent en évidence un affaiblissement intellectuel. Au-delà de la déficience intellectuelle, l’hypothèse d’un affaiblissement intellectuel lié à la présence de difficultés de raisonnement et d’un dysfonctionnement exécutif chez les enfants SDS ne présentant pas une déficience intellectuelle est soulevée. Ces éléments offrent un cadre d'interprétation intéressant et novateur à l'affaiblissement intellectuel objectivé mais aussi aux troubles comportementaux, sociaux et scolaires décrits dans cette population. Une évaluation spécifique et exhaustive du fonctionnement exécutif de ces enfants est recommandée, s’inscrivant dans une approche intégrative analysant les liens entre efficience intellectuelle, fonctionnements cognitif, émotionnel, comportemental, et performances scolaires.
Mots-clés :
- Shwachman-Diamond,
- efficience intellectuelle,
- fonctions exécutives,
- neuropsychologie
Abstract
A literature review and clinical analysis of intellectual profiles of seven children and adolescents with Shwachman-Diamond Syndrome (SDS) using the Wechsler Intelligence Scale for Children - IV (WISC-IV) highlight an intellectual impairment. Beyond intellectual disability, the hypothesis of an intellectual impairment related to the presence of reasoning difficulties and executive dysfunction in SDS children without intellectual disabilities is also raised. These elements provide an interesting and novel framework for the interpretation of documented intellectual impairment but also of behavioural, social and academic disorders described in this population. A specific and comprehensive assessment of executive functioning of these children is recommended, as part of an integrative approach analyzing the links between intellectual efficiency, cognitive functioning, behaviour and academic performance.
Corps de l’article
INTRODUCTION
Le Syndrome de Shwachman-Diamond (SDS) est une maladie rare dont l’incidence est estimée à 0,5/100 000 naissances (Orphanet, 2016). Sa transmission est autosomique récessive. Le locus identifié pour le gène impliqué (SBDS) est localisé en 7q11 (Boocock et al., 2003). Le SDS associe des troubles somatiques, en particulier hématologiques, hépatiques et osseux, et des troubles neurodéveloppementaux invalidants. L’imagerie anatomique, grâce à la technique d’imagerie par résonnance magnétique (IRM), permet de documenter des anomalies cérébrales structurelles caractérisées par une diminution du volume de l’encéphale intéressant à la fois la substance grise et blanche (Perobelli et al., 2015; Toiviainen-Salo et al., 2008). L’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) montre des anomalies d’activation frontale lors de la réalisation de tâches activant ces structures dans une population contrôle (Perobelli et al., 2015).
Les premières observations réalisées par Shwachman, Diamond, Oski et Khaw (1964) font état d’un développement psychomoteur normal ou de rares retards de développement (Bodian, Sheldon et Lightwood, 1964; Shmerling et al., 1969). Avec le développement des neurosciences et en particulier de la neuropsychologie, ce n’est qu’à partir des années 1980 que le profil neuropsychologique des patients a été plus finement étudié, révélant des troubles cognitifs, comportementaux et psychosociaux. Les études portant sur ces aspects restent pourtant rares (n = 6; Aggett et al., 1980; Cipolli et al., 1999 ; Kent, Murphy et Milla, 1990; Kerr, Ellis, Dupuis, Rommens et Durie, 2010 ; Perobelli et al., 2015; Perobelli, Nicolis, Assael et Cipolli, 2012). Les données de la littérature ne permettent pas une méta-analyse du fait de l’hétérogénéité des populations en particulier en termes d’âge, et des méthodes utilisées. Cinq études font état d’une évaluation de l’efficience intellectuelle par une des échelles de Wechsler, la Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence (WPPSI; Kent et al., 1990), le Wechsler Intelligence Scale for Children-Revised (WISC-R; Cipolli et al., 1999; Kent et al., 1990) et le Wechsler Intelligence Scale for Children - III (WISC-III; Kerr et al., 2010; Perobelli et al., 2015), ou d’une évaluation du développement psychomoteur (Cipolli et al., 1999) par la batterie du Brunet-Lezine (Brunet et Lezine, 1955) pour les enfants d’âge préscolaire (la méthode et les résultats de ces études sont présentés dans le Tableau 1). L’étude de Aggett et al. (1980) apporte des données concernant l’efficience intellectuelle des enfants présentant un SDS mais ne mentionne pas l’échelle de Wechsler utilisée. À ce jour, aucune étude n’a utilisé la version la plus récente de la batterie du Wechsler Intelligence Scale for Children - IV (WISC-IV) de Wechsler (2003). Trois études ont comparé statistiquement le niveau d’efficience intellectuelle des patients SDS aux normes des tests utilisés ou à un groupe contrôle (Kent et al.,1990; Kerr et al., 2010; Perobelli et al., 2015). Un affaiblissement intellectuel des enfants SDS (Quotient Intellectuel Total [QIT] inférieur à la norme) est documenté, notamment par une proportion d’enfants SDS présentant une déficience intellectuelle (QIT ≤ 70) concernant 14 % à 33 % de cette population, alors qu’elle est de 2,2 % dans la population tout venant. Le niveau d’efficience intellectuelle est cependant très hétérogène d’un patient à un autre, depuis une déficience jusqu’à un niveau intellectuel supérieur. Deux études retrouvent une diminution des indices d’efficience verbale (QIV) et d’efficience non verbale (QIP), mais aucune ne questionne la présence de dissociation significative entre ces deux échelles (Kerr et al., 2010; Perobelli et al., 2015). L’étude récente de Perobelli et al. (2015) est la seule qui analyse les résultats obtenus aux différents subtests du WISC-III (Wechsler, 1991). Outre un niveau intellectuel significativement plus faible que dans la population générale (QIT, QIP, QIV), le profil observé aux différents subtests de cette échelle est hétérogène (voir Tableau 1). Les dissociations observées suggèrent la préservation de certains aspects cognitifs (traitement perceptif et vitesse de traitement). En parallèle, l’atteinte constatée aux indices et subtests impliquant des aptitudes de raisonnement, de conceptualisation, et d’organisation amène à questionner l’hypothèse d’un trouble des fonctions exécutives. Ces fonctions cognitives, qualifiées de haut niveau, sont en effet à l’origine de la régulation du comportement, son adaptation et son orientation en fonction d’un but précis (Luria, 1966; Seron, Van der Linden et Andrès, 1999). Les deux études qui se sont intéressées à ces aspects mettent en évidence une atteinte des fonctions exécutives à l’aide du questionnaire parental Behavioral Rating Inventory of Executive Function (BRIEF; Roy, Fournet, Roulin et Le Gall, 2013), des tests Wisconsin Card Sorting Test (WCST) et Test of Every Day Attention For Children (TEA-Ch; Kerr et al., 2010) ainsi que du Stroop (Perobelli et al., 2015). En outre, Perobelli et al. (2015) mettent en évidence des corrélations entre les difficultés exécutives retrouvées chez ces patients en IRMf et des anomalies d’activations cérébrales des régions préfrontales.
Bien que controversée dans la littérature (Burgess, Braver et Gray, 2006), la question des liens étroits supposés entre fonctions exécutives et intelligence, notamment l’intelligence fluide (Blair, 2006 ; Diamond, 2013) n’a jamais été étudiée dans cette population. Des troubles comportementaux, et notamment de l’adaptation comportementale et sociale sont par ailleurs unanimement retrouvés par les trois travaux ayant étudié ces aspects à l’aide du questionnaire parental CBCL (Kerr et al., 2010; Perobelli et al., 2015, 2012). Or, ces troubles peuvent constituer un biais conduisant à une sous-évaluation du niveau intellectuel des patients. Malgré ces éléments, aucune étude n’a questionné la possibilité d’une déficience intellectuelle liée à la présence de troubles cognitifs, comportementaux ou émotionnels plus spécifiques. Or, les implications en termes de prises en charge rééducatives et de compensation sont conditionnées par la compréhension du phénotype comportemental caractérisant ce syndrome.
Dans ce contexte, cette recherche exploratoire prospective a pour objectif d’analyser le niveau intellectuel de sept enfants et adolescents SDS sous l’angle de la neuropsychologie, avec une batterie d’efficience intellectuelle actualisée. L’originalité de ce travail consiste à questionner l’hypothèse d’un affaiblissement intellectuel lié à des troubles cognitifs plus spécifiques, en procédant à une analyse clinique des profils intellectuels présentés par les enfants SDS. En considérant les données de la littérature, nous faisons l’hypothèse :
d’un affaiblissement de l’efficience intellectuelle en regard de la population tout-venant. À l’échelle du groupe, le QIT des enfants SDS sera significativement inférieur à celui des normes du test (moyenne = 100; écart-type = 15);
de profils intellectuels dissociés (au niveau inter-échelle et intra-échelle) en raison de la présence de troubles cognitifs plus spécifiques, non verbaux et exécutifs.
À l’échelle individuelle, les indices et subtests mobilisant les capacités cognitives de haut niveau comme le raisonnement et les fonctions exécutives (Indice de Raisonnement Perceptif [IRP] et l’indice de Mémoire de Travail [IMT]) seront affaiblis en regard des indices et subtests mobilisant des capacités cognitives plus élémentaires (Indice de Vitesse de Traitement [IVT]).
MÉTHODE
Participants
L’étude inclut sept patients SDS, âgés de 9 à 16 ans, évalués au cours de leur suivi habituel à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) Hôpital Trousseau et au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Nancy. Les enfants maîtrisaient la langue française. Pour tous les enfants SDS, le diagnostic a été confirmé par les techniques génétiques en vigueur. Les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon d’enfants SDS sont indiquées dans le Tableau 2.
Matériel et Procédure
Un entretien avec les parents est initialement réalisé afin de recueillir les données sociodémographiques. L’évaluation du niveau intellectuel s’est faite à l’aide de la version la plus récente de la batterie d’efficience intellectuelle du WISC-IV (Wechsler, 2003). Cette version a été conçue pour identifier les processus supposés fondamentaux dans la compréhension du facteur g (facteur général d’intelligence). L’actualisation de cette version s’est conformée à l’évolution des travaux récents sur l’intelligence, en améliorant l’évaluation du raisonnement fluide (Carroll, 1993, 1997) et en intégrant les facteurs de mémoire de travail (Fry et Hale, 1996 ; Perlow, Jattuso et Moore, 1997; Swanson, 1996) et de vitesse de traitement (Carroll, 1993, 1997; Horn et Noll, 1997; Kail et Salthouse, 1994), composants essentiels des processus cognitifs supérieurs. Le WISC-IV comporte un QIT, calculé à partir de dix subtests obligatoires et quatre indices factoriels. L’indice de Compréhension Verbale (ICV) est composé de subtests évaluant les aptitudes verbales en faisant appel au raisonnement, à la compréhension et à la conceptualisation. L’IRP est composé de subtests évaluant le raisonnement perceptif et l’organisation. L’IMT est composé de subtests évaluant l’attention, la concentration et la mémoire de travail. Les capacités de mémoire de travail sont hautement corrélées avec le fonctionnement exécutif (McCabe, Roediger, McDaniel, Balota et Hambrick, 2010). L’IVT est composé de subtests évaluant la vitesse de traitement visuo-motrice.
Analyses réalisées
Compte tenu du faible échantillon de cette étude, les analyses réalisées sont cliniques et descriptives. Les tests statistiques sont adaptés au faible échantillon.
Premièrement, les scores bruts obtenus au WISC-IV sont convertis en scores standards selon l’âge de l’enfant, en utilisant les tables de conversion du manuel d’administration et de cotation du WISC-IV. Des scores standard aux subtests (moyenne = 10 et un écart-type = 3) et aux indices (moyenne = 100 et un écart-type = 15) sont ainsi obtenus.
Deuxièmement, les scores standard d’indices de chaque enfant sont classés dans l’une des sept catégories suivantes : déficitaire (< 69), limite (70-79), moyen faible (80-89), moyen (90-109), moyen fort (110-119), supérieur (120-129), très supérieur (> 130). Une analyse de groupe est réalisée en comparant le pourcentage de patients SDS se situant dans chaque catégorie à celui théoriquement attendu dans la population tout-venant.
Troisièmement, un T-test pour petits échantillons est réalisé pour déterminer si des différences statistiquement significatives (p < 0,05) sont observées entre les scores obtenus par les enfants SDS (indices et subtests) et ceux des normes du test.
Enfin, des analyses cliniques individuelles descriptives sont réalisées pour étudier l’hétérogénéité des performances obtenues au WISC-IV (inter-échelle et inter-subtests).
RÉSULTATS
Scolarité
Des difficultés scolaires sont décrites chez tous les enfants (voir Tableau 2). Cinq enfants ont redoublé. Cinq bénéficient d’adaptations scolaires (Auxiliaire de Vie Scolaire [AVS], aménagements pédagogiques). Deux bénéficient d’un enseignement spécialisé (Unité Localisée pour l’Insertion Scolaire [ULIS]).
Niveau d’efficience intellectuelle
Le niveau d’efficience intellectuelle (voir Tableau 3, Tableau 4 et Figure 1) s’échelonne de la zone déficitaire (QIT min = 51) à la zone moyenne faible (QIT max = 89). Tous les enfants SDS ont un QIT < 90. Cette proportion (100m %) est largement supérieure à la proportion de 25 % d'individus avec QIT < 90 attendue théoriquement par les normes (voir Figure 2). Le niveau d’efficience intellectuelle des patients SDS est statistiquement inférieur (QIT moyen = 71,6; écart-type = 10,8) aux normes du test (QIT moyen = 100; écart-type = 15).
Deux enfants ont un QIT < 70. Un de ces enfants présente un profil cognitif correspondant aux critères psychométriques de déficience intellectuelle (QIT = 51, sans dispersion significative au sein des différents aspects intellectuels évalués). Le 2ème enfant présente par contre un profil dissocié sur le plan inter-échelle, remettant en question l’hypothèse d’un déficit intellectuel global (QIT = 67, mais profil hétérogène caractérisé par un indice ICV dans la moyenne; contrastant avec des indices IRP, IMT et IVT limites ou déficitaires).
Profils intellectuels
À l’échelle du groupe, malgré un affaiblissement significatif des quatre indices du WISC-IV en regard des normes (voir Tableau 3), qualitativement, les indices et subtests composant ICV (à l’exception du subtest compréhension) et IVT sont mieux réussis par les enfants SDS que les indices et subtests composant IRP et IMT (voir Tableau 3, Tableau 4, Figure 1 et Figure 2).
À l’échelle individuelle, sur les six enfants ne présentant pas une déficience intellectuelle, un enfant obtient un profil cognitif globalement limite (QIT = 71). Les cinq autres enfants obtiennent tous un profil cognitif dissocié sur le plan inter-échelle au WISC-IV, en défaveur de l’IRP et/ou de l’IMT (voir Figure 1). Ces dissociations inter-échelles sont par ailleurs peu fréquentes au sein de la population tout-venant compte tenu du QIT de chaque enfant. Sur les six enfants ne présentant pas une DI, aucun n’obtient d’ICV déficitaire ; un seul obtient un IVT déficitaire (17 %); deux obtiennent un IRP déficitaire (33 %); et trois ont un IMT déficitaire (50 %).
DISCUSSION ET PROSPECTIVES
Confirmant les données de la littérature, les enfants SDS de notre échantillon présentent un niveau d’efficience intellectuelle affaibli. En revanche, les sept enfants SDS obtiennent un QIT inférieur à la zone moyenne des normes, alors que la dispersion des QIT dans les études s’étend jusqu’au niveau moyen (Cipolli et al., 1999; Kent et al., 1990; Perobelli et al., 2015), voir supérieur (Kerr et al., 2010). Malgré un recrutement non sélectif des patients de notre échantillon, il est possible que l’effectif très restreint constitue un biais dans l’explication de ces résultats.
L’originalité de ce travail a consisté en l’analyse des profils cognitifs des sept enfants SDS rencontrés, à l’aide d’une version actualisée de l’échelle de Wechsler (Wechsler, 2003), permettant de formuler des hypothèses quant à cet affaiblissement. Cinq enfants sur les six ne présentant pas ne DI présentent des profils dissociés sur le plan inter-échelle (en défaveur de l’IRP et de l’IMT); dissociations peu fréquentes dans la population tout-venant. L’indice ICV est quant à lui unanimement préservé, suggérant le développement d’une intelligence cristallisée telle que définie dans les modèles structurels contemporains de l’intelligence (Carroll, 1993, 2012). Étant donné les anomalies cérébrales fonctionnelles des réseaux préfrontaux dans cette population (Perobelli et al., 2015) et les liens privilégiés existants entre le développement des fonctions exécutives et ces circuits, l’hypothèse d’une atteinte des capacités de raisonnement et du fonctionnement exécutif affaiblissant le niveau intellectuel des patients SDS ne présentant pas un DI est ainsi soulevée. D’autant plus que toutes les études réalisées dans la littérature portent sur des versions antérieures au WISC-IV. Or, cette dernière version accorde un poids plus important aux capacités de raisonnement fluide (via l’indice IRP), dont les liens étroits avec les fonctions exécutives sont supposés par certains auteurs (Blair, 2006; Diamond, 2013). La pertinence de clarifier les profils intellectuels au WISC-IV en distinguant déficience intellectuelle et affaiblissement intellectuel lié à des troubles spécifiques a déjà été démontré chez les enfants présentant des niveaux intellectuels « limites » (70 < QIT < 85) liés à un trouble spécifique des apprentissages (Cornoldi, Giofrè, Orsini et Pezzuti, 2014). L’hypothèse d’une atteinte exécutive affaiblissant le niveau intellectuel des enfants porteurs d’un SDS demande ainsi à être étayée par des analyses de profils supplémentaires. En premier lieu, dépasser la seule prise en compte du QIT au profit de l’analyse des dissociations inter-échelles et intra-échelle au WISC-IV est indispensable. Par ailleurs, il peut être pertinent d’étudier le niveau général intellectuel (facteur g) en tenant compte d’un score composite alternatif, tel qu’opérationnalisé par Prifitera et Weiss (1998), représentant un Indice d’Aptitude Général (IAG ; combinant ICV et IRP). L’hypothèse soulevée reste par ailleurs à confirmer par l’étude exhaustive des divers processus exécutifs et leurs liens avec le niveau d’efficience intellectuelle des patients. En ce sens, en parallèle de la passation de tests exécutifs type TEA-Ch (Manly, Anderson et Nimmo-Smith, 1994), la passation du Behavior Rating Inventory of Executive Function (BRIEF; Gioia Isquith, Guy et Kenworthy, 2000; validation française Roy, Fournet, Roulin et Le Gall, 2013) permettrait d’évaluer les aspects exécutifs dans la vie quotidienne.
Cette hypothèse ouvre des pistes intéressantes concernant la compréhension du phénotype comportemental des patients SDS. Les fonctions exécutives sont en effet des aptitudes de contrôle, qui ont pour vocation la régulation du comportement, des émotions et de l’attention, et permettent à l’individu de s’adapter aux situations nouvelles et complexes (Diamond, 2013). Ces fonctions permettent à l’individu d’apprendre à ajuster constamment son comportement en fonction des contingences de l’environnement dans lequel il évolue, que ce soit dans sa vie quotidienne et sociale, mais aussi dans sa vie scolaire puis professionnelle. Le développement des fonctions exécutives est également supposé se situer aux interfaces du développement sociocognitif (Le Gall, Besnard, Havet, Pinon et Allain, 2009; Moreau et Champagne-Lavau, 2014; Roy, Le Gall, Roulin et Fournet, 2012); interférant notamment avec les capacités de cognition sociale, et en particulier la théorie de l’esprit, aptitude permettant de s'adapter socialement. Dans notre échantillon d’étude, les subtests verbaux ne diffèrent pas statistiquement des normes, à l’exception du subtest compréhension, évaluant notamment les connaissances des conventions comportementales et des normes sociales. L’étude spécifique de la cognition sociale et de l’adaptation comportementale, apparait ainsi également nécessaire, d’autant plus au vu des troubles comportementaux décrits dans la littérature (Kerr et al., 2010; Perobelli et al., 2015, 2012). La passation de l’échelle Vineland II (Sparrow, Cicchetti et Balla, 2005) permettrait d’évaluer les comportements adaptatifs. En parallèle, considérant que la gestion du dialogue constitue un domaine d’exercice naturel intégratif et privilégié des fonctions cognitives supérieures (Levinson, 2006; Trognon, 1992), il serait intéressant d’évaluer les capacités pragmatiques de ces enfants via un dispositif dialogique spécifique (Trognon et Collet, 1993). La littérature consacrée aux troubles du spectre autistique souhaite (voire revendique) ces dernières années le recours à ce genre de dispositif dialogique (Asp et De Villiers, 2010; Goodwin, 2003; Kissine, Cline et De Villiers, 2016; Sterponi, De Kirby et Shankey, 2015). En ce qui nous concerne, nous en expérimentons actuellement un (Batt et al., sous-presse) élaboré dans le cadre de la logique interlocutoire (Trognon, 2002; Trognon et Batt, 2010) à partir des travaux que nous conduisons depuis de nombreuses années dans la pragmatique dialogique des psycho-pathologies de l’interaction communicative (Trognon, 1992, 1997; Blanchet, Bromberg et Trognon, 2009).
L’hypothèse d’un affaiblissement intellectuel lié à une atteinte exécutive et des capacités de cognition sociale est à présent soulevée. Des études complémentaires, portant sur un effectif plus important de patients est indispensable. Par ailleurs, la comparaison des profils intellectuels, cognitifs, émotionnels et comportementaux des patients à ceux d’un groupe contrôle pourrait apporter des éléments d’interprétation quant à la question de la spécificité du phénotype neuropsychologique observé dans ce syndrome. Ce groupe contrôle devrait être constitué de patients présentant des similarités avec le SDS en regard de la chronicité de la pathologie et des atteintes somatiques, et un niveau intellectuel équivalent (idéalement des patients atteints de mucoviscidose appariés aux patients SDS selon leur QIT, mais également leur âge, sexe et niveau socio-culturel). Etant donné le possible impact des troubles comportementaux et de l’adaptation sociale sur les performances cognitives, la stabilité des résultats obtenus au WISC-IV demanderait à être vérifiée par un re-test à distance. La dimension développementale est également à considérer en réalisant des études transversales comparant le profil intellectuel des patients en fonction de leur âge, et idéalement par des études longitudinales. Ce cadre d’analyse est susceptible d’offrir de nouvelles pistes de compréhension aux difficultés scolaires, massives dans notre échantillon d’étude. En particulier, 71 % des enfants de notre étude ont redoublé, ce pourcentage dépassant largement celui des écoliers français (Organisation de Coopération et de Développement Économiques [OCDE], 2012). L’étude des liens entre le phénotype comportemental des patients SDS et les difficultés scolaires qu’ils rencontrent constitue ainsi un enjeu supplémentaire.
CONCLUSION
La revue de littérature et l’étude préliminaire réalisée sur l’étude du profil intellectuel de sept enfants SDS ont permis d’avancer des hypothèses quant au phénotype comportemental de ce syndrome et de formuler des prospectives de recherche. Les enfants SDS présentent un affaiblissement intellectuel. Le pourcentage de déficience intellectuelle dans cette population dépasse celle attendue dans la population tout-venant, ce que notre étude ne peut pas confirmer compte-tenu du faible effectif de notre échantillon d’étude. La présence de profils cognitifs dissociés chez les enfants SDS non déficients de notre échantillon soulève par contre l’hypothèse d’un affaiblissement intellectuel lié à une atteinte des capacités cognitives supérieures, notamment des fonctions exécutives. Cette hypothèse demande cependant à être étayée, en particulier auprès d’un échantillon plus grand, dans une perspective intégrative et développementale. Dans ce contexte, un des enjeux des recherches ultérieures sera d’étudier le profil neuropsychologique des patients SDS, et en particulier interroger de manière exhaustive et conjointe la question d’une perturbation des différents aspects cognitifs, émotionnels, comportementaux et sociaux. L’enjeu est essentiel au niveau clinique pour améliorer le dépistage, la compréhension, et la prise en charge des troubles cognitifs et des difficultés d’apprentissage dans cette population. D’autant plus que les progrès médicaux ont permis d’améliorer l’espérance de vie de ces patients et que les troubles psychosociologiques sont susceptibles de devenir d’autant plus prégnant face aux contraintes croissantes d’ajustement social, émotionnel, et académique à l’adolescence et à l’âge adulte.
Parties annexes
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