Comptes rendus

Delphine Lacombe, Violences contre les femmes. De la révolution aux pactes pour le pouvoir. Nicaragua 1979-2008, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 306 p.

  • Garance Robert

…plus d’informations

  • Garance Robert
    Université de Montréal

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Corps des femmes, violences intimes ou sexuelles, Volume 37, numéro 2, 2024, p. 1-278, Recherches féministes

L’ouvrage de Delphine Lacombe, Violences contre les femmes. De la révolution aux pactes pour le pouvoir. Nicaragua 1979-2008, issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2015, propose de retracer et d’analyser la socio-histoire de la construction des violences faites aux femmes en tant qu’enjeu public au Nicaragua. Ce travail repose sur une connaissance extrêmement fine du pays et de ces questions, fruit d’une enquête de terrain minutieuse menée sur plus d’une décennie. C’est un apport d’autant plus précieux que le Nicaragua reste, comparativement à d’autres pays de la région, largement sous-étudié dans le domaine des sciences sociales. Bien que les analyses de l’autrice soient fermement ancrées dans ce contexte national, l’expérience féministe et les dynamiques de genre dans ce pays éclairent la compréhension d’enjeux globaux tels que l’ambivalence du droit dans les luttes sociales, notamment pour l’émancipation des femmes (et en particulier dans le contexte latino-américain) ou encore les phénomènes de circulation et d’appropriation des normes internationales et du militantisme. Le livre offre donc une réflexion approfondie sur la société nicaraguayenne, en explorant, à travers la question du genre, celle de la recomposition des sociabilités à la fin de la période révolutionnaire et la persistance, encore aujourd’hui, des violences ordinaires et politiques. Au-delà, en explorant les tensions inhérentes à la légitimation et à la bureaucratisation internationales des politiques de genre – notamment celles visant à combattre les violences sexistes – Delphine Lacombe montre que ces politiques, souvent présentées comme des objets consensuels, s’accompagnent en réalité d’une dissociation instrumentale. D’une part, elles servent de fédérateurs symboliques et, d’autre part, elles dissimulent des controverses plus profondes, liées à des dynamiques de pouvoir et à l’impunité masculine. Afin de retracer cette socio-histoire, l’ouvrage suit une structure chronothématique : chronologique, puisque chacune des trois parties correspond à une séquence historique dont le découpage est justifié par l’autrice; thématique, chaque chapitre étant lié à un ou plusieurs enjeux spécifiques dont les temporalités se recoupent parfois. La première partie de l’ouvrage s’attache à examiner la manière dont les dynamiques de genre ont été reconfigurées au cours de la décennie sandiniste. Le premier chapitre s’attarde sur le rejet de la morale sexuelle somoziste, jugée corrompue, et sur ce que l’autrice qualifie de « renationalisation du corps des femmes », par le Front sandiniste de libération nationale (FSLN). En associant le viol des combattantes à une atteinte contre la patrie, le FSLN transforme le corps des femmes en un territoire symbolique à défendre, tout en exerçant un contrôle rigoureux sur les organisations féminines. Si le Front affichait une préoccupation pour l’émancipation féminine, Delphine Lacombe démontre que celle-ci reposait en réalité principalement sur un maternalisme imprégné de représentations traditionnelles et d’un substrat marxiste. Le deuxième chapitre explore l’expérience du Cabinet juridique de la femme (CJF), initiative pionnière fondée par des féministes engagées dans le projet révolutionnaire. Ce cabinet, articulant assistance psychosociale et recours au droit, poursuivait un double objectif : apporter un soutien concret aux victimes de violences et envisager une réforme juridique, bien que cette dernière n’ait pu être réalisée durant la période révolutionnaire. Toutefois, cette expérience a été entravée par des obstacles majeurs : la protection des figures masculines influentes du Front accusées de violences et la subordination des préoccupations relatives à l’émancipation des femmes aux impératifs de la révolution. Lacombe en tire une première analyse saisissante de l’ambivalence du droit, perçu simultanément comme un levier d’émancipation et un outil d’arbitraire, dans le contexte d’un système judiciaire fragile à l’extrême et balbutiant. Elle révèle ainsi les tensions fondamentales d’une révolution oscillant entre transformation sociale et reproduction des structures patriarcales. Enfin, le troisième chapitre s’intéresse aux …

Parties annexes