Présentation

Présentation : Corps des femmes, violences intimes ou sexuelles[Notice]

  • Myriam Dubé et
  • Heba Allah Habib

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La violence envers les femmes figure, encore aujourd’hui, comme un problème d’envergure, à la fois sociétal et de santé publique, qui touche, de façon universelle, l’ensemble des citoyens et citoyennes, portant atteinte non seulement aux droits des personnes, individuels et collectifs, mais aussi, de façon singulière, à l’intégrité physique, psychique, sociale, spirituelle et cognitive, pour ne nommer que celles-ci, des femmes qui la vivent quotidiennement. Cette violence laisse de nombreuses séquelles dans leur humanité, et leur corps en est le médiateur sensoriel, émotif et affectif qui leur permet d’entrer en lien avec l’environnement et en relation avec les individus qui le dynamisent. Elle s’enracine malheureusement encore aujourd’hui dans des structures patriarcales et d’autres systèmes d’oppression (racisme, classisme, lesbophobie, homophobie, transphobie, capacitisme, âgisme) qui s’entrecroisent, perpétuant les inégalités de genre et normalisant la domination hétéronormative. Dans ce numéro de Recherches féministes, quatre textes portent sur des violences commises à l’endroit des femmes. L’un d’entre eux concerne la violence commise par un partenaire masculin dans une relation d’intimité, un autre traite des violences lesbophobes dans la sphère publique, et les deux derniers touchent des violences structurelles : l’un à l’endroit d’étudiantes universitaires à travers le prisme des injustices épistémiques jalonnant leurs parcours expérientiels de violence sexuelle, et l’autre relatif à la portée légale, nommément réductrice, de la notion de consentement libre et éclairée dans une relation sexuelle. L’article intitulé « Les violences par un partenaire intime, le corps des femmes et l’espace-temps : une exploration qualitative en contexte québécois », proposé par Sylvie Lévesque, Geneviève Lessard et Alexandra Toupin, repose sur une analyse secondaire de données provenant de trois recherches menées au Québec. À partir d’une analyse qualitative de 52 entrevues effectuées avec des mères et des jeunes femmes, les résultats montrent que les violences exercées par le partenaire intime (VPI) transforment l’expérience corporelle en perturbant l’intégrité corporelle des femmes, en exploitant leur vulnérabilité et en restreignant leur mobilité spatiale et temporelle. L’étude montre comment les VPI objectifient le corps des femmes et exercent un contrôle sur leur apparence et leurs besoins fondamentaux. Butler (2006) et Foucault (1975) traduisent bien cette idée de contrôle du corps, l’inscrivant plus largement à l’intérieur de systèmes sociaux dont les normes et les dynamiques de pouvoir façonnent et contrôlent les corps, ceux-ci étant situés dans des contextes sociaux et politiques particuliers qui influencent leur expérience. Plus précisément, Foucault (1975), avec son essai sur les institutions totalitaires, tels l’hôpital psychiatrique et la prison, explique la manière dont le (bio)pouvoir et la discipline affectent non seulement le corps, mais aussi l’esprit, régulant les expériences et les perceptions corporelles à l’aide de techniques de discipline et de contrôle qui laissent des marques durables sur les corps et les esprits des individus. D’ailleurs, leurs résultats de recherche montrent aussi que les souvenirs traumatiques causés par les VPI perturbent le bien-être des victimes, entraînant une interprétation des sensations corporelles jugées dangereuses. Ainsi, le trauma induit par la violence entraîne des états émotionnels paralysants, souvent marqués par un état permanent de terreur. Ils se manifestent physiquement par des sensations de paralysie ou de douleur. Nous prenons donc dans ce texte la mesure de la détresse des victimes par un des moyens qu’elles utilisent afin de subsumer le trauma provoqué par ces violences, soit les comportements autodestructeurs, comme l’automutilation et la consommation de substances, qui peuvent représenter des tentatives de reconnexion avec leur corps et de contrôle sur celui-ci. Foucault (1975) souligne la manière dont les individus internalisent les mécanismes de contrôle et y réagissent de diverses façons. Tisseron (2024), quant à lui, conçoit ces réactions comme des stratégies de …

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