Comptes rendus

Itziar Ziga, Devenir chienne, Paris, Éditions Cambourakis, 2020, 166 p.

  • Justine Perron

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  • Justine Perron
    Université d’Ottawa

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Dans le livre Devenir chienne (traduction de Devenir Perra, publié en 2009), Itziar Ziga nous présente une réinvention féministe et queer de la féminité. Elle parle d’une féminité « chienne » défiant les conceptions normatives du genre et détenant un potentiel politique méconnu. La figure de la chienne représente ici une féminité assumée, parodiée, bruyante, dangereuse, effrontée et queer en phase avec certaines stratégies subversives de réappropriation, de resignification, de dénaturalisation et de déconstruction des binarités. Ziga ne conçoit pas la féminité chienne comme un simple exercice d’émancipation individuel : être chienne concerne aussi le sentiment d’appartenance à une communauté d’entraide, à une meute. Pour Ziga, cette reconfiguration révolutionnaire de la féminité s’inscrit à l’intérieur des luttes de contestation et de survie portées par les groupes militants. La féminité ne doit plus être associée à la soumission ou à la complaisance comme le voudrait l’ordre patriarcal : elle doit plutôt être un affront déstabilisateur, une tactique de guérilla qui peut frapper à tout moment et sur plusieurs fronts. Bref, une chienne ne doit jamais être sous-estimée au sein de la résistance. Dans le chapitre d’introduction, « Ça me plait d’être une salope », Ziga expose ses objectifs généraux. Devenir chienne se veut un ouvrage fondamentalement émancipatoire, appelant au renversement du système (p. 29) : « Ma méthodologie est la passion, l’euphorie et la rage. Ce livre est un exercice de visibilisation ludique et politique, point ». Le projet de Ziga est aussi une « enquête […] sur la possibilité d’une féminité extrême et antipatriarcale » (p. 26). L’autrice insiste d’ailleurs sur l’importance de combiner militantisme et écriture (intellectuelle, journalistique). Cette réunion se réalise à travers les divers témoignages de chiennes (militant.es et ami.es de l’autrice) ponctuant la lecture, et dont l’utilité concerne autant l’exposition de points de vue situés dans des conditions matérielles multiples que la création d’un lexique de chiennes et d’objectifs politiques partagés (allant de la dénonciation de la violence machiste à la défense des droits trans, et de l’abolition du capitalisme au droit de contrôle des femmes et des minorités de genre sur leur corps). L’autrice positionne son argumentaire au sein d’un féminisme radical, queer et intersectionnel, et dénonce fortement toutes les fractions libérales du mouvement (p. 37) : « Je ne revendique pas la féminité des gentilles filles, mais bien celle des chiennes méchantes ». Le chapitre suivant, « Celle que je ne suis pas », situe la féminité chienne face au patriarcat et aux féminismes. La féminité extravagante représente un enjeu pour ces deux visions du monde en opposition, qui y trouvent chacune avantage à la réprimer ou la contenir. Alors que le patriarcat vise la production de féminités innocentes et inoffensives, le féminisme rejette quant à lui les féminités « sexualisées », supposément modelées à partir des fantasmes masculins. Pour Ziga, le féminisme nous apprend donc à renier ce type de féminité « imposée », et ce, jusqu’à mener au dégoût des paillettes, de l’épilation ou de l’attention. Ces deux conceptions péjoratives de la féminité chienne retirent toute forme d’agentivité aux personnes qui l’adoptent (pourtant avec plaisir), en plus de les invisibiliser dans l’ordre social. Ziga envisage donc la féminité chienne à partir de l’autonomie, du choix et de la provocation : embrasser cette esthétique extravagante serait une manière de troquer un idéal féminin forcé et complaisant pour une féminité choisie et puissante. Ziga reconnaît tout de même qu’adopter une féminité radicale – même si elle est voulue et stratégique – n’épargne pas des violences patriarcales. Dans le chapitre « Perles ensanglantées, fleurs piétinées », l’autrice aborde la relation entre les violences …