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De la psychologisation de l’oppression à l’analyse du pan idéel des rapports de domination

  • Stéphanie Pache et
  • Marie Mathieu

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Couverture de Psychologisation de l’oppression, Volume 36, numéro 2, 2023, p. 1-274, Recherches féministes

Les processus de psychologisation font l’objet de nombreuses analyses en sciences sociales. Il est même possible d’affirmer qu’il s’agit de la critique sociologique la plus paradigmatique étant donné que la sociologie comme discipline s’est historiquement construite contre une lecture psychologique des comportements et des sociétés, du moins dans la francophonie (Berthelot 2005). Cependant, l’opposition entre le psychologique et le social qui sous-tend la critique de la psychologisation est la cible d’un questionnement et d’une analyse féministes qui remettent en question cette dichotomie. Symbolisée par le fameux slogan de ce que l’on désigne fréquemment comme la deuxième vague du mouvement, « le personnel est politique », cette perspective féministe place ainsi les chercheuses·eurs et les militant·es féministes dans une situation ambivalente face à la psychologie, qui peut outiller des dispositifs de maintien de l’oppression des femmes mais également fournir des arguments et des techniques utiles à la transformation de soi et des rapports sociaux. Cette ambiguïté n’est pas sans complexifier l’appréhension et l’autopsie des processus de psychologisation et de leurs enjeux politiques. Dans la littérature féministe est généralement reconnu le rôle que joue l’expérience subjective et individuelle du patriarcat et d’autres formes d’oppression. C’est notamment dans la discussion de la distinction entre le matériel et l’idéologique/idéel que cette reconnaissance apparaît. Tandis que Colette Guillaumin (1992 : 11) souligne dans ses travaux « la face mentale des rapports de pouvoir », Anne-Marie Daune-Richard et Anne-Marie Devreux (1992 : 11-12) mobilisent Maurice Godelier pour penser « la part idéelle du réel » et louent sa proposition comme « un réel effort de conceptualisation de l’intrication du matériel et du mental dans une théorie des rapports sociaux ». Un débat vif porte cependant sur la place et la fonction de cette dimension « mentale » des rapports sociaux comme effet et/ou cause de la domination (par exemple, Nicole-Claude Mathieu (1985)). Historiquement, c’est la référence marxiste qui prévaut dans le mouvement féministe francophone des années 70, majoritairement matérialiste. Les approches plus favorables à l’usage des théories du psychisme sont, quant à elles, minoritaires, alors dominées par la psychanalyse, tout particulièrement en France. Dans ce contexte national, elles sont principalement portées par le groupe Psychanalyse et politique, dit « Psychépo ». Influencée notamment par la révolution culturelle en Chine, l’une de ses fondatrices, Antoinette Fouque, pense alors la refonte de la théorie freudienne comme un moyen de lutter contre la « phallocratie » (Fougeyrollas-Schwebel 2005). Si ce collectif illustre l’existence historique d’une approche française conjuguant psychique et politique, il a néanmoins peu d’influence sur la production féministe francophone de son époque. L’approche de certaines psychanalystes françaises reçoit un accueil enthousiaste de la part de certaines chercheuses en études littéraires aux États-Unis, qui accordent alors à ce French Feminism « psychanalysant », et notamment aux travaux de Luce Irigaray, une importance démesurée par rapport à celle qu’elle a eue concrètement de l’autre côté de l’Atlantique (Moses 1996). Les tensions sur la compréhension des expériences subjectives de la domination et l’apport des approches psychologiques dans les recherches féministes reflètent alors, et encore aujourd’hui, des positions politiques divergentes en termes épistémologiques quant à l’analyse de la domination et des modes d’émancipation de la classe sociale des femmes. La critique interne de la psychologisation – soit entre féministes – relève néanmoins trop souvent d’une confusion entre la reconnaissance du rôle des expériences individuelles (matérielles et subjectives) dans la construction spécifique d’une vision du monde (critique ou non) et la réduction de l’analyse des comportements et des dynamiques sociales à des phénomènes intrapsychiques. Ces tensions autour du rôle de l’expérience individuelle dans la politisation des individus traversent les pratiques militantes féministes, …

Parties annexes